Certains invalides ivoiriens ont perdu leurs droits civil et civique à cause de leurs handicaps.
Le président des aveugles est marri et a une larme à l’œil. Si Anoh Eugène peut espérer pouvoir voter le 31 octobre parce présent sur la liste électorale, ce n’est pas le cas de plusieurs de ses camarades. L’enregistrement des électeurs et la nouvelle identification des Ivoiriens ont été combinés. Après s’être battu, au même titre que les valides, pour se faire identifier, leurs noms n’ont pas figuré sur les listes affichées. Pendant l’enrôlement, ils n’ont pu regarder correctement l’objectif des appareils photographiques à l’instant de la prise d’image. Les photos qui en ont résulté, ont été qualifiés d’inexploitables. Ces non-voyants n’auront pas, non plus, de carte nationale d’identité.
Certains handicapés n’ont même pas été photographiés. C’est le cas de cette dame refoulée d’un centre, à Abobo. Manchote, elle ne pouvait pas apposer d’empruntes. Son histoire, et bien d’autres frustrations similaires vécues par des lépreux, nous ont été contées par le Sga de la Fédération ivoirienne des organisations de personnes handicapées(Fiop). Sékongo Adama en est très chagriné. Chez les sourds-muets, pas sûr que beaucoup de personnes se soient déplacées pour l’enrôlement. « Les sourds ne s’intéressent pas trop à la politique. Ils ont beaucoup de problèmes d’intégration. Ils n’ont pas de collège, pas d’université. Je n’ai jamais voté moi-même », signale Dédi Charles, président de l’Association ivoirienne pour la promotion des sourds(Aispd). Ses gestes ont été traduits par son interprète qui ne le quitte presque jamais. Les handicapés de l’oreille ne sont pas suffisamment au parfum de l’actualité. Peu d’entre eux peuvent lire les journaux. Et, à la télévision nationale, rares sont les émissions sous-titrées.
Individuellement, les victimes n’ont pu que constater leur exclusion. Les différents contentieux sur la liste ont eu pour but la correction d’erreurs de forme, et non la reprise des opérations primaires. Les associations, elles, ont dû se résigner, convaincues qu’elles ne pouvaient rien dans un contexte où, même des valides, régulièrement inscrits, sont radiés de la liste. C’est un autre débat.
Trop tard ?
Aujourd’hui, les non-voyants tentent désespérément de saisir les autorités. « Un ami m’a conseillé d’écrire un courrier à la Cei (Commission électorale indépendante), avec ampliations au 1er ministre et au chef de l’Etat, pour leur dire que les non-voyants sont écartés pour photos non lisibles. Nous sommes en train de nous préparer à le faire », révèle Anoh Eugène. L’Action pour la défense des droits de l’Homme(Apdh) craint qu’il soit trop tard. « Nous n’avons jamais été saisi d’une telle situation. Le contentieux est terminé », rappelle son président, Me Hervé Gouaméné. Il pense, en revanche, que les organisations des droits de l’Homme peuvent prévenir une autre injustice qui guette certains handicapés. La constitution reconnait les droits civiques à tous les citoyens sans aucune distinction. En son article 2, le code électoral stipule que le suffrage est libre égal et secret. Pourtant, certains électeurs devront divulguer leur vote. Ne pouvant pas marquer tout seul leur choix sur le bulletin unique, ils vont se faire assister par d’autres personnes qui peuvent consciemment ou innocemment dévoyer leur vote. Selon les structures de personnes handicapées, le pays compte au moins 200.000 non-voyants et autant de sourds-muets. Dans des zones endémiques de la cécité comme Toumodi, des villages entiers sont peuplés d’aveugles ou de mal-voyants.
Selon le porte-parole de la Cei, Bamba Yacouba, les personnes privées d’un bras, d’une main ou des deux, seront assistées par des membres de leur famille à l’occasion du vote. Si cette disposition agrée les sourds-muets et manchots qui n’ont pas d’autre choix, elle ne satisfait pas les aveugles qui proposent la fabrication de bulletins spéciaux avec des signes en braille, susceptibles de les orienter. « C’est le moment de saisir la Cei. Nous allons rapidement entrer en contact avec les concernés », promet Me Traoré Drissa, président du Mouvement ivoirien des droits humains (Midh).
