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Politique Publié le mardi 10 août 2010 | L’Inter

Election présidentielle du 31 octobre 2010 - Dr Patrick N’Gouan (Coordonnateur national de la CSCI): "Il faut rouvrir les candidatures"

© L’Inter
Liste électorale provisoire : Rapport de la CSCI sur la gestion du contentieux.
La Mission d`observation électorale (MOE) de la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI) a rendu son rapport sur l`affichage et la gestion administrative et judiciaire du contentieux de la liste électorale provisoire (nov 2009 - fevrier 2010) à son siège le mardi 27 avril 2010.
. « La CEI ne maîtrise pas tous les paramètres du processus électoral »
Au lendemain de la fixation de la date du premier tour de l’élection présidentielle, nous avons eu un entretien avec Dr Patrick N’Gouan qui se prononce sur la suite du processus électoral.
Dr N’Gouan, depuis le jeudi 5 août, le gouvernement sur proposition de la CEI, a fixé la date du premier tour de la présidentielle au 31 octobre 2010. En tant que coordonnateur de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI) et par ailleurs coordonnateur de la Mission d’observation électorale de ladite convention, quelle réaction cela vous inspire ?
Cela nous donne un vrai motif de satisfaction, parce que tout le peuple de Côte d’Ivoire, tous les partenaires de la Côte d’Ivoire, et tous ceux qui veulent que les Ivoiriens sortent de cette crise étaient un peu découragés du fait qu’il n’y ait pas de lisibilité dans un horizon proche en Côte d’Ivoire. La fixation d’une date redonne de l’espoir à tous ceux qui croient en la Côte d’Ivoire. Deuxième motif de satisfaction, c’est qu’au niveau de la Convention de la société civile ivoirienne, nous avons organisé du 2 au 4 juin 2010 à l’Assemblée nationale, un colloque sur le bilan et les perspectives de la démocratie en Côte d’Ivoire après 20 ans du multipartisme. Y ont participé des groupes parlementaires, des universitaires, des centrales syndicales, des organisations professionnelles, des confessions religieuses, des organisations de la société civile nationale et internationale. L’une de nos recommandations est que les élections puissent se tenir au plus tard en octobre 2010. Et que si au-delà de cette date, les élections ne se tenaient pas, nous serions amenés à considérer que tous les accords de paix sont caducs. Par voie de conséquence, la légitimité et la légalité des institutions mises ou maintenues en place depuis 2005 par lesdits accords devront être réévaluées. Heureusement que la classe politique a bien compris notre message. Cela ne fait donc que nous réjouir.

Pensez-vous que la CEI soit véritablement capable de tenir la date du 31 octobre 2010 ?
Plusieurs facteurs objectifs nous amènent à penser que la CEI ne peut pas faire des projections fiables à 100%.
Quels sont ces facteurs ?
Nous avons publié et il y a environ trois mois, un rapport d’observation électorale sur le fonctionnement de la Commission électorale indépendante. L’une de nos analyses est que cette CEI n’est pas indépendante. Par exemple, elle fixe une date qui doit être confirmée par d’autres institutions : la Primature, la Présidence de la République, les parties prenantes de l’Accord politique de Ouagadougou (APO). Elle donne l’impression d’être assujettie à la Primature, à la Présidence et à certains partis politiques. Cette impression est d’autant plus justifiée que le Premier Ministre a dit qu’il abandonnait ses fonctions de Secrétaire général des Forces Nouvelles pour s’occuper des élections, comme s’il était président de la CEI. D’un point de vue de l’orthodoxie du fonctionnement des institutions, la Primature n’est pas l’institution indiquée pour organiser les élections ou valider les dates proposées par la CEI, même pas la présidence de la République. Le paradoxe en Côte d’Ivoire, c’est que les institutions et les partis politiques ne vont pas au rythme de la CEI, c’est plutôt la CEI qui va au rythme de la classe politique et de certains candidats à la Présidence de la République. La logique serait que les candidats à un concours (ici la présidentielle) prennent les dispositions pour s’adapter au rythme de l’organisateur du concours, et non le contraire. L’autre problème, toujours en rapport avec l’indépendance, c’est que la CEI dépend également du gouvernement au niveau financier. C`est le gouvernement qui décide du rythme d’approvisionnement du compte de la CEI. Donc, la CEI est liée au gouvernement, notamment au ministère de l’Economie et des Finances. Cela est très gênant.
