L’activité de location de véhicules connaît un frémissement depuis l’ouverture de la campagne présidentielle. Mais, les opérateurs restent prudents quant au choix des clients.
Invraisemblable! Les candidats à la présidentielle sont-ils devenus tous indésirables? Pendant que la campagne électorale bat son plein, à Abidjan et à l’intérieur du pays, les propriétaires de véhicules de location font grise mine, quand les hommes politiques les approchent. Véritable paradoxe, d’autant que la fièvre électorale crée une forte demande et booste les activités dans ce milieu. Les opérateurs économiques, bien que conscients du frémissement du marché, sont de plus en plus méfiants lorsque leurs clients sont issus de la classe politique. Diverses raisons sont évoquées pour expliquer ce refus.
Non-respect des contrats !
«C’est indéniable, nous faisons face à une forte demande de véhicules. Mais, nous avons décidé d’observer la prudence à cause des risques énormes que ces échéances électorales présentent. Nous craignons que certaines personnes ne s’en prennent, à un moment donné, à nos voitures qui nous ont coûté une fortune», soutient G. Fulbert, locateur de véhicules à Treichville. Il est propriétaire d’une dizaine de voitures. Ce mardi 19 octobre, en début d’après-midi, l’on pouvait dénombrer huit véhicules stationnés dans son parc. Ses deux autres voitures (de type 4X4) ont été prises en location par des particuliers (des nationaux de la diaspora). «J’ai décidé de me concentrer sur la clientèle de particuliers pour sauvegarder mon patrimoine. Aujourd’hui, la forte demande fait grimper les prix. Les véhicules 4x4 sont livrés à 100 ou 120.000 Fcfa/jour au lieu de 80 ou 90.000 Fcfa», explique-t-il. Soulignant que les acteurs politiques demandent surtout les Toyota Land Cruser ou les Pajero de type 4X4, les Peugeot 406. Selon lui, les opérateurs économiques ne sont pas souvent bien traités par les hommes politiques. «Les politiciens éprouvent du mal à respecter les clauses du contrat et vous ramènent votre véhicule, généralement, en mauvais état. Ils ne paient pas cash et mettent quelquefois du temps à vous régler. Nous sommes des hommes d’affaires, nous travaillons pour gagner de l’argent et non pour faire plaisir aux clients», précise G. Fulbert. Avant de rappeler les tristes évènements qui ont émaillé la présidentielle de 2000. A cette époque, se souvient-il, des véhicules ont été loués pour battre campagne dans le pays profond, malheureusement, ils ont été détournés pour des tentatives de coup d’Etat. Avec des chauffeurs «tués» en pleine mission. Tout comme cet opérateur, Touré K. n’a pas hésité à décliner l’offre du staff de Koné Dossongui qui entendait se rendre au nord pour battre campagne pour Laurent Gbagbo, candidat à la présidentielle. «Son staff voulait un véhicule pour 10 jours et souhaitait payer dans l’immédiat la moitié du coût de location. J’ai automatiquement refusé», affirme-t-il. Ce dernier qui dispose de voitures de luxe (X5, Mercédès classe 7, …), a décidé d’orienter son activité principalement vers les cérémonies de mariages pour au moins 100.000 Fcfa/jour en guise de frais de location. Et deux de ses automobiles sont déjà réservés ce week-end pour faire partie du cortège d’un nouveau marié. Il reste convaincu que la location de véhicules nourrit bien son homme. Pas question de rendre ostensible son chiffre d’affaires. Certainement pour des raisons qui lui sont propres. «
Un secteur porteur
Notre activité est dans une bonne tendance et mon chiffre d’affaires va croître, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais, j’ai décidé que mes véhicules ne sortent pas d’Abidjan. C’est ma condition puisqu’à l’intérieur du pays de nombreuses routes sont dangereusement impraticables. Et l’on peut cabosser facilement votre véhicule qui vous a coûté cher», souligne Touré K. D’autres opérateurs qui ont déjà contracté avec des hommes politiques n’ont pas eu de chance. C’est le cas de Dani R., un particulier (propriétaire de 4 voitures) qui a loué son véhicule (une Peugeot 406) à un groupement politique (il n’a pas voulu le nommer pour l’instant) pendant la période de précampagne dans les villes de l’intérieur.
Trois mois après, il court après son client pour une facture de 600.000 Fcfa non encore réglée. Il a même convoqué ce dernier à la police. Les autorités policières ont fait signer à son client, une reconnaissance de dette, mais en vain. Chose regrettable, son véhicule (à présent au garage) lui a été restitué avec de nombreuses pannes. Il n’entend pas laisser tomber l’affaire. En dépit de problèmes susmentionnés, quelques particuliers n’hésitent pas à offrir leurs services aux politiques. «C’est vrai que certains clients ne respectent leur engagement, mais nous pensons que la période de campagne nous permet de faire des gains substantiels. Je compte jouer fortement sur les prix pour prévenir les cas de panne», argumente Bengaly T, opérateur à Adjamé. Puis d’ajouter : quelques propriétaires ont eu déjà de petits contrats (avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le Front Populaire Ivoirien, le Rassemblement des Républicains…) pour la campagne. En outre, il fait remarquer que les véhicules de certains particuliers n’ont souvent pas toutes les pièces requises. Des dérapages qui ternissent l’image des acteurs du secteur.
