Après 50 ans de mainmise sur l’Afrique noire francophone dite indépendante, l’empire néocolonial français se porte toujours bien. Il en donne la preuve ce mercredi 14 juillet 2010 à travers l’allégeance publique des pays francophones à Nicolas Sarkozy, le nouveau “parrain”. Le défilé des troupes africaines constitue un prétexte tout trouvé.
Les Champs Elysées, grand et célèbre boulevard parisien sera le théâtre, ce matin, 14 juillet 2010, à partir de 10h, d’un événement tout aussi grandiose pour la France. Des contingents des armées de treize Etats d’Afrique francophone, hormis la Côte d’Ivoire qui a décliné l’invitation, défileront devant Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat français, pour célébrer, dit-on, le cinquantenaire des “indépendances” des pays africains francophones au sud du Sahara. Cet épais nuage de fumée de démagogie tente de cacher la vraie signification de cette exhibition des militaires africains. Il s’agit ni plus ni moins de la nouvelle allégeance de 12 pays africains francophones à l’empire français qui n’a pas abandonné ses réflexes néocoloniaux. Même s’il a troqué ses habits anciens contre du neuf. Au nom de la mondialisation.
Des semblants d’indépendances
Hier, c’était le président français Charles De Gaulle, réfractaire à l’indépendance des pays africains, qui a fait le tour des colonies françaises d’Afrique pour inciter les peuples à accepter la communauté franco africaine, une sorte d’union absorption politique et économique des pays africains par l’empire français. Des dirigeants indépendantistes tels que le guinéen Ahmed Sékou Touré ont dit “non” à cette vision hégémonique de De Gaulle. Arguant que la Guinée préfère “la pauvreté dans la dignité que l’opulence dans l’esclavage”, Sékou Touré a arraché l’autodétermination de son pays, le 25 août 1958. Un mois et demi plus tard, soit le 2 octobre 1958, la Guinée-Conakry est devenue indépendante. La presque totalité des pays francophones au sud du sahara restants a intégré l’empire français. En 1960, ces pays obtiennent un semblant d’indépendance. Certes, les peuples africains constateront le départ du colon, mais le système colonial, lui, demeurera et s’adaptera au contexte nouveau : le néocolonialisme. Paris régente la vie sociopolitique et économique de ses ex-colonies. Il choisit les dirigeants (à travers des coups d’Etat ou des élections frauduleuses), il parle au nom de ses ex-colonies à l’ONU, contrôle la monnaie, les matières premières et le tissu industriel. La France impose les partenaires économiques de son choix à ces pays et signe des accords de défense ayant des clauses secrètes avec certains régimes (Houphouët, Hamani Diori, etc.). C’est le triomphe de la Françafrique qui nait sous De Gaulle et son “Monsieur Afrique”, Jacques Foccart, et se perpétue jusqu’à l’ère Jacques Chirac, le “dernier roi” de l’Empire. C’est également l’effervescence des sommets France-Afrique lancés par Georges Pompidou dont le but est, en réalité, pour le “maître”, de faire le point à chaque période avec ses “sujets” sur l’exécution des recommandations édictées dans divers domaines.
L’ère Nicolas Sarkozy
Aujourd’hui, les temps semblent avoir changé, les générations d’Africains aussi. Mais l’empire français, qui n’a changé ni ses pratiques ni ses objectifs tente de les enrober de vernis pour leur donner des allures de renouveau. Ces vernis sont la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l’homme. Nicolas Sarkozy, fidèle héritier de De Gaulle, avance encagoulé. Sans renoncer à son héritage politique, il s’évertue à manipuler l’opinion publique. C’est tout le sens de son fameux discours dit de rupture prononcé au Cap, le 28 février 2008, devant le parlement sud africain. En vérité, il n’y a pas eu de rupture dans la politique africaine de la France. Et il n’y en aura peut-être jamais. Comme sous De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac, c’est l’Elysée qui s’occupe exclusivement du dossier africain. Des relations fondées sur des “réseaux françafricains” que gèrent sous Sarkozy, Claude Guéant, Robert Bourgui, des industriels français, etc. Ce 14 juillet, Nicolas Sarkozy inaugure officiellement, et en fanfare, le 2ème round de l’empire néocolonial français. Une nouvelle ère qu’il veut sienne. A sa façon. En alliant populisme et show médiatique. Il en a donné d’ailleurs la preuve à Nice, lors du 25ème sommet Afrique-France tenu du 31 mai au 1er juin 2010.
L’Afrique veut la rupture
“Les cinquante ans de l’indépendance, c’est notre anniversaire, pas celui de la France. Ce n’est pas à elle d’organiser cela pour nous. C’est maladroit”. Cette position de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Pierre Kipré, relativement à la cérémonie de ce jour sur les champs Elysées, est largement partagée en Afrique francophone. L’opposant burkinabé Hermann Yaméogo trouve humiliante l’option française. “Le fait d’avoir invité, certains diront convoqué, des chefs d’Etat à Paris accompagnés d’éléments de leurs armées pour y célébrer ce cinquantenaire donne la désagréable et même humiliante impression qu’ils y vont comme pour renouveler, selon cette pratique moyenâgeuse, leur serment d’allégeance à leur seigneur et suzerain. Je partage tout à fait la décision du président ivoirien, Laurent Gbagbo, de ne pas se rendre personnellement à Paris. C’est un symbole fort”, soutient-il. “Pour qu’il y ait fête, il faudrait qu’il y ait quelque chose à fêter”, renchérit l’opposant centrafricain Martin Ziguélé. Pour qui les indépendances africaines ne sont, en réalité, que des réalités creuses. Intellectuels, société civile et même de plus en plus d’hommes politiques africains appellent Sarkozy à la rupture avec l’ordre ancien. Pour que les relations entre la France et ses ex-colonies ne soient plus paternalistes comme elles le demeurent encore.
