A l’approche de l’élection présidentielle du 31 octobre prochain, le Président du COPACI (Courant de Pensée et d’Action de Côte-d’Ivoire), Blaise Pascal LOGBO, a bien voulu nous accordez une interview dans laquelle il fait connaître la position de son parti sur certains sujets de la politique nationale. Blaise Pascal LOGBO fait sans détour la critique de la politique nationale, avec la virulence du discours qui est le sien, et présente son parti comme un parti d’avenir travaillant à l’avènement d’une nouvelle Côte-d’Ivoire.
Vous avez ces derniers temps dénoncé l`arrestation et l`incarcération arbitraires d`un cadre de votre parti. Qu`en est- il exactement ?
B.P.L : L`histoire a commencé à s`écrire pour le COPACI (courant de Pensée et d’Action de Côte-d’Ivoire). Vous savez, on ne rentre pas dans l`Histoire les bras croisés ou sur le dos de son ami. Nous pensons que c`est honteux de conduire un citoyen à la MACA, sans même préalablement passer par une garde à vue, sur ordre d`un autre citoyen, fut-il colonel. C’est honteux et scandaleux que ça se passe de cette façon dans mon pays. On reprochait à Monsieur Dégri d’avoir commis un délit d`adultère. Mais cette accusation mensongère cache beaucoup de choses, parce qu`il faut rappeler que le camarade Armand Dégri, Secrétaire général chargé de la défense, a été l`un des principaux organisateurs du sit-in du 12 juin dernier devant la Cour Pénale Internationale de la Haye ( CPI), une action qui dérange le gouvernement d`union nationale qui pille la Côte d`ivoire depuis les accords de Marcoussis. Tout cela pour nous faire peur, pour nous intimider, mais nous ne reculerons pas, nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout de notre action.
Pourquoi le COPACI- n’a-t-il pas de candidat à l’élection présidentielle ?
B.P.L : Nous ne sommes pas dans une course au pouvoir, nous sommes en train de poser les fondations d`un parti pour construire une autre Côte d`Ivoire. Le COPACI refuse de cautionner une élection armée à la place d`une élection démocratique. Nous espérons que ce n`est pas pour voter un chef de guerre mais un président de la république qui incarnera l’unité de la nation. Quelle démocratie veut- on promouvoir à travers cette élection avec des candidats illégalement exclus de la compétition, au grand mépris du code électoral ? Quelle élection démocratique avec des rebelles non désarmés et un 1/4 des citoyens qui sont privés de leur droit civique d`électeur parce que non enrôlés et non identifiés ? Si cette élection peut nous donner la paix durable que nous recherchons tous, nous prierons tous pour que le miracle se réalise. Mais notre analyse de la situation ne nous convainc pas d’un possible retour à la paix par ces élections. Au-delà des discours pacifiques, les gens se préparent à des affrontements. Si ces violences ont lieu, alors nous tiendrons pour responsables la CEI et le Conseil Constitutionnel. Nous les tiendrons pour responsables, parce qu’ils ont cautionné et autorisé ces élections, sans que soient remplies les conditions exigées par l’article 38 de la constitution. Car nous observons que le véritable désarmement, l’unité du territoire et l’autorité totale de l’Etat n’ont pas encore été réalisés. En dehors de ces faits, il y a aussi deux questions de principes auxquelles nous sommes attachés. Sur ce sujet je tiens à préciser que le COPACI est un parti libre et indépendant. Il n’est le satellite d’aucun autre parti politique, contrairement à la prostitution politique qui se donne en spectacle sur la scène politique ivoirienne. Nous n’avons pas créé le COPACI pour avoir notre candidat dans un autre parti politique, encore moins pour l’aliéner, sinon il aurait fallu que nous allions directement militer dans ce parti. La seconde question de principe est la négociation politique préalable à tout soutien de candidat en période électorale. Il revient à tout candidat de rechercher des soutiens d’autres partis politiques et de solliciter des négociations. Le COPACI n’a pas été sollicité dans ce sens, alors il est tout à fait logique que nous ne soutenions pas de candidat, surtout quand nous constatons que ces candidats, en dehors de certains indépendants, sont également des promoteurs d’un même système de gestion qui retarde le développement du pays.
