Eburnews - Dans ses bureaux sis aux 2 Plateaux- siège de la Commission électorale indépendante, Bamba Yacouba nous reçoit, ce mardi 9 novembre, en début d’après-midi. Décontracté, tenue soignée, il a en sa compagnie un membre de la cellule Communication de l’Institution, Baba Nicolas. Quelques civilités et le porte-parole consent à des échanges à bâtons rompus. Entretien.
M. Bamba, on pourrait savoir où vous avez voté le 31 Octobre dernier…
Bamba Yacouba : Je suis considéré comme personnel d’astreinte. Etant superviseur de la vallée du Bandama, j’ai voté à Bouaké. Mon lieu de vote initial se trouve aux 2 plateaux et puisque mon travail me commandait d’être présent dans la vallée du Bandama, j’ai dû voter à Bouaké.
Vous avez voté sans entrave…
B. Y. : Le vote s’est bien déroulé, dans une atmosphère de sérénité.
Vous est-il arrivé d’intervenir pour débloquer des situations urgentes ?
B. Y. : Bien sûr. Nous supervisons ces opérations. Quand il y avait des difficultés dans un certain nombre de bureaux de vote, nous étions sollicités pour pallier les insuffisances. Il pouvait arriver que par endroits, au moment les gens s’apprêtent à voter qu’il n’y ait pas assez de stickers ou alors qu’il y ait un manque de matériel électoral ou bien l’absence d’un agent dans un bureau de vote. Il fallait automatiquement, et avec les réserves que nous avions, pallier ces absences.
Vous étiez particulièrement en vue au moment de l’annonce des résultats. Comment avez-vous vécu ces instants. Avec beaucoup de stress ?
B. Y. : Non. Disons que j’étais quelque part fatigué. Je vous ai signifié plus haut que j’assume la fonction de superviseur de la vallée du Bandama. Depuis le début du scrutin jusqu’au mardi, nous n’avions pratiquement pas dormi. J’ai sous moi 35 commissions locales, plus de 370.000 électeurs dans la vallée du Bandama, plus de 1500 bureaux de vote. Vous voyez que c’est du travail ! Il nous fallait faire venir le matériel électoral au niveau de la région : Bouaké, Dabakala, Katiola, Sakassou, Béoumi… procéder au recensement des différents résultats aux niveaux départemental et régional. Tout ceci transmis au superviseur. Dans la même journée, après avoir réceptionné les résultats, l’Onuci nous a fait parvenir un jet pour nous transporter. Je saisis d’ailleurs l’occasion pour remercier la représentation onusienne en Côte d’Ivoire. En 45 mns- une heure, j’étais déjà à Abidjan. Je suis venu avec mes résultats et tout de suite nous avons commencé la centralisation des résultats au niveau national.
Vous comprenez que je venais avec une certaine fatigue et j’entrais dans une phase de travail. Nous avons continué à travailler afin de centraliser les résultats nationaux et ceux de l’étranger. Donc, qu’il y a eu un peu de fatigue.
Cette fatigue n’est-elle pas due finalement à un cumul de fonctions : vous êtes à la fois superviseur de la région de la vallée du Bandama et porte-parole de la Cei ?
B. Y. : Non pas du tout. Le porte-parole n’a pas besoin d’être assis quelque part en permanence. Ce n’est pas un cumul de fonctions en tant que tel. La plupart des commissaires sont superviseurs de régions. Nous avons 19 régions. Abidjan est subdivisée en quatre parties. Comprenez que tous les autres superviseurs ont fait le travail qu’il m’a été donné de faire concernant la Vallée du Bandama. Après avoir travaillé dans les régions, ils sont tous rentrés sur Abidjan et nous avons travaillé ensemble. Moi, je n’ai fait qu’annoncer les fruits des travaux. Sinon les travaux en eux-mêmes étaient collectifs et se sont déroulés au niveau de la Commission centrale.
