Ex-animateur de l’émission pour enfants, Wozo-Vacances et professeur d’art dramatique, Touré Aboubacar, alias Tonton Bouba a été l’une des premières personnes à se déguiser en clown. Il parle de cet art en pleine ébullition et donne des conseils aux jeunes comédiens.
Comment vous est venue l’idée de faire le clown lors de vos émissions ?
Dans l’art dramatique, il y a plusieurs aspects. Il y a la tragédie, la comédie, la farce. Dans la farce, il y a une branche qui se rapporte aux clowns qui sont des acteurs. Le clown provient de la cour du roi en Europe. Il était appelé le fou du roi. Un personnage qui amusait le monarque tout en lui disant la vérité. Il jouait aussi le rôle de griot. Le personnage du clown a été développé par les cirques. Il a pour rôle d’amuser les enfants. Lorsqu’il m’a été fait appel pour animer l’émission pour enfants, je m’habillais normalement au début. C’est progressivement que j’ai commencé à m’habiller en clown avec le pistolet à eau. Le clown a la particularité d’exagérer des gestes ordinaires. Comme se gifler lui-même juste pour faire rire. Il porte souvent un masque, fait des déguisements, utilise plusieurs couleurs, pour égayer les personnes. Notamment les enfants. C’est un personnage fait uniquement pour amuser.
Est-ce la seule fonction qui incombe au clown ?
Dans le clownesque, il y a l’éducation. Toutes les actions ne doivent pas se focaliser sur le divertissement. Il faut aussi éduquer les enfants. On peut leur apprendre à compter, à avoir certaines bonnes habitudes. Par exemple, on peut débuter des phrases et les laisser terminer : « Quand on rentre à la maison, il faut réviser les… leçons ». Les enfants aiment bien l’aspect clown, mais, il faut toujours les éduquer. Je ne suis pas d’accord et je suis même contre ceux qui pensent qu’un animateur doit être un enseignant bis. L’enseignant ou le professeur est là pour l’école. Le parent et le répétiteur sont là pour l’aider à avancer. Quand l’enfant sort de ce cadre et va s’amuser, il faut le laisser s’exprimer. Mais, on le blague en lui donnant des bonbons, en le divertissant, en lui donnant des conseils. C’est pourquoi j’incarnais le personnage clownesque tout en les éduquant au respect des parents.
Vous avez joué un rôle important dans l’imposition de ce personnage. Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées ?
La première difficulté a été de reproduire les tenues de clown du moment car on ne les vend pas ici. Je profitais de mes voyages en Europe, pour visiter des magasins de vente de vêtements de clown que je photographiais. Ce sont ces photos que j’envoyais chez Ciss St Moïse qui les reproduisait. Aussi, je créais moi-même des tenues. C’est ainsi que je me transformais en grand écolier. Je partais voir des cordonniers à l’avenue 21 pour me confectionner des chaussures. Aussi, certains Ivoiriens m’envoyaient de leur voyage des chaussures et des tenues.
Quelle est généralement l’attitude d’un enfant face aux clowns ?
Généralement, les enfants ont peur des déguisements trop sophistiqués. D’autres ont même peur du Père Noël. Surtout ceux de moins de quatre ans. Moi, quand je fais mes animations, je me déguise progressivement. Je commence par une grosse paire de lunettes et une casquette à l’envers. Ce qui les effraie moins. C’est après que je porte un masque. J’ai pour exemple la mascotte d’un produit qui lorsqu’elle a été présentée pour la première fois aux enfants, les a fait fuir dans tous les sens. C’est comme un masque au village. Quand un enfant le voit il fuit. Il faut savoir badiner avec l’enfant, il ne faut pas le surprendre avec le déguisement.
D’autres enfants semblent ne pas avoir peur des clowns…
C’est surtout avec les enfants de moins de cinq ans que le problème se pose. Sinon pour les cinq, six ans, il n’y a pas de difficultés. Mais il faut toujours savoir se présenter à un enfant.
Y a-t-il une structure de formation en Côte d’Ivoire pour être un clown ?
Je ne crois pas qu’il en existe. Ce sont parfois des acteurs qui ont du talent qui essaient de développer certains aspects que je viens de citer. Sinon, en Côte d’Ivoire, je ne connais pas de centre de formation pour clowns. Mais, en Europe, cela se fait. Parce que le clown, c’est un personnage de cirque qui fait des jongleries ou des acrobaties. Ils suivent des formations spécifiques différentes de celles d’un acteur conventionnel. Les apprentissages concernent les maquillages, les tenues, la manière d’aborder les sujets. Le personnage clown travaille beaucoup à partir de l’improvisation. C’est-à-dire qu’il a une idée de ce qu’il doit faire et il se met en action en fonction de cela. Alors que l’acteur conventionnel part d’un bouquin ou d’une scène qu’il apprend, répète, avant de rendre un personnage qui n’est pas lui. Mais, qu’il campe. L’objectif du personnage clown est d’amuser.
