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Politique Publié le mercredi 2 février 2011 | Le Temps

Le ministre Alcide Djédjé parle du Panel des chefs d’Etat : «Ce sommet constitue un tournant pour l’Afrique par rapport à l’ingérence extérieure»

© Le Temps Par DR
Crise politique: Alcide Djédjé, ministre des affaire étrangères du gouvernement Aké N`Gbo
Outgoing Ivorian President Laurent Gbagbo`s foreign minister Alcide Djedje gives a press conference on January 5, 2011 in Abidjan. Ivory Coast`s Laurent Gbagbo was offered an amnesty if he steps down as president and would be able to stay in the country, a mediator announced today, as troops kept up a siege of his rival`s base
Depuis Addis-Abeba, le ministre des Affaires étrangères, Sem Alcide Djédjé s’est prononcé sur le Panel des cinq chefs d’Etat qui viendront bientôt en Côte d’Ivoire, le rôle de l’offensive diplomatique lancée. Il a également expliqué comment Nicolas Sarkozy a ravalé son arrogance devant les chefs d’Etat africains. L’interview intégrale.

Quelle est la composition du Panel des chefs d’Etat ?
Le Panel a été formé, il comprend cinq pays : le Tchad, le Burkina Faso, la Mauritanie, la Tanzanie et l’Afrique du Sud.

Est-ce qu’on attendait vraiment le Burkina Faso ?
Non, il fallait un pays de la Cedeao et également la proposition avait été faite au Nigeria, mais certainement pour des raisons de calendrier, le président Goodluck Jonathan (vous savez qu’il y a des élections là-bas bientôt), a proposé qu’un autre pays de la Cedeao soit désigné. Et le Burkina Faso a été désigné pour remplacer le Nigeria. Mais la proposition initiale, c’était effectivement du Nigeria qu’il s’agissait. Mais le pays pouvait répondre et dire : je suis honoré, mais moi-même, je propose tel autre pays. C’est ce qui s’est passé pour le Burkina Faso.

La Côte d’Ivoire peut-elle récuser la présence du Burkina Faso, notamment de Blaise Compaoré dans le Panel ?
Ce n’est pas cela le plus important. Le Panel comprend cinq membres; je pense que c’est un Panel qui est diversifié, on y retrouve des pays qui ont plus ou moins fait connaître publiquement leur position. C’est le cas du Burkina Faso, mais c’est aussi le cas de l’Afrique du Sud. Donc, ce n’est pas cela le plus important. Le plus important, c’est ce qui sera décortiqué, c’est-à-dire ils viendront, ils vont s’informer, ils vont évaluer et des propositions seront faites. Et il ne faut jamais oublier que le Panel fera des propositions à partir des discussions avec les parties, c’est précisé dans le communiqué. Donc, les parties seront entendues, et participeront à la recherche de la vérité sur ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire au cours des élections et après les élections. Voilà donc la mission, l’agenda et le mandat du Panel.

Dans cet agenda, peut-on y mettre le recomptage des voix, l’examen des Pv, etc. ?
Non, à notre connaissance, le recomptage des voix n’a pas été adopté en tant que tel. Mais il va de soi que les commentaires qui seront faits à partir de ce qui s’est réellement passé : la fraude massive, les violences au Nord, etc. tout l’argumentaire qui a été fourni par le Conseil constitutionnel, à partir de cela, les chefs d’Etat membres du Panel pourront se faire une idée et faire des propositions de sortie de crise qui soient applicables à tous, étant entendu que ce n’est pas le Panel qui va régler les problèmes des Ivoiriens. Il ne faut jamais oublier que la solution de la crise en Côte d’Ivoire appartient avant tout aux Ivoiriens et les autres ne font que nous aider.

