On ne s’en cache presque plus. Entre la Commission électorale indépendante (Cei) et la Primature, c’est la guerre. La crise est ouverte entre Youssouf Bakayoko, président de la commission électorale, et les hommes du Premier ministre, Soro Guillaume, qui a la charge du processus de sortie de crise. Ce qu’on croyait être une incompatibilité d’humeur a pris des proportions qui risquent de plomber gravement l’organisation du premier tour de l’élection présidentielle annoncée pour le 31 octobre 2010. Mais qu’est ce qui divise au fait la Cei et la Primature ? Il faut indiquer tout d’abord que la guéguerre entre ces deux institutions ne date pas d’aujourd’hui. Depuis la Cei au temps du président Beugré, l’entente n’était pas déjà au beau fixe. La Primature a toujours reproché à la Cei sa propension à vouloir afficher une stricte indépendance vis-à-vis d’elle qui a pourtant en charge la gestion générale du processus de sortie de crise en vertu du mandat qui lui a été donné à l’issue de l’accord politique de Ouagadougou. Pour certains conseillers de Soro Guillaume, la gestion administrative et financière de la Cei et le déroulement du processus électoral doit se faire sous le contrôle et la supervision des responsables de la primature. A l’époque, la Primature avait lancé un audit de la Cei dont les conclusions, dit-on, « accablantes » devraient servir de prétexte pour mettre la main sur la récalcitrante structure. Mais la responsabilité de Beugré Mambé dans l’affaire des 429 000 inscrits frauduleux, a précipité sa chute. La décision du 12 février 2010 du président Gbagbo de dissoudre la Cei était donc en réalité « un bon débarras » pour les hommes de la Primature. Ainsi donc, l’occasion était bonne pour les hommes de Soro Guillaume de proposer un schéma qui aurait été approuvé par la présidence. Qui consistait à mettre une Cei nouvelle formule sur pied. Il s’agissait d’une nouvelle Cei de cooptation des membres, dit-on, experts et technocrates mais en dehors de la Cei dominé par les représentants des partis politiques. Mais la levée de bouclier de l’opposition réunie au sein du RHDP (rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix) et l’intervention énergique du facilitateur Blaise Compaoré a permis de reconduire la Cei dans son ancienne formule. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les tenants de la Cei plus aux ordres, sinon plus coopérante ont choisi d’installer le ministre des Affaires étrangères de l’époque Youssouf Bakayoko. On espérait que ce dernier aux allures indolentes soit plus malléable et coopératif à souhait. Hélas, Youssouf Bakayoko semble trahir le gentleman agreement entre lui et le patron de la Primature. « Au départ, il a fait semblant de coopérer maintenant, il en fait à sa tête avec ses membres ambitieux et carriéristes », nous a laissé entendre un collaborateur du Premier ministre sous le couvert de l’anonymat. En réalité, certains membres influents du bureau central de la Cei s’accrochent à leur nouveaux fauteuils. Ils veulent se donner le temps de travailler comme ils l’entendent. Mais aussi pour profiter largement comme les autres des avantages et grâces liés à leurs nouvelles positions au sein de cette importante institution qui gère les élections les plus chères du monde. Ainsi, un membre du gouvernement nous révèle-t-il qu’il a fallu au Premier ministre et au président de la république batailler dur et ferme pour arracher la date du 31 octobre 2010 à Youssouf Bakayoko et ses hommes. Félicitant le Premier ministre le 7 août 2010 au palais présidentiel, Gbagbo Laurent indiquait que Soro Guillaume « a travaillé comme un forçat pour obtenir la date des élections au forcep ». Mais du côté de la Cei, les langues se délient et laissent entendre que la primature veut contrôler et l’argent des élections et l’organisation des élections. In fine, une affaire de sous et de gros sous. Palabre autour du magot des élections pourrait-on dire.
A.B.
A.B.