Dans la campagne en vue du premier tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, le patriotisme et le passé pèsent plus que les programmes politiques. Mais le spectre des affrontements ethniques dans un pays encore marqué par la guerre civile de 2002-2003 ne semble pas devoir troubler le jeu.
Quatorze candidats sont engagés, mais le scrutin se résume à une triangulaire entre le président sortant, Laurent Gbagbo, et ses deux principaux rivaux, l'ex-président Henri Konan Bédié et l'ancien Premier ministre, Alassane Ouattara.
Des sondages les donnent dans cet ordre, mais les diplomates en poste en Côte d'Ivoire ne sont pas convaincus de la fiabilité de ces enquêtes d'opinion. Sur le plan des programmes, les différences entre les trois principaux candidats sont très ténues. Et le scrutin se jouera sur un autre plan.
"Il ne s'agit clairement pas d'une bataille électorale autour des projets politiques. Les performances du gouvernement sortant sur la corruption ou les erreurs de gestion n'ont même pas été évoquées", souligne Samir Gadio, de la Standard Bank.
Laurent Gbagbo a fait de la relance de la filière cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial et qui emploie 250.000 personnes, une de ses priorités. Il veut doubler la production et développer le traitement sur place des fèves. Mais ses discours de campagne tournent fortement autour du passé colonial et de la nécessité de libérer le pays de ses entraves héritées de la présence française.
"COLONIE FRANÇAISE"
"Vous avez le choix entre la soumission et la dignité, entre la servilité et l'indépendance de votre pays", a-t-il dit dans un récent meeting, accusant ses opposants d'être soutenus par la France.
Ce discours touche une corde sensible pour une large part de la population ivoirienne, pour laquelle la décolonisation n'a pas empêché Paris de s'ingérer dans les affaires intérieures du pays d'Afrique de l'Ouest. Et pour ses partisans, le président sortant est une sorte de libérateur. "Nous étions une colonie française jusqu'à ce que Gbagbo arrive au pouvoir", assure Kouiti Soumaho, un chirurgien rencontré lors d'un meeting dans l'ouest du pays.
Mais cela n'empêche pas que les relations entre la Côte d'Ivoire et la France se soient améliorées depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à l'Elysée et le départ de Jacques Chirac, dont Gbagbo affirme qu'il voulait le renverser.
Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, s'est rendu en Côte d'Ivoire en septembre et de nouveau ce mois-ci, où il a été reçu par Laurent Gbagbo. Le président ivoirien a par ailleurs inauguré l'école française d'Abidjan que ses partisans avaient détruit il y a six ans. Les entreprises françaises occupent toujours quant à elles des positions dominantes dans les secteurs de la banque et des télécommunications.
"L'ÂGE D'OR" D'HOUPHOUËT-BOIGNY
Henri Konan Bédié, qui a présidé le pays de 1993 au coup d'Etat de noël 1999, mise lui sur le passé et l'histoire.
"HKB", qui a succédé au père de l'indépendance et premier président du pays, Félix Houphouët-Boigny, veut associer son image à "l'âge d'or" de la Côte d'Ivoire, quand la croissance tirée par le secteur agricole en faisait le "poumon économique" de la région et que des gratte-ciels poussaient sur les bords de la lagune d'Abidjan.
Sur une de ses photos de campagne, il pose devant une Abidjan futuriste qui ressemble à Dubaï. Son slogan est clair: "Notre expérience au service de l'avenir."
"Quarante années durant, sous la houlette éclairée du président Félix Houphouët-Boigny, nous avons inlassablement oeuvré à la réalisation de cet objectif majeur, celui de la recherche du progrès et du bonheur des Ivoiriens", écrit-il dans sa Lettre aux Ivoiriens. "La priorité sera donc de reconstruire l'image perdue de la Côte d'Ivoire, terre d'espérance, de paix et de prospérité."
Alassane Ouattara met l'accent sur ses compétences économiques, lui qui a été un directeur adjoint du FMI et fut Premier ministre sous Houphouët-Boigny. "Donnez-moi seulement cinq ans pour reconstruire la Côte d'Ivoire", dit-il aux électeurs.
Il annonce une réforme des services publics, s'engage en faveur de l'agriculture, de la santé, de l'éducation, de l'eau potable. Mais reste vague sur le financement de son programme.
A ce stade de la campagne, les observateurs n'anticipent pas une "ethnicisation" marquée du scrutin. Ils en veulent pour preuve le fait que la base électorale de Gbagbo semble dépasser largement l'ethnie des Bétés dont il est issu.
Un sondage diffusé mi-octobre par l'institut TNS Sofres donnait Gbagbo à 46% d'intentions de vote contre 26% pour Konan Bédié et 24% pour Ouattara.
Mais le pays a longtemps été paralysé par un débat sur "l'ivoirité" aux relents xénophobes. Ouattara, issu du Nord musulman, avait ainsi été interdit de candidature à l'élection présidentielle de 2000, le dernier scrutin présidentiel en date avant celui du 31 octobre prochain.
