Pour la célébration du cinquantenaire de leurs indépendances, Paris a décidé de mettre certains pays africains à l’honneur, à travers un défilé militaire, aujourd’hui 14 juillet, en France. Seules manquent à l’appel la Côte d’Ivoire et son armée nationale. Dans cette interview accordée à la radio mondiale Rfi, Pr. Pierre Kipré, ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, explique les raisons de cette absence remarquée de son pays.
Rfi : Des 14 armées africaines, sauf celle de la Côte d’Ivoire sera absente. pourquoi ? P. K : Pour trois raisons. Nous n’avons pas actuellement une véritable armée nationale. La bride d’armée qui s’occupe de la sécurité du pays en attendant…
Rfi : Bon, il n’y avait qu’une trentaine de soldats à déployer.
P.K. : Même un seul soldat peut nous aider à sécuriser davantage notre territoire. La 2ème raison, c’est qu’il nous semble, à nous, que c’est le jour de notre fête nationale, le 7 août, que nous allons faire défiler nos soldats en Côte d’Ivoire. Il y a cette pratique très amicale de la France d’inviter des pays amis. On a le temps. En 2011, 2012 ou dans 10 ans. Peu importe. Après ce cinquantenaire, la France peut inviter l’armée ivoirienne. C’est notre anniversaire ; nous fêtons à la maison, chez nous. Nous ne voyons pas bien les raisons profondes de cette volonté de fêter le cinquantenaire d’Etats indépendants en France.
Rfi : Comment vous la jugez, cette initiative ? Elle vous semble maladroite ?
P. K : C’est une initiative très ambiguë. Parmi ces 14 pays, y a-t-il le Nigeria qui fête son cinquantenaire cette année ? Pourquoi est-ce uniquement un groupe de pays, surtout après qu’il y a eu ce sommet Afrique-France où il y avait tous les Etats africains ? Si c’est la francophonie qu’on fête, qu’on nous le dise. Mais la Francophonie n’a pas 50 ans. Et la 3ème raison, c’est qu’il y a un certain nombre de contentieux qui n’ont pas encore été réglés et qui méritent qu’on les évacue, parce que notre opinion publique ne comprendrait pas et encore plus notre armée ne comprendrait pas que nous l’obligions à aller défiler, alors qu’un certain nombre de contentieux existe. Ne seraient-ce que les événements de novembre 2004. Il faut que le dossier soit ouvert, qu’on échange entre amis, qu’on se dise un certain nombre de choses ; et, en ce moment-là, les esprits se seront totalement apaisés de part et d’autre.
Rfi : La pierre d’achoppement, c’est novembre 2004. Cette fusillade devant l’Hôtel Ivoire. C’est de cela qu’il faut parler ?
P.K. : Non seulement ce fait, mais toutes les positions françaises depuis le premier coup d’Etat de 99. Vous savez, un grand pays démocratique ferme les yeux sur un coup d’Etat et, au fil du temps, un certain nombre d’actes que pose la France que - entre nous soit dit - la Côte d’Ivoire a sollicitée pour être tampon entre les belligérants, prend sur elle de tirer à balles réelles sur des manifestants, de détruire toute l’aviation ivoirienne et on fait comme si de rien n’était.
Rfi : Mais, de son côté, la France reproche à la Côte d’Ivoire d’avoir bombardé le camp de Bouaké. P. K : Alors parlons de tout ça. Sortons ces dossiers.
Rfi : Est-ce que la France refuse d’en parler, selon vous ?
P.K : En fait, jusqu’ici, la France n’a pas encore réagi. Le président Gbagbo avait même invité le secrétaire général de l’Elysée qui avait donné, semble-t-il, son accord de principe et, à la dernière minute, a annulé son voyage. Il y a quelque chose qui nous laisse un certain goût d’interrogation. Chez nous, on dit : «Les pieds vont là où le cœur se trouve».
Rfi : Alors Monsieur l’ambassadeur, pourquoi, dans ces conditions-là, boycotter le déjeuner d’aujourd’hui qui pourtant ne fait pas partie du défilé et qui aurait été l’occasion de discuter avec le président français ?
P. K : Nous n’avons boycotté aucun déjeuner. C’est seulement hier que le Quai d’Orsay m’a informé de ce que, maintenant, on nous invitait. Donc j’attends. Alors quand le Quai d’Orsay m’aura fait parvenir nos cartes d’invitation, on sera au déjeuner, s’il n’est pas déjà trop tard.
Rfi : Dans une interview accordée à Rfi, le 30 mai dernier, le président Gbagbo accusait le président français Jacques Chirac et Dominique De Villepin d’avoir fait une tentative de coup d’Etat contre son régime. Nicolas Sarkozy, lui, n’était pas aux affaires à l’époque. Les choses ne vont-elles pas mieux avec Nicolas Sarkozy ?
P. K : Première chose, ce n’est pas une question de personne. C’est une question d’institution et d’Etat. Deuxième chose, il y a la continuité de l’Etat. Le président Gbagbo estime beaucoup le président Sarkozy. Mais il faut parler des choses de fond. Et, de ce point de vue, le président Gbagbo reste ouvert à toute discussion.
Rfi : Lors du dernier sommet France-Afrique de Nice, Nicolas Sarkozy avait déclaré : «Je n’ai que des amis en Afrique». Est- ce que c’est aussi vrai en Côte d’Ivoire ?
P.K. : Ah certainement ! Nous savons que la majeure partie des Ivoiriens considère votre pays comme un pays ami. En tous cas, les responsables, à commencer par le président Gbagbo, considèrent la France comme un pays ami. Et c’est pour cela, justement entre amis, qu’il ne faut pas que les contentieux s’accumulent.
