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Faits Divers Publié le mardi 4 mai 2010 | Nord-Sud

Outrages, offenses,... à autrui : Comment l’injure publique peut conduire en prison

Pour offenses et outrages au président de la République, Kouakou Eugène Koffi a été écroué à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan(Maca). Les faits. Le jeudi 1er avril à 22h 48 «Le diplomate», un maquis du quartier Saint Michel dans la commune d’Adjamé s’anime comme d’habitude. C’est là que Kouakou Eugène Koffi s’est mis à déblatérer en rendant Laurent Gbagbo responsable du blocage du processus électoral. Il n’a pas eu la langue de bois. «C’est le président de la République qui est à la base du blocage du processus électoral. C’est sous son régime qu’on enregistre des tueries au cours des manifestations de l’opposition, à la différence des régimes de Henri Konan Bédié et Guéi Robert. Et puis, Gbagbo et Alpha Blondy sont de la même génération mais le chef de l’Etat a pris un coup de vieux à cause du poids des dossiers de l’Etat », laisse entendre le président du comité local du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) au milieu de la foule. Ces propos tombent dans les oreilles d’agents des renseignements généraux. Le sergent Lepko Zouzou Pierre était là au moment où l’ancien étudiant de l’unité de formation et de recherche (Ufr) en sciences économiques (1993-1994) criait sa colère. Pierre est en service à la garde républicaine et détaché au groupe de sécurité du président de la République (Gspr).
C’est donc ce dernier qui a fait interpeller le nommé Kouakou Eugène Koffi par une patrouille de police commandée par le lieutenant Koua Eugène Koffi, en service au commissariat de police du 3ème arrondissement. Selon le sous-officier du Gspr, il était assis juste derrière Kouakou Eugène et il a entendu les propos « outrageants et acerbes» de celui-ci contre le chef de l’Etat. « Il tenait des propos du genre : Gbagbo est de la génération d’Alpha Blondy mais c’est parce qu’il est vilain qu’il a vite vieilli. Gbagbo est petit aujourd’hui devant Blaise Compaoré. Quand il le convoque, il court pour se rendre au Burkina Faso. Gbagbo a échappé lors des derniers événements de février organisés par le Rhdp (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, ndlr). Mais il n’échappera pas au cours des prochaines manifestations. Nous avons déjà identifié les domiciles de ses partisans. Nous allons les abattre un à un lors des prochains mouvements. L’armée française l’a raté à cause du mur de béton fermant la sortie du tunnel de sa résidence mais nous, on ne le ratera pas. Donc je ne pouvais pas ne pas réagir face à de tels propos. J’ai avisé mes chefs hiérarchiques notamment le colonel Ahouman et maître Bahi Patrice avant de faire arrêter le mis en cause», déclare le sergent Lepko Pierre lors de son audition.
Interrogé sur les faits d’outrages au président de la République, Kouakou Eugène dit qu’il ne pouvait pas rester inactif face à la situation. « Je voudrais ajouter qu’en tant que leader politique de l’opposition, je sais que je ne pouvais pas caresser le président Gbagbo dans le sens du poil. Mais je suis conscient que je ne dois pas déborder au point de lui vouloir du mal. Sinon, je reconnais avoir tenu des propos acerbes contre lui », ajoute Kouakou Eugène arguant que ses déclarations ne lui paraissaient pas de nature à inquiéter outre mesure. Pour lui, ce n’était que des causeries de maquis entre amis.

Dans le bus, au marché, au maquis

Mais le tribunal des flagrants délits du Plateau ne voit pas les choses aussi simples comme le mis en cause les présente. Il est poursuivi pour offenses et outrages au président de la République et menaces de mort. A la barre le 14 avril, Kouakou Eugène Koffi reconnaît avoir tenu des propos acerbes contre Gbagbo. Il est condamné à six mois avec sursis.
Comme ce cas, bon nombre de personnes se retrouvent devant les juridictions pour offenses et injure publique. La victime, N’dri Mathurin affirme que le 22 mars à la gare de Grand-Bassam (Treichville) Zéguédoua Martin et ses trois co-accusés lui ont tenu des propos durs du genre : «vas te faire e… ou encore pauvre c… ». Selon le plaignant, c’est une banale histoire de pièce de monnaie que devait lui remettre l’un des amis de Martin. « Je suis descendu du taxi woro-woro. Je lui ai remis une pièce de 500 Fcfa. En retour, il devait me donner 300Fcfa au lieu de 250 Fcfa. Selon lui, il n’avait pas de pièce de 50Fcfa. J’ai réclamé mon argent mais il s’est opposé. Pis, il s’est mis à m’insulter aidé par ses amis dont Martin. C’est lui qui a pris les devants en m’adressant des insanités», explique Mathurin, estimant qu’il ne pouvait pas rester les bras croisés. C’est ainsi qu’il a porté plainte au commissariat de police du 2ème arrondissement, à Treichville. L’affaire avait été jugée et les prévenus ont été reconnus coupables. Les faits ont été requalifiés par le tribunal en ceux de violences et voie de faits. Martin et ses co-prévenus ont été condamnés à trois mois avec sursis. Non content du verdict, ils ont donc fait appel en passant le 14 avril devant le juge de la cour d’appel d’Abidjan. Martin et ses complices ont pris cette fois six mois fermes.

L’injure, ça coûte cher !