Le COPACI envisage-t-il soutenir un candidat à la prochaine élection présidentielle ?
B.P.L : Le COPACI n’envisage pas soutenir de candidat, tant que la seconde question de principe que je viens d’évoquer n’est pas réglée. Mais avant tout, il est important que les candidats songent à nous faire le bilan de leur gestion commune menée par les gouvernements successifs d`union nationale dans lesquels certains ministres sont inamovibles depuis les accords de Marcoussis. Aussi n`oubliez pas que nous sommes des hommes de gauche et des socialistes. Peut-être que nous n’aurons pas à donner une consigne particulière de vote à nos militants. Mais naturellement notre position idéologique pourra déterminer notre choix individuel.
Comment jugez-vous l’état de la démocratie en Côte d’Ivoire ?
B.P.L : Nous avons reculé de 10 ans et c`est déplorable. La Côte-d’Ivoire n’a pas encore atteint la maturité démocratique. Il y a du chemin à parcourir, une éducation à faire, des mœurs démocratiques à acquérir.
Nous avons malheureusement des lois qui mutilent la démocratie. Le COPACI n’est pas d’accord avec certaines dispositions de l’article 35 de la constitution. Nous ne sommes pas d’accord avec l’âge minimum de 40 ans fixé pour les candidats à la présidentielle. L’âge n’est pas nécessairement la garantie des compétences requises pour diriger un pays. L’âge n’est qu’un critère subjectif. Vous devez savoir que dans une grande démocratie comme la France l’âge minimum exigée est de 23 ans. Il ne faut pas seulement considérer toute cette jeunesse constituant la majorité de la population et votant à partir de l’âge de 18 ans comme du bétail électoral. Elle mérite de la considération à travers l’élargissement de ses droits civiques. Il faut débarrasser notre constitution de cette tendance gérontocratique. Il faut davantage ouvrir l’espace de la concurrence pour l’exercice du pouvoir. C’est pour nous une exigence démocratique.
Il y a la clause de résidence qui fausse également le jeu démocratique en Côte-D’ivoire. Les motivations de cette clause sont pour nous une véritable énigme, si ce n’est la volonté manifeste d’exclure la diaspora ivoirienne des élections présidentielles et législatives. Cette clause de résidence, également prévue par l’article 71 du code électoral, est une injustice indigne d’une République qui se veut démocratique. Nous voulons comprendre cette clause et nous nous posons des questions. En quoi le fait de ne pas résider 5 ans de façon continue et de ne pas totaliser 10 de présence effective en Côte-d’Ivoire peut-il être un handicap pour bien diriger ce pays ? Peut-on nous dire que vivre à l’étranger est un délit privatif du droit d’éligibilité ? Le COPACI juge cette clause absurde et injuste. C’est une exclusion contraire au principe d’égalité en droit. Tout comme la jeunesse, la diaspora ivoirienne ne doit pas être réduite à la condition de bétail électoral. Dans cette diaspora on trouve des hommes et des femmes de valeurs, ayant des capacités, des idées et des projets pour gouverner la Côte-d’Ivoire, pour représenter leur peuple. Au regard de l’état actuel du pays et même de la situation d’avant crise, il apparaît clairement que cette clause de résidence ne garantit absolument pas la bonne gouvernance.
Avec le retour au multipartisme en 1990 nous avons franchir un pas. Mais la démocratie ne se réduit pas au multipartisme. Nous avons également franchi un pas du point de vue de la transparence des élections. Mais on a dévoyé, faussé l’ouverture du jeu de la concurrence. Voilà le problème.
Le COPACI fustige également l’article 55 du code électoral qui fixe la caution de 20 millions pour la candidature à la présidence. Cette caution consacre malheureusement le caractère censitaire de notre démocratie. Mais la démocratie censitaire appartient à l’archaïsme de la démocratie. Cette caution obéit en réalité à une exigence oligarchique ou ploutocratique et non démocratique. Tout comme les jeunes et la diaspora, il ne faut pas réduire les pauvres et les moins riches de notre pays à la condition de bétail électoral.
Certains ivoiriens ne croient plus aux discours. Ne craignez-vous pas que le COPACI ne manque de crédibilité aux yeux des ivoiriens ?
