Déguerpissement de la Sorbonne - Qu’est-ce qui bloque l’opération

Annoncé pour la fin des assises de la Bad, le déguerpissement de la Sorbonne suscite toujours des interrogations. Les Sorbonnards ont, eux, repris leurs activités et rien ne semble les inquiéter.
Lundi 24 mai, le maire du Plateau, Noël Akossi Bendjo lance ses hommes sur le site des 60 logements appelé « Sorbonne », situé en plein centre du quartier des affaires, pour y déguerpir ses occupants. L’opération tourne à l’affrontement. D’un côté des ‘‘sorbonnards’’ armés de machettes, gourdins, barres de fer et de l’autre des agents de la mairie. Bilan de la chaude matinée : plusieurs blessés dont deux agents municipaux. Cette opération annoncée quelques jours plus tôt par le premier magistrat du Plateau était prévue pour le 29 mai. Le changement de date, s’inscrivait, à en croire les collaborateurs d’Akossi Bendjo, dans une tactique. Prendre au dépourvu ceux qui sont devenus, depuis l’annonce de leur déguerpissement, leurs adversaires. Face à la proportion pris par l’affaire et vu l’atmosphère délétère, mais aussi et surtout le risque d’affrontement, le ministre de l’Intérieur Désiré Tagro s’est saisi du dossier. Désiré Tagro a promis de prêter main forte à la municipalité après les 45ème Assemblées de la Banque africaine de développement (Bad), qui se tenaient à Abidjan les 27 et 28 mai. Argument avancé par le ministre : « Ne pas perturber les Assises de la Bad », Presqu’un mois après cette importante rencontre qui a contraint la mairie du Plateau à calmer ses ardeurs, rien n’a véritablement changé. La Sorbonne à renoué avec son ambiance habituelle. Les parlements ‘’Solidarité’’ et ‘’Dignité’’ attirent toujours les adeptes des messes quotidiennes par des professeurs autoproclamés, pistonnés par le parti au pouvoir contre l’opposition. Morceaux choisis : « Une femme a donné son extrait de naissance pour qu’on fasse des papiers pour une centaine de personnes », « Bédié se méfie de ADO », distillait mercredi 16 juin, un certain Salam, passé maitre dans l’art de débouler des dossiers exclusifs sur les leaders du Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix). Du côté des commerçants, si le nombre n’a pas augmenté, les tables et magasins de fortune sont toujours achalandés et le trafic contraste avec l’actualité. Difficile de croire que ces gens sont « susceptibles d’êtres déguerpis à tout moment », comme le souligne M. Terha Sinaly, directeur des relations publiques et de la communication de la mairie.
Les parrains des sorbonnards
Si la Sorbonne ne semble pas inquiétée par l’épée de Damoclès qui lui plane sur la tête, c’est surtout le fait que les occupants de cet espace que le maire du Plateau qualifie de « poche de salubrité et de tous les vices, du genre la prostitution et la vente de drogue », comptent sur un homme. Nadaud Clément, président de la Sorbonne Solidarité, membre de la galaxie patriotique, compagnon de marche de Dacoury Richard, un autre ‘’patriote’’ très proche de Charles Blé Goudé, président du Cojep. Et dont les entrées à la présidence n’est plus un secret. Nadaud Clément ne s’en cache pas. « La Sorbonne ne partira qu’une fois que les élections auront lieu et pas avant, encore que si les autorités jugent de la nécessité de ce départ », précise le sorbonnard. Selon lui une rencontre les ayant réunis en 2008 avec le Directeur général de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire et le directeur technique de la mairie, M. N’Cho avait conclu que les 60 logements ne seraient déguerpis qu’une fois que les élections générales terminées. « D’où vient alors que nous devons partir », tempête Nadaud Clément, qui établi un pont entre la formation politique du maire du Plateau (Rhdp Ndlr) et l’opération de déguerpissement. « C’est parce que nous défendons le président Laurent Gbagbo que Akossi Bendjo veut nous déguerpir, surtout que nous sommes dans la droite ligne des élections », explique celui qui tient la Sorbonne depuis 2003, même s’il se défend d’être ‘’le maitre des lieux’’. Il rappellera d’ailleurs que le président Bédié s’en était pris à la Sorbonne sans y parvenir. Quand aux recettes engrangées sur les taxes, que le maire estime à plusieurs millions Fcfa par 3 mois, Nadaud Clément affirme ne pas y toucher et réfute toute idée de taxe récoltée par ses services. Pourtant, quelques instants après, un jeune homme casquette vissée sur la tête, sac en bandoulière, stylo et feuille en main, sillonnait pour encaisser les restauratrices. Une d’entre elles, nous révélera qu’il est aux ordres de Nadaud et prélève 1000 Fcfa par table chaque jour. Un bon pactole, lorsqu’on s’en tient au nombre de commerçants qui y exercent. D’autant que les tarifs varient au mètre carré. Un robinet qui, selon le responsable de la mairie, sera fermé. A l’en croire, le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro a reproché à la municipalité d’avoir vicié la procédure pour le déguerpissement des 60 logements. « Il a exigé que le maire passe par une voix normale, ce que nous avons fait et nous attendons la réponse pour la fin de semaine prochaine », informe le collaborateur du maire. Et d’ajouter : « Les agents de la mairie sont objet de menace (lire encadré) depuis qu’on a décidé de déguerpir la Sorbonne. Et les populations du Plateau elles-mêmes se plaignent au maire de pas en faire assez », explique Terha Sinaly. Pour lui la protection des agents de la mairie est une préoccupation de sa tutelle. Egalement une in quiétude pour le Secrétaire général du syndicat des agents de la mairie du Plateau. « Nous n’en pouvons plus, les agents de la mairie sont constamment menacés. Ceux qui ont été reconnus le jour de l’opération (24 mai Ndlr) ne peuvent plus rester au Plateau à partir d’une certaine heure. Et nous avons une réunion pour trouver une solution à cette affaire », annonce Mikalo Eloi.

Kuyo Anderson
Légende : Akossi Bendjo attend toujours Désiré Tgro pour clore l’épisode Sorbonne