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Politique Publié le vendredi 21 mai 2010 | Notre Voie

Côte d’Ivoire l’heure de vérité

Alors que le contentieux administratif et judiciaire était engagé depuis le 24 novembre 2009 pour l’établissement de la liste électorale définitive, la mouvance présidentielle a dénoncé, en janvier 2010, par un communiqué du porte-parole du chef de l’Etat Laurent Gbagbo, une manipulation frauduleuse conçue par le président de la Commission électorale indépendante (Cei), membre de l’opposition qui contrôle cette structure. Cela a entraîné de fait un report de l’élection présidentielle qui était annoncée pour le mois de mars 2010. Cette manipulation portait sur 429 000 personnes, soit environ 8 % de l’électorat, de la liste litigieuse, dite liste grise, de 1 033 000 enrôlés. Elle n’a fait qu’aviver les soupçons sur la fiabilité de la liste blanche de 5 300 000 qui était toutefois soumise à un croisement populaire par l’affichage des noms des citoyens enrôlés, accompagnés de leurs photos, sur les futurs lieux de vote. Le contentieux, engagé le 24 novembre 2009 après l’affichage des deux listes, a été suspendu le 10 février. Cette volonté manifeste de fraude politique a précipité une crise marquée, le 12 février 2010, par la double dissolution de la Cei et du gouvernement par le président Gbagbo, qui a eu recours à l’article 48 de la Constitution. De violentes manifestations ont été organisées en février, tant dans la capitale économique Abidjan, qu’à l’intérieur du pays, à l’initiative de l’opposition regroupée dans le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) dont les dirigeants affirmaient ne plus reconnaître l’autorité du chef de l’Etat. Dans le nord du pays en particulier, les saccages ou incendies de bâtiments publics, tribunaux, sous-préfectures et préfectures, symboles de l’Etat, ou de biens privés de proches du chef de l’Etat se sont multipliés, sans la moindre réaction des Forces nouvelles, ex-rébellion, chargées de la sécurité. Ce laisser-faire a posé avec acuité la nécessité d’achever la réunification du pays par le rétablissement de l’autorité de l’Etat central sur tout le territoire. L’heure de vérité est là. Débusquer les fraudes pour établir une liste électorale ouvrant la voie à des élections transparentes et crédibles, désarmer et garantir ensemble, brigades mixtes et forces impartiales, la sécurité du processus électoral, réunifier totalement le pays en restaurant dans toutes ses dimensions l’autorité de l’Etat et l’unicité de ses caisses, voilà les trois défis à relever pour atteindre vraiment le bout du sentier de la paix. La nécessaire application des accords de Ouagadougou La Cei reconstituée dans le même format, à savoir contrôlée par l’opposition, mais désormais présidée par Youssouf Bakayoko, ancien ministre des Affaires étrangères et membre du Pdci comme son prédécesseur Robert Mambé Beugré, le gouvernement laborieusement reformé le 4 mars par le Premier ministre Guillaume Soro qui a voulu y intégrer le Rhdp, c’est dans ce contexte que le Conseil de sécurité de l’Onu a examiné le 17 mars la situation en Côte d’Ivoire. Dans son intervention à New York, l’ambassadeur ivoirien auprès de l’Onu, Alcide Djédjé, a souligné la priorité à accorder à la confection d’une liste électorale fiable pour l’organisation d’élections propres et crédibles, mais il a insisté sur le défi à relever dans le même temps du désarmement et de la réunification du pays, les semaines passées ayant montré les limites du dispositif de sécurité dans les zones centre-nord et ouest contrôlées de fait par les Forces armées des forces Nouvelles. Il a conclu par ces mots : “La Côte d’Ivoire ira aux élections, le plus rapidement possible, si au même moment des progrès importants sont réalisés dans l’application des articles 3 et 8 du quatrième avenant de l’accord de Ouagadougou relatif à la restauration de l’unité de l’Etat sur l’ensemble du territoire qui est la vraie solution à la crise ivoirienne”. Il est vrai que chaque fois que des dates ont été proposées par la Cei pour la tenue du scrutin, sur le terrain, les évolutions en matière de désarmement ont été particulièrement modestes. La liste électorale Où en est-on à la mi-mai par rapport à ces différents objectifs ? Pour l’établissement de la liste électorale définitive, l’annonce a été faite d’un redémarrage du contentieux le 10 mai. En premier lieu, devait être traitée la liste des 1 033 000 citoyens de la liste grise, afin de reverser celles et ceux qui devaient figurer sur la liste blanche définitive selon les procédures définies de façon consensuelle. Mais, le 6 mai, l’opposition s’est opposée à ce redémarrage et la rencontre, le 11 mai, entre le chef de l’Etat et l’ancien président Bédié a eu pour principal effet de reporter la marche que l’opposition entendait faire le 15 mai pour exiger la tenue d’élections alors que, paradoxalement, elle entrave la reprise du contentieux. Dans un second temps, cette liste unique devrait être examinée car de nombreux documents attestent de la réalité de fraudes. C’est ainsi qu’il a été fait commerce d’extraits de naissance ou de certificats de nationalité vierges, pré signés, pré cachetés et pré timbrés. De tels documents ont été respectivement signés par un adjoint au maire de Bouaké répondant au nom de Touré et par un vice-président du tribunal de Yopougon dénommé Coulibaly Ousmane Victor. Des cas de fraude apparaissent dans le recoupement des données de la liste blanche et de celles de l’état-civil. Par exemple, dans la seule ville de Dabou, 889 personnes figurent sur la liste électorale comme étant nées à Dabou alors qu’il n’y en a aucune trace à l’état-civil de cette ville. Nombre de ces personnes sont pourtant nées après 1980! On peut constater de nombreux cas de citoyens dont les parents ou un des parents ont un lieu de naissance différent sur la liste électorale et les registres d’état civil de la ville, le code de la nationalité ivoirien stipulant qu’est Ivoirien celle ou celui dont un des deux parents est Ivoirien. Ainsi, un tel dont le père est né au Mali selon l’état-civil, se retrouve né à Boundiali sur la liste électorale, ce qui peut lui permettre de voter, puisque seuls les Ivoiriens peuvent participer à ce scrutin national comme il est de règle dans tous les pays du monde. En pays rural, dans la sous-préfecture d’Alépé, par exemple, des radiations de personnes figurant sur la liste électorale (trente sept pour le village d’Allosso 2 et quarante neuf pour Gnambo carrefour) sont demandées par les rois, chefs de terre et chefs de village, en raison de leur origine étrangère. Les anomalies se multiplient, notamment avec celles et ceux nés de père et de mère inconnus enregistrés sur la liste électorale… Le volet militaire Pour ce qui est du volet militaire des accords de Ouagadougou, l’état des lieux est assez simple à dresser en ce mois de mai 2010. Au sein des Forces armées des Forces nouvelles (Fafn), on compte 467 éléments venus en 2002 des Forces de défense et de sécurité (Fds), l’armée gouvernementale. Ils doivent bénéficier d’un rappel de soldes, leurs carrières ont été reconstituées, les grades harmonisés comme s’ils étaient restés dans le camp loyaliste. Nombre d’entre eux sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite sur la base de la reconstitution de leurs carrières. Les décrets, officialisant toutes ces mesures, ont été signés par le président de la République le 16 novembre 2009. Pourtant, rien ne bouge sur le terrain. Les accords complémentaires de Ouagadougou stipulent que le désarmement doit être réalisé deux mois avant la tenue du scrutin. Cela suppose, en premier lieu, la démobilisation des éléments rebelles et des groupes d’auto-défense ou milices favorables à la mouvance présidentielle. Ils devaient bénéficier du service civique et rejoindre la vie civile contre un pécule de 500 000 francs CFA, soit 750 euros. Les exigences financières de ces objectifs n’ont pas été satisfaites, ce qui retarde le processus En second lieu, les Forces armées des Forces nouvelles ont revendiqué quatre mille postes de policiers et de gendarmes dans le cadre des brigades mixtes déployées pour sécuriser le processus électoral, d’une part, et cinq mille places dans la future armée nouvelle ivoirienne qui doit être constituée juste après l’organisation de l’élection présidentielle, d’autre part. Le déploiement de ces brigades mixtes a débuté le 5 mai 2009, mais il n’est effectif à ce jour que dans quelques villes, les Forces nouvelles n’ayant pu fournir qu’un peu plus d’un millier d’hommes sur les quatre mille attendus. Alors que les Forces de défense et de sécurité (Fds) de l’armée gouvernementale ont achevé leur regroupement dès le mois de janvier 2008, le regroupement des cinq mille éléments issus de la rébellion devant intégrer l’armée nouvelle n’a toujours pas débuté. Il était prévu dans les quatre camps de Korhogo, Bouaké, Séguéla et Man, visités en juin 2009 par le ministre de la Défense, le représentant du facilitateur, les responsables du Centre de commandement intégré (Cci) et les forces impartiales.