Il semble que le souci de bien faire vous ait amené à prendre énormément de précautions. On vous a vu sur les antennes, refusant de lire les résultats de certaines localités parce qu’ils se présentaient sous un format qui ne vous convenait pas…
B. Y. : La transparence, de notre point de vue, part du commencement jusqu’à la fin. J’avais commencé avec un type de format et la procédure, c’est qu’une fois un résultat est validé, on le transmet à la saisie. Une fois le document saisi, on nous tire un exemplaire que moi je suis appelé à lire. J’étais allé ce jour-là sur le plateau avec les résultats de certaines régions. Je faisais la lecture de ces résultats lorsque d’autres résultats m’ont été acheminés. J’ignorais leur provenance. Ils se présentaient sous une forme différente de ceux que j’avais préalablement. J’ai préféré me retirer aux fins de vérifier si les résultats qui m’avaient été transmis sur le plateau avaient suivi la même procédure que ceux j’avais reçus précédemment. Il était important- et dans un souci de transparence- que je m’assure que les résultats que j’allais annoncer provenaient de la même source. C’était dans un souci de bien faire.
Le temps mis dans la proclamation des résultats était assez souvent important. Etait-ce dû là encore à un souci de bien faire ou à des lourdeurs inhérentes à la Commission centrale ?
B. Y. : Toujours dans un souci de bien faire. Les téléspectateurs ne le savent pas toujours. Mais nous étions suivis partout à travers le monde. Plusieurs chaînes de télévisions étaient mobilisées pour l’évènement. Il y avait au même moment l’attente des Ivoiriens. Comprenez qu’il fallait se concentrer de sorte que les résultats que nous annoncions soient à la hauteur des espérances. En même temps qu’il fallait que je sois serein, je devais être dans une disposition telle que je puisse répondre à l’attente des Ivoiriens c’est-à-dire leur donner des résultats. Il n’était pas question de rigoler sur le plateau. Il fallait un minimum de sérieux pour faire de telles annonces parce que l’avenir du pays en dépend. C’était un moment capital pour la Côte d’Ivoire.
Vous avez connu des pressions pendant cette période de la part de certaines autorités ? On sait que le premier ministre a souhaité que la Commission aille un peu plus vite. Est-ce que cela n’a pas rajouté à la pression…
B. Y. : Personnellement, je n’ai subi aucune pression. Et je ne subirai aucune pression. Je travaille avec une équipe. Nous sommes la Commission électorale indépendante. Nous avons un mode de fonctionnement. Vous voyez qu’après la proclamation des résultats provisoires, il y a eu des mécontents. Tout le monde ne peut pas être content. Il y a toujours un qui gagne et un qui perd. Il fallait faire en sorte que nous soyons le plus irréprochables possible. Nous avions la pression du peuple. On savait ses attentes. Nous étions régulièrement appelés. Je recevais des sms toutes les deux secondes. On demandait : à quand les résultats ? Mais, il ne fallait pas subir la pression ou bien se précipiter. Les Ivoiriens ont souvent voulu une chose et son contraire : ils veulent des résultats transparents et ils veulent qu’on brûle certaines étapes de la procédure. Si on veut des résultats transparents, il faudrait que toutes les étapes soient respectées et que ces étapes soient validées les unes après les autres. Seulement après ça, on est sûr qu’on a des résultats transparents. Il faut qu’il y ait un minimum de garanties sécuritaires pour que le résultat donné soit un résultat accepté par tous et soit le véritable résultat sorti des urnes.
Vous étiez comme inscrit dans une course contre la montre dans la nuit du mercredi 3 novembre. Le délai de trois (3) jours arrivait à terme.
B. Y. : On avait un délai à respecter qui était le délai de trois jours. On avait perdu déjà quelques jours en régions. Parce qu’il y a eu des difficultés logistiques : on n’est pas seuls dans ce processus. Il y a des opérateurs qui devaient nous accompagner, qui devaient nous acheminer le matériel à bon port. C’est-à-dire des bureaux de vote jusqu’aux commissions locales, des sous-préfectorales jusqu’aux commissions régionales. Une fois dans les régions, on devait transférer tout cela au niveau d’Abidjan. Il était important pour nous que ce schéma soit bien respecté de sorte qu’on puisse arriver très vite à Abidjan et gagner en temps. On avait déjà perdu du temps sur ces étapes. Quand nous sommes arrivés à Abidjan, on était toujours dans le délai. Il fallait faire vite pour tenir dans le délai jusqu’à la fin. Je suis allé sur le plateau faire les dernières annonces de résultats. C’est vrai que l’heure approchait mais je ne pouvais pas interrompre et repartir chercher le président. Il s’est agi pour moi de terminer la lecture des résultats que j’avais en face de moi avant de repartir si bien qu’on m’attendait pour validation du résultat final. Quand nous avons fait les annonces partielles, la Cei devait se réunir après pour valider les résultats que le président allait annoncer. C’est ce qui s’est passé. J’ai fini sur le plateau…Il fallait attendre que je revienne et qu’ensemble, on se réunisse pour valider les résultats finaux avant revenir tous ensemble. Les résultats étaient déjà à notre possession. Mais on ne pouvait pas arrêter la lecture entamée sous prétexte qu’il fallait annoncer très vite les résultats finaux. Cela aurait pu créer plus de problèmes… Le plus important, c’est finalement d’avoir pu donner les résultats dans la nuit.
