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Politique Publié le samedi 4 septembre 2010 | Le Patriote

Moussa Traoré, Hissène Habré, Doé, Taylor, Ould Taya, Tandja… : Ces présidents que la violence a perdus

Laurent Gbagbo, le candidat du FPI, a choisi son option pour la présidentielle du 31 octobre 2010. La voie de la violence. Auréolé du «succès» d’octobre 2000, l’ancien opposant entend remettre le couvert de la terreur pour conserver le pouvoir. Depuis un bon moment, il envoie des messages de belligérance à ses opposants et aux Ivoiriens. Le scrutin à venir ne sera pas un jeu pour lui. Il y mettra tous les moyens, mêmes non conventionnels, pour garder les rênes du pays. «Le démocrate» autoproclamé a le grand mérite de toujours prévenir sur ses actions anti-démocratiques. Il a vite fait d’assimiler les élections à une arène de gladiateurs où licence est à la force et à la violence, pour assurer sa survie voire sa survivance. Pour sûr, Laurent Gbagbo, «le combattant intrépide», «l’homme qui se lève avant le soleil et se couche après la lune», selon les épithètes de ses inconditionnels, n’ira pas au rendez-vous du 31 octobre comme à un diner-gala. Il ne croit pas un traitre mot des sondages commandés et commandités par son camp.

Ces parenthèses qui doivent faire réfléchir

Pour cela, avant terme, il a sorti le glaive, placé son couteau entre les dents, pour assassiner la démocratie et espérer ainsi, un passage en force lors de la présidentielle. Le mois dernier, devant les populations Dan, il a usé du champ lexical de la guerre, avec le ton du narcissisme effrayant : «Moi, Gbagbo, je suis le porte-étendard de la Côte d’Ivoire. Et en face, il y a les porte-étendards d’autres».

N’envisageant nullement une défaite, il a planté le décor guerrier de sa volonté d’en découdre, au sens propre, avec ses concurrents. « Quand tu arrives dans un coin de la brousse et que tu trouves que les arbres sont déracinés, les herbes ont jauni, les palmiers sont à terre, tu te demandes ce qui s’est passé ici. On te dira que c’est un garçon qui s’est battu ici. Et ce garçon, on l’a certainement tué ! Mais avant de mourir, il s’est battu. Parce qu’il est chez lui. C’est pourquoi, moi je n’ai peur de rien. Et je n’ai peur de personne. Parce que tout ce qu’on peut faire, c’est de me tuer. Mais avant de partir, je vais me débattre », a-t-il lâché devant ses hôtes. Pour ceux qui n’auraient pas compris le sens d’une telle déclaration, Gbagbo affirme sans détour que le pouvoir présidentiel est sa chose et que la Côte d’Ivoire est pratiquement sa propriété. Une telle conception de la politique ne peut qu’ouvrir la voie à toutes sortes de tragédies. Pour ceux des nôtres et principalement de la classe politique, qui n’auraient pas bien perçu le sens de son discours, le camarade socialiste l’a réitéré le 7 août dernier, à la faveur de la célébration du cinquantenaire de notre Indépendance. Après avoir promu les hiérarques de son armée, à travers des grades que le Général Mathias Doué a assimilés à des décorations, au regard du discours présidentiel et de celui de son conseiller spécial, Laurent Gbagbo n’a pas hésité à jeter ce pavé dans la mare : «si je tombe, vous tombez aussi». Une façon bien maladroite de dire à ces généraux que s’ils veulent encore prospérer, ils ont bien intérêt à protéger son pouvoir et à favoriser sa réélection. Avec fracas, l’ancien opposant venait de faire entrer « La Grande Muette » dans le débat pré-électoral, l’obligeant à porter la tunique de la refondation. Il ira donc à la présidentielle bien protégé par le bouclier de l’armée. Comprenne qui veut comprendre. Si l’armée a en charge de neutraliser ses adversaires politiques, la police, elle, a reçu mission de « s’occuper » des militants de l’opposition et tous ceux qui sont présentés comme tels. Il y a quelques jours, à Divo, Gbagbo a livré aux policiers, un discours semblable à celui qu’il a lancé aux forces de l’ordre et de sécurité en décembre 2001 : « Nous demandons à la CRS de mater tous ceux qui sont contre la République. Vous avez pour ennemis et non adversaires, tous ceux qui sont contre la République et la paix. Vous avez pour ennemis, tous ceux qui veulent troubler les élections en Côte d’Ivoire… Vous n’êtes pas des juges. Vous êtes des combattants de la République. Votre rôle, c’est d’obéir et non de réfléchir. S’il y a des dégâts, les juges apprécieront. S’il y a des erreurs, on va régler ça. Mais sachez que je vous ai envoyés ici pour que tous ceux qui s’opposent à la paix soient matés ». Les ennemis pour Laurent Gbagbo, ce ne sont pas les Sokoury Bohui, Gbamnan Djidan et autres activistes de la refondation qui perturbent la paix en accusant des Ivoiriens de fraudes sur la nationalité ivoirienne, en promettant de les empêcher de voter. Eux, sont pratiquement des «gardiens du temple » de la République. Les gens à «mater» «sans réfléchir», on les devine aisément. La République étant vue par le grand chef comme la flopée de ses partisans et militants.

