Au sortir d’une séance de travail avec le président de la République, Laurent Gbagbo, mercredi dernier, au palais de la Présidence au Plateau, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ont abandonné «la guerre pour arracher la date des élections» enclenchée contre le président ivoirien. Qu’est-ce qui a bien pu motiver Bédié et Ouattara à laisser la Cei travailler tranquillement, à patienter «quelques semaines» encore, avant de connaître la date de la présidentielle ? Visite au cœur d’une rencontre au sommet. Le Cadre permanent de concertation (Cpc), institué dans le cadre du suivi de l’accord politique de Ouagadougou (Apo), s’est réuni pour la première fois à Abidjan, en Côte d’Ivoire, sans le facilitateur du dialogue direct inter ivoirien, le président burkinabé Blaise Compaoré. Bien sûr, ce dernier y avait ses yeux et ses oreilles, en l’occurrence son représentant spécial en terre ivoirienne, Bouréima Badini. Mais c’est un fait notable, car, ce mercredi 30 juin dernier, à la présidence de la République, au Plateau, sous la présidence effective du chef de l’Etat, la rencontre s’est déroulée en terre ivoirienne et non à Ouagadougou. A la fin, le Premier ministre Guillaume Soro a été chargé par les principaux acteurs de la politique ivoirienne d’inviter tout le monde à la patience «pour quelques semaines» avant de nouvelles retrouvailles qui pourraient aboutir à la fixation de la date de la présidentielle plusieurs fois reportée. Bédié et la hantise du palais… perdu Annoncée pour 17 h, la rencontre a commencé avec un retard d’une heure. Pour la simple raison que, selon des sources proches de la direction du Pdci, le président Bédié ne voulait pas se rendre au palais de la présidence au Plateau. Depuis qu’il a été renversé par le coup d’Etat du 24 décembre 1999, le successeur constitutionnel de feu le président Houphouët-Boigny se serait juré de ne plus jamais remettre les pieds au palais, avant d’avoir reconquis le fauteuil de président de la République. Ce mercredi 30 juin, il a fallu faire comprendre à Henri Konan Bédié, expliquent nos sources, que l’opinion nationale et internationale n’accepterait pas qu’il refuse d’aller à l’invitation du président de la République après que celui-ci lui a rendu visite à sa résidence privée pour les mêmes raisons. «Convaincre le président Bédié a pris toute la journée de ce mercredi pour qu’il se décide à aller au palais», précisent nos sources. C’est donc finalement à 18 h que Bédié et Ouattara sont arrivés au palais où les attendait déjà le président de la République. Au bureau du chef de l’Etat, patientaient déjà, côté présidentiel, l’ambassadeur Alcide Djédjé, représentant de la Côte d’Ivoire auprès des Nations unies ; pour le compte du Pdci, le Secrétaire général Alphonse Djédjé Mady ; côté RDR, la Secrétaire générale Henriette Dagri Diabaté. Pour le compte du Premier ministre, s’y trouvait son directeur de cabinet adjoint chargé des questions de sortie de crise. Etaient également conviés à cette réunion au sommet le président de la Commission électorale indépendante (Cei), le ministre Youssouf Bakayoko, et le représentant spécial du facilitateur Bouréima Badini. Les responsables des structures techniques, eux, attendaient dans une salle annexe comme personnes ressources. On leur faisait appel quand on avait besoin d’une information de leur part. En vertu de notre Constitution !
Après l’introduction faite par le président de la République, la parole a été donnée au président de la Cei, le ministre Youssouf Bakayoko. Il lui a été demandé de faire le point sur les travaux techniques devant conduire à l’organisation des élections. Il devait, dans le même temps, dire s’il avait une idée de la date à laquelle l’élection présidentielle pouvait être organisée.
