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Politique Publié le jeudi 21 octobre 2010 | Nord-Sud

Pr. Ouraga Obou sur la sécurisation du scrutin : “Il faut renforcer la sécurité des candidats”

© Nord-Sud Par Nathan Koné
Cinquantenaire / colloque international pluridisciplinaire : les travaux en atelier
Lundi 2 août 2010. Yamoussoukro, Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. Début des travaux à la grande salle. Photo: Pr Ouraga Obou
Le professeur Ouraga Obou a prononcé, mardi dernier, une conférence sur le « Rôle des forces de sécurité dans le processus électoral ». Nous vous proposons le texte de la conférence.

I- L es forces de sécurité et la sécurité juridique du scrutin

La sécurité juridique du scrutin rime avec l’existence d’un cadre juridique de gestion, légal, institutionnel et adapté du scrutin, en vue d’une gestion régulière du processus électoral. A la limite, un cadre juridique inadapté, synonyme de faiblesse de l’autorité, ne peut garantir durablement la sécurité du scrutin.

Ce faisant, comment définir sur toute l’étendue du territoire, le rôle des forces de sécurité dans la sécurisation du scrutin, afin d’assurer une meilleure participation du citoyen au scrutin ?

1) La soumission des forces de sécurité à l’autorité civile

Gardiennes de la sécurité de l’ordre républicain, les forces de sécurité sont subordonnées au pouvoir civil, notamment au président de la République, clef de voûte des institutions républicaines, chef du pouvoir civil et chef suprême des armées. Elles ont envers l’autorité, un devoir de loyalisme.

Par définition, elles sont astreintes à la fois à une obligation morale et juridique. Par ce loyalisme institutionnel, le devoir d’obéissance au pouvoir légitime dont elles dépendent, est de bien servir sa patrie jusqu’à la mort. De ce point de vue, leur devoir est d’éviter à la République le risque de sombrer dans l’anarchie.

En la matière, la notion de défense de la République est nécessairement liée à celle de l’ordre. Car, en règle générale, l’Etat n’est fort que s’il dispose d’un ordre qu’il maîtrise.
Pour preuve, sans règle, il n’y aurait pas d’ordre et, sans ordre, pas d’Etat. Cela correspond au mouvement d’absorption continu de l’énergie qui nourrit le désordre.


2) Le principe de la neutralité des forces de sécurité

L’exercice de la mission régalienne de l’Etat par les forces de sécurité se confond avec l’intérêt général. Aussi, doivent-elles appliquer la réglementation de la législation en vigueur sans discrimination, de manière à éviter toute forme de partialité. C’est dire que les forces de sécurité doivent demeurer apolitiques, neutres, objectives, afin de prévenir le développement d’une culture de l’impunité qui les placerait au-dessus de la loi, de sorte à la violer impunément.

Laïques et républicaines, elles doivent demeurer professionnelles, impartiales et neutres. Républicaines, elles sont soumises aux hiérarchies et au principe de la stricte obéissance aux ordres. Dans la sécurisation du scrutin, elles doivent avoir de la retenue dans l’usage de la force. Se comporter de manière républicaine suppose des comportements républicains (intolérances des milices résiduelles, respect des valeurs qui fondent la république, respect des lois et règlements en vigueur, etc.).

Enfin, aux termes de l’article 30 du Code électoral, l’interdiction est faite aux autorités militaires et paramilitaires en activité, de prendre part aux réunions politiques et aux campagnes électorales. Toutefois, elles ont le droit de voter.


3) l’assujettissement à la législation en vigueur

La soumission des forces de sécurité à la législation en vigueur en matière de sécurisation du scrutin est la preuve manifeste de leur insertion dans la construction de l’Etat de droit. En vertu de l’Etat de droit, elles ne peuvent violer impunément la législation en vigueur. En cas de manquement, elles subiront la rigueur de la loi. Cela suppose que le cadre légal de gestion du scrutin comporte des mécanismes ou dispositions de contrôles et de sanctions.


II- Les forces de sécurité et la sécurité matérielle du scrutin

Dans le cadre du processus électoral, la sécurité matérielle se résume en la protection des biens, du matériel électoral, de l’environnement électoral et des personnes.


sécurisation des biens, du matériel électoral et de l’environnement

a) Sécurisation des biens

La sécurisation des biens consiste notamment, à protéger les édifices publics (Conseil constitutionnel, organes de gestion du scrutin : Cei) et privés (sièges des partis politiques), les centres et bureaux de vote, les centres de collecte et de dépouillement des bulletins de vote.


b) Sécurisation du matériel électoral

Au sens large, le matériel électoral vise la sécurisation des procès verbaux, le transport des urnes et l’ensemble des documents et informations électoraux. On pourrait y intégrer la protection des affiches des candidats.


c) sécurisation de l’environnement électoral

La maîtrise de l’environnement électoral commande la sécurisation des frontières, des axes routiers pour une libre circulation des personnes, des lieux de meeting et de manifestation. D’une part, elle tend à limiter les risques de participation de la population étrangère au scrutin, afin de préserver la sincérité du scrutin. D’autre part, elle est destinée à éviter les actes de terrorisme ou de vandalisme.