Selon ce que vous dites, doit-on comprendre que le clown est lié au théâtre ?
Effectivement. Dans le théâtre, il y a l’acteur de théâtre, l’acteur de cinéma, l’acteur de cirque qui peut être un clown. Il y a un point commun qui est le théâtre. Et il y a ensuite des spécialisations.
Quel est votre regard sur les compagnies de clowns existantes ?
Je pense qu’elles doivent travailler davantage. Développer l’aspect clownesque si elles veulent en faire un vrai métier. Mais, cet art est d’abord commercial. C’est du business. Ce qui fait qu’on le rattache à la musique. Seulement, il faut qu’elles arrivent à développer l’aspect théâtral, jonglerie et même marionnettiste, que veut faire Rokia Dongossy. Mais et surtout, il faut qu’elles mettent l’accent sur les spectacles. Les populations doivent aller regarder les spectacles de clowns comme on le fait en Europe. Il y a déjà un bon noyau. On peut développer d’autres aspects.
Avez-vous un exemple ?
Si je prends l’exemple des Pataclowns, il ne faut pas que le nain qui fait partie du groupe, pense que parce qu’il est nain qu’il fait forcément rire. Il peut en profiter pour faire rire. Mais, il ne faudrait pas se limiter au physique. Parce que le costume qu’on porte pour jouer un rôle, quand on le dépose, on devient normal. Il faut réellement ressortir l’aspect clownesque.
Que doivent faire les autorités du pays pour accompagner ces jeunes ?
L’Afrique, à part quelques exceptions, ignore qu’une partie de notre richesse se trouve dans deux éléments : la culture et le sport. La richesse de la Côte d’Ivoire, c’est sa multiplicité culturelle. Malheureusement, le ministère de la Culture est le ministère le plus pauvre en budget. Très souvent, les personnes qui sont nommées à la tête de ce département ne savent pas quoi faire. Elles sont nommées sur des bases politiques. Pour une telle personne, le clown est un con. Un salaud qui n’a rien à faire de son temps ou même de sa vie. Il ne faut pas que ces jeunes rêvent. Le ministère ne va jamais les aider. J’ai quitté la culture pour la communication, car, à deux jours d’un important voyage du Ballet national où j’étais sous-directeur, aux Etats-Unis, le ministère de la Culture l’a dissous.
Interview réalisée par Sanou Amadou
Comment vous est venue l’idée de faire le clown lors de vos émissions ?
Dans l’art dramatique, il y a plusieurs aspects. Il y a la tragédie, la comédie, la farce. Dans la farce, il y a une branche qui se rapporte aux clowns qui sont des acteurs. Le clown provient de la cour du roi en Europe. Il était appelé le fou du roi. Un personnage qui amusait le monarque tout en lui disant la vérité. Il jouait aussi le rôle de griot. Le personnage du clown a été développé par les cirques. Il a pour rôle d’amuser les enfants. Lorsqu’il m’a été fait appel pour animer l’émission pour enfants, je m’habillais normalement au début. C’est progressivement que j’ai commencé à m’habiller en clown avec le pistolet à eau. Le clown a la particularité d’exagérer des gestes ordinaires. Comme se gifler lui-même juste pour faire rire. Il porte souvent un masque, fait des déguisements, utilise plusieurs couleurs, pour égayer les personnes. Notamment les enfants. C’est un personnage fait uniquement pour amuser.
Est-ce la seule fonction qui incombe au clown ?
Dans le clownesque, il y a l’éducation. Toutes les actions ne doivent pas se focaliser sur le divertissement. Il faut aussi éduquer les enfants. On peut leur apprendre à compter, à avoir certaines bonnes habitudes. Par exemple, on peut débuter des phrases et les laisser terminer : « Quand on rentre à la maison, il faut réviser les… leçons ». Les enfants aiment bien l’aspect clown, mais, il faut toujours les éduquer. Je ne suis pas d’accord et je suis même contre ceux qui pensent qu’un animateur doit être un enseignant bis. L’enseignant ou le professeur est là pour l’école. Le parent et le répétiteur sont là pour l’aider à avancer. Quand l’enfant sort de ce cadre et va s’amuser, il faut le laisser s’exprimer. Mais, on le blague en lui donnant des bonbons, en le divertissant, en lui donnant des conseils. C’est pourquoi j’incarnais le personnage clownesque tout en les éduquant au respect des parents.
Vous avez joué un rôle important dans l’imposition de ce personnage. Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées ?
