x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le mercredi 29 septembre 2010 | Le Nouveau Courrier

Tout pouvoir vient-il de Dieu ?

A quelques semaines de l’élection présidentielle, il m’a semblé bon d’ouvrir le débat sur le thème suivant : « l’autorité vient de Dieu ». Certains dirigeants se sont appuyés sur cette phrase de saint Paul pour affirmer que c’est Dieu qui les a mis au pouvoir et que le peuple leur doit une obéissance aveugle. Qu’en est-il vraiment ? En disant qu’« il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui » (Rm 13, 1), l’apôtre défend-il l’idée que tout pouvoir vient de Dieu ? Appelle-t-il les chrétiens à obéir à n’importe quelle autorité ? Jésus voit-il les choses comme Paul ? Quelle fut son attitude face aux autorités civiles et religieuses de son temps ? Pour répondre à ces questions, nous rappellerons, dans un premier temps, le contexte dans lequel Paul a grandi et vécu. Ce rappel nous paraît nécessaire si on veut comprendre la pensée de Paul, si on veut éviter de lui faire dire ce qu’il n’a jamais dit. Nous verrons ensuite la position de Jésus sur le pouvoir : quelle idée se faisait-il des hommes au pouvoir ? Quelle était sa vision du pouvoir ? Comment s’est-il situé vis-à-vis de ceux qui détenaient le pouvoir civil et religieux à ce moment-là ? Une brève conclusion suivra ces deux points.

I/ Le pouvoir en place au temps de Paul
Au moment où l’apôtre s’adresse aux chrétiens de Rome – nous sommes vers l'an 56 de notre ère –, l'autorité romaine est loin d’être totalitaire. Bien au contraire, l'administration impériale entretient de bons rapports avec les populations. Celles-ci ne sont ni brimées ni opprimées. Justice est rendue à quiconque se sent lésé. Thémis – déesse de l’équité et de la loi dans la mythologie grecque – ne tranche pas forcément en faveur du riche ou du puissant. Tel est le pouvoir que Paul a connu et – certainement – apprécié. Car, si ce pouvoir lui avait semblé partial, s’il ne lui inspirait que crainte et méfiance, il n’aurait pas eu recours à lui lorsque des accusations furent portées contre lui par les grands prêtres et notables juifs de Césarée (Ac 25, 1-12).
Voyons maintenant comment Paul conçoit l’autorité. Pour lui, l’autorité n’est qu’un instrument de Dieu dont la finalité est la conduite des hommes. Or le Dieu en qui Paul a mis sa foi est un Dieu de paix, de justice et d’ordre. Voilà pourquoi ceux qui exercent le pouvoir en son nom, ceux à qui il a délégué son autorité, doivent veiller à ce que la cité soit en paix, à ce que les citoyens, ceux qui vivent dans la cité, mènent une vie calme et paisible, à ce que les uns ne soient pas spoliés ou exploités par les autres. Quand l’apôtre parle d’autorité, il a donc en tête une autorité dédiée à la justice, une autorité qui n’opprime pas de façon arbitraire. Il en découle que saint Paul ne nous demande pas de nous soumettre à un pouvoir dictatorial et oppressif ni à un pouvoir laxiste. J’appelle « pouvoir laxiste » un pouvoir qui laisserait les délinquants et les fauteurs de trouble agir à leur guise, un pouvoir qui brillerait par l'impunité.
Mais il n’y a pas que Paul qui parle du pouvoir et de l’autorité. Jésus dit, lui aussi, comment ceux qui détiennent le pouvoir se comportent et comment ses disciples devraient exercer le pouvoir. Mat 20, 25 stigmatise en effet l’abus de pouvoir : « Les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination.» Nous avons ensuite le verset 26 qui dit : « Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur.» Nous voyons ainsi que, pour Jésus, exercer l’autorité, ce n’est ni dominer les autres, ni les terroriser mais se mettre à leur service. Il va sans dire que le chrétien se soumettra sans peine à une telle autorité. Il lui sera en revanche difficile d’obéir à ceux qui font n’importe quoi de l’autorité : par exemple, affamer le peuple, empêcher des citoyens de pratiquer leur foi, se prendre pour « des dieux infaillibles et tout-puissants » (Paul Valadier, Du spirituel en politique, Paris, Bayard, coll. « Christus », 2008, p. 50) appelant à ramper ou à se prosterner devant eux, à verser son sang avec enthousiasme pour eux ». On peut citer ici le Ghanéen Kwame Nkrumah surnommé l’« osagyefo » (mot ashanti signifiant « le rédempteur »), Mobutu qui se considérait comme le messie du Zaïre et voulait voir sa photo à la place du crucifix dans les écoles catholiques, l’ancien dictateur équato-guinéen qui demandait qu’on se signe en disant « au nom du Père, du Fils et de Macias Nguema ». Face à ces pouvoirs qui peu à peu ont cédé à la tentation de la divinisation, la seule attitude qui s’impose est la résistance, au besoin au prix de sa vie. Le cardinal Joseph Malula fut un de ces résistants au début des années soixante-dix, ce qui lui valut d’être radié de l’ordre du Léopard et d’être expulsé au Vatican.

