Silence absolu, voire même glacial… En tout cas, du côté du palais de Kosyam, dans le quartier chic de Ouaga 2000, qui abrite les bureaux du président du Faso, c’est motus et bouche cousue. Depuis que la date de l’élection présidentielle, attendue depuis 2005 en Côte d’Ivoire est tombée la semaine dernière, Blaise Compaoré, le Facilitateur dans la crise ivoirienne n’a émis aucun « son » sur cette avancée notable dans l’organisation de l’élection présidentielle. En effet, sur proposition de la Commission électorale indépendante (Cei), que préside Bakayoko Youssouf, le chef de l’Etat, Laurent Gbagbo a signé, le 5 aout 2010, un décret (N° 2010-207) portant convocation, le dimanche 31 octobre 2010, du collège électoral de la République de Côte d’Ivoire en vue de l’élection du président de la République. Autrement dit, c’est le dimanche 31 octobre 2010 que les Ivoiriens choisiront leur nouveau président. Une date qui a déjà fait bondir de satisfaction la communauté internationale, à commencer par la France et les Etats-Unis, qui ont félicité les autorités ivoiriennes. Blaise Compaoré a travaillé comme un « forçat » depuis mars 2007, à l’organisation de cette élection présidentielle, gage du retour de la paix en Côte d’Ivoire. De toute évidence, vu qu’il est au cœur du dénouement de cette crise ivoirienne dont on dit que la résolution passe par une élection présidentielle, l’opinion de Blaise Compaoré était donc très attendue des acteurs politiques et même de l’Ivoirien lambda après la fixation de la date de la présidentielle. Mais, le Facilitateur s’est tout simplement « coupé » la langue. Depuis l’interview fracassante qu’il a accordée à la chaine de télévision France 24, en marge du sommet franco-africain de Nice en juin 2010, au cours de laquelle il évoquait son retrait possible du dossier ivoirien, Blaise Compaoré est devenu, pour le moins aphone. Le médiateur dans la crise ivoirienne, qui semblait en avoir plein le dos devant le manque de volonté des acteurs ivoiriens à aller aux élections, avait notamment dit qu’il pourrait jeter l’éponge, faute de résultat. Le président burkinabé avait laissé entendre que sa patience pourrait s`émousser si l`élection présidentielle, maintes fois repoussée depuis l`accord de sortie de crise signé à Ouagadougou en mars 2007, ne se tient pas avant la fin de l’année 2010. "Mes limites pourraient s`arrêter cette année », avait affirmé Blaise Compaoré. « En tout cas, je ne m’occuperai plus de la médiation à ce niveau » avait-il insisté. Aujourd’hui, une date, probablement la bonne vient d’être fixée. Mais Blaise Compaoré n’a toujours pas donné son sentiment. Trois (petites) hypothèses pourraient expliquer l’attitude du médiateur dont la confiance, à un moment donné, avait été trahie, selon certains observateurs, par Gbagbo, qui s’était tourné vers Abdoulaye Wade, le président sénégalais. Premièrement, ce silence peut être le fait d’un scepticisme. L’on pourrait penser que Blaise Compaoré ne croit pas au respect de cette date, au regard du volume de travail qui reste à abattre, en particulier l’encasernement des Forces nouvelles. D’ailleurs, la Cei conditionne le respect de la date du 31 par la mise à sa disposition des moyens, notamment financiers. Peut-être pense-t-il que cette nouvelle date du 31 octobre 2010, c`est-à-dire dans deux mois dix neuf jours a de très faibles chances d’être respectée. Deuxièmement, Blaise Compaoré pense peut être que cette nouvelle date « obtenue au forceps », selon Gbagbo, n’est rien d’autre qu’une simple annonce pour mettre de la poudre aux yeux de la communauté internationale qui accroit la pression sur les autorités ivoiriennes. Troisièmement, certains observateurs attribuent le silence du maitre de Ouaga au fait qu’il n’aurait pas été, ni consulté, ni associé à la fixation de cette date du 31 octobre 2010. Il ne veut donc pas donner sa caution morale à une date dont le respect, à ses yeux, est hypothétique… D’où son silence. En tout état de cause, le Facilitateur, qui fait le dos rond face à la crise ivoirienne depuis quelque temps, même s’il n’a pas officiellement laissé tomber le dossier ivoirien, on peut dire qu’il tourne au noir avec celui-ci à cause, peut-être de l’attitude des acteurs politiques, du pouvoir comme de l’opposition.
Armand B. DEPEYLA
Armand B. DEPEYLA