Pour remédier à ces risques de trou?bles et violences, il y a nécessité de recourir au déploiement des forces de sécurité sur l’ensemble du territoire national. Celles-ci doivent rester disponibles en permanence et avoir une maîtrise suffisante des techniques du maintien de l’ordre.
Cependant, elles ne seront professionnelles dans l’exécution de leur mission que si elles disposent des outils de communication fiables. Car, le déficit de moyens et d’équipements compromettrait assurément leur mission. Toutefois, ces moyens mis à leur disposition ne devraient pas être des facteurs d’intimidation et de répression des citoyens.


Sécurisation des personnes

Cette opération vise l’ensemble des acteurs intervenant dans le processus électoral.


a) Sécurisation du personnel électoral et autres

De façon générale, la sécurisation du personnel électoral vise les membres des organes chargés de la gestion du scrutin (Cei, représentants de l’Onu chargés de la certification du scrutin, représentants du Conseil constitutionnel, membres du bureau de vote : présidents et assesseurs). Elle concerne aussi les scrutateurs ou représentants des candidats. Elle inclut également la protection des observateurs nationaux et internationaux des élections, la presse, les minorités politiques, ethniques et religieuses, les communautés étrangères, etc.


b) sécurité de l’électeur

En droit ivoirien, le droit de vote facultatif ne sera garanti que s’il est assorti des trois principes suivants, à savoir :


b1) effectivité du vote égal et l’interdiction du vote multiple

Principe d’égalité du suffrage en vertu de l’égalité de tous devant la loi, le vote égal se construit autour de la maxime : « un homme, une voix ». Ce qui interdit : l’inscription multiple de l’électeur sur la liste électorale et le vote multiple de l’électeur, l’utilisation d’encre non indélébile (5 à 10 ans de prison et 5 millions d’amende contre les contrevenants).


b2) effectivité du vote personnel de l’électeur et la limitation des risques de fraude

Le vote personnel oblige l’électeur à se rendre lui-même sur les lieux de vote pour déposer son bulletin de vote dans l’urne. Sauf le cas des électeurs atteints d’un handicap physique, le vote par un tiers ou par procuration et synonyme de risque de détournement de suffrage est interdit. En procédant ainsi, la carte d’électeur devient personnelle et non cessible.


b3) le vote secret et la sécurité de l’électeur

Le vote secret est l’expression de la garantie essentielle de la liberté de conscience et de sécurité de l’électeur, dans la mesure où le vote s’exerce dans l’anonymat. Nul ne doit connaître son choix, afin d’éviter toute forme de prosélytisme.


Sécurité des candidats

L’enjeu du scrutin commande impérativement une protection renforcée des candidats, quels qu’ils soient, afin d’éviter toute situation d’empêchement absolu ou de décès d’un d’entre eux.

c1) au premier tour

Aux termes de l’article 46 du code électoral, si avant la date du 31 octobre, jour du premier tour du scrutin, un candidat décédait ou était empêché de façon absolue et non-temporaire (maladie, enlèvement, disparition, aliénation mentale, etc.), sur saisine et après délibération de la Commission électorale indépendante, le Conseil constitutionnel prononce le report de l’élection et informe obligatoirement le représentant spécial du Secrétaire général des Nations et le représentant spécial du facilitateur (art. 46 alinéa 2). Tel que libellé, le Conseil constitutionnel a l’obligation de prononcer le report. Conjugué, le présent de l’indicatif donne au verbe « prononcer », une valeur impérative.


c2) au second tour

Selon l’alinéa 3 de l’article 46 précité, en cas de décès ou empêchement absolu (empêchement temporaire exclu) d’un des deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour, sur saisine et après délibération de la Commission électorale indépendante, le Conseil constitutionnel informe obligatoirement le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et le représentant spécial du facilitateur, puis décide de la reprise de l’ensemble des opérations électorales depuis l’enregistrement des candidatures (article 46 alinéa 4). Le verbe « décider » étant conjugué au présent de l’indicatif, il induit impérativement l’annulation de l’ensemble du processus électoral par le Conseil constitutionnel et ce, depuis l’enregistrement des candidatures.

De ce qui précède, on retiendra la nécessité impérieuse de renforcer équitablement la sécurité des candidats. En la matière, le principe d’égalité entre les candidats est absolu. Toutefois, cette égalité est rompue en ce qui concerne le « président-candidat », en raison de son statut de chef de l’Etat, garant de la constitution, de la continuité de l’Etat et du respect des engagements internationaux.
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