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Politique Publié le mercredi 27 octobre 2010 | L’Inter

Reportage/ Élection présidentielle : Comment la campagne se vit dans les quartiers précaires

© L’Inter
A man rides a bicycle in front of campaign advertisements for candidates Laurent Gbagbo (L) and Alassane Ouattara on a street of Cocody in Abidjan October 15, 2010. Campaigns for elections set for October 31 were officially launched on Friday.
A man rides a bicycle in front of campaign advertisements for candidates Laurent Gbagbo (L) and Alassane Ouattara on a street of Cocody in Abidjan October 15, 2010. Campaigns for elections set for October 31 were officially launched on Friday.
Les habitants des quartiers précaires d`Abidjan vivent différemment la campagne électorale entamée depuis le 15 octobre 2010. Entre les préoccupations d`ordre existentielle et les messages des candidats, les avis sont partagés. Reportage!

Première escale, Zoo d`Abidjan. Cette zone périphérique a vu sa population grossir à la suite de la destruction d`un autre quartier précaire dénommée Colombi, le lieux étant considéré comme un refuge des rebelles qui ont attaqué la capitale économique de la Côte d`Ivoire dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Aujourd`hui, les habitants de la zone restent très attentifs aux programmes des futures candidats déclarés à la magistrature suprême. De jour comme de nuit, les émissaires des prétendants à la présidence de la République sillonnent les ruelles de ce quartier insalubre, à la recherche de voix. Les militants se côtoient sans heurt; la cohabitation est pour l`instant pacifique. Singo Feh Jean-Claude est président d`une association de jeunes de ce quartier. Même s`il tient toujours à préciser que son mouvement est apolitique, Jean-Claude n`écarte pas pour autant des prises de position qui pourraient s`interpréter comme une ingérence dans le débat politique. « Ici, nous vivons dans le désarroi total. Aujourd`hui, nous recherchons un président qui pourra penser à la jeunesse », fait-il remarquer, installé dans une pièce mal éclairée et qui fait office de salon où il accueille ses visiteurs. Pour Jean-Claude, les questions liées à l`éducation, à l`emploi ainsi qu`à la santé devraient être les priorités des futures gouvernants, dans un pays qui cherche ses repères depuis l`éclatement de la crise en septembre 2002. Neh Gonson Zéphirin ne dira pas le contraire. Cet étudiant n`a pas eu d`autre choix que de se faire construire une petite baraque où il vit avec sa fiancée. « Ici, on se débrouille comme on veut pour pouvoir se vivre », raconte-t-il, sans grande assurance. Pour ce dernier, la tenue effective de ces élections va permettre de ramener la paix dans le pays. En effet, les quartiers précaires d`Abidjan ont été régulièrement considérés comme des lieux de cache d`armes pour les rebelles. « On nous a vraiment traumatisés durant cette crise. On ne veut plus revivre ces cauchemars. Que les élections se tiennent », souhaite Zéphirin. D`ailleurs au quartier Zoo, la jeunesse a pris des dispositions sécuritaires afin d`assainir la zone. « On ne veut plus d`infiltré chez nous », justifie-t-il. Kla Komena Franck, pour sa part, reste très inquiet. Tout en saluant le président sortant Laurent Gbagbo pour ses efforts en faveur du retour de la paix en Côte d`Ivoire, cet ingénieur informaticien dit craindre des troubles liés aux contestations électorales, comme c`est le cas dans la Guinée voisine. « Nous ne voulons pas de ça en Côte d`Ivoire », met-il en garde. « Que tous partent aux élections dans la sérénité. Nous sommes fatigués de courir dans notre propre pays », ajoute-t-il.

Deuxième escale, Gobelet.

