La démocratie et la pauvreté peuvent-elles constituer un ménage harmonieux ? L’Afrique s’essaie depuis vingt ans à concilier les deux. En Côte d’Ivoire, la campagne électorale va montrer une nouvelle fois les contradictions de ce mariage détonnant. Les candidats à la présidentielle sont, pour la plupart d’entre eux, des super-diplômés de l’enseignement supérieur. Ils sont des professionnels de la rhétorique et maîtrisent toutes les subtilités du raisonnement et des nuances. Mais ils s’adressent à un électorat dont le niveau moyen est d’au plus le BEPC. Donc, ils simplifient…
Mais ils simplifient trop ! Entre les promesses de milliards à distribuer aux régions, selon on ne sait quel mode de calcul et de priorité, et les projets qui peuvent sembler mirobolants (ainsi de l’assurance maladie universelle), beaucoup de «détails» qui, au fond, sont d’importance considérable ne sont finalement pas évoqués. La petite élite intellectuelle qui pourrait réfléchir au fond des différents programmes, critiquer, suggérer, illustrer, est elle aussi prise au piège de la politique politicienne. Et c’est la qualité du débat national qui en prend un coup. Malheureusement !
Une question semble en tout cas peu présente dans les propositions de la majorité des candidats : c’est celle de la fiscalité. Pourtant, elle est centrale! Qui va financer les généreuses dotations aux différentes régions, la Banque de l’emploi, l’AMU, etc ? Dans l’esprit de beaucoup, y compris ceux qui, de manière très démagogique, brocardaient le fait que le gouvernement se réjouisse de ce que le point de décision, c’est le «jackpot» des fonds PPTE qui sera sollicité. Mais peut-on raisonnablement planifier un développement durable avec des ressources circonstancielles, dont l’utilisation est de plus très encadrée par les pays donateurs ? Il faut éviter de se séduire soi-même par de faux raisonnements.
S’interroger sur les formules fiscales qui permettraient de relancer la machine ivoirienne revient forcément à jeter un regard critique sur l’impôt tel qu’il est levé aujourd’hui. Favorise-t-il les entrepreneurs ou les rentiers ? Pourquoi, historiquement, prélève-t-on plus ceux qui, justement, bénéficient faiblement des bienfaits de l’Etat-providence, les petits planteurs de café et de cacao ? Pourquoi les mairies gagnent-elles de l’argent en taxant les commerçants qui occupent illégalement l’espace public, qu’elles se chargent de réprimer par la suite ?
Plus profondément : à quoi sert vraiment tel ou tel impôt ? En effet, si la fiscalité semble d’emblée illégitime au contribuable, c’est parce qu’il ne sait pas où va l’argent que l’Etat lui prend. Il paie la redevance, mais ni les programmes ni les infrastructures de la télévision publique ne lui semblent vraiment au niveau. Il paie des impôts pour l’entretien routier mais les routes se dégradent inexorablement. Pourquoi ? Quelles contraintes font que les fonds prélevés ne sont pas alloués aux secteurs concernés ? Les questions se bousculent d’autant plus que cela fait des années que le budget de l’Etat est soustrait à la délibération publique, l’Assemblée nationale étant systématiquement «évitée» par l’exécutif, qui préfère adopter la loi des finances par ordonnance. De manière systématique.
Les gouvernants ont le devoir de parler de l’impôt. Demain, quand l’Assurance maladie universelle entrera vraiment en vigueur, une bonne partie des Ivoiriens criera à la trahison. Tout simplement parce que l’opinion populaire l’a assimilée à la formule «médicament cadeau», là où un prélèvement qui n’est pas indolore est prévu. Comment lèvera-t-on la contribution à l’AMU chez les personnes évoluant dans l’informel, qui sont majoritaires ? Existe-t-il aujourd’hui une identification claire des planteurs par exemple, et un mode de prélèvement qui pourrait s’adapter à leur condition ? Répondre à ces questions pourrait participer à lever les doutes de ceux qui considèrent que la mutualisation des dépenses de santé est un luxe inatteignable par un pays pauvre d’Afrique – en dépit des nouvelles recommandations des bailleurs de fonds en ce sens.