On le voit grossièrement, la volonté d’un passage en force du camarade socialiste reste perceptible à travers un vocabulaire de la guerre. Alors que les Ivoiriens espèrent la paix, lui brandit le champ lexical du conflit permanent, visible à travers les termes comme « école de guerre », « mater », « déraciner » et « bataille ». Grandement donc, il a ouvert la boîte de Pandore d’une prochaine mise à mal de l’unité nationale en souffrance. Va-t-il réussir cet exploit ? Court -il au suicide politique ? Tout en souhaitant que la sagesse habite la classe politique, pour ne pas en rajouter aux souffrances des Ivoiriens et de tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire, force est cependant de rappeler que, dans l’histoire de l’Humanité et singulièrement celle du continent africain, les faits sont formels que la violence n’a pu vaincre la démocratie et que le peuple ne saurait être instrumentalisé pour des besoins purement électoralistes.

En Afrique, les exemples foisonnent de Présidents se croyant investis d’une mission messianique, ont brimé leur peuple, avant d’être emportés par leur propre violence ou discours anti-démocratiques. Au Liberia voisin, on a connu les tragédies Samuel Doé et Charles Taylor. Le premier est parvenu au pouvoir par un coup d’Etat en 1980, évinçant le président Tolbert. Il s’est illustré au monde par l’exécution publique des membres du gouvernement déchu. L’homme venu pour instaurer la démocratie a vite fait de se transformer en bourreau de son peuple. On connaît la suite. Il a été happé par sa propre entreprise. Le second a régné sur Monrovia, avec une main de fer. On lui reconnaît une responsabilité entière dans la guerre civile de son pays et en Sierra Leone. En mars 2006, alors qu’il tentait de s’enfuir du Nigeria où il était en exil, il a été arrêté et est en ce moment jugé par la Cour de la Haye, pour « crimes de guerre et crimes contre l’Humanité ». La parenthèse Taylor s’est refermée durablement. Au Mali, le Général Moussa Traoré, qui a passé près de 23 ans au pouvoir, avait entrepris de bâillonner les libertés démocratiques. Croyant tenir un pouvoir d’ordre divin, il a martyrisé ses populations jusqu’en 1991, où après avoir réprimé violemment les manifestations populaires, faisant plus de 200 morts et un millier de blessés, il a été mis aux arrêts par le Général Toumani Touré. Jeté en prison, il n’a eu son salut que par une grâce signée par l’ancien président Konaré en 2002. On pourrait citer le récent cas du Niger, avec l’ancien président Mamadou Tandja. Elu en novembre 99 puis réélu en 2004, il avait fait voter, contre la désapprobation nationale et internationale, un référendum biaisé en 2009, prolongeant son mandat de trois ans et sautant le verrou de l’alternance pour pouvoir se représenter autant de fois qu’il le souhaiterait. Pour mener à bien sa volonté, Tandja s’était barricadé derrière l’armée. Le 18 février dernier, son armée, excédée par ses pratiques, a mis fin à ses rêves fous. On se souvient à l’envi des cas Idi Amin Dada en Ouganda, Mobutu Sesse Seko en ex- Zaïre, Ould Taya en Mauritanie et bien d’autres présidents, arrivés avec fracas au pouvoir, avant de sortir par la petite porte de l’Histoire. N’ayant pas compris la portée du silence du peuple, ils ont créé les conditions de leur perte bien fracassante.

C’est un lieu commun que de dire que « tout ici bas n’est que pure vanité » et que la violence ne saurait prendre le dessus sur la démocratie et la liberté des peuples à choisir librement leurs représentants.

En effet, l’enseignement est sans ambigüité. Les hommes politiques qui se cachent derrière le discours de la violence pour museler la République, croient faire du tort à leur nation, alors qu’ils n’agissent que pour leur perte. L’histoire est donc là et son caractère bien utilitaire, si vivace à nos yeux. Laurent Gbagbo, historien, ne le sait que trop bien. Les armées mêmes les plus redoutables, finissent par plier l’échine devant le peuple. Après huit ans d’un processus de paix qui nous conduit à des élections, les Ivoiriens ont vraiment besoin de paix et de réconciliation. Plutôt que d’un discours de guerre et une activation de la haine, la Côte d’Ivoire a grand besoin de reconstruction, de richesse, de lutte contre la corruption, la pauvreté, la maladie, la mauvaise gouvernance, l’insuffisance d’écoles et d’universités, le combat contre le manque d’emplois des jeunes et bien d’autres chantiers à explorer. Plus qu’une promotion personnelle, le pouvoir doit servir à apporter le bien-être et le bonheur aux populations. C’est pourquoi, en lieu et place des menaces et intimidations, il importe de laisser la liberté aux Ivoiriens de choisir le futur président. Toutes autres tendances, en marge des valeurs démocratiques, ne pourraient que propulser le pays dans les voies de l’aventure. Il faut espérer le meilleur pour la Côte d’Ivoire.

Bakary Nimaga
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