Au début de l’année 2010, ces camps n’étaient pas réhabilités pour accueillir ces anciens rebelles devant être formés. Au mois de mai 2010, les Fafn n’étaient en capacité d’aligner qu’environ trois mille hommes dont près de la moitié était illettrée, et le premier regroupement d’un millier d’hommes était envisagé à Korhogo en mai.
L’ensemble de ces données pose avec acuité la question de savoir quelle était la réalité de cette rébellion armée, d’où venaient ou qui étaient ces éléments des Forces nouvelles qui ont tenu la dragée haute à l’armée ivoirienne.
Des interrogations demeurent sur le rôle effectif sur le terrain des sept mille cinq cents casques bleus de l’Onuci encore présents en Côte d’Ivoire. Leurs plus hauts responsables participent aux réunions au sommet du Cci. L’Onuci est présente à l’aéroport d’Abidjan et multiplie les opérations de contrôle dans les casernes des Fds au nom du respect de l’embargo. La surveillance tatillonne de cet embargo va même jusqu’à empêcher les autorités ivoiriennes de s’approvisionner en matériel spécifique nécessaire au maintien de l’ordre, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques en cas de manifestations urbaines. Sans parler de la fourniture de pièces de rechange pour assurer la simple maintenance. En dehors de cette action de surveillance de l’armée gouvernementale, on discerne mal les formes d’engagement de l’Onuci dans la zone centre-nord et ouest du pays. A la différence de la force française Licorne, les casques bleus ne participent pas aux actions civilo-militaires, selon l’expression du chef d’état-major des armées, le général Philippe Mangou.