Le troisième problème est que notre CEI ne maîtrise pas réellement le fichier électoral. Le logiciel de l’indentification et tous les aspects techniques relèvent d’abord de la SAGEM. En réalité, l’obligation contractuelle lie d’abord la SAGEM à la Primature. La SAGEM n’a de compte à rendre qu’à la Primature, ce qui n’est pas normal. La Sagem, l’INS, l’ONI, toutes les structures impliquées dans la préparation des opérations électorales à quelque niveau que ce soit devaient être sous la responsabilité de la CEI. Tout cela montre que notre commission électorale n’est pas indépendante, donc elle ne maîtrise pas tous les paramètres. Autre obstacle, les partis politiques impliqués dans l’APO. Malgré tout ce que la CEI fera comme travail technique, c’est la volonté politique, les intérêts politiques qui auront le dernier mot.
Enfin, il y a la question du désarmement. Aujourd’hui, nous avons un Centre de Commandement Intégré (CCI) composé de l’état-major des FDS et des FAFN censé désarmer les ex-combattants et démanteler les milices. Au colloque de juin dernier, nous avons exigé que le désarmement des milices et des ex-combattants soit effectif au plus tard le 31 août 2010. Or le CCI, nous le savons, n’a ni l’autorité suffisante, ni le matériel requis, ni les moyens financiers suffisants pour désarmer les ex-combattants. Alors est-ce que nous sommes sûrs que d’ici fin août on aura désarmé ? Voilà le problème. Donc, tout cela mis ensemble nous laisse un peu dubitatifs, un peu sceptiques quant à la capacité de la CEI de maîtriser son calendrier et d’affirmer à 100% qu’elle pourra tenir la date du 31 octobre. Il y a trop de paramètres qui ne dépendent pas d’elle. Tous ces paramètres sont au-dessus des pouvoirs réels de la CEI. Donc, notre Commission Electorale, contrairement à celle du Ghana par exemple, est trop dépendante, ce qui fait qu’on ne peut pas se fier à 100% à ses prévisions, malgré la bonne volonté de ses animateurs.
La relance du contentieux ayant eu peu d’engouement, ne pensez-vous pas qu’il aurait fallu se passer de cette étape pour aller plus vite ?
Je pense que la CEI a bien fait de rouvrir le contentieux sur la liste électorale. Mais s’il y a eu peu d’engouement, cela veut dire qu’en amont, il y a eu peu de sensibilisation. Dans notre rapport d’observation électorale publié il y a un peu plus de trois mois sur le fonctionnement de la CEI, nous avons montré que la sensibilisation n’avait pas été bien faite. Cela s’est passé dans la précipitation, avec certaines ONG pour le faire. On a soigneusement mis de côté la Convention de la société civile ivoirienne qui est la structure la plus représentative, parce que tout simplement notre Convention demandait les termes de référence de la mission de sensibilisation.
Les conséquences sont qu’il y a eu beaucoup de violences pendant le contentieux, au niveau des réclamations, des listes ont été déchirées, des tribunaux incendiés, le nombre élevé d’absences pendant les réclamations. Aujourd’hui, nous subissons les conséquences de cette sensibilisation qui a été très mal faite. Il y a eu peu d’engouement parce que les gens ne comprennent pas très bien ce qu’il faut faire. On espère que la nouvelle équipe de la CEI qui semble plus ouverte sera plus perméable aux recommandations que nous faisons.
Quels sont vos rapports avec la nouvelle équipe de la CEI ?
