Anne-Désirée Ouloto, chrétienne catholique - “Ces évêques se sont comportés en militants”

Dans cet entretien, Anne-Désirée Ouloto se prononce sur la déclaration des évêques relative à la crise post-électorale. Mais en tant que chrétienne catholique. Elle insiste sur cette précision : « La Côte d'Ivoire est un pays laïc. Le parti (le Rdr) ne peut pas se prononcer sur une déclaration d'évêques. Mais malgré mes responsabilités politiques, je garde ma liberté d'opinion en tant que chrétienne ».

Quel commentaire faites-vous de la déclaration d'évêques invitant l'Onuci à respecter la souveraineté de la Côte d'Ivoire en se disant opposés à une intervention militaire pour faire partir Laurent Gbagbo ?
J'ai été particulièrement déçue par cette intervention des évêques que j'attendais avec beaucoup d'impatience notamment après la sortie ratée du cardinal Bernard Agré à l'occasion d'une interview qu'il a accordée à la Rti. Je me disais que leur intervention viendrait recentrer les choses. Et, qu'elle donnerait la position de l'Eglise en Côte d'Ivoire. La première question que je me suis posée après lecture, en tant que chrétienne et catholique, c'est de savoir si leurs seigneurs, les évêques, se sont interrogés sur ce que le Christ aurait envoyé comme message aux Ivoiriens s'il devait leur parler directement. Parce qu'ils sont les apôtres de Jésus-Christ et ils doivent parler en son nom. L'ont-ils fait ? Jésus-Christ est Vérité, il est Justice. Je suis surprise que les évêques aient parlé en tant qu'humains et non en tant qu'apôtres de Jésus-Christ. La seconde interrogation a été de savoir si leurs seigneurs les évêques étaient en phase avec sa Sainteté, le pape Benoît XVI, dont le représentant en Côte d'Ivoire a envoyé un message fort à l'église en ne répondant pas à l'invitation de Laurent Gbagbo pour sa ridicule investiture. La position de l'église qui est celle de Jésus et qui est une position de justice est celle qui a amené le Nonce apostolique, Mgr Madtha, à ne pas répondre à cette invitation. Et, je rappelle qu'à cette investiture, Laurent Gbagbo a insulté l'Eglise. Puisqu'il a répondu à l'absence du Nonce apostolique en disant qu'il est arrivé un moment où Napoléon a dû s'introniser lui-même. Je prends conscience que la société ivoirienne est profondément malade parce que nos évêques, qui sont aussi des Ivoiriens, ont eu une position digne de notre société civile ivoirienne et de nos intellectuels ; c'est-à-dire qu'ils ont eu une attitude de fuite en avant en voulant jouer les équilibristes sans jamais parler en vérité.

Avez-vous l'impression que ces évêques se sont plutôt comportés en militants ?
C'est le sentiment que nous avons. D'autant qu'il nous revient que cette position ne fait pas l'unanimité. Je me demande comment des guides peuvent abandonner ainsi leurs ouailles ? Ils ne se soucient même pas de comment nous souffrons de ne pas pouvoir faire nos messes. Le dimanche dernier, il n'a pas été possible pour nous de la faire. Et, le dimanche prochain, ce n'est pas évident que ça change.

A cela s'ajoute des interventions de pasteurs et catéchistes lors d'un débat à la Rti qui présentent la Côte d'Ivoire comme la « terre de Jésus » et invitent les Ivoiriens à se battre pour la protéger contre les étrangers. N'y a-t-il pas risque qu'on glisse sur le très sensible terrain de la religion?
C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il est temps que les Ivoiriens prennent conscience que Laurent Gbagbo est un véritable danger public pour la cohésion sociale, pour la paix sociale et pour la Côte d'Ivoire tout entière. Il manipule les hommes de Dieu et il travaille avec de faux prophètes. On se demande finalement quelle est sa religion ? Il est tantôt catholique, tantôt évangélique et parfois musulman puisqu'il a épousé une femme musulmane selon les principes, nous dit-on, de l'islam. Qui est ce monsieur qui réussit à ruser avec tous ces religieux sans que personne n'ait le courage de lui dire la vérité.

Entretien réalisé par
Bamba K. Inza