Henri-Pierre André pour le service français
Quatorze candidats sont engagés, mais le scrutin se résume à une triangulaire entre le président sortant, Laurent Gbagbo, et ses deux principaux rivaux, l'ex-président Henri Konan Bédié et l'ancien Premier ministre, Alassane Ouattara.
Des sondages les donnent dans cet ordre, mais les diplomates en poste en Côte d'Ivoire ne sont pas convaincus de la fiabilité de ces enquêtes d'opinion. Sur le plan des programmes, les différences entre les trois principaux candidats sont très ténues. Et le scrutin se jouera sur un autre plan.
"Il ne s'agit clairement pas d'une bataille électorale autour des projets politiques. Les performances du gouvernement sortant sur la corruption ou les erreurs de gestion n'ont même pas été évoquées", souligne Samir Gadio, de la Standard Bank.
Laurent Gbagbo a fait de la relance de la filière cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial et qui emploie 250.000 personnes, une de ses priorités. Il veut doubler la production et développer le traitement sur place des fèves. Mais ses discours de campagne tournent fortement autour du passé colonial et de la nécessité de libérer le pays de ses entraves héritées de la présence française.
"COLONIE FRANÇAISE"
"Vous avez le choix entre la soumission et la dignité, entre la servilité et l'indépendance de votre pays", a-t-il dit dans un récent meeting, accusant ses opposants d'être soutenus par la France.
Ce discours touche une corde sensible pour une large part de la population ivoirienne, pour laquelle la décolonisation n'a pas empêché Paris de s'ingérer dans les affaires intérieures du pays d'Afrique de l'Ouest. Et pour ses partisans, le président sortant est une sorte de libérateur. "Nous étions une colonie française jusqu'à ce que Gbagbo arrive au pouvoir", assure Kouiti Soumaho, un chirurgien rencontré lors d'un meeting dans l'ouest du pays.
Mais cela n'empêche pas que les relations entre la Côte d'Ivoire et la France se soient améliorées depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à l'Elysée et le départ de Jacques Chirac, dont Gbagbo affirme qu'il voulait le renverser.
Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, s'est rendu en Côte d'Ivoire en septembre et de nouveau ce mois-ci, où il a été reçu par Laurent Gbagbo. Le président ivoirien a par ailleurs inauguré l'école française d'Abidjan que ses partisans avaient détruit il y a six ans. Les entreprises françaises occupent toujours quant à elles des positions dominantes dans les secteurs de la banque et des télécommunications.
"L'ÂGE D'OR" D'HOUPHOUËT-BOIGNY
Henri Konan Bédié, qui a présidé le pays de 1993 au coup d'Etat de noël 1999, mise lui sur le passé et l'histoire.
"HKB", qui a succédé au père de l'indépendance et premier président du pays, Félix Houphouët-Boigny, veut associer son image à "l'âge d'or" de la Côte d'Ivoire, quand la croissance tirée par le secteur agricole en faisait le "poumon économique" de la région et que des gratte-ciels poussaient sur les bords de la lagune d'Abidjan.
Sur une de ses photos de campagne, il pose devant une Abidjan futuriste qui ressemble à Dubaï. Son slogan est clair: "Notre expérience au service de l'avenir."
"Quarante années durant, sous la houlette éclairée du président Félix Houphouët-Boigny, nous avons inlassablement oeuvré à la réalisation de cet objectif majeur, celui de la recherche du progrès et du bonheur des Ivoiriens", écrit-il dans sa Lettre aux Ivoiriens. "La priorité sera donc de reconstruire l'image perdue de la Côte d'Ivoire, terre d'espérance, de paix et de prospérité."
Alassane Ouattara met l'accent sur ses compétences économiques, lui qui a été un directeur adjoint du FMI et fut Premier ministre sous Houphouët-Boigny. "Donnez-moi seulement cinq ans pour reconstruire la Côte d'Ivoire", dit-il aux électeurs.
Il annonce une réforme des services publics, s'engage en faveur de l'agriculture, de la santé, de l'éducation, de l'eau potable. Mais reste vague sur le financement de son programme.
A ce stade de la campagne, les observateurs n'anticipent pas une "ethnicisation" marquée du scrutin. Ils en veulent pour preuve le fait que la base électorale de Gbagbo semble dépasser largement l'ethnie des Bétés dont il est issu.
Un sondage diffusé mi-octobre par l'institut TNS Sofres donnait Gbagbo à 46% d'intentions de vote contre 26% pour Konan Bédié et 24% pour Ouattara.
Mais le pays a longtemps été paralysé par un débat sur "l'ivoirité" aux relents xénophobes. Ouattara, issu du Nord musulman, avait ainsi été interdit de candidature à l'élection présidentielle de 2000, le dernier scrutin présidentiel en date avant celui du 31 octobre prochain.
Henri-Pierre André pour le service français