La clientèle étrangère : un autre créneau
La clientèle étrangère apparaît comme une véritable solution à la “défaillance” des clients-politiques locaux. Abou Kamagaté (20 ans d’expérience), responsable des établissements AK, spécialisés dans le tourisme, le courtage et la location de véhicules, se frotte les mains depuis l’ouverture de la campagne électorale. Il a pu signer un contrat avec l’Union européenne (Ue) avec laquelle, il est chargé de transporter les observateurs internationaux de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Il a fourni 30 véhicules à l’institution européenne à raison 60.000 Fcfa/jour comme coût unitaire de location. Ses voitures ont déjà transporté les premiers observateurs vers 16 localités dont Korhogo, Man, Bouaké, Agboville, San Pedro, Divo. «La semaine prochaine, 30 autres véhicules seront mis à la disposition de l’Ue pour transporter les autres observateurs qui sont attendus à Abidjan, soit 60 véhicules au total, tous de type 4X4. Les véhicules resteront à leur disposition jusqu’à la fin du délai mentionné dans le contrat», explique l’opérateur. Sa commission est de 10% sur chaque voiture. En 15 jours de location, il gagne 5.400.000 Fcfa avec ses 60 véhicules. Selon lui, les prix de location ne sont pas homologués. Chaque opérateur applique les tarifs qui l’arrangent soit avec le système au kilométrage illimité ou le système avec kilométrage et tient compte de la puissance du véhicule. Mais, la société AK qui a déjà un bon partenaire, n’a pas jugé nécessaire d’augmenter ses prix. Eu égard aux exigences particulières (véhicule en bon état, extincteur, triangle,…) de la clientèle étrangère, M. Kamagaté a mis un dispositif en place. Ses chauffeurs qui gagnent 10.000 Fcfa/jour sur chaque mission, sont régulièrement recyclés. En tant que courtier, il a engagé un logisticien en transport, chargé de faire un contrôle technique minutieux sur les véhicules. Pour lui, le secteur peut être gros porteur, à condition de mettre fin à l’anarchie. Il lorgne ainsi «les revendeurs de voitures, les mécaniciens, les vendeurs de ferraille de la casse d’Adjamé qui sont tous devenus subitement des locateurs». Or, c’est une activité économique et commerciale qui nécessite le paiement d’impôts, de la patente, d’assurances et des cartes de stationnement.
C.C.E.
Invraisemblable! Les candidats à la présidentielle sont-ils devenus tous indésirables? Pendant que la campagne électorale bat son plein, à Abidjan et à l’intérieur du pays, les propriétaires de véhicules de location font grise mine, quand les hommes politiques les approchent. Véritable paradoxe, d’autant que la fièvre électorale crée une forte demande et booste les activités dans ce milieu. Les opérateurs économiques, bien que conscients du frémissement du marché, sont de plus en plus méfiants lorsque leurs clients sont issus de la classe politique. Diverses raisons sont évoquées pour expliquer ce refus.
Non-respect des contrats !
«C’est indéniable, nous faisons face à une forte demande de véhicules. Mais, nous avons décidé d’observer la prudence à cause des risques énormes que ces échéances électorales présentent. Nous craignons que certaines personnes ne s’en prennent, à un moment donné, à nos voitures qui nous ont coûté une fortune», soutient G. Fulbert, locateur de véhicules à Treichville. Il est propriétaire d’une dizaine de voitures. Ce mardi 19 octobre, en début d’après-midi, l’on pouvait dénombrer huit véhicules stationnés dans son parc. Ses deux autres voitures (de type 4X4) ont été prises en location par des particuliers (des nationaux de la diaspora). «J’ai décidé de me concentrer sur la clientèle de particuliers pour sauvegarder mon patrimoine. Aujourd’hui, la forte demande fait grimper les prix. Les véhicules 4x4 sont livrés à 100 ou 120.000 Fcfa/jour au lieu de 80 ou 90.000 Fcfa», explique-t-il. Soulignant que les acteurs politiques demandent surtout les Toyota Land Cruser ou les Pajero de type 4X4, les Peugeot 406. Selon lui, les opérateurs économiques ne sont pas souvent bien traités par les hommes politiques. «Les politiciens éprouvent du mal à respecter les clauses du contrat et vous ramènent votre véhicule, généralement, en mauvais état. Ils ne paient pas cash et mettent quelquefois du temps à vous régler. Nous sommes des hommes d’affaires, nous travaillons pour gagner de l’argent et non pour faire plaisir aux clients», précise G. Fulbert. Avant de rappeler les tristes évènements qui ont émaillé la présidentielle de 2000. A cette époque, se souvient-il, des véhicules ont été loués pour battre campagne dans le pays profond, malheureusement, ils ont été détournés pour des tentatives de coup d’Etat. Avec des chauffeurs «tués» en pleine mission. Tout comme cet opérateur, Touré K. n’a pas hésité à décliner l’offre du staff de Koné Dossongui qui entendait se rendre au nord pour battre campagne pour Laurent Gbagbo, candidat à la présidentielle. «Son staff voulait un véhicule pour 10 jours et souhaitait payer dans l’immédiat la moitié du coût de location. J’ai automatiquement refusé», affirme-t-il. Ce dernier qui dispose de voitures de luxe (X5, Mercédès classe 7, …), a décidé d’orienter son activité principalement vers les cérémonies de mariages pour au moins 100.000 Fcfa/jour en guise de frais de location. Et deux de ses automobiles sont déjà réservés ce week-end pour faire partie du cortège d’un nouveau marié. Il reste convaincu que la location de véhicules nourrit bien son homme. Pas question de rendre ostensible son chiffre d’affaires. Certainement pour des raisons qui lui sont propres. «
