Nous avons donc attendu cinq longues années pour cette élection. Et nous nous trouvons dans la dernière ligne droite. En principe. Que d'obstacles n'avons-nous pas dû surmonter avant d'y arriver ! Les audiences foraines, censées donner la nationalité ivoirienne à ceux qui en étaient dépourvus et qui avaient donné lieu à des actes de violence ayant entraîné mort d'hommes dans certaines localités, la laborieuse inscription sur les listes électorales, avec les suspicions qu'elle avait entraînées à l'égard des ressortissants de la CEDEAO accusés de vouloir voler notre belle nationalité afin de fausser le résultat de notre élection présidentielle que l'on voulait la plus parfaite au monde, l'accusation de fraude contre l'ancien président de la CEI, la dissolution de celle-ci et du gouvernement, les morts que cela a entraînés, les radiations sur les listes avec leurs lots de violences. Que d'embûches n'avons-nous pas surmontées ! Et tout cela était dû à une seule chose : la méfiance. Chaque camp suspectait l'autre de vouloir truquer le scrutin à son profit. Aujourd'hui, à quelques jours de ce moment tant attendu, la méfiance s'est encore invitée dans le débat. Cette fois-ci, c'est le système de comptage qui est en jeu. Il est tout simplement accusé d'avoir déjà programmé les résultats. Comme l'entreprise chargée de faire ce comptage électronique est une succursale du BNETD, qui est lui-même dirigé par Ahoua Don Mello, un proche parmi les proches du patron des refondateurs, on ne peut pas dire que ceux qui récusent cette entreprise font nécessairement dans l'hystérie. Souvenez-vous qu'en Mauritanie, les opposants avaient accusé le système informatique d'avoir falsifié les résultats en faveur de l'actuel locataire du palais présidentiel de Nouakchott. Au Sénégal aussi, le système informatique avait été mis en accusation. Et là-bas, on avait rapporté que c'était un informaticien français d'origine ivoirienne qui avait monté l'opération. Et l'on murmurait depuis un certain temps qu'il avait été recruté dans son pays d'origine dans le cadre de notre élection. Il y avait de quoi être méfiant. L'on nous dira que notre élection sera certifiée par des institutions internationales dont la crédibilité ne fait l'ombre d'aucun doute. Mais les institutions sont composées d'hommes et de femmes. Et l'on se souvient de cette phrase prononcée naguère par le chef des refondateurs : " si je savais que les hommes étaient si faciles à acheter, je n'aurais pas dépensé autant d'argent pour acheter des armes. " Et cela nous amène à nous poser des questions sur l'attitude de certaines personnes appartenant à des organismes chargés de valider les résultats qui ont été plus que mécontentes à l'annonce de la CEI de recourir au comptage manuel. Quel homme n'a pas son prix sur cette terre ? Qui douterait que cette élection soit cruciale pour les trois principaux candidats, et encore plus pour les refondateurs, dont certains se retrouveront certainement derrière des barreaux de prison en raison de toutes leurs turpitudes ? A cette aune, l'on comprend que l'on ne lésine sur aucun moyen pour se maintenir au pouvoir, surtout lorsque l'on a la haute main sur toutes les ressources du pays. Tout cela, me direz-vous, n'est que conjecture et parti-pris. Je l'assume. Mais dès lors que chacun s'est engagé à respecter les résultats, quels qu'ils soient, il est vital pour nous Ivoiriens, que ces résultats ne souffrent aucune suspicion. Dans ce cas, il convient que tout ce qui peut faire douter de ces résultats soit exclu d'office. Le comptage électronique ne rassure pas une partie ? Eliminons-le si nous ne voulons pas que les résultats soient contestés. Il n'est pas le seul moyen fiable dont nous disposions. Le bon vieux comptage manuel a fait ses preuves ici. C'est le système que nous avons toujours utilisé. Si en 2000, il y a eu des problèmes lors du comptage, c'était uniquement dû à la volonté de Robert Guéï de confisquer la victoire qui était en train de lui échapper. Souvenons-nous qu'aux Etats-Unis, pays de la plus haute technologie, lors de la première élection de Georges W. Bush, devant la défaillance du comptage électronique, on a dû recourir au comptage manuel pour départager les deux candidats. Que reproche-t-on au comptage manuel ? L'on nous dit que cela nous prendra plus de trois jours, alors que le délai légal pour la proclamation du résultat est de trois jours. Et alors ? Après avoir attendu cinq ans, allons-nous pinailler encore pour quelques jours de plus qui nous donneront un résultat acceptable par tous ? Avons-nous oublié que la date légale pour organiser cette élection était octobre 2005, et que nous avons accepté d'attendre cinq ans, pour justement avoir une élection incontestable ?
Ivoiriens, nous sommes à l'heure de vérité. Nous avons enduré trop de souffrances avant d'en arriver là pour accepter que nos voix soient détournées frauduleusement. Notre élection présidentielle est devenue l'une des plus chères au monde. Autant d'argent qui aurait pu servir à soulager les souffrances de nos populations. Pensons à nos enfants entassés dans des salles de classe où ils n'apprennent rien, nos jeunes frères attendant un hypothétique emploi de longues années après leurs diplômes, nos routes impraticables, les délestages, nos parents crevant de misère dans nos campagnes… Nous avons suffisamment payé le prix du sang pour accepter que notre pays bascule à nouveau dans la violence, parce qu'un système informatique suspect nous aura donné des résultats contestables. Nous n'accusons personne de vouloir tricher, quoique cela ne soit pas forcément une vue de l'esprit. Alors, adoptons le système qui, sans être forcément du dernier cri en matière de technologie, nous donne cependant des résultats incontestables.
Par Venance Konan
Ivoiriens, nous sommes à l'heure de vérité. Nous avons enduré trop de souffrances avant d'en arriver là pour accepter que nos voix soient détournées frauduleusement. Notre élection présidentielle est devenue l'une des plus chères au monde. Autant d'argent qui aurait pu servir à soulager les souffrances de nos populations. Pensons à nos enfants entassés dans des salles de classe où ils n'apprennent rien, nos jeunes frères attendant un hypothétique emploi de longues années après leurs diplômes, nos routes impraticables, les délestages, nos parents crevant de misère dans nos campagnes… Nous avons suffisamment payé le prix du sang pour accepter que notre pays bascule à nouveau dans la violence, parce qu'un système informatique suspect nous aura donné des résultats contestables. Nous n'accusons personne de vouloir tricher, quoique cela ne soit pas forcément une vue de l'esprit. Alors, adoptons le système qui, sans être forcément du dernier cri en matière de technologie, nous donne cependant des résultats incontestables.
Par Venance Konan