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Politique Publié le samedi 8 mai 2010 | Le Patriote

Lettre Ouverte, Mah Sogona Bamba : “Gbagbo, où va l’argent du pétrole”

Vous venez de célébrer en un week-end deux fêtes: la fête du travail et la fête de la Liberté. Si la première est reconnue de tous comme une institution citoyenne, une fête à caractère national, la seconde ressemble fort bien à un plaisir solitaire que s’est offert votre parti, le FPI, pour tester sa popularité ou pour être situé sur son déclin. Mais, de ces deux fêtes, qu’est-ce qui en reste? Des discours et surtout votre discours Monsieur le Président.

Le pétrole noyé

Vous avez été prolixe à la fête du travail: vous avez donné des chiffres pointus calculés au baril près, sur la production de pétrole de plusieurs Etats tels le Nigeria, l’Angola, la Guinée équatoriale, la Libye, l’Algérie, le Venezuela et même le Qatar, mais, en ce qui concerne votre propre pays, vous vous êtes contenté de dire: «Nous produisons un tout petit peu seulement».Vous avez fait là usage de termes indéniablement opaques pour un sujet fort important pour la nation.

Monsieur le Président, dites au peuple de Côte-d’Ivoire, aux Ivoiriens que nous sommes ce « un tout petit peu seulement » fait combien de barils? Combien de francs? Et où va cet argent?

Par ailleurs, vous avez tenu un discours gratuitement humiliant, foncièrement rétrograde et teinté d’un réel mépris concernant la promotion des femmes au sein du gouvernement et aux postes électifs. De votre discours nous retenons ceci:

« …Nous ne pouvons pas, nous, travailler sans établir la justice entre l’homme et la femme en matière des Droits des femmes. Mais à côté de ça, ce qui est vrai, il y a des discours de femmes qui sont proprement dégoûtants: («Oui, on est deux seulement à l’Assemblée Nationale, au gouvernement on n’est pas nombreuses ») mais je vais faire quoi?...Tant qu’on ne vous a pas nommées, vous croyez que le ciel est tombé? Alors, le ciel tombera».

Les femmes ivoiriennes justes des vaches électorales?

Mais, Monsieur le président, comment peut-on être socialiste, se dire démocrate, promettre une Côte-d’Ivoire tournée vers le futur et trouver dégoûtant que les femmes dénoncent dans leurs discours leur notoire exclusion des cercles de décision?

Pourquoi faire croire que ces braves citoyennes qui se battent pour défendre les femmes sont ignares au point de vous demander de les faire élire députées par décret? Non Monsieur le Président ce n’est pas ce qu’elles vous demandent. Du point de vue C.V. (Curriculum Vitae), qu’ont-elles à envier à vos hauts fonctionnaires, au plus brillant membre de votre «prestigieux» gouvernement?

Monsieur le Président, n’avez-vous jamais entendu parler de «discrimination positive»? De «quota» ou de «parité hommes-femmes»?

Regardez un peu ce qui se fait ailleurs par vos pairs Chefs d’Etat pour promouvoir la femme et cela à côté de vous ici en Afrique. Ces femmes de Côte-d’Ivoire ne réclament que justice et égalité dont vous même parlez tant. Alors pourquoi ces paroles si dures?

Lorsqu’on sait qu’en Côte d’Ivoire les femmes représentent plus de la moitié des électeurs, s’en prendre ainsi à elles et à ce stade de la campagne, me semble vraiment mal inspiré, en effet Monsieur le Président.

Comment allez-vous, après un tel discours, convaincre les femmes ivoiriennes intelligentes, réellement soucieuses de leur émancipation et promotion à voter pour le candidat machiste et phallocrate que vous paraissez indubitablement dorénavant?

Parlant de la vie chère, vous avez voulu nous faire comprendre qu’elle résulte d’une tendance qui se veut mondiale et incontrôlable. Nous vous le concédons.

Cependant, ce que nous ne comprenons pas, c’est qu’en plus de cette conjoncture mondiale qui s’impose au peuple de Côte-d’Ivoire, votre pouvoir en rajoute à ses difficultés. Si le riz importé est cher nous pouvons nous contenter de la banane ou du manioc plantés à Bouaflé, mais si des taxes farfelues, des hausses intempestives et abusives du prix du carburant rend par ricochet la banane plus chère que le riz importé, il ya problème Monsieur le Président.

Au lieu de discourir sur la hausse mondiale de coût des matières premières, dites aux Ivoiriens pourquoi le Super coûte plus cher à Abidjan qu’à Niamey, Lomé ou Cotonou? Pourquoi avez-vous réduit le gasoil et pas le Super?

Il ya trou et trou monsieur le président

De la fête de la liberté parlant de votre parti le FPI, il vous a plu de servir aux Ivoiriens ceci: « …Nous sommes les seuls à pouvoir sortir la Côte d’Ivoire du trou».