B.P.L : Les ivoiriens peuvent ne plus croire aux discours de ceux qui gouvernent et cela est compréhensible, parce que gouverner c’est agir et non faire des discours stériles qui n’apportent rien de concret aux changements promis et espérés. Mais sur quoi peuvent-ils se fonder pour ne pas croire aux discours du COPACI, qui n’exerce pas encore le pouvoir d’Etat ? Nous tenons un discours réaliste et non utopique. Notre crédibilité se joue en référence de ce discours, dans son accord ou son désaccord avec les actes que nous posons. La réalité est que jusqu’à ce jour notre discours n’a pas manqué de s’incarner dans nos actes. C’est justement parce que les ivoiriens ne croient plus aux discours que le rôle des partis politiques de nouvelles tendances est de les aider à comprendre que le désert que nous traversons n`est pas la fin de la politique, mais la fin d`une politique, la fin d`une génération d`hommes politiques, qui entravent par des comportements tribalistes, par la gabegie, l’impunité de la corruption et bien d’autres pratiques coupables, la marche vers le développement et la construction d`une véritable nation.
Vous semblez tenir un discours patriotique, alors que vous étiez invisible aux heures chaudes de la crise.
B.P.L : Aux heures chaudes de la crise, j’étais en France. Et les ivoiriens n’y sont pas restés les bras croisés. Quand nos frères en Côte d`ivoire étaient à la place de la république au Plateau, des ivoiriens de la diaspora étaient à la place de la république à Paris et même à Marcoussis pour dire non à ces accords qui légitimaient la rébellion, dont l`ombre plane encore sur notre pays et dont certains profitent aujourd`hui, en violation de notre constitution, un accord donnant pouvoir à des "opposants" de nommer des ministres dans un gouvernement d`union dévastateur.Comment voulez vous que la guerre finisse, quand ils profitent tous de la situation trouble, au grand mépris d`une population martyrisée et désabusée? Vous devez aussi savoir que ces grands rassemblements des ivoiriens, qui ont eu lieu en France, ont des pères dont je fais partie, et un témoin, l`ambassadeur Hyacinthe Kouassi, ce grand patriote, à qui je rends un vibrant hommage. Mais au-delà de ces faits historiques, il faut savoir que le patriotisme ne se limite pas à de telles actions en temps de crise. Le véritable patriotisme dans lequel nous sommes engagés est celui qui œuvre pour le développement de la Côte-d’Ivoire et la réalisation d’une véritable justice social, afin d’améliorer les conditions de vie de la plus grande majorité des ivoiriens.
Certains disent que vous avez créé votre parti politique parce que vous êtes aigri. Que leur répondez-vous?
Loin de moi le sentiment d’aigreur. Je ne suis pas aigri. J’aime le combat que je mène. Notre génération a un devoir de combat pour que beaucoup de choses changent en Côte d`ivoire. Nous rêvons d’une Côte-d’Ivoire développée, prospère, où règne la justice sociale, où le taux de chômage est considérable réduit, où l’impunité n’a plus droit de cité. C’est un des aspects de ce rêve qui fonde l’action du COPACI à la Cour Pénale Internationale. Car nous voulons que justice soit rendue aux victimes de cette crise qui a bouleversé l`élan d’émergence de notre pays.
A propos de la CPI que vous venez d’évoquer, pouvez-vous nous dire à quel niveau se situe votre saisine de la CPI ?
B.P.L : C`est un combat que nous avons commencé, nous le poursuivons. Mais sachez que tous les crimes économiques et les graves violations des droits humains commis en Côte d`ivoire depuis le 19 septembre 2002 ne resteront pas impunis. Vous devez retenir que le dossier suit son cours normal, et nous avons reçu l’assurance qu’au lendemain des élections ce dossier prendra un tournant très décisif. Car il faut que le droit et la justice triomphent de la barbarie.
Alors que tout parti politique cherche à promouvoir son programme de gouvernement, vous avez décidé de saisir la CPI. Pensez-vous que cette saisine est un acte important pour un parti politique ?