II/ L’attitude de Jésus envers les autorités politiques et religieuses de son époque
Il a respecté les autorités civiles, reconnaissant ainsi la légitimité et l’importance de César, en payant l’impôt (Mt 17, 24-27), en acceptant de comparaître devant Pilate (Jn 18, 28-38). Cela dit, Jésus ne s’est pas soumis à n’importe quel pouvoir. Je dirais même qu’il a osé défier certains pouvoirs. C’est le cas d’Hérode qui cherchait à le tuer et qu’il n’hésita pas à traiter de renard (Lc 13, 31-32). On sait aussi qu’il dénonça l’hypocrisie et la cupidité des pharisiens et des légistes (Lc 11, 37-52), qu’il refusa de parler à Hérode Antipas qui devait le juger (Lc 23, 9). Lui, la Parole faite chair, n’ouvrit pas la bouche, ce jour-là. Pourquoi ? Parce qu’il avait compris que ce qui intéressait Hérode, ce n’était pas de savoir si Jésus était coupable ou non mais que ce dernier fasse quelques miracles devant lui (Lc 23, 8).

En guise de conclusion
L’autorité n’est pas une fin en soi. Elle est au service du bien commun. Servir le bien commun, c’est veiller à ce que tous les citoyens soient égaux devant la loi, que les richesses nationales, fruit du labeur de chacun, bénéficient à tous, que la sécurité des biens et des personnes soit assurée, etc. Aussi longtemps que cela est fait par ceux qui sont momentanément au pouvoir, aussi longtemps que l’autorité « respecte les droits natifs de l’homme et agit par persuasion autant qu’il est possible sans abuser inutilement de la contrainte, le citoyen répond à l’autorité par l’obéissance civile » et il répond « sans attendre l’intervention de quelque contrainte que ce soit » (Jean-Yves Calvez, La politique et Dieu, Cerf, Paris, 1985, p. 60). Il s’ensuit que c’est « le bien commun lui-même qui donne autorité à l’autorité » (Ibid.). Obéir, dans ces conditions, ce n’est pas seulement obéir aux hommes mais obéir à Dieu, source de toute autorité. Jean XXIII appelle cela « rendre hommage à Dieu » (Pacem in terris, 1963, n° 50). Une telle obéissance élève l’homme. Si l’homme devait, au contraire, obéir à un pouvoir tyrannique, corrompu, sanguinaire ou raciste, cette obéissance le ravalerait au rang de l’animal. Un homme digne de ce nom doit dire « non » à un tel pouvoir. La désobéissance civile, dans ces circonstances, devient un devoir, voire un « hommage adressé à Dieu ». C’est ce qu’ont fait, aux Etats-Unis, Rosa Parks et Martin Luther King en 1955 en boycottant les bus où Noirs et Blancs n’avaient pas les mêmes places.

PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