Quand on dit que les conclusions du Panel seront imposables, contraignantes à toutes les parties, cela signifie-t-il que ces conclusions seront au-dessus de la Constitution ivoirienne ?
Non, aucune instance internationale n’est au-dessus d’aucune Constitution dans le monde. Vous l’avez vu, avec les résolutions passées, notamment la Résolution 1721 des Nations unies qui prétendait prendre des mesures qui allaient à l’encontre de la Constitution ivoirienne, le Président Laurent Gbagbo avait fait bien avant une déclaration très claire pour dire que les dispositions contenues dans la Résolution 1721 qui sont contraires à la Constitution ne seront pas appliquées en Côte d’Ivoire ; cela va de soi. Il n’y a pas de débat dessus. Les conclusions du Panel doivent tenir compte des lois et de la Constitution de Côte d’Ivoire. S’il y a un arrangement politique, cet arrangement peut être adapté comme les autres fois. A ceux qui auront accepté les arrangements, de les adapter à notre Constitution, étant entendu qu’on leur fera une place dans la nomenclature de notre Constitution. Il faut avoir à l’idée que celui qui veut, peut décider ce qu’il veut, mais nous de notre côté, nous avons une mission, c’est de préserver notre Nation, notre souveraineté et notre Constitution. Donc, tout ce qui sera contraire à notre Constitution ne sera pas accepté. C’est de là que part la discussion.

Malgré le parti pris de M. Ban Ki-moon, dans la crise ivoirienne, y aura-t-il des experts onusiens dans le Panel ?
Oui, l’Union africaine a toujours eu comme partenaire les Nations unies, cela ne va pas changer aujourd’hui. M. Ban Ki-moon a donné une opinion qui est celle d’un fonctionnaire international. Il s’est empêtré dans des erreurs et des compromissions. . Par l’intermédiaire de représentant M. Choi, il a outrepassé ses mandats (ceux attribués à M. Choi), il a certifié les résultats provisoires, alors qu’il est dit clairement que c’est après toutes les étapes, donc après l’annonce du Conseil constitutionnel, alors il peut réagir pour certifier et voir si la Constitution a été respectée en Côte d’Ivoire, si les lois ont été respectées et les critères que lui a fixés, s’il y a eu des élections dans la paix et des élections justes. Donc sa certification s’arrête à ce niveau. Il s’est mis à (soi-disant) compter les voix (ce n’est pas son rôle de compter les voix) et annoncer que les résultats provisoires donnés par Youssouf Bakayoko président de la Commission électorale indépendante étaient des résultats définitifs. Donc, il a été carrément en dehors de son mandat. Il a des préoccupations électoralistes, il est influencé par les puissances étrangères (la France, les Etats-Unis), il veut un nouveau mandat, donc il est complètement aux abois. Il dit des choses qui n’ont aucun sens, donc il faut les prendre tel quel. C’est un fonctionnaire qui cherche à se faire une place et qui est la voix de son maitre, c’est-à-dire la voix des puissances qui, selon lui, peuvent assurer sa réélection. C’est ainsi qu’il faut prendre les déclarations de Ban Ki-moon. Sinon, si déjà, avant d’arriver en Côte d’Ivoire, pour évaluer et discuter avec les parties, on doit dire ceci ou cela, telle chose n’est pas inscrite dans ce qu’on va faire, ce n’est pas une attitude responsable.

A partir de quand commence le travail du panel, demain mardi (hier) ?
Non, on n’a pas encore la date exacte.

Comment va fonctionner le panel ? Les présidents vont-ils venir séjourner en Côte d’Ivoire pendant un mois ou alors ils seront soutenus par un comité d’experts qui restera sur place ?
Non, il y aura des experts en place. Et je présume que les chefs d’Etat viendront pour des discussions peut-être pour deux ou trois jours maximum et après ils repartiront. C’est le secrétariat qui va continuer le travail sur place, mais au moment des prises de décisions politiques importantes, ce sera des concertations entre les chefs d’Etat. Alors ils pourront revenir ou même sans qu’ils ne soient présents en Côte d’Ivoire, les concertations peuvent se faire. S’il y a des propositions qui peuvent d’emblée être acceptables pas tous, en ce moment-là, ils reviennent en Côte d’Ivoire pour, peut-être des annonces publiques. Il ne faut jamais oublier que les décisions qui vont être prises doivent agréer toutes parties. Toute décision qui sera prise et qui n’agrée pas toutes les parties, on pourra dire que le panel a échoué dans sa tentative. Et il faut se rappeler que ce n’est qu’une tentative de règlement du conflit, le reste appartient aux Ivoiriens.