Selon nos sources, le président de la CEI a achevé son intervention en indiquant que la date du 30 octobre pourrait être retenue pour l’élection présidentielle, sous réserve que le désarmement soit terminé avant cette date. Colère d’Alassane Ouattara qui réplique que la date du 30 octobre est très éloignée. C’est sur ces faits que le Premier ministre Guillaume Soro demande que tous les autres participants se retirent de la salle, pour que le président Gbagbo, les présidents Bédié et Ouattara, et lui-même Soro se concertent à quatre. Cela fait, le président Gbagbo reprend la parole et souligne qu’au regard de la Constitution, Alassane Ouattara ne pouvait pas être candidat à l’élection présidentielle, sa candidature ayant été invalidée en 2000 pour des raisons non encore levées. Il en est de même pour Bédié qui, à 76 ans révolus, est atteint par la limite d’âge. Laurent Gbagbo précise que pour que ces deux poids lourds de la politique soient candidats, il aurait fallu que la Constitution soit révisée par référendum. Or le pays étant occupé par la rébellion, il était impossible d’organiser un référendum. Et donc, pour les rendre éligibles, il a dû contourner la loi fondamentale en s’appuyant sur l’article 48 de la constitution. Et le président Gbagbo de dire qu’après avoir fait tous ces efforts pour rendre Bédié et Ouattara éligibles, il ne sait plus ce qu’il va encore faire pour montrer sa volonté d’aller aux élections avec eux. C’est pourquoi il ne comprend pas la fausse bataille qu’ils semblent mener autour de la date des élections.
Silence dans la salle. L’exposé du premier président de la IIème République a dû faire mouche. Alassane Ouattara reprend la parole et reconnaît que le président Gbagbo a effectivement «beaucoup fait pour le processus de paix». Dans un tel esprit, Ouattara laisse tomber son air de colère et déclare que tout ce qu’il demande, «c’est d’accélérer le processus pour aller vite aux élections afin de remettre le pays sur la voie du développement».
Fini la guerre de la date électorale Quand il reprend, à son tour, la parole, Bédié se montre plutôt préoccupé, selon nos sources, par le débat interne au Pdci qui fait état de nouvelles velléités de candidatures à la présidentielle émanant du vieux parti. Le président du Pdci-Rda veut en avoir le cœur net. Il questionne. «Il paraiî que vous voulez encore vous servir de l’article 48 pour ouvrir de nouveau le dépôt des candidatures. Cela est-il vrai ?», demande-t-il au président Gbagbo. «La réouverture du dépôt des candidatures ne dépend pas de moi. Elle dépend de la loi électorale qui dit que les candidatures doivent être déposées 45 jours avant la date de l’élection présidentielle. Et donc, si au moins 45 jours séparent la nouvelle date de l’élection du jour de sa fixation, le dépôt des candidatures sera de nouveau ouvert. Mais s’il y a moins de 45 jours entre les deux dates, le dépôt de nouvelles candidatures ne sera pas possible», répond le chef de l’Etat ivoirien. Bédié est apparemment bien éclairé.
Tout semble finalement bouclé. Le président Gbagbo et ses hôtes, Bédié et Ouattara, se mettent d’accord sur la nécessité de lever tous les obstacles à l’organisation des élections au lieu de se focaliser sur la date de celles-ci. Sourires aux lèvres, ils font revenir les autres participants dans la salle et, en accord avec Bédié et Ouattara, le président de la République donne les instructions à Guillaume Soro et Youssouf Bakayoko. Très rapidement, le Premier ministre et le présdent de la CEI devront conduire à leur fin, chacun au niveau qui lui revient, le processus de désarmement, la vérification de la liste électorale provisoire et le contentieux à l’effet de produire la liste électorale définitive. Dans les meilleurs délais ! Le président Gbagbo et ses hôtes se donnent rendez-vous dans quelques semaines, pour voir l’évolution de la situation, avant de penser à fixer une date pour la présidentielle, évidemment sur proposition du président de la Cei. C’est fini. A moins d’un revirement spectaculaire et criminel, aucun leader du Rhdp (coalition de l’opposition soutenant la rébellion) ne viendra plus lancer de mot d’ordre d’une marche violente «pour arracher la date de la présidentielle au chef de l’Etat». De même, on n’entendra peut-être plus jamais Konan Bédié, Alassane Ouattara et leurs hagiographes accuser le président Gbagbo de «faire du dilatoire pour retarder les élections».
Boga Sivori
bnogasivo@yahoo.fr
Après l’introduction faite par le président de la République, la parole a été donnée au président de la Cei, le ministre Youssouf Bakayoko. Il lui a été demandé de faire le point sur les travaux techniques devant conduire à l’organisation des élections. Il devait, dans le même temps, dire s’il avait une idée de la date à laquelle l’élection présidentielle pouvait être organisée.
