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Politique Publié le vendredi 4 février 2011 | Le Patriote

Après le Sommet de l’UA / Panel des chefs d’Etat sur la Côte d’Ivoire - Charles Sanga, (envoyé spécial du Patriote) : “Voici ce qui ce qui a été décidé”

© Le Patriote Par DR
Presse nationale : Sanga Charles, Directeur de publication du quotidien "Le Patriote"
A peine les lampions se sont-ils éteints sur la 16e Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA, tenue les 30 et 31 janvier derniers à Addis-Abeba, que la controverse naît en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui y a été décidé, en réalité ? Qu’ont dit les chefs d’Etat à propos de la crise ivoirienne ? Nous avons interrogé l’envoyé spécial de votre quotidien au cœur du sommet.

Le Patriote : Vous revenez du dernier sommet de l’UA à Addis-Abeba, dont les travaux ont été cristallisés par la crise postélectorale. Quels enseignements tirez-vous de cette rencontre des Grands du continent ?

Charles Sanga : Quand les chefs d’Etat d’une organisation comme l’UA se retrouvent, l’idéal est qu’ils se focalisent sur les sujets de développement du continent. Mais, depuis toujours, ce sont les crises et les guerres qui émaillent les discussions. Ce Sommet de 2011, n’a pas fait l’exception. Les crises politiques et armées en Afrique ont meublé le sommet, du début à la fin. Particulièrement, la crise postélectorale qui secoue notre pays. Ce 16e sommet de l’Union Africaine a été surtout marqué par l’hommage rendu, à l’ouverture et à la clôture, au Pr. Alpha Condé, Président de la Guinée. Son élection, ont dit les chefs d’Etat, revêtait un double symbole du fait que le Président guinéen a été un «opposant historique» et son pays a connu plus d’un demi-siècle de dictature. Son combat a été salué. Mais, cette position du sommet a été contrariée par l’élection à la tête de l’Union, d’un Chef d’Etat qui est loin d’être un exemple de démocrate. Tous espèrent que cette nouvelle responsabilité pourra l’amener à opérer des réformes profondes pour que ce pays potentiellement riche qu’il dirige, décolle au plan économique et démocratique. Il y a eu aussi l’intervention très applaudie du Président Sarkozy, président en exercice du G20 et du G8, qui a demandé à l’Afrique de se battre pour occuper la place qui lui revient dans la gouvernance internationale, notamment au niveau de la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies. La crise ivoirienne quant à elle, a été au cœur du sommet. La Côte d’Ivoire même suspendue, n’en a pas moins été présente dans les couloirs, salons et salles de conférence du centre de conférence des Nations Unies où s’est déroulé le sommet.

L.P. : Avant le sommet, deux blocs semblaient s’affronter sur la question ivoirienne. L’un favorable au président élu, Alassane Ouattara, et l’autre à l’ancien Chef d’Etat, Laurent Gbagbo. Selon vous, qu’est-ce qui a fait que le «combat» a tourné en faveur du président élu ?

C.S. : C’est la légitimité du Président Ouattara, évidemment. A dire vrai, il n’y avait pas deux blocs. La CEDEAO a fait connaître sa position depuis la fin du scrutin. Elle l’a fait partager à l’Union Africaine et aux Nations unies. Le Conseil de paix et de Sécurité de l’UA s’est réuni à deux reprises en décembre 2010 pour endosser l’élection du Président Alassane Ouattara. Le Conseil de paix et de sécurité est un organe de l’UA composé d’une quinzaine de pays sous la présidence actuelle de la Mauritanie. Il y a que quelques Etats comme la Gambie, la Guinée-Equatoriale, l’Ouganda ou l’Afrique du Sud ont eu à prendre, de manière isolée, des positions éparses avant le sommet. Mais peu reconnaissent, officiellement, Laurent Gbagbo comme Président élu. Certains de ces chefs d’Etat demandaient qu’on rouvre le dossier électoral. Une fois à Addis-Abeba, les choses sont devenues claires. L’UA a reconnu sans aucun doute, que le vainqueur de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire s’appelle Alassane Ouattara et personne d’autre.

L.P. : Comment cela a-t-il pu être possible ?

C.S. : Il y a eu plusieurs rencontres. D’abord, le Conseil des ministres, qui prépare les dossiers pour les chefs d’Etat, a siégé. Il a reçu le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Côte d’Ivoire. Choi leur a fait le point de la situation en passant par sa méthode de certification qui a du les convaincre. Car, ce même vendredi 28 janvier, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) s’est réuni en présence des Présidents Jacob Zuma, Robert Mugabe et Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie. Les débats ont été houleux, selon nos sources. La CEDEAO conduite par le Président Goodluck Jonathan, qui en est le chef, a expliqué les besoins de l’utilisation de la « force légitime » pour faire partir Gbagbo. Mais, la CEDEAO a consenti à accorder à l’Union Africaine, sa chance. Jacob Zuma a insisté pour la mise en place d’un panel de chefs d’Etat dit «Groupe de haut niveau» qui doit arriver en Côte d’Ivoire certainement dimanche pour négocier le départ de Gbagbo. Après le CPS, il y a eu, le lendemain, une réunion tripartite UA-CEDEAO-ONU qui a encore vu la participation des chefs d’Etat de la CEDEAO et du Secrétaire général de l’ONU. L’Afrique du Sud et les autres se sont fait représentés au niveau ministériel. La position d’unanimité s’est dégagée, là encore. A l’ouverture du sommet, le 30 janvier, le président de la Commission de l’UA, Jean Ping et le Président sortant de la Conférence, le Malawite Bingu Wa Mutarikha ont solennellement demandé à Gbagbo d’accepter le verdict des urnes et de céder le fauteuil au Président élu. Au cours de la conférence de presse qu’il a co-animée à la clôture du sommet avec le nouveau président Theodoro Obiang Nguema, Jean Ping a été très clair à propos des conclusions des travaux sur la Côte d’Ivoire. «Pas question de rouvrir le débat sur le recomptage des voix. L’UA reconnaît Alassane Ouattara comme Président élu», a-t-il dit.

L.P. : Justement, l’UA a reconnu l’élection du président Ouattara, mais pourquoi n’a-t-elle pas condamné l’attitude de Laurent Gbagbo, qui s’accroche au pouvoir depuis sa défaite dans les urnes ?

C.S. : Il faut comprendre que la position de l’Union Africaine est plutôt diplomatique que politique. Elle envoie les chefs d’Etat discuter avec Laurent Gbagbo pour lui offrir une sortie honorable. En lui demandant solennellement de respecter le choix du peuple, il n’y a pas meilleure façon de le désavouer et de dénoncer le hold-up qu’il est en train d’opérer.

L.P. : Beaucoup de collaborateurs de Laurent Gbagbo avaient investi Addis-Abeba. Est-il vrai qu’ils ont tenté d’acheter des consciences dans les couloirs du centre de conférence de l’ONU?

C.S. : Acheter ? Je ne saurai le dire, même si nous savons que des valises d’argent ont quitté Abidjan pour Addis-Abeba. Une chose est cependant sûre, c’est que Gbagbo attendait beaucoup de ce sommet et il a beaucoup investi pour en retirer quelque chose. Il y a envoyé une délégation composée de plusieurs de ses proches collaborateurs conduite par Alcide Djédjé, l’ex-ambassadeur aux Nations Unies. L’activité principale de cette délégation a été d’inonder le Centre de conférence de prospectus, de tracts et de déclarations comparant Gbagbo à Lumumba, dénonçant la «recolonisation» de l’Afrique et «les fraudes au Nord» lors du scrutin. Alcide Djédjé, lui-même, a été moins vu au Centre de conférence. Il était difficile pour lui d’y être, n’ayant pas été invité.

L.P. : L’UA a décidé de la mise en place d’un panel de cinq Chefs d’Etat pour la résolution de cette crise. Quelle sera la mission exacte de ce panel ?

C.S. : Je m’en réfère au communiqué de la réunion du CPS et aux conférences de presse tenues par le président Jean Ping. Il a insisté pour dire que le Groupe de Haut niveau viendra en Côte d’Ivoire pour «évaluer la situation» et «négocier une sortie honorable pour le Président Gbagbo». Je ne l’ai jamais entendu dire que le Groupe viendrait régler le contentieux électoral. Pour l’UA, il n’y a plus de contentieux. Elle reconnaît Alassane Ouattara comme Président démocratiquement élu. Elle a même félicité le Président Blaise Compaoré et les Nations Unies pour la rigueur avec laquelle le processus a été conduit. Donc, le Groupe des chefs d’Etat ne viendra pas pour remettre en cause l’élection d’Alassane Ouattara. C’est exclu. C’est est un acquis. Maintenant, reste à savoir ce que l’UA appelle «sortie honorable» pour Gbagbo. Gouvernement d’union ? Partage du pouvoir ou simple départ paisible ? Autant de questions qui trottinent dans les têtes. Mais, dimanche, le groupe d’experts, peut-être au niveau ministériel des pays composant le panel, sera sur place.

L.P. Concrètement que va faire le Groupe sur le terrain ?