B.P.L : Cette saisine est bien sûr un acte important pour un parti politique fermement attaché à l’instauration d’une véritable démocratie et d’un véritable Etat de droit. La démocratie et l’Etat de droit sont des caractéristiques des pays modernes.
Tout programme de gouvernement sérieux dans un régime démocratique doit intégrer le combat pour la justice, la fin de l’impunité et le respect des droits de l’homme, étant donné qu’il n’y pas de développement sans paix, et qu’il n’y a pas de paix sans justice et respect des droits de l’homme. La justice pour nous est donc le fondement de tout développement sensé être l’objectif de tout programme de gouvernement sérieux. Comprenez donc que la saisine de la Cour Pénale Internationale fait partie de notre programme de gouvernement, c`est pour cette raison que nous sommes différents des autres, de ceux qui pensent qu’on peut sortir de la crise par de simples élections. Mais n`oublions pas qu`il y a eu des élections en 2000 avant que Soro et ses hommes ne prennent les armes pour s`attaquer à la république et tous ses symboles. Et après ces élections il y a eu le forum pour la réconciliation nationale au cours duquel tous ont prôné le pardon, l’amour et la réconciliation. N’empêche qu’il y a eu par la suite la rébellion du 19 septembre 2002. Au regard de cet échec antérieur, notre parti considère que la paix durable en Côte d`Ivoire passe absolument par la justice. Notre réelle motivation dans l`acte que nous avons posé, c`est de réclamer justice pour le peuple ivoirien qui a été injustement attaqué. Nous considérons au COPACI que les auteurs de ces graves violations des droits humains doivent passer devant un tribunal pour répondre de leurs actes, ce qui est d`ailleurs normal pour nous, et nous pensons que c`est le point de départ de la recherche de la paix.
Le COPACI est un parti né au sein de la diaspora. Pensez-vous que la diaspora ivoirienne peu jouer un rôle important dans le développement de la Côte-d’Ivoire ?
B.P.L : Pourquoi pas ? Ce sont des citoyens ivoiriens à part entière. Nous pensons qu`il faut arrêter de les mettre toujours au second plan, c`est pourquoi nous n`arrêtons pas de dénoncer les articles 35 de la constitution et 71 du code électoral qui les excluent du droit d’éligibilité en Côte d`ivoire. Nous pensons que cette diaspora doit désormais participer au débat national, cette diaspora très patriotique qui rapatrie ses fonds pour investir en Côte-d’Ivoire, pendant que ceux qui vivent sur place expatrient leurs richesses, pour la plupart mal acquises, les cachent en occident et s’y achetent de grosses maisons.
Certaines personnes vous soupçonnent d’être guidé par une main invisible. Que leur répondez-vous ?
B.P.L : En démocratie chacun est libre de penser ce qu`il veut. Ceux qui le pensent ne savent pas ce que moi je pense d`eux. Ce que les gens doivent savoir, c`est que le COPACI n`est ni un parti satellite, ni un club de soutien pour faire la manche auprès des hommes politiques riches, mais un parti d`une Côte d`ivoire nouvelle en construction. Le COPACI accompli sa mission de génération, les personnes qui pensent qu’il est guidé par une main invisible sont celles qui ont du mépris pour les jeunes que nous sommes, ce sont ces personnes qui veulent toujours se servir de l`énergie de la jeunesse sans réaction de sa part, qui veulent se servir d’elle comme échelle pour parvenir au sommet. Mais nous allons y mettre fin contre vents et marrées. La françafrique n’est pas dirigée par des jeunes, mais par des vieux qui sont manipulés par leurs homologues occidentaux. Qu`on laisse donc les jeunes s`organiser comme ils peuvent devant l`échec constaté des aînés.
Avez-vous un message particulier à adresser aux ivoiriens ?
B.P.L : Je voudrais demander particulièrement aux jeunes de Côte d`ivoire de quitter les cercles des clubs de soutien, ces clubs saisonniers, pour se projeter dans le vrai débat national et éveiller en eux une véritable conscience politique capable de déterminer dans le bon sens leur contribution à la construction de la démocratie, de l’Etat de droit et du développement de notre pays. Face au règne des démagogies, seules la conscience et la culture politiques peuvent conduire à faire des critiques et des choix salutaires pour notre pays. A tous les ivoiriens, je demande de garder espoir en une Côte-d’Ivoire développée, plus prospère, où règne la justice, la justice sociale, l’égalité des chances, pour l’avènement de laquelle le COPACI mène son combat politique.