La première difficulté a été de reproduire les tenues de clown du moment car on ne les vend pas ici. Je profitais de mes voyages en Europe, pour visiter des magasins de vente de vêtements de clown que je photographiais. Ce sont ces photos que j’envoyais chez Ciss St Moïse qui les reproduisait. Aussi, je créais moi-même des tenues. C’est ainsi que je me transformais en grand écolier. Je partais voir des cordonniers à l’avenue 21 pour me confectionner des chaussures. Aussi, certains Ivoiriens m’envoyaient de leur voyage des chaussures et des tenues.
Quelle est généralement l’attitude d’un enfant face aux clowns ?
Généralement, les enfants ont peur des déguisements trop sophistiqués. D’autres ont même peur du Père Noël. Surtout ceux de moins de quatre ans. Moi, quand je fais mes animations, je me déguise progressivement. Je commence par une grosse paire de lunettes et une casquette à l’envers. Ce qui les effraie moins. C’est après que je porte un masque. J’ai pour exemple la mascotte d’un produit qui lorsqu’elle a été présentée pour la première fois aux enfants, les a fait fuir dans tous les sens. C’est comme un masque au village. Quand un enfant le voit il fuit. Il faut savoir badiner avec l’enfant, il ne faut pas le surprendre avec le déguisement.
D’autres enfants semblent ne pas avoir peur des clowns…
C’est surtout avec les enfants de moins de cinq ans que le problème se pose. Sinon pour les cinq, six ans, il n’y a pas de difficultés. Mais il faut toujours savoir se présenter à un enfant.
Y a-t-il une structure de formation en Côte d’Ivoire pour être un clown ?
Je ne crois pas qu’il en existe. Ce sont parfois des acteurs qui ont du talent qui essaient de développer certains aspects que je viens de citer. Sinon, en Côte d’Ivoire, je ne connais pas de centre de formation pour clowns. Mais, en Europe, cela se fait. Parce que le clown, c’est un personnage de cirque qui fait des jongleries ou des acrobaties. Ils suivent des formations spécifiques différentes de celles d’un acteur conventionnel. Les apprentissages concernent les maquillages, les tenues, la manière d’aborder les sujets. Le personnage clown travaille beaucoup à partir de l’improvisation. C’est-à-dire qu’il a une idée de ce qu’il doit faire et il se met en action en fonction de cela. Alors que l’acteur conventionnel part d’un bouquin ou d’une scène qu’il apprend, répète, avant de rendre un personnage qui n’est pas lui. Mais, qu’il campe. L’objectif du personnage clown est d’amuser.
Selon ce que vous dites, doit-on comprendre que le clown est lié au théâtre ?
Effectivement. Dans le théâtre, il y a l’acteur de théâtre, l’acteur de cinéma, l’acteur de cirque qui peut être un clown. Il y a un point commun qui est le théâtre. Et il y a ensuite des spécialisations.
Quel est votre regard sur les compagnies de clowns existantes ?
Je pense qu’elles doivent travailler davantage. Développer l’aspect clownesque si elles veulent en faire un vrai métier. Mais, cet art est d’abord commercial. C’est du business. Ce qui fait qu’on le rattache à la musique. Seulement, il faut qu’elles arrivent à développer l’aspect théâtral, jonglerie et même marionnettiste, que veut faire Rokia Dongossy. Mais et surtout, il faut qu’elles mettent l’accent sur les spectacles. Les populations doivent aller regarder les spectacles de clowns comme on le fait en Europe. Il y a déjà un bon noyau. On peut développer d’autres aspects.
Avez-vous un exemple ?
Si je prends l’exemple des Pataclowns, il ne faut pas que le nain qui fait partie du groupe, pense que parce qu’il est nain qu’il fait forcément rire. Il peut en profiter pour faire rire. Mais, il ne faudrait pas se limiter au physique. Parce que le costume qu’on porte pour jouer un rôle, quand on le dépose, on devient normal. Il faut réellement ressortir l’aspect clownesque.
Que doivent faire les autorités du pays pour accompagner ces jeunes ?
L’Afrique, à part quelques exceptions, ignore qu’une partie de notre richesse se trouve dans deux éléments : la culture et le sport. La richesse de la Côte d’Ivoire, c’est sa multiplicité culturelle. Malheureusement, le ministère de la Culture est le ministère le plus pauvre en budget. Très souvent, les personnes qui sont nommées à la tête de ce département ne savent pas quoi faire. Elles sont nommées sur des bases politiques. Pour une telle personne, le clown est un con. Un salaud qui n’a rien à faire de son temps ou même de sa vie. Il ne faut pas que ces jeunes rêvent. Le ministère ne va jamais les aider. J’ai quitté la culture pour la communication, car, à deux jours d’un important voyage du Ballet national où j’étais sous-directeur, aux Etats-Unis, le ministère de la Culture l’a dissous.
Interview réalisée par Sanou Amadou