Monsieur le Président si vous-même reconnaissez que notre pays est dans un trou qu’avez-vous fait pour l’en sortir? Qu’attendez-vous pour le faire depuis 10 ans que vous êtes au pouvoir? Dans ce trou n’avez-vous pas plutôt jeté des déchets toxiques? De ce trou n’avez-vous pas fait un champ de guerre? Une poudrière d’armes de toutes sortes? Un bunker de violences? Un tunnel de pauvreté? Ne comprenez-vous pas que votre régime est en train d’asphyxier les Ivoiriens dans ce trou?

Fologo, Malick Coulibaly, Aboudramane Sangaré des femmes?

Dans ce même discours vous avez tenu ces propos ô combien malheureux:

«Dans ce pays, beaucoup de peuples ont souffert. Il y a eu des morts et les Agni n’ont pas pris les armes. Il y a eu aussi les Bétés. Il y a eu aussi des morts mais ils n’ont pas pris les armes. Les hommes du Nord ont guidé les jeunes gens à prendre des armes, ce n’est pas bon. Un homme du Nord sera forcément un jour président, mais il doit faire la politique et pas prendre les armes».

Ce pan de votre discours nous arrache quelques réflexions.

D’ abord, Monsieur le Président, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer qu’en tout ce qui concerne le Nord vous avez une fâcheuse tendance à généraliser, une constante habitude à ne pas faire de tri. C’est sûrement ainsi que vous avez pris la décision de faire bombarder ce Nord par des mercenaires biélorusses sans même vous soucier de la vie des militants FPI et leurs familles qui y habitent: comme pour dire: «Aucun nordiste ne peut être Ivoirien, innocents ou FPI bombardez-les tous ».

Aujourd’hui encore dans votre discours vous ne vous embarrassez pas d’aucune subtilité. Pourquoi avoir choisi de généraliser en disant «LES» hommes du Nord au lieu «DES» hommes du Nord? Ces hommes du Nord, comme Fologo, Malick Coulibaly, Aboudramane Sangaré, Mamadou Koulibaly qui sont à vos côtés sont-ils des femmes? Sont-ils concernés? Si le choix de «LES» hommes du Nord au lieu «DES» hommes du Nord est un lapsus alors il est plus que révélateur. Face à ce discours qui à dessein singularise de fort mauvaise manière «les» hommes du Nord, j’aimerais tenter ici une réponse du berger à la bergère:

Houphouët Boigny a dirigé ce pays il n’y a pas eu de guerre, Bédié pas de guerre, Guéi pas de guerre, alors, pourquoi avec le Bété que vous êtes il y a eu la guerre, Monsieur le Président?

Monsieur le Président avez-vous réellement ajouté: « …un homme du Nord sera forcément un jour Président.»? N’est-ce cette certitude que vous avez qui rend les hommes du Nord si haïssables à vos yeux, vous qui, plus personne n’en doute, comptez restez au pouvoir à vie et de préférence sans élection?

Les hommes du nord, pourquoi diantre! Réagissez-vous quand on vous brime et tue vos jeunes? Ce n’est pas bon.

Par ailleurs, Monsieur le Président, pour sauver votre régime, il semble par vos propos que votre souhait aurait été que vos obligés, vos hommes en armes: vos miliciens et vos mercenaires tuent les nordistes, qu’on en fasse des charniers et que leurs parents croisent les bras ou ne les ouvrent que pour vous applaudir et soutenir votre politique qui les exclut? C’est ce que vous trouveriez «bon»?

Si vous aimez vraiment les films westerns vous devriez savoir, Monsieur le Président, que la vengeance poursuit toujours le crime.

Aussi, ce qui n’est pas bon c’est de continuer, après toute cette crise de jeter, à chaque occasion, l’opprobre sur cette partie du peuple de Côte d’Ivoire? C’est de harceler, d’apostropher ce peuple du Nord sur son identité ivoirienne et sur sa conduite, comme il vous a encore plu de le faire dans ce récent discours. Monsieur le candidat Gbagbo, Etes-vous réellement bien placé pour conseiller à vos suiveurs d’ouvrir leurs bras et d’être généreux ? Si vous Monsieur le Président, saviez ouvrir vos bras aux dignes fils du Nord et du Centre et à tous ces autres qu’il vous plaît au contraire d’exclure et de blesser dans vos discours et actes, ne croyez-vous pas que vous auriez sorti depuis longtemps ce pays du trou sans fond dans lequel vous l’enfoncez chaque jour un peu plus?

Vous aimez les westerns dites-vous? Faut-il d’abord des morts et beaucoup de morts pour que vous compreniez ce qu’il est bon pour notre pays et pour notre peuple?

Simples questions de femme Monsieur le Président.
Dieu vous garde !
Une chronique de Adja Mah S.B
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