Certains résultats n’ont pas été annoncés à la télé mais ont été pris en compte dans le décompte final. Vous pouvez expliquer ?
B. Y. : Au moment où je partais faire ma dernière annonce, certains résultats étaient à la saisie comme ceux de la Suisse par exemple. Je ne pouvais pas interrompre mes annonces et partir chercher les autres résultats. Si je devais aller chercher les derniers résultats qui étaient à la saisie, on aurait mis plus de temps à annoncer les résultats définitifs provisoires. La loi ne nous demande pas de procéder à une annonce partielle comme nous l’avons fait. Nous avons souhaité donner ces résultats pour montrer aux Ivoiriens l’avancée dans le travail.
Nous avons donné à certains organes de presse le CD comportant toutes les localités qui ont été centralisées. Paris n’a pas été prise en compte parce qu’au niveau de Paris, il y a eu des irrégularités qui ont conduit à invalider le scrutin. Mais de manière générale, nous avons communiqué les résultats de toutes les autres régions disponibles actuellement sur plusieurs sites.
Que s’est-il passé à Paris comme irrégularités ?
B. Y. : De graves irrégularités ont été constatées sur le déroulement du scrutin. Ce qui nous a amené à invalider le résultat de cette région. Le scrutin n’a pas respecté le procédé légal.
Les premiers résultats partiels avaient été donnés par le ministre Miremont, secrétaire permanent à la Cei. Puis vous êtes monté en première ligne. Etait-ce dans l’ordre normal des choses ou M. Miremont avait des contraintes particulières ?
B. Y. : C’est simple. Je suis le porte-parole de la Cei. Au moment où le ministre Miremont, secrétaire permanent donnait les résultats, j’étais encore à Bouaké. Lorsque je suis arrivé, j’ai pris ma place de porte-parole et j’ai poursuivi l’annonce des résultats. Il n’y a pas eu de problèmes particuliers. J’étais absent et puisque les Ivoiriens s’impatientaient, il fallait leur donner les résultats qui avaient fini d’être traités.
Quel sentiment vous anime-t-il aujourd’hui : celui d’une personne qui estime avoir bien fait son travail ou au contraire, le sentiment d’une personne qui trouve qu’il y a encore des imperfections à corriger ?
B. Y. : Il y a un second tour qui est prévu. Je pense modestement qu’on pourra se prononcer à l’issue du deuxième tour. L’élection présidentielle aura connu son dénouement. Il y a un premier tour au cours duquel il y a eu effectivement quelques ratés en ce qui concerne la logistique, les moyens financiers. On avait des partenaires qui devaient nous appuyer sur le plan logistique. Il y a eu quelques défaillances. Des recommandations ont été faites de part et d’autre. Nous en tenons compte. Nous-mêmes superviseurs, avons fait des rapports sur les difficultés que nous avons rencontrées sur le terrain lors du premier tour. Vous avez pu constater à Abidjan qu’après le scrutin, des personnes étaient encore dans les bureaux de vote avec les urnes et les résultats. Alors que si tout avait été bien agencé par les partenaires avec lesquels nous devons travailler, juste après la fin du scrutin au bout d’une heure, on pouvait finir le dépouillement puisqu’il y a au maximum 400 électeurs par bureau de vote. En une heure ou deux, le dépouillement était fini. Au plus tard à 20 heures, les commissions locales devaient commencer à recevoir les premiers résultats. Vous avez vu que dans certaines localités on est restés jusqu’à tard dans la nuit pour recevoir les résultats parce qu’il y avait une défaillance au niveau de la logistique. On devait travailler en symbiose avec des partenaires qui n’ont pas en certaines parties du territoire respecté leur part de contrat. Ce qui nous a créé des soucis sur le plan logistique. Nous faisons en sorte qu’au deuxième tour, on ne puisse pas rencontrer les mêmes difficultés.
Vous pensez que les choses iront plus vite au deuxième tour ?
