Tout Gnahué Dogouhé, village de la commune de Gagnoa, a fait le plein de la salle d’audience du tribunal pour suivre l’affaire qui oppose trois de ses fils à deux livreurs de charbon. Ceux-ci venaient déposer une commande de leur client au village. L’heure tardive à laquelle ils arrivent ne leur permet pas d’accéder au domicile du client déjà endormi. Ils prennent la résolution de rebrousser chemin pour revenir le lendemain. Trois jeunes gens du village les ayant aperçus transportant chacun un sac de charbon sur le porte-bagages d’un vélo les prennent pour des suspects. Les villageois interpellent Gnahoré Guédé, l’un des charbonniers, pendant que l’autre plus rapide que lui a pris une avance de quelques mètres. Ils demandent à Gnahoré de prouver l’origine de son bagage. Malgré ses explications, les villageois ne semblent pas convaincus. Pour lever tout doute, Gnahoré leur propose de se rendre chez le chef du village. « Dans ce village, le chef c’est nous» lui auraient rétorqué ses interlocuteurs sur les entrefaites, il lui arrache sa machette pour l’empêcher de l’utiliser comme moyen de défense. Une discussion s’engage entre eux et très vite se transforme en rixe. « C’est en ce moment précis qu’ils m’ont dépossédé de mon téléphone portable et de la somme de 65 mille francs que je détenais», accuse Gnahoré. Pendant ce temps, son collègue charbonnier qui l’avait devancé, revient sur ses pas pour comprendre le motif du retard de son ami. « Quand j’arrivai, Gnahoré leur demandait de lui remettre son portable », affirme le second charbonnier. « Avait-il de l’argent sur lui ? », demande le tribunal. «Je ne saurais répondre. Je sais que dans la journée, il m’a offert à manger», répond-il. Les prévenus, quant à eux, ont une autre version des faits. «Quand nous les avons arrêtés, l’un d’entre eux a refusé d’obtempérer et il a continué sa route. Gnahoré, lui, s’est arrêté pour se montrer arrogant envers nous. Par mesure de prudence, nous lui avons pris sa machette », intervient Zadi Bado qui s’est fait passer pour le porte parole des prévenus. Il continue «C’est par la suite que son collègue est arrivé. Il a reconnu que le charbon a été volé et nous a demandé pardon pour ne pas ébruiter l’affaire », révèle Zadi. Ses amis et lui acceptent alors de les laisser partir. «Nous ne voulons pas avoir sur notre conscience le malheur de ces voleurs », avance le même Zadi. «Nous n’avons pris ni argent ni portable », démentent les trois accusés de façon unanime. L’heure à laquelle se sont déroulés les faits varie d’un camp à l’autre. Pendant que les villageois situent les faits à 1 heure du matin, les charbonniers parlent de 20 heures. Aussi, le tribunal ne comprend pas pourquoi Gnahoré peut-il garder une somme aussi importante par devers lui pour aller livrer du charbon, de surcroît la nuit. Si les prévenus étaient de réels voleurs, allaient-ils répondre facilement à la convocation de la justice ? Toutes ces interrogations ont amené les juges à déclarer les prévenus non coupables et relaxés au bénéfice du doute. Verdict accueilli dans un tonnerre d’applaudissements par les nombreux villageois venus soutenir leurs frères.
Alain Kpapo à Gagnoa
Alain Kpapo à Gagnoa