Selon nos sources, le président de la CEI a achevé son intervention en indiquant que la date du 30 octobre pourrait être retenue pour l’élection présidentielle, sous réserve que le désarmement soit terminé avant cette date. Colère d’Alassane Ouattara qui réplique que la date du 30 octobre est très éloignée. C’est sur ces faits que le Premier ministre Guillaume Soro demande que tous les autres participants se retirent de la salle, pour que le président Gbagbo, les présidents Bédié et Ouattara, et lui-même Soro se concertent à quatre. Cela fait, le président Gbagbo reprend la parole et souligne qu’au regard de la Constitution, Alassane Ouattara ne pouvait pas être candidat à l’élection présidentielle, sa candidature ayant été invalidée en 2000 pour des raisons non encore levées. Il en est de même pour Bédié qui, à 76 ans révolus, est atteint par la limite d’âge. Laurent Gbagbo précise que pour que ces deux poids lourds de la politique soient candidats, il aurait fallu que la Constitution soit révisée par référendum. Or le pays étant occupé par la rébellion, il était impossible d’organiser un référendum. Et donc, pour les rendre éligibles, il a dû contourner la loi fondamentale en s’appuyant sur l’article 48 de la constitution. Et le président Gbagbo de dire qu’après avoir fait tous ces efforts pour rendre Bédié et Ouattara éligibles, il ne sait plus ce qu’il va encore faire pour montrer sa volonté d’aller aux élections avec eux. C’est pourquoi il ne comprend pas la fausse bataille qu’ils semblent mener autour de la date des élections.
Silence dans la salle. L’exposé du premier président de la IIème République a dû faire mouche. Alassane Ouattara reprend la parole et reconnaît que le président Gbagbo a effectivement «beaucoup fait pour le processus de paix». Dans un tel esprit, Ouattara laisse tomber son air de colère et déclare que tout ce qu’il demande, «c’est d’accélérer le processus pour aller vite aux élections afin de remettre le pays sur la voie du développement».
Fini la guerre de la date électorale Quand il reprend, à son tour, la parole, Bédié se montre plutôt préoccupé, selon nos sources, par le débat interne au Pdci qui fait état de nouvelles velléités de candidatures à la présidentielle émanant du vieux parti. Le président du Pdci-Rda veut en avoir le cœur net. Il questionne. «Il paraiî que vous voulez encore vous servir de l’article 48 pour ouvrir de nouveau le dépôt des candidatures. Cela est-il vrai ?», demande-t-il au président Gbagbo. «La réouverture du dépôt des candidatures ne dépend pas de moi. Elle dépend de la loi électorale qui dit que les candidatures doivent être déposées 45 jours avant la date de l’élection présidentielle. Et donc, si au moins 45 jours séparent la nouvelle date de l’élection du jour de sa fixation, le dépôt des candidatures sera de nouveau ouvert. Mais s’il y a moins de 45 jours entre les deux dates, le dépôt de nouvelles candidatures ne sera pas possible», répond le chef de l’Etat ivoirien. Bédié est apparemment bien éclairé.
Tout semble finalement bouclé. Le président Gbagbo et ses hôtes, Bédié et Ouattara, se mettent d’accord sur la nécessité de lever tous les obstacles à l’organisation des élections au lieu de se focaliser sur la date de celles-ci. Sourires aux lèvres, ils font revenir les autres participants dans la salle et, en accord avec Bédié et Ouattara, le président de la République donne les instructions à Guillaume Soro et Youssouf Bakayoko. Très rapidement, le Premier ministre et le présdent de la CEI devront conduire à leur fin, chacun au niveau qui lui revient, le processus de désarmement, la vérification de la liste électorale provisoire et le contentieux à l’effet de produire la liste électorale définitive. Dans les meilleurs délais ! Le président Gbagbo et ses hôtes se donnent rendez-vous dans quelques semaines, pour voir l’évolution de la situation, avant de penser à fixer une date pour la présidentielle, évidemment sur proposition du président de la Cei. C’est fini. A moins d’un revirement spectaculaire et criminel, aucun leader du Rhdp (coalition de l’opposition soutenant la rébellion) ne viendra plus lancer de mot d’ordre d’une marche violente «pour arracher la date de la présidentielle au chef de l’Etat». De même, on n’entendra peut-être plus jamais Konan Bédié, Alassane Ouattara et leurs hagiographes accuser le président Gbagbo de «faire du dilatoire pour retarder les élections».
Boga Sivori
bnogasivo@yahoo.fr