B. Y. : Les choses devraient aller plus vite.
Les partenaires défaillants seront-ils mis de côté ?
B. Y. : Je ne vous dirai pas ça. Nous ferons de telle manière que tout se passe dans de bien meilleures conditions et que les superviseurs aient la plénitude de leurs moyens. Nous travaillons à faire en sorte que la Cei puisse donner les résultats sortis des urnes sans problème. Nous avons mis en place deux comités ad hoc chargés de travailler sur tous ces dossiers qui nous feront des rapports. Au niveau du bureau, nous allons nous en saisir, l’apprécier et aller en commission centrale, prendre l’avis des commissaires centraux et sortir un document qui va nous servir de boussole pour l’organisation de ce deuxième tour : un document en béton qui fera en sorte que le second tour de l’élection présidentielle soit irréprochable.
Nous nous en voudrons de ne pas vous pas poser cette question qui touche à notre corporation. Pourquoi les journalistes n’ont pas été intégrés au nombre des personnels d’astreinte de sorte à leur permettre de voter partout sur l’ensemble du territoire ?
B. Y. : C’est un sujet sur lequel nous avons discuté pendant longtemps. Les fonctionnaires n’ont pas été pris en compte, les membres de famille des personnels d’astreinte non plus. Il nous a fallu mettre des balises pour mieux maîtriser notre monde. Il y a des personnes qui sont contraintes dans le cadre du processus électoral à être sur place. Les journalistes ont la possibilité de voter, ensuite aller accomplir leur travail. Ils peuvent également travailler avec leurs représentants dans les villes. En revanche, le commissaire superviseur, l’agent qui est commis à la sécurité ne peut pas bouger. Il est obligé d’être présent à l’ouverture comme à la fermeture du bureau de vote. D’autres corps nous ont sollicités pour être comptés parmi les personnels d’astreinte. Il était difficile pour nous d’élargir la mesure à un plus grand nombre de personnes.
Vous êtes vous suffisamment reposé et prêt pour le second tour ?
B. Y. : Difficile de se reposer véritablement. Après l’annonce des résultats, il y a eu quelques contestations. On n’arrête pas de recevoir des groupes. Là, nous avons reçu les jeunes du Pdci, les femmes du Pdci…Nous réfléchissons aujourd’hui à comment rendre irréprochable le second tour. On ne se reposera peut-être qu’après le second tour.
Réalisé par Kisselminan COULIBALY
M. Bamba, on pourrait savoir où vous avez voté le 31 Octobre dernier…
Bamba Yacouba : Je suis considéré comme personnel d’astreinte. Etant superviseur de la vallée du Bandama, j’ai voté à Bouaké. Mon lieu de vote initial se trouve aux 2 plateaux et puisque mon travail me commandait d’être présent dans la vallée du Bandama, j’ai dû voter à Bouaké.
Vous avez voté sans entrave…
B. Y. : Le vote s’est bien déroulé, dans une atmosphère de sérénité.
Vous est-il arrivé d’intervenir pour débloquer des situations urgentes ?
B. Y. : Bien sûr. Nous supervisons ces opérations. Quand il y avait des difficultés dans un certain nombre de bureaux de vote, nous étions sollicités pour pallier les insuffisances. Il pouvait arriver que par endroits, au moment les gens s’apprêtent à voter qu’il n’y ait pas assez de stickers ou alors qu’il y ait un manque de matériel électoral ou bien l’absence d’un agent dans un bureau de vote. Il fallait automatiquement, et avec les réserves que nous avions, pallier ces absences.
Vous étiez particulièrement en vue au moment de l’annonce des résultats. Comment avez-vous vécu ces instants. Avec beaucoup de stress ?
B. Y. : Non. Disons que j’étais quelque part fatigué. Je vous ai signifié plus haut que j’assume la fonction de superviseur de la vallée du Bandama. Depuis le début du scrutin jusqu’au mardi, nous n’avions pratiquement pas dormi. J’ai sous moi 35 commissions locales, plus de 370.000 électeurs dans la vallée du Bandama, plus de 1500 bureaux de vote. Vous voyez que c’est du travail ! Il nous fallait faire venir le matériel électoral au niveau de la région : Bouaké, Dabakala, Katiola, Sakassou, Béoumi… procéder au recensement des différents résultats aux niveaux départemental et régional. Tout ceci transmis au superviseur. Dans la même journée, après avoir réceptionné les résultats, l’Onuci nous a fait parvenir un jet pour nous transporter. Je saisis d’ailleurs l’occasion pour remercier la représentation onusienne en Côte d’Ivoire. En 45 mns- une heure, j’étais déjà à Abidjan. Je suis venu avec mes résultats et tout de suite nous avons commencé la centralisation des résultats au niveau national.
Vous comprenez que je venais avec une certaine fatigue et j’entrais dans une phase de travail. Nous avons continué à travailler afin de centraliser les résultats nationaux et ceux de l’étranger. Donc, qu’il y a eu un peu de fatigue.
Cette fatigue n’est-elle pas due finalement à un cumul de fonctions : vous êtes à la fois superviseur de la région de la vallée du Bandama et porte-parole de la Cei ?
B. Y. : Non pas du tout. Le porte-parole n’a pas besoin d’être assis quelque part en permanence. Ce n’est pas un cumul de fonctions en tant que tel. La plupart des commissaires sont superviseurs de régions. Nous avons 19 régions. Abidjan est subdivisée en quatre parties. Comprenez que tous les autres superviseurs ont fait le travail qu’il m’a été donné de faire concernant la Vallée du Bandama. Après avoir travaillé dans les régions, ils sont tous rentrés sur Abidjan et nous avons travaillé ensemble. Moi, je n’ai fait qu’annoncer les fruits des travaux. Sinon les travaux en eux-mêmes étaient collectifs et se sont déroulés au niveau de la Commission centrale.
Il semble que le souci de bien faire vous ait amené à prendre énormément de précautions. On vous a vu sur les antennes, refusant de lire les résultats de certaines localités parce qu’ils se présentaient sous un format qui ne vous convenait pas…
B. Y. : La transparence, de notre point de vue, part du commencement jusqu’à la fin. J’avais commencé avec un type de format et la procédure, c’est qu’une fois un résultat est validé, on le transmet à la saisie. Une fois le document saisi, on nous tire un exemplaire que moi je suis appelé à lire. J’étais allé ce jour-là sur le plateau avec les résultats de certaines régions. Je faisais la lecture de ces résultats lorsque d’autres résultats m’ont été acheminés. J’ignorais leur provenance. Ils se présentaient sous une forme différente de ceux que j’avais préalablement. J’ai préféré me retirer aux fins de vérifier si les résultats qui m’avaient été transmis sur le plateau avaient suivi la même procédure que ceux j’avais reçus précédemment. Il était important- et dans un souci de transparence- que je m’assure que les résultats que j’allais annoncer provenaient de la même source. C’était dans un souci de bien faire.
Le temps mis dans la proclamation des résultats était assez souvent important. Etait-ce dû là encore à un souci de bien faire ou à des lourdeurs inhérentes à la Commission centrale ?
B. Y. : Toujours dans un souci de bien faire. Les téléspectateurs ne le savent pas toujours. Mais nous étions suivis partout à travers le monde. Plusieurs chaînes de télévisions étaient mobilisées pour l’évènement. Il y avait au même moment l’attente des Ivoiriens. Comprenez qu’il fallait se concentrer de sorte que les résultats que nous annoncions soient à la hauteur des espérances. En même temps qu’il fallait que je sois serein, je devais être dans une disposition telle que je puisse répondre à l’attente des Ivoiriens c’est-à-dire leur donner des résultats. Il n’était pas question de rigoler sur le plateau. Il fallait un minimum de sérieux pour faire de telles annonces parce que l’avenir du pays en dépend. C’était un moment capital pour la Côte d’Ivoire.
Vous avez connu des pressions pendant cette période de la part de certaines autorités ? On sait que le premier ministre a souhaité que la Commission aille un peu plus vite. Est-ce que cela n’a pas rajouté à la pression…
B. Y. : Personnellement, je n’ai subi aucune pression. Et je ne subirai aucune pression. Je travaille avec une équipe. Nous sommes la Commission électorale indépendante. Nous avons un mode de fonctionnement. Vous voyez qu’après la proclamation des résultats provisoires, il y a eu des mécontents. Tout le monde ne peut pas être content. Il y a toujours un qui gagne et un qui perd. Il fallait faire en sorte que nous soyons le plus irréprochables possible. Nous avions la pression du peuple. On savait ses attentes. Nous étions régulièrement appelés. Je recevais des sms toutes les deux secondes. On demandait : à quand les résultats ? Mais, il ne fallait pas subir la pression ou bien se précipiter. Les Ivoiriens ont souvent voulu une chose et son contraire : ils veulent des résultats transparents et ils veulent qu’on brûle certaines étapes de la procédure. Si on veut des résultats transparents, il faudrait que toutes les étapes soient respectées et que ces étapes soient validées les unes après les autres. Seulement après ça, on est sûr qu’on a des résultats transparents. Il faut qu’il y ait un minimum de garanties sécuritaires pour que le résultat donné soit un résultat accepté par tous et soit le véritable résultat sorti des urnes.