Interview réalisée par ZEKA TOGUI, Copaci_infomail
Vous avez ces derniers temps dénoncé l`arrestation et l`incarcération arbitraires d`un cadre de votre parti. Qu`en est- il exactement ?
B.P.L : L`histoire a commencé à s`écrire pour le COPACI (courant de Pensée et d’Action de Côte-d’Ivoire). Vous savez, on ne rentre pas dans l`Histoire les bras croisés ou sur le dos de son ami. Nous pensons que c`est honteux de conduire un citoyen à la MACA, sans même préalablement passer par une garde à vue, sur ordre d`un autre citoyen, fut-il colonel. C’est honteux et scandaleux que ça se passe de cette façon dans mon pays. On reprochait à Monsieur Dégri d’avoir commis un délit d`adultère. Mais cette accusation mensongère cache beaucoup de choses, parce qu`il faut rappeler que le camarade Armand Dégri, Secrétaire général chargé de la défense, a été l`un des principaux organisateurs du sit-in du 12 juin dernier devant la Cour Pénale Internationale de la Haye ( CPI), une action qui dérange le gouvernement d`union nationale qui pille la Côte d`ivoire depuis les accords de Marcoussis. Tout cela pour nous faire peur, pour nous intimider, mais nous ne reculerons pas, nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout de notre action.
Pourquoi le COPACI- n’a-t-il pas de candidat à l’élection présidentielle ?
B.P.L : Nous ne sommes pas dans une course au pouvoir, nous sommes en train de poser les fondations d`un parti pour construire une autre Côte d`Ivoire. Le COPACI refuse de cautionner une élection armée à la place d`une élection démocratique. Nous espérons que ce n`est pas pour voter un chef de guerre mais un président de la république qui incarnera l’unité de la nation. Quelle démocratie veut- on promouvoir à travers cette élection avec des candidats illégalement exclus de la compétition, au grand mépris du code électoral ? Quelle élection démocratique avec des rebelles non désarmés et un 1/4 des citoyens qui sont privés de leur droit civique d`électeur parce que non enrôlés et non identifiés ? Si cette élection peut nous donner la paix durable que nous recherchons tous, nous prierons tous pour que le miracle se réalise. Mais notre analyse de la situation ne nous convainc pas d’un possible retour à la paix par ces élections. Au-delà des discours pacifiques, les gens se préparent à des affrontements. Si ces violences ont lieu, alors nous tiendrons pour responsables la CEI et le Conseil Constitutionnel. Nous les tiendrons pour responsables, parce qu’ils ont cautionné et autorisé ces élections, sans que soient remplies les conditions exigées par l’article 38 de la constitution. Car nous observons que le véritable désarmement, l’unité du territoire et l’autorité totale de l’Etat n’ont pas encore été réalisés. En dehors de ces faits, il y a aussi deux questions de principes auxquelles nous sommes attachés. Sur ce sujet je tiens à préciser que le COPACI est un parti libre et indépendant. Il n’est le satellite d’aucun autre parti politique, contrairement à la prostitution politique qui se donne en spectacle sur la scène politique ivoirienne. Nous n’avons pas créé le COPACI pour avoir notre candidat dans un autre parti politique, encore moins pour l’aliéner, sinon il aurait fallu que nous allions directement militer dans ce parti. La seconde question de principe est la négociation politique préalable à tout soutien de candidat en période électorale. Il revient à tout candidat de rechercher des soutiens d’autres partis politiques et de solliciter des négociations. Le COPACI n’a pas été sollicité dans ce sens, alors il est tout à fait logique que nous ne soutenions pas de candidat, surtout quand nous constatons que ces candidats, en dehors de certains indépendants, sont également des promoteurs d’un même système de gestion qui retarde le développement du pays.
Le COPACI envisage-t-il soutenir un candidat à la prochaine élection présidentielle ?