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr
Les Champs Elysées, grand et célèbre boulevard parisien sera le théâtre, ce matin, 14 juillet 2010, à partir de 10h, d’un événement tout aussi grandiose pour la France. Des contingents des armées de treize Etats d’Afrique francophone, hormis la Côte d’Ivoire qui a décliné l’invitation, défileront devant Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat français, pour célébrer, dit-on, le cinquantenaire des “indépendances” des pays africains francophones au sud du Sahara. Cet épais nuage de fumée de démagogie tente de cacher la vraie signification de cette exhibition des militaires africains. Il s’agit ni plus ni moins de la nouvelle allégeance de 12 pays africains francophones à l’empire français qui n’a pas abandonné ses réflexes néocoloniaux. Même s’il a troqué ses habits anciens contre du neuf. Au nom de la mondialisation.
Des semblants d’indépendances
Hier, c’était le président français Charles De Gaulle, réfractaire à l’indépendance des pays africains, qui a fait le tour des colonies françaises d’Afrique pour inciter les peuples à accepter la communauté franco africaine, une sorte d’union absorption politique et économique des pays africains par l’empire français. Des dirigeants indépendantistes tels que le guinéen Ahmed Sékou Touré ont dit “non” à cette vision hégémonique de De Gaulle. Arguant que la Guinée préfère “la pauvreté dans la dignité que l’opulence dans l’esclavage”, Sékou Touré a arraché l’autodétermination de son pays, le 25 août 1958. Un mois et demi plus tard, soit le 2 octobre 1958, la Guinée-Conakry est devenue indépendante. La presque totalité des pays francophones au sud du sahara restants a intégré l’empire français. En 1960, ces pays obtiennent un semblant d’indépendance. Certes, les peuples africains constateront le départ du colon, mais le système colonial, lui, demeurera et s’adaptera au contexte nouveau : le néocolonialisme. Paris régente la vie sociopolitique et économique de ses ex-colonies. Il choisit les dirigeants (à travers des coups d’Etat ou des élections frauduleuses), il parle au nom de ses ex-colonies à l’ONU, contrôle la monnaie, les matières premières et le tissu industriel. La France impose les partenaires économiques de son choix à ces pays et signe des accords de défense ayant des clauses secrètes avec certains régimes (Houphouët, Hamani Diori, etc.). C’est le triomphe de la Françafrique qui nait sous De Gaulle et son “Monsieur Afrique”, Jacques Foccart, et se perpétue jusqu’à l’ère Jacques Chirac, le “dernier roi” de l’Empire. C’est également l’effervescence des sommets France-Afrique lancés par Georges Pompidou dont le but est, en réalité, pour le “maître”, de faire le point à chaque période avec ses “sujets” sur l’exécution des recommandations édictées dans divers domaines.
L’ère Nicolas Sarkozy
Aujourd’hui, les temps semblent avoir changé, les générations d’Africains aussi. Mais l’empire français, qui n’a changé ni ses pratiques ni ses objectifs tente de les enrober de vernis pour leur donner des allures de renouveau. Ces vernis sont la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l’homme. Nicolas Sarkozy, fidèle héritier de De Gaulle, avance encagoulé. Sans renoncer à son héritage politique, il s’évertue à manipuler l’opinion publique. C’est tout le sens de son fameux discours dit de rupture prononcé au Cap, le 28 février 2008, devant le parlement sud africain. En vérité, il n’y a pas eu de rupture dans la politique africaine de la France. Et il n’y en aura peut-être jamais. Comme sous De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac, c’est l’Elysée qui s’occupe exclusivement du dossier africain. Des relations fondées sur des “réseaux françafricains” que gèrent sous Sarkozy, Claude Guéant, Robert Bourgui, des industriels français, etc. Ce 14 juillet, Nicolas Sarkozy inaugure officiellement, et en fanfare, le 2ème round de l’empire néocolonial français. Une nouvelle ère qu’il veut sienne. A sa façon. En alliant populisme et show médiatique. Il en a donné d’ailleurs la preuve à Nice, lors du 25ème sommet Afrique-France tenu du 31 mai au 1er juin 2010.
L’Afrique veut la rupture
“Les cinquante ans de l’indépendance, c’est notre anniversaire, pas celui de la France. Ce n’est pas à elle d’organiser cela pour nous. C’est maladroit”. Cette position de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Pierre Kipré, relativement à la cérémonie de ce jour sur les champs Elysées, est largement partagée en Afrique francophone. L’opposant burkinabé Hermann Yaméogo trouve humiliante l’option française. “Le fait d’avoir invité, certains diront convoqué, des chefs d’Etat à Paris accompagnés d’éléments de leurs armées pour y célébrer ce cinquantenaire donne la désagréable et même humiliante impression qu’ils y vont comme pour renouveler, selon cette pratique moyenâgeuse, leur serment d’allégeance à leur seigneur et suzerain. Je partage tout à fait la décision du président ivoirien, Laurent Gbagbo, de ne pas se rendre personnellement à Paris. C’est un symbole fort”, soutient-il. “Pour qu’il y ait fête, il faudrait qu’il y ait quelque chose à fêter”, renchérit l’opposant centrafricain Martin Ziguélé. Pour qui les indépendances africaines ne sont, en réalité, que des réalités creuses. Intellectuels, société civile et même de plus en plus d’hommes politiques africains appellent Sarkozy à la rupture avec l’ordre ancien. Pour que les relations entre la France et ses ex-colonies ne soient plus paternalistes comme elles le demeurent encore.
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr