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Société Publié le jeudi 11 novembre 2010 | Nord-Sud

Premier tour de la présidentielle 2010 / Aveugles, albinos, infirmes : dur, dur d’être électeur

© Nord-Sud
A man puts his finger in an inkwell after casting his vote on October 31, 2010 at a polling station in Abidjan.
A man puts his finger in an inkwell after casting his vote on October 31, 2010 at a polling station in Abidjan. Voters turned out in large numbers in key cities in Ivory Coast`s first election in a decade aimed at ending years of political turmoil in the divided former West African powerhouse.
Oubliés dans la masse, défavorisés par le système, plusieurs handicapés ont dû batailler pour glisser leurs bulletins dans l’urne. Certains racontent leurs mésaventures.


Le jour tant attendu du scrutin présidentiel est arrivé comme une grande lumière pour beaucoup de non-voyants. Le dimanche 31, ceux qui le pouvaient, ont rejoint leurs différents sites d’enrôlement pour voter. Aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays. Mais cela avait un prix. Beaucoup de non-voyants, par exemple, n’ont pas jouit du secret de vote, le vrai. «Pour me rendre à mon lieu de vote, je me suis fait accompagner par un ami. Parce qu’il votait dans le même endroit que moi. J’étais alors obligé de lui dire quel candidat j’allais voter pour qu’il me montre la cage à marquer. Tout en espérant qu’il soit de bonne fois», explique Anoh Eugène, président de l’Association nationale des aveugles et volontaires pour la promotion des aveugles en Côte d’Ivoire.

Des albinos ont eu peur d’aller voter

Car, précise-t-il, cet ami en question n’est pas du même bord politique que lui. Il n’est pas impossible qu’il lui ait montré la cage de son candidat à lui, plutôt que celle du sien. Mais le problème ne vient pas seulement de ce doute. Anoh Eugène ignore le sentiment réel du secret de vote. Lui qui avait insisté pour que la Commission électorale indépendante tienne compte des non-voyants dans la confection des bulletins de vote, en les marquant de braille…. Comme leur président, les non-voyants étaient obligés de partager leur secret de vote avec quelqu’un. Les plus prudents ont choisi de se faire accompagner par des enfants, de préférence des innocents. D’autres n’ont vraiment pas eu de chance…Michelle Detossou, un mal voyant, était obligé de partager son secret de vote avec tout le bureau de vote, à l’Institut des aveugles (Yopougon). Il explique : « au début, je croyais que j’arriverais à voir le bulletin de vote parce que je vois légèrement, contrairement aux non-voyants. Donc, je ne suis pas allé avec un guide. Arrivé dans mon lieu de vote, j’ai constaté que je ne pouvais pas voir les candidats sur le bulletin, parce que les photos étaient trop petites. Alors, j’ai expliqué cela aux agents du bureau de vote. Ils m’ont demandé qui était mon candidat, ensuite, ils ont appelé le représentant de ce candidat pour qu’il m’aide à marquer la cage que je souhaitais ». Cette mésaventure, Detossou ne compte pas la revivre au second tour de la présidentielle. Le secrétaire général, Anoh Eugène, se justifie : «il y aura seulement deux candidats, donc les photos seront plus visibles à mes yeux. » Espérons-le. Il pense que les non-voyants ne se donneraient toute cette peine, si les bulletins de vote comportaient du braille. Cependant, le vote secret n’est pas la seule chose que les handicapés ont perdue pendant le premier tour de cette élection. D’autres ont carrément perdu la volonté. Celle d’aller glisser le bulletin dans le petit trou rectangulaire…par peur. C’est notamment le cas de certains albinos, persécutés par pure superstition pendant les périodes de vote. « Plusieurs albinos à l’ouest m’ont appelé le jour du vote pour me dire qu’ils ne pouvaient pas sortir de leur domicile pour aller voter parce qu’ils ont peur d’être tués », explique Coulibaly Mamidou, président de l’Ong Bien être des albinos de Côte d’Ivoire (Beda-ci). La psychose persiste dans cette région du pays, après qu’un albinos de 3 ans a été décapité à Bangolo, en septembre dernier. Le président de Beda-ci s’est fait accompagner par des connaissances, jusqu’à son lieu de vote, à l’Epp Ouezin Coulibaly (Koumassi). Bien que son domicile ne soit pas loin. On n’est jamais assez prudent. «J’ai demandé aux albinos dont les lieux de vote sont éloignés de chez eux de se faire accompagner également », explique-t-il. Un des points satisfaisants que les handicapés ont cependant rencontrés pendant l’élection, c’est l’accueil qui leur était réservé dans les différents sites. «Je n’ai pas fait le rang. Dès que je suis arrivé avec mon guide, ont m’a laissé passer pour aller voter», explique Anoh Eugène. «Moi aussi je n’ai pas fait de rang : quand on a vu que j’étais malvoyant…», ajoute Michelle Detossou. «Moi, lorsqu’on a constaté que j’étais albinos, on ne m’a pas laissé faire le rang », explique Coulibaly Mamidou. De son côté, Hervé K., infirme des deux pieds, a vu des personnes de bonne volonté l’aider à monter les marches du bureau de vote, avec son fauteuil roulant.

Raphaël Tanoh
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