Mlle Coulibaly Hortense, étudiante en 1ère année de Bts (brevet de technicien supérieur) en télécommunication, affirme qu’elle a eu maille à partir avec son voisin de circonstance dans le bus numéro 75. Elle a emprunté l’autobus à Abobo pour se rendre au cours au Plateau. «J’étais arrêtée à l’intérieur du bus. A l’arrêt devant le camp de gendarmerie d’Agban, un monsieur m’a cédé sa place car il descendait. Au moment où je voulais m’asseoir l’individu s’est précipité sur le siège. Je me suis opposée et il s’est mis à me traiter de sale fille et de bien d’autres noms. Il tenait des propos durs et donc j’ai riposté à ses injures. On s’est chamaillé durant une dizaine de minutes. Je voulais porter plainte contre lui mais j’ai été freinée par l’intervention des uns et d’autres », témoigne-t-elle. A la différence de l’étudiante, Toé Huberson est allé au bout de sa plainte. Il rapporte qu’il a été victime d’agressions verbales de la part de Diallo Amadou, un chauffeur de taxi. « Je rentrais du travail. J’ai emprunté un wôro-wôro au jardin public au Plateau, à destination d’Adjamé. J’ai remis au conducteur un billet de 1.000 Fcfa. Il devait me donner 700 Fcfa en retour. Ce qu’il n’a pas fait. J’ai donc réclamé ma monnaie à ma descente. Et, il s’est mis à m’insulter en me traitant de voleur. Il y avait une patrouille de police qui passait. Je l’ai alertée et le conducteur a été appréhendé et conduit au commissariat du 7ème arrondissement où j’ai porté plainte pour violences et voie de faits », explique l’employé de banque en ajoutant que le mis en cause a passé toute la nuit au violon avant d’être libéré à sa demande. « Je voulais lui donner des conseils. Donc, j’ai retiré ma plainte le lendemain matin », nous confie Huberson. Les cas d’injure ou d’agressions verbales sont légion. Dans le commerce, à la gare routière ou encore dans les maquis, l’on « attaque » son prochain pour un oui ou pour un non.

Un avocat explique tout

Mais quelle est la réalité en ce qui concerne la nature de cette infraction ? Interrogé, Me Soro Souleymane, avocat et membre du barreau ivoirien, explique. « L’injure publique n’est pas une infraction prévue par le code pénal. Il faut plutôt parler d’outrages ou d’offenses. En la matière, les cas d’outrages sont bien définis. On parle d’outrage lorsque c’est une personnalité ou une autorité publique qui est agressée. Il s’agit par exemple du président de la République, du magistrat, de l’ambassadeur, du préfet. Dans ce cas, on parle d’outrages à l’autorité. L’article 174 (voir encadré, ndlr) du code pénal prévoit des peines. Concernant les cas qualifiés d’injures publiques, il faut plutôt parler de violences et voies de fait. Lorsqu’un citoyen ordinaire tient des propos désobligeants envers son prochain, alors le code pénal parle de violences et voies de fait. Dans la mesure où la violence peut être morale, psychologique. L’article 345 (voir encadré, ndlr) du code pénal indique les peines liées à cette infraction. Une personne peut donc porter plainte si elle estime être victime d’agression verbale. Et, le chef d’accusation sera violences et voies de fait et non injure publique. Il faut dire qu’il n’y a pas d’infraction sans texte. Voilà ce que disent les textes », affirme notre interlocuteur. Selon lui, l’on doit suivre la voie classique pour demander réparation du préjudice causé. Il s’agit de porter plainte dans un commissariat de police pour que le procureur et le juge soient saisis de l’affaire.

Une enquête de Ouattara Moussa


Ce que dit la loi

Selon article 174 du code pénal : quiconque par geste, propos, cris ou menace par écrit, image, dessin, imprimé, document, placard ou affiche ou tout autre moyen sonore ou visuel, soit dans un lieu public ou ouvert au public, soit par un moyen permettant le contact visuel ou auditif du public provoque directement soit au vol, soit aux crimes de meurtre, pillage, incendie ou destruction d’édifices, soit à l’une des infractions prévues par le présent chapitre est puni :
Dans le cas où cette provocation est suivie d’effet de la même peine que les auteurs de l’infraction ;
Dans le cas où cette provocation n’est pas suivie d’effet, de « l’emprisonnement » (loi n°95-522 du 6/ 07/ 1995) d’un à cinq ans et d’une amende de 300 mille Fcfa à 3 millions Fcfa.
Article 345 : Quiconque, volontairement, porte des coups ou faits des blessures ou commet toute autre violence ou voies de fait est puni :
De l’emprisonnement de cinq à vingt ans, lorsque les coups portés et les blessures faites, même sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée ;
D’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 50 mille Fcfa à 500 mille Fcfa lorsque les violences ont occasionné une mutilation, amputation ou privation de l’usage d’un membre, la cécité ou la perte d’un œil ou toute autre infirmité permanente ;
D’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 20 mille Fcfa à 200 mille Fcfa lorsqu’il en est résulté une maladie ou une incapacité totale de travail personnel pendant plus de dix jours ;
D’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 10 mille Fcfa à 100 mille Fcfa lorsqu’il n’en est résulté aucune maladie ou incapacité de travail de l’espèce mentionnée à l’alinéa précédent.

Ouattara Moussa
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