L`autre Abidjan, celui des pauvres et des désœuvrés. Des habitations perchées sur les flancs des collines, d`autres dans un trou béant où passe une canalisation à ciel ouvert. Cette année encore, la pluie y a fait de nombreuses victimes. Les eaux de ruissellement ont emporté des personnes, quand d`autres ont vu leurs habitations de fortune s`écrouler sur eux alors qu`ils étaient endormis. Malgré cette précarité, la politique fait beaucoup bouger les populations. Le samedi 23 octobre dernier, nous débarquions chez Chantal. Cette vendeuse d`une boisson locale communément appeleé «Bandji », est très en verve: elle vante les qualités de son candidat, Henri Konan Bédié. « Tu vois, si c`était au temps du PDCI(Ndlr Parti démocratique de Côte d`Ivoire), ma boisson serait déjà finie. Mais regardez ce qui reste à l`heure actuelle », nous montre-t-elle, la mine grise. D`ailleurs, le lieu de vente de Chantal fait office de QG. C`est là que se tiennent chaque jour les réunions de campagne. Lohoues Charles est président de section de Pdci à Gobelet. Sans emploi depuis de nombreuses années, Charles se préoccupe de la galère ainsi que de la cherté de la vie. D`où son engagement pour un changement. « Quand on sort le matin, on revient bredouille à la maison. La situation est vraiment grave », fait-il remarquer, avec tout de même un peu de nostalgie quand il fait référence à l`époque de feu Félix Houphouët-Boigny. «Au temps d`Houphouët, c`était la belle époque », renchérit Chantal. A quelques mètres de là, Koné Namidja et ses camarades s`affairent à dresser des bâches sur l`unique espace public de Gobelet. Les militants du Rassemblement des Républicains(RDR) doivent animer un meeting. Haba André, président du comité de mobilisation politique du RDR, dit croire à la victoire de son candidat. « Quand quelqu`un vous offre des possibilités d`emplois et prend l`engagement de lutter contre le chômage, il faut saisir la perche », explique André, pour justifier son choix. Le Front populaire ivoirien(FPI) est également présent à Gobelet. Mais une présence très discrète, si l`on en croit Kouakou Koffi Michael. «Ici, nous n`avons pas d`organisation formelle. Nous allons rejoindre les QG de notre candidat à Cocody », a-t-il dit. Pour lui, Laurent Gbagbo, une fois élu, doit balayer son entourage. « Il nous faut lutter contre les détournements de deniers publics et la corruption », suggère-t-il. Mais tous les partis sont unanimes sur un fait. L`analphabétisme va constituer un handicap pour les votants. Stratégie adoptée, expliquer les techniques de vote aux citoyens habitants de Gobelet.

Troisième escale: Port-Bouët Derrière Warf

Si la mer attire les adeptes des randonnées au bord des plages, les habitants du quartier Port-Bouët Derrière Warf y sont parce qu`ils n`ont pas le choix. Malgré l`avancée de l`eau qui cause souvent des dégâts, les populations restent accrochées à leurs baraques. « Il nous arrive de nous réveiller sous les eaux », se lamente Clémentine, assise sur une pirogue, devisant avec ses voisines. Les élections? « Ce n`est pas mon problème », nous lance-t-elle au visage, très en colère. « Pourquoi voulez-vous que je m`intéresse à tel ou tel candidat? Ils viennent juste être président pour se remplir les poches », tranche une autre femme, sous le couvert de l`anonymat. Un peu plus loin, quelques jeunes s`affairent à jouer aux cartes. Jean-Claude, la trentaine, est titulaire d`une maîtrise en Anglais. «Depuis que j`ai fini mes études, je chôme. Et c`est ici que je viens passer le temps avec les amis du quartier», confie-t-il, la tête plongée dans son jeu. Par moment, les discussions sont orientées vers les élections. Pour Jean-Claude, l`espoir n`est pas perdu. « Si le scrutin se déroule bien, les choses iront mieux chez nous », espère-t-il. Pour sa part, Noufé Moussa, ouvrier au port d`Abidjan, se dit préoccupé par la misère des populations. « C`est aujourd`hui un luxe pour des familles de manger deux fois dans la journée », se désole-t-il. Autre préoccupation, la précarité de leur condition d`existence. «On peut nous déguerpir d`un moment à l`autre parce qu`on nous fait croire que c`est un site classé », s`inquiète Moussa. «Qui n`a pas envie de vivre à Cocody dans une luxueuse villa? Mais on est ici parce qu`il n`y a pas d`issue pour le moment », explique-t-il. Les différents messages des candidats ne sont pour lui « que de pures promesses électorales ». « Politiciens de Côte d`Ivoire, il n`y a pas un qui est réaliste », commente-t-il, avec un brin d`ironie. Selon Gnaly Omer, un hôtelier, « il faut un véritable changement ». cela passe, indique-t-il, par la prise en compte des problèmes auxquels la jeunesse est confrontée. A savoir l`éducation et l`emploi. Mais pour l`instant, Omer dit afficher de la distance vis-à-vis des hommes politiques. Car dit-il, « le temps est très précieux pour suivre ces personnes qui ne pensent qu`à leurs intérêts ». Dans ce quartier dont les plages servent à la fois de lieu de promenade et de toilettes volantes, on nous apprend que le candidat indépendant Enoh Aka N`douba était en tournée la semaine dernière, à la rencontre des électeurs. « Il a habité ici quand il était encore vigile », fait savoir Anicet.

Bertrand GUEU
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