Evoquer l’impôt ne va pas, pour les candidats à l’élection présidentielle, sans parler de gouvernance, de garanties en termes de gouvernance. Alors que la corruption ne cesse de conquérir de nouveaux «territoires», comment un programme politique peut-il s’appliquer ? Qu’est-ce qui va garantir que les ressources ne seront pas détournées ? Un des enjeux de cette campagne électorale est la re-crédibilisation des hommes politiques ivoiriens. Et elle ne saurait aller sans des engagements clairs sur l’utilisation raisonnable – et contrôlée – des ressources publiques.
Mais ils simplifient trop ! Entre les promesses de milliards à distribuer aux régions, selon on ne sait quel mode de calcul et de priorité, et les projets qui peuvent sembler mirobolants (ainsi de l’assurance maladie universelle), beaucoup de «détails» qui, au fond, sont d’importance considérable ne sont finalement pas évoqués. La petite élite intellectuelle qui pourrait réfléchir au fond des différents programmes, critiquer, suggérer, illustrer, est elle aussi prise au piège de la politique politicienne. Et c’est la qualité du débat national qui en prend un coup. Malheureusement !
Une question semble en tout cas peu présente dans les propositions de la majorité des candidats : c’est celle de la fiscalité. Pourtant, elle est centrale! Qui va financer les généreuses dotations aux différentes régions, la Banque de l’emploi, l’AMU, etc ? Dans l’esprit de beaucoup, y compris ceux qui, de manière très démagogique, brocardaient le fait que le gouvernement se réjouisse de ce que le point de décision, c’est le «jackpot» des fonds PPTE qui sera sollicité. Mais peut-on raisonnablement planifier un développement durable avec des ressources circonstancielles, dont l’utilisation est de plus très encadrée par les pays donateurs ? Il faut éviter de se séduire soi-même par de faux raisonnements.
S’interroger sur les formules fiscales qui permettraient de relancer la machine ivoirienne revient forcément à jeter un regard critique sur l’impôt tel qu’il est levé aujourd’hui. Favorise-t-il les entrepreneurs ou les rentiers ? Pourquoi, historiquement, prélève-t-on plus ceux qui, justement, bénéficient faiblement des bienfaits de l’Etat-providence, les petits planteurs de café et de cacao ? Pourquoi les mairies gagnent-elles de l’argent en taxant les commerçants qui occupent illégalement l’espace public, qu’elles se chargent de réprimer par la suite ?
Plus profondément : à quoi sert vraiment tel ou tel impôt ? En effet, si la fiscalité semble d’emblée illégitime au contribuable, c’est parce qu’il ne sait pas où va l’argent que l’Etat lui prend. Il paie la redevance, mais ni les programmes ni les infrastructures de la télévision publique ne lui semblent vraiment au niveau. Il paie des impôts pour l’entretien routier mais les routes se dégradent inexorablement. Pourquoi ? Quelles contraintes font que les fonds prélevés ne sont pas alloués aux secteurs concernés ? Les questions se bousculent d’autant plus que cela fait des années que le budget de l’Etat est soustrait à la délibération publique, l’Assemblée nationale étant systématiquement «évitée» par l’exécutif, qui préfère adopter la loi des finances par ordonnance. De manière systématique.
Les gouvernants ont le devoir de parler de l’impôt. Demain, quand l’Assurance maladie universelle entrera vraiment en vigueur, une bonne partie des Ivoiriens criera à la trahison. Tout simplement parce que l’opinion populaire l’a assimilée à la formule «médicament cadeau», là où un prélèvement qui n’est pas indolore est prévu. Comment lèvera-t-on la contribution à l’AMU chez les personnes évoluant dans l’informel, qui sont majoritaires ? Existe-t-il aujourd’hui une identification claire des planteurs par exemple, et un mode de prélèvement qui pourrait s’adapter à leur condition ? Répondre à ces questions pourrait participer à lever les doutes de ceux qui considèrent que la mutualisation des dépenses de santé est un luxe inatteignable par un pays pauvre d’Afrique – en dépit des nouvelles recommandations des bailleurs de fonds en ce sens.
Evoquer l’impôt ne va pas, pour les candidats à l’élection présidentielle, sans parler de gouvernance, de garanties en termes de gouvernance. Alors que la corruption ne cesse de conquérir de nouveaux «territoires», comment un programme politique peut-il s’appliquer ? Qu’est-ce qui va garantir que les ressources ne seront pas détournées ? Un des enjeux de cette campagne électorale est la re-crédibilisation des hommes politiques ivoiriens. Et elle ne saurait aller sans des engagements clairs sur l’utilisation raisonnable – et contrôlée – des ressources publiques.