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Politique Publié le vendredi 5 novembre 2010 | Nord-Sud

Passage du 1er tour : Ce qui a fait la différence

© Nord-Sud Par Emma
Présidentielle du 31 octobre 2010: le candidat de l`UDPCI, Albert Mabri Toikeusse en campagne
Au terme d’une campagne diversement menée, les 14 prétendants au fauteuil présidentiel se sont affrontés, dimanche, dans les urnes. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara sont en tête du peloton. Ce qui a fait la différence.

Laurent Gbagbo : Le populiste

Même si le ‘’tako kélé’’ (un coup k.o) annoncé par son camp n’a pas eu lieu, le résultat de 38, 03% obtenu par Laurent Gbagbo est honorable. Sa performance, le chef de l’Etat sortant la doit à la Majorité présidentielle (Lmp), la force politique qui a porté sa candidature. Ce qui lui a permis de rafler la mise devant le parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) dans le Zanzan et le Moyen-Comoé. De même que dans les 18 Montagnes, fief de l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (Udpci). Autre secret du succès de Laurent Gbagbo, son slogan de campagne. Le candidat de Lmp est resté fidèle à sa politique de ‘’libération’’ du joug de l’Occident. D’où sa victoire dans la région des Lagunes où à Abidjan, il a remporté 7 communes sur 10. Dans ces localités à majorité peuplées de jeunes, ce message a un écho favorable. A cela s’ajoute l’image d’homme populaire, proche du peuple que le ‘’woody’’ a toujours véhiculée.

Alassane Ouattara : Le résultat de la persévérance

C’est la persévérance qui a fini par payer pour le président du Rassemblement des républicains (Rdr), relativement au bon score réalisé, qui le propulse au second tour. Malmené par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays, pour ses ambitions politiques, Alassane Ouattara a tenu bon car, il n’a pas perdu de vue le fait qu’il porte en lui, les aspirations de milliers d’Ivoiriens. Mais, si cela ne suffisait pas comme atout, ADO a mené sa campagne tambour battant, dans un style américain. Il a sillonné toutes les régions du pays, pour proposer son programme de gouvernement, mettant en avant, les bons résultats obtenus lorsqu’il était Premier ministre de 1990 à 1993.

Henri Konan Bédié : les Ivoiriens veulent la fraîcheur

Si Henri Konan Bédié a été recalé au 1er tour, cela porte en partie sur son âge. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) a, certes, voulu présenter les 76 ans de son candidat comme un atout d’où le slogan ‘’Mon expérience au service du développement’’. Mais dans la pratique, le ‘’sphinx’’ de Daoukro a montré qu’il manquait de souffle. Cela explique le peu de déplacement pour aller au contact du pays profond. Toute chose qui a eu un impact sur sa campagne électorale. Si l’on ajoute à cela des erreurs de communication comme le refus de participer à l’émission ‘’Face aux électeurs’’, le résultat est sans surprise : 3ème avec 25,24%.

Gnamien Konan : la prochaine fois sera-t-elle la bonne ?

La sortie dès le premier tour de Gnamien Konan, président de l’Union pour la Côte d’Ivoire (Upci) de la course au fauteuil est le signe que seules les bonnes idées ne font forcément pas un bon politicien. Pis, lorsque les idées ne sont pas expliquées dans un langage clair, c’est l’effet contraire qui est obtenu. Malgré les réformes qu’il projette d’engager, une fois à la tête du pays, Gnamien Konan n’a donc pas convaincu les Ivoiriens. A sa décharge, c’est son premier véritable test. Ce n’est donc pas une mauvaise idée d’avoir essayé. S’il réussit à garder le cap lors des élections locales, le leader de l’Upci pourrait être une alternative crédible pour les prochaines présidentielles.

Félix Akoto-Yao : la révolution n’a pas eu lieu
Le président du Conseil général de Sakassou a mordu la poussière. En plus d’avoir échoué dans sa tentative d’accéder à la magistrature suprême, son score n’est pas honorable puisqu’il est en-dessous de 1% de voix. Ce qui aura surtout fait défaut, c’est le manque de moyens. Pas de tee-shirts, pas de gadget, ni d’affiches, en dehors de celles que lui a offertes la Commission électorale indépendante, il ne s’en ait pas confectionné. La révolution de Félix Akoto Yao n’a donc pas eu lieu, sans doute par manque d’expérience aussi.

Francis Wodié : le préjudice des volte-face

Pour expliquer le faible score réalisé par le président du Parti ivoirien des travailleurs (Pit), plusieurs raisons sont avancées. Au nombre de celles-ci, il y a le manque de réalisme politique de Francis Wodié. Ce sont donc les choix opérés face aux enjeux importants auxquels le pays a été confronté. En 1995, alors que l’opposition boycottait la présidentielle, il s’est présenté contre Henri Konan Bédié. Récemment encore, précisément, en février dernier, après avoir battu le pavé avec le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), Francis Wodié s’est désolidarisé d’Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Albert Toikeusse Mabri et innocent Anaky Kobena qui ont voulu tenter une autre démonstration de force contre Laurent Gbagbo. Et, pour réclamer que les élections se tiennent, au plus vite, M. Wodié et le Pit ont préféré s’allier aux candidats Gnamien Konan et Jacqueline Oble. Une ‘’instabilité’’ qui n’est sans doute pas du goût des Ivoiriens.