Un secteur porteur
Notre activité est dans une bonne tendance et mon chiffre d’affaires va croître, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais, j’ai décidé que mes véhicules ne sortent pas d’Abidjan. C’est ma condition puisqu’à l’intérieur du pays de nombreuses routes sont dangereusement impraticables. Et l’on peut cabosser facilement votre véhicule qui vous a coûté cher», souligne Touré K. D’autres opérateurs qui ont déjà contracté avec des hommes politiques n’ont pas eu de chance. C’est le cas de Dani R., un particulier (propriétaire de 4 voitures) qui a loué son véhicule (une Peugeot 406) à un groupement politique (il n’a pas voulu le nommer pour l’instant) pendant la période de précampagne dans les villes de l’intérieur.
Trois mois après, il court après son client pour une facture de 600.000 Fcfa non encore réglée. Il a même convoqué ce dernier à la police. Les autorités policières ont fait signer à son client, une reconnaissance de dette, mais en vain. Chose regrettable, son véhicule (à présent au garage) lui a été restitué avec de nombreuses pannes. Il n’entend pas laisser tomber l’affaire. En dépit de problèmes susmentionnés, quelques particuliers n’hésitent pas à offrir leurs services aux politiques. «C’est vrai que certains clients ne respectent leur engagement, mais nous pensons que la période de campagne nous permet de faire des gains substantiels. Je compte jouer fortement sur les prix pour prévenir les cas de panne», argumente Bengaly T, opérateur à Adjamé. Puis d’ajouter : quelques propriétaires ont eu déjà de petits contrats (avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le Front Populaire Ivoirien, le Rassemblement des Républicains…) pour la campagne. En outre, il fait remarquer que les véhicules de certains particuliers n’ont souvent pas toutes les pièces requises. Des dérapages qui ternissent l’image des acteurs du secteur.
La clientèle étrangère : un autre créneau
La clientèle étrangère apparaît comme une véritable solution à la “défaillance” des clients-politiques locaux. Abou Kamagaté (20 ans d’expérience), responsable des établissements AK, spécialisés dans le tourisme, le courtage et la location de véhicules, se frotte les mains depuis l’ouverture de la campagne électorale. Il a pu signer un contrat avec l’Union européenne (Ue) avec laquelle, il est chargé de transporter les observateurs internationaux de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Il a fourni 30 véhicules à l’institution européenne à raison 60.000 Fcfa/jour comme coût unitaire de location. Ses voitures ont déjà transporté les premiers observateurs vers 16 localités dont Korhogo, Man, Bouaké, Agboville, San Pedro, Divo. «La semaine prochaine, 30 autres véhicules seront mis à la disposition de l’Ue pour transporter les autres observateurs qui sont attendus à Abidjan, soit 60 véhicules au total, tous de type 4X4. Les véhicules resteront à leur disposition jusqu’à la fin du délai mentionné dans le contrat», explique l’opérateur. Sa commission est de 10% sur chaque voiture. En 15 jours de location, il gagne 5.400.000 Fcfa avec ses 60 véhicules. Selon lui, les prix de location ne sont pas homologués. Chaque opérateur applique les tarifs qui l’arrangent soit avec le système au kilométrage illimité ou le système avec kilométrage et tient compte de la puissance du véhicule. Mais, la société AK qui a déjà un bon partenaire, n’a pas jugé nécessaire d’augmenter ses prix. Eu égard aux exigences particulières (véhicule en bon état, extincteur, triangle,…) de la clientèle étrangère, M. Kamagaté a mis un dispositif en place. Ses chauffeurs qui gagnent 10.000 Fcfa/jour sur chaque mission, sont régulièrement recyclés. En tant que courtier, il a engagé un logisticien en transport, chargé de faire un contrôle technique minutieux sur les véhicules. Pour lui, le secteur peut être gros porteur, à condition de mettre fin à l’anarchie. Il lorgne ainsi «les revendeurs de voitures, les mécaniciens, les vendeurs de ferraille de la casse d’Adjamé qui sont tous devenus subitement des locateurs». Or, c’est une activité économique et commerciale qui nécessite le paiement d’impôts, de la patente, d’assurances et des cartes de stationnement.
C.C.E.