Excellence, aujourd’hui dans le règlement du conflit ivoirien, l’option militaire a été écartée au profit du panel, qu’est-ce qui a contribué à cela et comment s’est faite votre offensive diplomatique en Ethiopie ?
La plupart des pays ont été choqués par cette volonté de la Cedeao de mener une opération militaire. Des membres de la Cedeao ont procédé à des consultations en Afrique et même au niveau des Etats-Unis et un peu partout aux Nations unies. On leur a simplement rappelé que l’objectif et les principes de toutes les organisations, c’est le règlement pacifique des différends. C’est écrit dans le traité de la Cedeao, dans l’acte constitutif de l’Union africaine et dans la charte des Nations unies. Donc, on ne comprendrait pas qu’on fasse couler le sang africain, et ce sera pour la première fois qu’on crée une guerre de soutien et qu’on fasse couler du sang dans une dispute post-électorale. Donc la raison l’a emporté. Tous ceux qui avaient fait des propositions dans ce sens sont même revenus sur leurs propres déclarations au cours de la réunion du Cps (Conseil de paix et de sécurité). Les membres qui représentaient la Cedeao ont simplement dit qu’il n’avait jamais été question d’envisager sérieusement l’usage de la force, et que s’ils ont parlé de force légitime, c’était précisément parce qu’ils entendaient consulter tout le monde et s’ils avaient seulement l’accord de tout le monde, alors ils pouvaient parler de force légitime parce que cela aurait été décidé par toutes les organisations. Donc, la Cedeao est revenue sur ses thèses précédentes au cours de la réunion du Cps, vendredi dernier.

Comment expliquez-vous, Excellence, le discours du président Nicolas Sarkozy devant ses pairs africains ? On s’attendait à un discours un peu plus musclé sur la Côte d’Ivoire, mais il a plutôt parlé de sécurité, de paix et de la réforme des Nations unies…
Le président français s’est trop mis en avant de tout ce qui se passe en Côte d’Ivoire. En fait, il est l’acteur principal de la crise ivoirienne, c’est-à-dire c’est lui qui donne toutes les instructions aux uns et aux autres. Et donc, cela lui a été reproché. De même, son manque de courtoisie lui a été reproché. Sa façon de traiter les chefs d’Etat africains, sa façon de traiter le président Laurent Gbagbo lui a été reprochée. Et les chefs d’Etat africains ont pensé que s’il agit de la sorte vis-à-vis d’un des leurs, la prochaine fois ça pourrait être leur propre tour. Ils ont alors averti la Commission de l’Union africaine que si Sarkozy venait à Addis-Abeba pour parler de la crise ivoirienne en certains termes, ils allaient demander la parole, lui répondre et cela allait créer une polémique. Ils ont prévenu l’Ambassadeur de France à Addis-Abeba. Il a transmis le message à l’Elysée pour dire que si jamais le ton de son discours venait à agacer les chefs d’Etat africains, ils allaient créer une polémique à Addis-Abeba. Il valait mieux qu’il s’abstienne de parler de la Côte d’Ivoire en ces termes. Il a suivi ces conseils. C’est ce qui a certainement donné ce revirement dans le thème et le ton de Sarkozy à la tribune de l’Union africaine.

Au cours des travaux du sommet, est-ce que vous avez senti l’ambiance d’une Afrique qui veut consolider son unité et protéger son indépendance face aux grandes puissances qui veulent s’accaparer ses richesses ?
Oui, bien sûr, cela a été très clair. Je pense que c’est un sommet qui constitue un tournant pour l’Afrique par rapport à l’ingérence extérieure. Vous avez dû avoir le discours du Colonel Kadhafi qui est très révélateur de ce point de vue.

Interview réalisée par
Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr
Coll. Frimo Koukou
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