B.P.L : Le COPACI n’envisage pas soutenir de candidat, tant que la seconde question de principe que je viens d’évoquer n’est pas réglée. Mais avant tout, il est important que les candidats songent à nous faire le bilan de leur gestion commune menée par les gouvernements successifs d`union nationale dans lesquels certains ministres sont inamovibles depuis les accords de Marcoussis. Aussi n`oubliez pas que nous sommes des hommes de gauche et des socialistes. Peut-être que nous n’aurons pas à donner une consigne particulière de vote à nos militants. Mais naturellement notre position idéologique pourra déterminer notre choix individuel.
Comment jugez-vous l’état de la démocratie en Côte d’Ivoire ?
B.P.L : Nous avons reculé de 10 ans et c`est déplorable. La Côte-d’Ivoire n’a pas encore atteint la maturité démocratique. Il y a du chemin à parcourir, une éducation à faire, des mœurs démocratiques à acquérir.
Nous avons malheureusement des lois qui mutilent la démocratie. Le COPACI n’est pas d’accord avec certaines dispositions de l’article 35 de la constitution. Nous ne sommes pas d’accord avec l’âge minimum de 40 ans fixé pour les candidats à la présidentielle. L’âge n’est pas nécessairement la garantie des compétences requises pour diriger un pays. L’âge n’est qu’un critère subjectif. Vous devez savoir que dans une grande démocratie comme la France l’âge minimum exigée est de 23 ans. Il ne faut pas seulement considérer toute cette jeunesse constituant la majorité de la population et votant à partir de l’âge de 18 ans comme du bétail électoral. Elle mérite de la considération à travers l’élargissement de ses droits civiques. Il faut débarrasser notre constitution de cette tendance gérontocratique. Il faut davantage ouvrir l’espace de la concurrence pour l’exercice du pouvoir. C’est pour nous une exigence démocratique.
Il y a la clause de résidence qui fausse également le jeu démocratique en Côte-D’ivoire. Les motivations de cette clause sont pour nous une véritable énigme, si ce n’est la volonté manifeste d’exclure la diaspora ivoirienne des élections présidentielles et législatives. Cette clause de résidence, également prévue par l’article 71 du code électoral, est une injustice indigne d’une République qui se veut démocratique. Nous voulons comprendre cette clause et nous nous posons des questions. En quoi le fait de ne pas résider 5 ans de façon continue et de ne pas totaliser 10 de présence effective en Côte-d’Ivoire peut-il être un handicap pour bien diriger ce pays ? Peut-on nous dire que vivre à l’étranger est un délit privatif du droit d’éligibilité ? Le COPACI juge cette clause absurde et injuste. C’est une exclusion contraire au principe d’égalité en droit. Tout comme la jeunesse, la diaspora ivoirienne ne doit pas être réduite à la condition de bétail électoral. Dans cette diaspora on trouve des hommes et des femmes de valeurs, ayant des capacités, des idées et des projets pour gouverner la Côte-d’Ivoire, pour représenter leur peuple. Au regard de l’état actuel du pays et même de la situation d’avant crise, il apparaît clairement que cette clause de résidence ne garantit absolument pas la bonne gouvernance.
Avec le retour au multipartisme en 1990 nous avons franchir un pas. Mais la démocratie ne se réduit pas au multipartisme. Nous avons également franchi un pas du point de vue de la transparence des élections. Mais on a dévoyé, faussé l’ouverture du jeu de la concurrence. Voilà le problème.
Le COPACI fustige également l’article 55 du code électoral qui fixe la caution de 20 millions pour la candidature à la présidence. Cette caution consacre malheureusement le caractère censitaire de notre démocratie. Mais la démocratie censitaire appartient à l’archaïsme de la démocratie. Cette caution obéit en réalité à une exigence oligarchique ou ploutocratique et non démocratique. Tout comme les jeunes et la diaspora, il ne faut pas réduire les pauvres et les moins riches de notre pays à la condition de bétail électoral.
Certains ivoiriens ne croient plus aux discours. Ne craignez-vous pas que le COPACI ne manque de crédibilité aux yeux des ivoiriens ?