L’unicité des caisses de l’Etat

Outre les atermoiements des Forces armées des Forces nouvelles dans l’exécution du volet militaire, la réunification du pays marque le pas dans le redéploiement de l’administration fiscale et douanière et des retards considérables affectent l’administration judiciaire et pénitentiaire. C’est également en mai 2010 que devait s’opérer la réinstallation des postes de douane de l’Etat au nord et à l’ouest du pays. A ce déficit des recettes fiscales pour l’Etat ivoirien, vu l’absence d’unicité des caisses dont le rétablissement est annoncé depuis deux ans, s’ajoutent les pertes liées à la situation des régions centre nord et ouest de la Côte d’Ivoire, qui sont, depuis 2002, le marché exclusif des pays voisins avec leurs six millions d’habitants vivant au-dessus de la ligne reliant Man à Bondoukou en passant par Bouaké.

Les activités économiques, la production de cultures de rente, les transactions commerciales et les transports sont, pour l’essentiel, du ressort d’ouvriers et d’opérateurs burkinabé, maliens et guinéens. Le carburant, les produits de consommation courante, comme le riz, le lait et même le sucre, viennent de l’extérieur. Pour la Côte d’Ivoire, le manque à gagner en cacao est supérieur à 200 000 tonnes par an. On peut observer, ces dernières années, la part importante de cette production dans les échanges entre le Burkina Faso et le Ghana dont la production officielle atteint 700 000 tonnes en 2009, ce qui est très sensiblement supérieur à celle de 2002/2003 qui n’atteignaient pas 400 000 tonnes. Il en va de même pour le coton dont la production est aujourd’hui estimée à 150 000 tonnes contre 400 000 en 2001, avant la crise politico-militaire. La Côte d’Ivoire était alors le troisième producteur africain de coton.
Ce phénomène affecte aussi le diamant de la région de Séguéla, malgré l’embargo décrété par l’Onu, et même le bois, sans que l’on puisse donner de chiffres. On peut estimer au moins à 250 milliards de francs CFA par an depuis huit ans le manque à gagner pour les recettes ivoiriennes. En 2000, la région centre-nord et ouest représentait 25 % du produit intérieur brut de la Côte d’Ivoire qui était de l’ordre de 6000 milliards de francs CFA. Ce sont le pétrole, les secteurs du Btp et de la téléphonie mobile qui ont principalement compensé cette perte sèche en raison de la partition du pays. Dans le même temps, les axes bitumés du pays voisin du nord se sont développés, passant de 1000 à 3000 kilomètres entre 2000 et 2010.

L’existence de la Caisse centrale des Forces nouvelles, sous le contrôle de Moussa Dosso, responsable de l’Economie et des Finances pour les Forces nouvelles et actuel ministre de l’Industrie et de la promotion du secteur privé du gouvernement ivoirien, est un secret de polichinelle. Cette situation est pour le moins paradoxale au regard de l’exigence d’unicité des caisses de l’Etat ivoirien officiellement réaffirmée par ceux-là mêmes qui garantissent la bonne exécution de l’accord de Ouagadougou. On appréciera la sincérité de l’appel lancé par le ministre Moussa Dosso devant la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci, patronat ivoirien) réunie à la fin du mois d’avril à Yamoussoukro : “C’est à un véritable changement de mentalité que je voudrais inviter l’ensemble de nos concitoyens. Nous devons prôner la bonne gouvernance ”… !

Les fonds de cette Caisse centrale sont, pour l’essentiel déposés dans les banques de ce même pays voisin de la Côte d’Ivoire dont la capitale s’enorgueillit d’un spectaculaire boom immobilier qui profite à bien des dignitaires de cette rébellion que l’on qualifie d’ancienne. En bref, de la crise politico-militaire qui a déchiré la Côte d’Ivoire et scellé sa partition sont nés des intérêts économiques nouveaux et des réseaux d’affaires dont l’existence entretient le statu quo et retarde l’exécution des objectifs à atteindre pour organiser les élections.

Les rapports de la Côte d’Ivoire avec les institutions de Bretton -Woods

Depuis l’obtention, à la fin du mois de mars 2009, du point de décision de l’initiative Pays pauvres très endettés (Ppte), la Côte d’Ivoire est en marche vers le point d’achèvement qui signifierait un allégement de 12 milliards de dollars de sa dette extérieure estimée en 2010 à 14 milliards de dollars. Après la venue, en mai 2009, à Abidjan du directeur général du Fmi, Dominique Strauss Kahn, c’est le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, qui y a effectué une visite de travail du 27 au 30 janvier 2010 pour, selon ses propos, soutenir le processus politique et électoral en cours.

Demain la suite.
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