Vous étiez comme inscrit dans une course contre la montre dans la nuit du mercredi 3 novembre. Le délai de trois (3) jours arrivait à terme.
B. Y. : On avait un délai à respecter qui était le délai de trois jours. On avait perdu déjà quelques jours en régions. Parce qu’il y a eu des difficultés logistiques : on n’est pas seuls dans ce processus. Il y a des opérateurs qui devaient nous accompagner, qui devaient nous acheminer le matériel à bon port. C’est-à-dire des bureaux de vote jusqu’aux commissions locales, des sous-préfectorales jusqu’aux commissions régionales. Une fois dans les régions, on devait transférer tout cela au niveau d’Abidjan. Il était important pour nous que ce schéma soit bien respecté de sorte qu’on puisse arriver très vite à Abidjan et gagner en temps. On avait déjà perdu du temps sur ces étapes. Quand nous sommes arrivés à Abidjan, on était toujours dans le délai. Il fallait faire vite pour tenir dans le délai jusqu’à la fin. Je suis allé sur le plateau faire les dernières annonces de résultats. C’est vrai que l’heure approchait mais je ne pouvais pas interrompre et repartir chercher le président. Il s’est agi pour moi de terminer la lecture des résultats que j’avais en face de moi avant de repartir si bien qu’on m’attendait pour validation du résultat final. Quand nous avons fait les annonces partielles, la Cei devait se réunir après pour valider les résultats que le président allait annoncer. C’est ce qui s’est passé. J’ai fini sur le plateau…Il fallait attendre que je revienne et qu’ensemble, on se réunisse pour valider les résultats finaux avant revenir tous ensemble. Les résultats étaient déjà à notre possession. Mais on ne pouvait pas arrêter la lecture entamée sous prétexte qu’il fallait annoncer très vite les résultats finaux. Cela aurait pu créer plus de problèmes… Le plus important, c’est finalement d’avoir pu donner les résultats dans la nuit.
Certains résultats n’ont pas été annoncés à la télé mais ont été pris en compte dans le décompte final. Vous pouvez expliquer ?
B. Y. : Au moment où je partais faire ma dernière annonce, certains résultats étaient à la saisie comme ceux de la Suisse par exemple. Je ne pouvais pas interrompre mes annonces et partir chercher les autres résultats. Si je devais aller chercher les derniers résultats qui étaient à la saisie, on aurait mis plus de temps à annoncer les résultats définitifs provisoires. La loi ne nous demande pas de procéder à une annonce partielle comme nous l’avons fait. Nous avons souhaité donner ces résultats pour montrer aux Ivoiriens l’avancée dans le travail.
Nous avons donné à certains organes de presse le CD comportant toutes les localités qui ont été centralisées. Paris n’a pas été prise en compte parce qu’au niveau de Paris, il y a eu des irrégularités qui ont conduit à invalider le scrutin. Mais de manière générale, nous avons communiqué les résultats de toutes les autres régions disponibles actuellement sur plusieurs sites.
Que s’est-il passé à Paris comme irrégularités ?
B. Y. : De graves irrégularités ont été constatées sur le déroulement du scrutin. Ce qui nous a amené à invalider le résultat de cette région. Le scrutin n’a pas respecté le procédé légal.
Les premiers résultats partiels avaient été donnés par le ministre Miremont, secrétaire permanent à la Cei. Puis vous êtes monté en première ligne. Etait-ce dans l’ordre normal des choses ou M. Miremont avait des contraintes particulières ?
B. Y. : C’est simple. Je suis le porte-parole de la Cei. Au moment où le ministre Miremont, secrétaire permanent donnait les résultats, j’étais encore à Bouaké. Lorsque je suis arrivé, j’ai pris ma place de porte-parole et j’ai poursuivi l’annonce des résultats. Il n’y a pas eu de problèmes particuliers. J’étais absent et puisque les Ivoiriens s’impatientaient, il fallait leur donner les résultats qui avaient fini d’être traités.