Henri Tohou : le manque d’expérience a été préjudiciable

Au-delà de son jeune âge (42 ans), c’est surtout son inexpérience et ses moyens qui ont perdu Henri Tohou, durant la présidentielle. C’est en effet pour la première fois que l’ancien membre de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), aujourd’hui, à la tête de l’Union socialiste du peuple (Fsl), se présente face aux électeurs. Auparavant, il n’avait jamais sollicité le suffrage des Ivoiriens qui l’ont découvert, pour la plupart, à la faveur de la campagne. S’agissant des moyens, très peu d’affiches et autres gadgets ont meublé la campagne d’Henri Tohou. Selon de mauvaises langues, le jeune candidat aurait mis à profit un congé pour venir battre campagne. Ceci expliquerait-il donc cela ?

Eno Aka: trop resté à Abidjan
Certes Eno Aka N’Douba a créé une petite surprise en devançant de quelque 0,02% Félix Akoto Yao. Mais il n’aura vraiment inquiété les poids lourds auxquels il s’est mesuré le 31 octobre. Sa débâcle par rapport à eux était prévisible, puisqu’Eno Aka N’Douka fait partie de ces illustres inconnus dont l’apparition à cette présidentielle a fait sourciller plus d’un Ivoirien. Le parcours édifiant d’ancien débrouillard de vigile ou de docker n’a pu attendrir le maximum d’électeurs. De même, ce candidat aux revenus modestes est resté égal à lui-même dans une compétition où l’opulence et la stature des têtes d’affiche ont influencé les électeurs.

Tagoua : Pas comme David

Le révérend-pasteur Tagoua Nynsémon Pascal espérait réaliser la prouesse du personnage biblique David en réussissant à renverser les Goliath de ce combat électoral. L’homme de Dieu n’est venu à bout que du seul Innocent Anaky Kobena, qu’il a devancé de 0,02%. Cela est peut-être lié au fait que, Tagoua Nynsemon a consacré sa campagne électorale presqu’au seul district d’Abidjan. Toute chose qui explique dans une large mesure ses scores très bas à l’intérieur du pays.

KKS a disparu après le Forum

KKS est classé 7è ex eaquo avec Anne Lohouès épouse Oble sur 14 candidats derrière Francis Wodié. ‘’Le neutre réconciliateur‘’ a créé la surprise sans franchir le cap du 1er tour. Il aurait certainement réussi un grand coup d’éclat s’il avait continué à promouvoir au plan national son projet de paix qu’il a présenté au Forum de réconciliation nationale, en 2001. Il a seulement misé sur les pôles de Yamoussoukro et d’Abidjan pour sa campagne, avant de terminer ses tournées dans le centre du pays. Sa modestie, parce qu’il a fait campagne avec un cabriolet, a pu jouer contre lui, là où ses adversaires ont sorti des jets, des hélicoptères, des 4x4 rutilants et d’autres véhicules de luxe.

Dolo Adama dit Dahico : La politique n’est pas du cinéma

Nous n’étions certes pas sur une planche. Ses qualités de comédien ne lui ont pas servi à grand-chose sur le terrain politique. Le 0,13% de l’humoriste est donc sans surprise. Que pouvait Dolo Adama dit Adama Dahico devant les candidats Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ? Sans moyen ni électorat acquis - c’est aussi cela la réalité du vote en Côte d’Ivoire - il ne pouvait qu’enregistrer une défaite à la limite de l’humiliation. Les électeurs ont montré qu’ils aiment le président du Doromikan en tant qu’humoriste mais pas comme chef d’Etat.


Jacqueline Lohouès Oble : Une femme déterminée

La seule femme candidate à l’élection présidentielle du 31 octobre dernier, Jacqueline Lohouès-Oble, a montré qu’elle en a dans le ventre, au milieu de 13 hommes. Son score (0,27%), comparé à celui des candidats comme Francis Wodié (0,29%) et Anaky Kobena (0,23%), peut être vu comme une victoire. Celle de la détermination. Elle a su se défendre, avec un discours simple et des propositions réalistes. Jacqueline Oble proposait une vraie rupture aux Ivoiriens. Malheureusement, elle n’y croyait pas elle-même. Sinon, elle s’y serait mise tôt et aurait mieux fait.

Mabri Toikeusse : Un manque d’expérience

Le candidat de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (Udpci), Dr Albert Toikeusse Mabri, paiera cash sa naïveté politique. Il apprend à ses dépens, que la politique est un jeu très compliqué. Pour n’avoir pas colmaté les brèches du jeune parti politique qu’il dirige depuis le décès du fondateur, Robert Guéï, il s’est retrouvé en difficultés, même dans son fief. Il n’a pas su s’imposer, même dans les 18 montagnes. Une seule raison : son parti n’est pas très actif sur le terrain. Et ses prises de position sont sporadiques, ou conditionnées par les sorties du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp. Ce qui fait penser que l’existence de l’Udpci est fonction du Rhdp. Si, hormis les trois favoris, il est le seul à avoir franchi la barre des 2%, c’est dire qu’il est sur la bonne voie.

Anaky Kobena : Il paie pour ses critiques exagérées.

Le président du Mouvement des forces d’avenir (Mfa), et candidat malheureux à la présidentielle, fait partie des grosses déceptions du scrutin du 31 octobre, avec seulement 0,23. Anaky Kobena a surtout donné l’impression de quelqu’un qui se serait vengé de son principal adversaire, Laurent Gbagbo s’il accédait au pouvoir. Les Ivoiriens sont fatigués de cela. Ils veulent tout simplement tourner la page, sans heurts.

Marc Dossa, Bidi Ignace, Bamba K. Inza & Anne-Marie Eba
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