B.P.L : Les ivoiriens peuvent ne plus croire aux discours de ceux qui gouvernent et cela est compréhensible, parce que gouverner c’est agir et non faire des discours stériles qui n’apportent rien de concret aux changements promis et espérés. Mais sur quoi peuvent-ils se fonder pour ne pas croire aux discours du COPACI, qui n’exerce pas encore le pouvoir d’Etat ? Nous tenons un discours réaliste et non utopique. Notre crédibilité se joue en référence de ce discours, dans son accord ou son désaccord avec les actes que nous posons. La réalité est que jusqu’à ce jour notre discours n’a pas manqué de s’incarner dans nos actes. C’est justement parce que les ivoiriens ne croient plus aux discours que le rôle des partis politiques de nouvelles tendances est de les aider à comprendre que le désert que nous traversons n`est pas la fin de la politique, mais la fin d`une politique, la fin d`une génération d`hommes politiques, qui entravent par des comportements tribalistes, par la gabegie, l’impunité de la corruption et bien d’autres pratiques coupables, la marche vers le développement et la construction d`une véritable nation.
Vous semblez tenir un discours patriotique, alors que vous étiez invisible aux heures chaudes de la crise.
B.P.L : Aux heures chaudes de la crise, j’étais en France. Et les ivoiriens n’y sont pas restés les bras croisés. Quand nos frères en Côte d`ivoire étaient à la place de la république au Plateau, des ivoiriens de la diaspora étaient à la place de la république à Paris et même à Marcoussis pour dire non à ces accords qui légitimaient la rébellion, dont l`ombre plane encore sur notre pays et dont certains profitent aujourd`hui, en violation de notre constitution, un accord donnant pouvoir à des "opposants" de nommer des ministres dans un gouvernement d`union dévastateur.Comment voulez vous que la guerre finisse, quand ils profitent tous de la situation trouble, au grand mépris d`une population martyrisée et désabusée? Vous devez aussi savoir que ces grands rassemblements des ivoiriens, qui ont eu lieu en France, ont des pères dont je fais partie, et un témoin, l`ambassadeur Hyacinthe Kouassi, ce grand patriote, à qui je rends un vibrant hommage. Mais au-delà de ces faits historiques, il faut savoir que le patriotisme ne se limite pas à de telles actions en temps de crise. Le véritable patriotisme dans lequel nous sommes engagés est celui qui œuvre pour le développement de la Côte-d’Ivoire et la réalisation d’une véritable justice social, afin d’améliorer les conditions de vie de la plus grande majorité des ivoiriens.
Certains disent que vous avez créé votre parti politique parce que vous êtes aigri. Que leur répondez-vous?
Loin de moi le sentiment d’aigreur. Je ne suis pas aigri. J’aime le combat que je mène. Notre génération a un devoir de combat pour que beaucoup de choses changent en Côte d`ivoire. Nous rêvons d’une Côte-d’Ivoire développée, prospère, où règne la justice sociale, où le taux de chômage est considérable réduit, où l’impunité n’a plus droit de cité. C’est un des aspects de ce rêve qui fonde l’action du COPACI à la Cour Pénale Internationale. Car nous voulons que justice soit rendue aux victimes de cette crise qui a bouleversé l`élan d’émergence de notre pays.
A propos de la CPI que vous venez d’évoquer, pouvez-vous nous dire à quel niveau se situe votre saisine de la CPI ?
B.P.L : C`est un combat que nous avons commencé, nous le poursuivons. Mais sachez que tous les crimes économiques et les graves violations des droits humains commis en Côte d`ivoire depuis le 19 septembre 2002 ne resteront pas impunis. Vous devez retenir que le dossier suit son cours normal, et nous avons reçu l’assurance qu’au lendemain des élections ce dossier prendra un tournant très décisif. Car il faut que le droit et la justice triomphent de la barbarie.
Alors que tout parti politique cherche à promouvoir son programme de gouvernement, vous avez décidé de saisir la CPI. Pensez-vous que cette saisine est un acte important pour un parti politique ?
B.P.L : Cette saisine est bien sûr un acte important pour un parti politique fermement attaché à l’instauration d’une véritable démocratie et d’un véritable Etat de droit. La démocratie et l’Etat de droit sont des caractéristiques des pays modernes.