Cissé Sindou
Le président des aveugles est marri et a une larme à l’œil. Si Anoh Eugène peut espérer pouvoir voter le 31 octobre parce présent sur la liste électorale, ce n’est pas le cas de plusieurs de ses camarades. L’enregistrement des électeurs et la nouvelle identification des Ivoiriens ont été combinés. Après s’être battu, au même titre que les valides, pour se faire identifier, leurs noms n’ont pas figuré sur les listes affichées. Pendant l’enrôlement, ils n’ont pu regarder correctement l’objectif des appareils photographiques à l’instant de la prise d’image. Les photos qui en ont résulté, ont été qualifiés d’inexploitables. Ces non-voyants n’auront pas, non plus, de carte nationale d’identité.
Certains handicapés n’ont même pas été photographiés. C’est le cas de cette dame refoulée d’un centre, à Abobo. Manchote, elle ne pouvait pas apposer d’empruntes. Son histoire, et bien d’autres frustrations similaires vécues par des lépreux, nous ont été contées par le Sga de la Fédération ivoirienne des organisations de personnes handicapées(Fiop). Sékongo Adama en est très chagriné. Chez les sourds-muets, pas sûr que beaucoup de personnes se soient déplacées pour l’enrôlement. « Les sourds ne s’intéressent pas trop à la politique. Ils ont beaucoup de problèmes d’intégration. Ils n’ont pas de collège, pas d’université. Je n’ai jamais voté moi-même », signale Dédi Charles, président de l’Association ivoirienne pour la promotion des sourds(Aispd). Ses gestes ont été traduits par son interprète qui ne le quitte presque jamais. Les handicapés de l’oreille ne sont pas suffisamment au parfum de l’actualité. Peu d’entre eux peuvent lire les journaux. Et, à la télévision nationale, rares sont les émissions sous-titrées.
Individuellement, les victimes n’ont pu que constater leur exclusion. Les différents contentieux sur la liste ont eu pour but la correction d’erreurs de forme, et non la reprise des opérations primaires. Les associations, elles, ont dû se résigner, convaincues qu’elles ne pouvaient rien dans un contexte où, même des valides, régulièrement inscrits, sont radiés de la liste. C’est un autre débat.
Trop tard ?
Aujourd’hui, les non-voyants tentent désespérément de saisir les autorités. « Un ami m’a conseillé d’écrire un courrier à la Cei (Commission électorale indépendante), avec ampliations au 1er ministre et au chef de l’Etat, pour leur dire que les non-voyants sont écartés pour photos non lisibles. Nous sommes en train de nous préparer à le faire », révèle Anoh Eugène. L’Action pour la défense des droits de l’Homme(Apdh) craint qu’il soit trop tard. « Nous n’avons jamais été saisi d’une telle situation. Le contentieux est terminé », rappelle son président, Me Hervé Gouaméné. Il pense, en revanche, que les organisations des droits de l’Homme peuvent prévenir une autre injustice qui guette certains handicapés. La constitution reconnait les droits civiques à tous les citoyens sans aucune distinction. En son article 2, le code électoral stipule que le suffrage est libre égal et secret. Pourtant, certains électeurs devront divulguer leur vote. Ne pouvant pas marquer tout seul leur choix sur le bulletin unique, ils vont se faire assister par d’autres personnes qui peuvent consciemment ou innocemment dévoyer leur vote. Selon les structures de personnes handicapées, le pays compte au moins 200.000 non-voyants et autant de sourds-muets. Dans des zones endémiques de la cécité comme Toumodi, des villages entiers sont peuplés d’aveugles ou de mal-voyants.
Selon le porte-parole de la Cei, Bamba Yacouba, les personnes privées d’un bras, d’une main ou des deux, seront assistées par des membres de leur famille à l’occasion du vote. Si cette disposition agrée les sourds-muets et manchots qui n’ont pas d’autre choix, elle ne satisfait pas les aveugles qui proposent la fabrication de bulletins spéciaux avec des signes en braille, susceptibles de les orienter. « C’est le moment de saisir la Cei. Nous allons rapidement entrer en contact avec les concernés », promet Me Traoré Drissa, président du Mouvement ivoirien des droits humains (Midh).
Cissé Sindou