Nos rapports sont très bons, parce que la nouvelle équipe a été obligée de se ramener à l’évidence. Car nous sommes très présents sur le terrain et nous sommes la seule organisation de la société civile en Côte d’Ivoire à être présente sur le terrain depuis un an et demi, pour faire de l’observation long terme. Personne ne le fait à part nous. Donc, la nouvelle équipe de la CEI vient de nous donner l’accréditation que nous réclamions sans succès depuis un an et demi. Nos observateurs aujourd’hui travaillent tranquillement sur le terrain.
Avant la fixation de la date de la présidentielle, il y a eu un débat sur la possible réouverture des candidatures. Quelle est votre analyse sur la question ?
D’un point de vue juridique, comme d’un point de vue politique, les candidatures doivent être rouvertes. Du point de vue juridique, la loi dit qu’on ferme les candidatures à l’élection présidentielle 45 jours avant le vote. Nous sommes aujourd’hui à près de trois mois, environ 80 jours avant le vote. Donc, je pense que logiquement, le Conseil constitutionnel doit appliquer la loi. Maintenant, s’il rouvre et que personne ne se présente, il aura fait son devoir. Mais il ne peut pas refuser d’appliquer la loi. Donc, le Conseil constitutionnel ne peut du tout ne pas ouvrir les candidatures. Et nous lui demandons de rouvrir rapidement les candidatures et attendre d’ici le 16 septembre, c`est-à-dire 45 jours avant le scrutin, si personne ne se présente, il referme. D’un point de vue politique, je pense que les élections de 1995, de 2000 ont été violentes notamment celles de 2000 à cause de l’exclusion de nombreux candidats. Je ne souhaite pas que, pour des banalités que peut régler le Conseil constitutionnel en un clin d’œil, on fait basculer le pays dans des complications. Vous avez des candidats dont la candidature a été acceptée uniquement sur la base d’accords politiques. Ils ont été acceptés pour des impératifs de paix et les accords politiques ont bien fait de demander qu’on retienne leur candidature. C’est pour des motivations purement politiques, ça ne respecte pas du tout la loi. Donc, si pour des considérations politiques et de paix on a validé leur candidature, on ne peut pas empêcher d’autres Ivoiriens d’être candidat s’ils en manifestent le besoin et remplissent les conditions. Si le Conseil constitutionnel ne le fait pas, il risque de montrer qu’il est à la solde des grands candidats et cela risque de le discréditer. Or, une institution comme le Conseil constitutionnel doit non seulement appliquer la loi, mais doit surtout soigner son image d’institution au-dessus des considérations partisanes et politiques. Je demande donc au professeur Yao N’Dré et à son équipe de faire preuve de sagesse et d’aptitude à être sans état d’âme pour appliquer la loi. Parce que les conditions de fonds obligent à la réouverture des candidatures. Moi je ne suis pas candidat et je n’ai pas de candidat, mais il s’agit là d’une question de loi et de bon sens. Et je ne suis même sûr qu’en ouvrant il puisse y avoir de nouvelles candidatures, mais n’empêche, la loi doit être appliquée. Si au 29 novembre 2009 qui était la date précédente des élections on avait prolongé le délai pour des raisons techniques à la mi-décembre par exemple, il n’aurait pas été nécessaire de rouvrir les candidatures, parce que ça n’aurait pas respecté le délai légal de 45 jours. Mais les élections ont été reportées de près d’un an, c`est-à-dire en octobre 2010. Alors, on ne peut pas dire que ce sont seulement les candidats inscrits depuis un an qui ont le droit de se présenter. Cela n’aurait pas de sens. Il faut éviter les contestations et les problèmes de légitimité de celui qui sera élu. Nous demandons donc à la CEI et au Conseil constitutionnel de se mettre au-dessus de la mêlée pour rassurer sur leur crédibilité et montrer à tous qu’ils sont à la hauteur de la tâche et non à la solde de certains candidats. Lorsque, pour des raisons de force majeure (pluie), on doit rejouer un match de football, on ne peut demander à une équipe de revenir avec exactement le classement précédent.
Propos recueillis par
H. Oulaï
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