Tout programme de gouvernement sérieux dans un régime démocratique doit intégrer le combat pour la justice, la fin de l’impunité et le respect des droits de l’homme, étant donné qu’il n’y pas de développement sans paix, et qu’il n’y a pas de paix sans justice et respect des droits de l’homme. La justice pour nous est donc le fondement de tout développement sensé être l’objectif de tout programme de gouvernement sérieux. Comprenez donc que la saisine de la Cour Pénale Internationale fait partie de notre programme de gouvernement, c`est pour cette raison que nous sommes différents des autres, de ceux qui pensent qu’on peut sortir de la crise par de simples élections. Mais n`oublions pas qu`il y a eu des élections en 2000 avant que Soro et ses hommes ne prennent les armes pour s`attaquer à la république et tous ses symboles. Et après ces élections il y a eu le forum pour la réconciliation nationale au cours duquel tous ont prôné le pardon, l’amour et la réconciliation. N’empêche qu’il y a eu par la suite la rébellion du 19 septembre 2002. Au regard de cet échec antérieur, notre parti considère que la paix durable en Côte d`Ivoire passe absolument par la justice. Notre réelle motivation dans l`acte que nous avons posé, c`est de réclamer justice pour le peuple ivoirien qui a été injustement attaqué. Nous considérons au COPACI que les auteurs de ces graves violations des droits humains doivent passer devant un tribunal pour répondre de leurs actes, ce qui est d`ailleurs normal pour nous, et nous pensons que c`est le point de départ de la recherche de la paix.
Le COPACI est un parti né au sein de la diaspora. Pensez-vous que la diaspora ivoirienne peu jouer un rôle important dans le développement de la Côte-d’Ivoire ?
B.P.L : Pourquoi pas ? Ce sont des citoyens ivoiriens à part entière. Nous pensons qu`il faut arrêter de les mettre toujours au second plan, c`est pourquoi nous n`arrêtons pas de dénoncer les articles 35 de la constitution et 71 du code électoral qui les excluent du droit d’éligibilité en Côte d`ivoire. Nous pensons que cette diaspora doit désormais participer au débat national, cette diaspora très patriotique qui rapatrie ses fonds pour investir en Côte-d’Ivoire, pendant que ceux qui vivent sur place expatrient leurs richesses, pour la plupart mal acquises, les cachent en occident et s’y achetent de grosses maisons.
Certaines personnes vous soupçonnent d’être guidé par une main invisible. Que leur répondez-vous ?
B.P.L : En démocratie chacun est libre de penser ce qu`il veut. Ceux qui le pensent ne savent pas ce que moi je pense d`eux. Ce que les gens doivent savoir, c`est que le COPACI n`est ni un parti satellite, ni un club de soutien pour faire la manche auprès des hommes politiques riches, mais un parti d`une Côte d`ivoire nouvelle en construction. Le COPACI accompli sa mission de génération, les personnes qui pensent qu’il est guidé par une main invisible sont celles qui ont du mépris pour les jeunes que nous sommes, ce sont ces personnes qui veulent toujours se servir de l`énergie de la jeunesse sans réaction de sa part, qui veulent se servir d’elle comme échelle pour parvenir au sommet. Mais nous allons y mettre fin contre vents et marrées. La françafrique n’est pas dirigée par des jeunes, mais par des vieux qui sont manipulés par leurs homologues occidentaux. Qu`on laisse donc les jeunes s`organiser comme ils peuvent devant l`échec constaté des aînés.
Avez-vous un message particulier à adresser aux ivoiriens ?
B.P.L : Je voudrais demander particulièrement aux jeunes de Côte d`ivoire de quitter les cercles des clubs de soutien, ces clubs saisonniers, pour se projeter dans le vrai débat national et éveiller en eux une véritable conscience politique capable de déterminer dans le bon sens leur contribution à la construction de la démocratie, de l’Etat de droit et du développement de notre pays. Face au règne des démagogies, seules la conscience et la culture politiques peuvent conduire à faire des critiques et des choix salutaires pour notre pays. A tous les ivoiriens, je demande de garder espoir en une Côte-d’Ivoire développée, plus prospère, où règne la justice, la justice sociale, l’égalité des chances, pour l’avènement de laquelle le COPACI mène son combat politique.
Interview réalisée par ZEKA TOGUI, Copaci_infomail