Quel sentiment vous anime-t-il aujourd’hui : celui d’une personne qui estime avoir bien fait son travail ou au contraire, le sentiment d’une personne qui trouve qu’il y a encore des imperfections à corriger ?
B. Y. : Il y a un second tour qui est prévu. Je pense modestement qu’on pourra se prononcer à l’issue du deuxième tour. L’élection présidentielle aura connu son dénouement. Il y a un premier tour au cours duquel il y a eu effectivement quelques ratés en ce qui concerne la logistique, les moyens financiers. On avait des partenaires qui devaient nous appuyer sur le plan logistique. Il y a eu quelques défaillances. Des recommandations ont été faites de part et d’autre. Nous en tenons compte. Nous-mêmes superviseurs, avons fait des rapports sur les difficultés que nous avons rencontrées sur le terrain lors du premier tour. Vous avez pu constater à Abidjan qu’après le scrutin, des personnes étaient encore dans les bureaux de vote avec les urnes et les résultats. Alors que si tout avait été bien agencé par les partenaires avec lesquels nous devons travailler, juste après la fin du scrutin au bout d’une heure, on pouvait finir le dépouillement puisqu’il y a au maximum 400 électeurs par bureau de vote. En une heure ou deux, le dépouillement était fini. Au plus tard à 20 heures, les commissions locales devaient commencer à recevoir les premiers résultats. Vous avez vu que dans certaines localités on est restés jusqu’à tard dans la nuit pour recevoir les résultats parce qu’il y avait une défaillance au niveau de la logistique. On devait travailler en symbiose avec des partenaires qui n’ont pas en certaines parties du territoire respecté leur part de contrat. Ce qui nous a créé des soucis sur le plan logistique. Nous faisons en sorte qu’au deuxième tour, on ne puisse pas rencontrer les mêmes difficultés.
Vous pensez que les choses iront plus vite au deuxième tour ?
B. Y. : Les choses devraient aller plus vite.
Les partenaires défaillants seront-ils mis de côté ?
B. Y. : Je ne vous dirai pas ça. Nous ferons de telle manière que tout se passe dans de bien meilleures conditions et que les superviseurs aient la plénitude de leurs moyens. Nous travaillons à faire en sorte que la Cei puisse donner les résultats sortis des urnes sans problème. Nous avons mis en place deux comités ad hoc chargés de travailler sur tous ces dossiers qui nous feront des rapports. Au niveau du bureau, nous allons nous en saisir, l’apprécier et aller en commission centrale, prendre l’avis des commissaires centraux et sortir un document qui va nous servir de boussole pour l’organisation de ce deuxième tour : un document en béton qui fera en sorte que le second tour de l’élection présidentielle soit irréprochable.
Nous nous en voudrons de ne pas vous pas poser cette question qui touche à notre corporation. Pourquoi les journalistes n’ont pas été intégrés au nombre des personnels d’astreinte de sorte à leur permettre de voter partout sur l’ensemble du territoire ?
B. Y. : C’est un sujet sur lequel nous avons discuté pendant longtemps. Les fonctionnaires n’ont pas été pris en compte, les membres de famille des personnels d’astreinte non plus. Il nous a fallu mettre des balises pour mieux maîtriser notre monde. Il y a des personnes qui sont contraintes dans le cadre du processus électoral à être sur place. Les journalistes ont la possibilité de voter, ensuite aller accomplir leur travail. Ils peuvent également travailler avec leurs représentants dans les villes. En revanche, le commissaire superviseur, l’agent qui est commis à la sécurité ne peut pas bouger. Il est obligé d’être présent à l’ouverture comme à la fermeture du bureau de vote. D’autres corps nous ont sollicités pour être comptés parmi les personnels d’astreinte. Il était difficile pour nous d’élargir la mesure à un plus grand nombre de personnes.
Vous êtes vous suffisamment reposé et prêt pour le second tour ?
B. Y. : Difficile de se reposer véritablement. Après l’annonce des résultats, il y a eu quelques contestations. On n’arrête pas de recevoir des groupes. Là, nous avons reçu les jeunes du Pdci, les femmes du Pdci…Nous réfléchissons aujourd’hui à comment rendre irréprochable le second tour. On ne se reposera peut-être qu’après le second tour.
Réalisé par Kisselminan COULIBALY