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Économie Publié le vendredi 30 avril 2010 | LeMonde.fr

Un chocolat électoral

© LeMonde.fr Par DR
Matières premières - Le bon cacao de Côte d`Ivoire
Et voilà le chocolat qui s'emballe ! La tonne de cacao livrable en juillet a poussé, mardi 27 avril, jusqu'à 3 227 dollars à New York pour se tasser un peu à 3 198 dollars, jeudi 29, sous l'effet de prises de bénéfice. Avec + 14 % depuis le 9 mars, sa progression a de quoi impressionner.

Pourquoi la fève joue-t-elle ainsi la star des marchés ? "Le schéma est toujours le même, répond Emmanuel Jayet, responsable de la recherche sur les produits agricoles à la Société générale. Tout dépend de la Côte d'Ivoire, qui pèse 40 % de la production mondiale : si les pluies y sont bonnes, la récolte aussi, et les prix baissent ; si elles sont mauvaises, la récolte aussi, et les prix montent."

Sans oublier que les paysans baoulés sont fatigués des prélèvements fiscaux sur leur fève qu'impose le gouvernement. Ils n'entretiennent guère leurs cacaoyères, en attendant de les transformer en plantations d'hévéas, puisque le latex est lui aussi en pleine forme et que le fisc n'a pas encore eu l'idée de l'imposer outrancièrement.

"La dernière récolte ivoirienne a été inférieure de 13 000 tonnes par rapport à la précédente, précise Hervé Lievore, stratégiste chez Axa Investment Managers. Sa concurrente, la récolte ghanéenne, souffre aussi et est annoncée en baisse de 38 000 tonnes. Or les progrès des cacaoyères indonésiennes et malaisiennes ne parviennent pas à compenser ces déficits."

Du côté de la demande, c'est l'inverse : la fin claironnée de la crise économique aux Etats-Unis relance les ventes de douceurs, fauteuses d'obésité, mais tellement succulentes. Quant à la Chine, elle se goinfre de chocolat pas du tout noir depuis cinq ans (+ 20 % par an) et le Salon de Shanghaï, dédié en janvier à la fève dans tous ses états, a encore aiguisé sa gourmandise.

"La configuration est particulièrement favorable aux producteurs, en conclut M. Lievore, car avec des stocks faibles, ils peuvent reporter sans difficulté les hausses de coûts sur le gourmet final. Certes, l'élasticité-prix finira par jouer, car le niveau des cours est très élevé. Certes, les chocolats pas du tout "pur cacao" vont connaître un regain de faveur en raison de leur prix plus raisonnable. Mais comme les nouvelles plantations d'Indonésie et de Malaisie mettront cinq ans à produire, les prix de la fève vont demeurer soutenus et volatils."

D'autant que les investisseurs sont repartis avec délice sur le sentier de la spéculation et que le pataquès électoral ivoirien est de bon augure pour eux. Que le président Laurent Gbagbo et ses challengers, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara, s'étripent pour savoir qui est "pur ivoirien" et qui a donc le droit de voter à l'hypothétique scrutin présidentiel, et le cacahuatl des Aztèques - "la nourriture des dieux" des conquistadores - vaudra de l'or.

Alain Faujas
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