Propos recueillis par Robert Krassault
Coll. : Bintou Diallo
Rfi : Des 14 armées africaines, sauf celle de la Côte d’Ivoire sera absente. pourquoi ? P. K : Pour trois raisons. Nous n’avons pas actuellement une véritable armée nationale. La bride d’armée qui s’occupe de la sécurité du pays en attendant…
Rfi : Bon, il n’y avait qu’une trentaine de soldats à déployer.
P.K. : Même un seul soldat peut nous aider à sécuriser davantage notre territoire. La 2ème raison, c’est qu’il nous semble, à nous, que c’est le jour de notre fête nationale, le 7 août, que nous allons faire défiler nos soldats en Côte d’Ivoire. Il y a cette pratique très amicale de la France d’inviter des pays amis. On a le temps. En 2011, 2012 ou dans 10 ans. Peu importe. Après ce cinquantenaire, la France peut inviter l’armée ivoirienne. C’est notre anniversaire ; nous fêtons à la maison, chez nous. Nous ne voyons pas bien les raisons profondes de cette volonté de fêter le cinquantenaire d’Etats indépendants en France.
Rfi : Comment vous la jugez, cette initiative ? Elle vous semble maladroite ?
P. K : C’est une initiative très ambiguë. Parmi ces 14 pays, y a-t-il le Nigeria qui fête son cinquantenaire cette année ? Pourquoi est-ce uniquement un groupe de pays, surtout après qu’il y a eu ce sommet Afrique-France où il y avait tous les Etats africains ? Si c’est la francophonie qu’on fête, qu’on nous le dise. Mais la Francophonie n’a pas 50 ans. Et la 3ème raison, c’est qu’il y a un certain nombre de contentieux qui n’ont pas encore été réglés et qui méritent qu’on les évacue, parce que notre opinion publique ne comprendrait pas et encore plus notre armée ne comprendrait pas que nous l’obligions à aller défiler, alors qu’un certain nombre de contentieux existe. Ne seraient-ce que les événements de novembre 2004. Il faut que le dossier soit ouvert, qu’on échange entre amis, qu’on se dise un certain nombre de choses ; et, en ce moment-là, les esprits se seront totalement apaisés de part et d’autre.
Rfi : La pierre d’achoppement, c’est novembre 2004. Cette fusillade devant l’Hôtel Ivoire. C’est de cela qu’il faut parler ?
P.K. : Non seulement ce fait, mais toutes les positions françaises depuis le premier coup d’Etat de 99. Vous savez, un grand pays démocratique ferme les yeux sur un coup d’Etat et, au fil du temps, un certain nombre d’actes que pose la France que - entre nous soit dit - la Côte d’Ivoire a sollicitée pour être tampon entre les belligérants, prend sur elle de tirer à balles réelles sur des manifestants, de détruire toute l’aviation ivoirienne et on fait comme si de rien n’était.
Rfi : Mais, de son côté, la France reproche à la Côte d’Ivoire d’avoir bombardé le camp de Bouaké. P. K : Alors parlons de tout ça. Sortons ces dossiers.
Rfi : Est-ce que la France refuse d’en parler, selon vous ?
P.K : En fait, jusqu’ici, la France n’a pas encore réagi. Le président Gbagbo avait même invité le secrétaire général de l’Elysée qui avait donné, semble-t-il, son accord de principe et, à la dernière minute, a annulé son voyage. Il y a quelque chose qui nous laisse un certain goût d’interrogation. Chez nous, on dit : «Les pieds vont là où le cœur se trouve».
Rfi : Alors Monsieur l’ambassadeur, pourquoi, dans ces conditions-là, boycotter le déjeuner d’aujourd’hui qui pourtant ne fait pas partie du défilé et qui aurait été l’occasion de discuter avec le président français ?
P. K : Nous n’avons boycotté aucun déjeuner. C’est seulement hier que le Quai d’Orsay m’a informé de ce que, maintenant, on nous invitait. Donc j’attends. Alors quand le Quai d’Orsay m’aura fait parvenir nos cartes d’invitation, on sera au déjeuner, s’il n’est pas déjà trop tard.
Rfi : Dans une interview accordée à Rfi, le 30 mai dernier, le président Gbagbo accusait le président français Jacques Chirac et Dominique De Villepin d’avoir fait une tentative de coup d’Etat contre son régime. Nicolas Sarkozy, lui, n’était pas aux affaires à l’époque. Les choses ne vont-elles pas mieux avec Nicolas Sarkozy ?
P. K : Première chose, ce n’est pas une question de personne. C’est une question d’institution et d’Etat. Deuxième chose, il y a la continuité de l’Etat. Le président Gbagbo estime beaucoup le président Sarkozy. Mais il faut parler des choses de fond. Et, de ce point de vue, le président Gbagbo reste ouvert à toute discussion.
Rfi : Lors du dernier sommet France-Afrique de Nice, Nicolas Sarkozy avait déclaré : «Je n’ai que des amis en Afrique». Est- ce que c’est aussi vrai en Côte d’Ivoire ?
P.K. : Ah certainement ! Nous savons que la majeure partie des Ivoiriens considère votre pays comme un pays ami. En tous cas, les responsables, à commencer par le président Gbagbo, considèrent la France comme un pays ami. Et c’est pour cela, justement entre amis, qu’il ne faut pas que les contentieux s’accumulent.
Propos recueillis par Robert Krassault
Coll. : Bintou Diallo