C.S. : Les choses sont simples. Les experts viendront d’abord se documenter sur la sortie de crise. Le Groupe aura à réfléchir sur la réconciliation nationale, la sécurisation du pays et la légitimation des institutions nationales. Je crois savoir qu’ils ont un mois pour proposer un calendrier clair et précis aux différents camps. Les experts vont se retrouver à Addis-Abeba, puis le fruit de leur travail sera soumis au Groupe des chefs d’Etat composé, je vous le rappelle, du Burkina, de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud, du Tchad et de la Mauritanie. Ils ont avec eux les Présidents des Commissions de l’UA et de la CEDEAO. Ces cinq pays représentent les cinq regroupements géopolitiques d’Afrique : la CEDEAO, l’IGAD, la SADC, la CEMAC et l’UMA. Le Groupe devrait se retrouver à Nouakchott dans deux semaines et harmoniser ses points de vue avant de venir à Abidjan rencontrer le chef de l’Etat et son prédécesseur. Une chose importante est de savoir que les décisions qui seront prises sont désormais contraignantes. Autrement dit, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara sont tenus de les appliquer. A défaut, ils s’exposent à des sanctions.

L.P. : Comment expliquez-vous que le camp Gbagbo fasse croire à ses partisans que ce Groupe viendra pour remettre à plat la question électorale ?

C.S. : C’est de l’intoxication. Mieux de la pure manipulation. Nous étions avec d’autres confrères ivoiriens dans la salle, quand Jean Ping a fait le point à la presse, des travaux et décisions de la Conférence des Chefs d’Etat. C’était le lundi aux environs de 22 h, heure locale. Répondant justement à une question d’un confrère, envoyé spécial de Fraternité Matin, qui posait la même problématique, Jean Ping lui a recommandé de se référer au communiqué de la réunion du Conseil de paix et de sécurité qui lui, avait visé la 252e réunion du Conseil, endossant l’élection d’Alassane Ouattara. L’UA, a-t-il dit, ne «reviendra pas en arrière. Nous n’avons jamais parlé de recompter les voix». Alcide Djédjé n’était pas là. Ou bien on lui a fait un faux compte-rendu ou bien il veut tromper les Ivoiriens. Cela n’est d’ailleurs pas surprenant. Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent sur la composition du Groupe ou ses missions, mais il n’est pas honnête de déformer une décision prise par 53 pays, dans le but d’intoxiquer les populations. Dans tous les cas, ce n’est qu’une question de jours ou de semaines et les Ivoiriens sauront les missions du Groupe de Haut niveau. Je rappelle que les chefs d’Etat n’ont pas l’avis des parties ivoiriennes avant de décider. Donc toutes ces envolées verbales sont purement vaines. Ils viendront et ils décideront en âme et conscience. J’espère seulement qu’ils ne se laisseront pas influencer.

L.P. : Pour certains observateurs, cette médiation est déjà vouée à l’échec. Pensez-vous que l’UA pourra ramener Laurent Gbagbo à la raison ?

C.S. : A priori, je m’inscris dans le même pessimisme. Je rappelle que Thabo Mbeki qui inspire Zuma, est déjà venu en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo a reçu des émissaires, aussi bien de la CEDEAO que de l’UA. Il n’a pas cédé. Je me demande bien ce qui pourrait être dans la balance pour l’amener à partir paisiblement. Peut-être que Jacob Zuma est la clé que l’on n’a pas encore essayée. En tout cas, Laurent Gbagbo a encore une chance pour sortir honorablement de cette impasse dans laquelle, les ultras de son camp l’ont mis.

L.P. : Pourquoi le Président Alassane Ouattara n’était-il pas à Addis-Abeba ?

C.S. : La Côte d’Ivoire est suspendue de l’Union Africaine, jusqu’à ce que le Chef de l’Etat élu entre en fonction. Cependant, la position de l’UA de ne pas inviter la Côte d’Ivoire m’a semblé quelque peu gauche. Car, on ne peut pas mettre sur un même pied d’égalité le problème avec les conséquences du problème. La Côte d’Ivoire qui est un grand pays, a sa voix à donner dans ce genre de sommet. J’ai lu que les Forces Nouvelles ont dénoncé un parti pris du président de la Commission qui n’a pas invité les autorités légales. Elles ont raison. Car, on ne peut pas reconnaître officiellement qu’un Président a été élu et en même temps, refuser que lui ou ses représentants, participent à un sommet. Cela aurait pu être l’occasion pour l’UA de couper court à toutes les supputations. Toutefois, je puis vous dire que le Président de la République a été la star du sommet, sans y être. Peut-être que sa présence aurait créé beaucoup de jalousies. Son ministre des Affaires étrangères, Kacou Gervais a été aperçu dans les salons du Centre de conférence, en train d’accorder beaucoup d’interviews à la presse internationale qui s’intéresse vraiment à la sortie de crise en Côte d’Ivoire.
L.P. : Qu’en est-il des oppositions entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Australe ?

C.S. : II n’y avait pas d’opposition dogmatique en tant que telle. La position de la CEDEAO est connue. Avant l’ouverture du sommet, deux pays importants de l’Afrique australe, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, avaient émis quelques réserves sur la certification des Nations Unies. Ban Ki-moon et Choi ont, tous deux, multiplié les rencontres afin de partager leur neutralité et le sérieux de la certification. Je crois qu’ils ont été compris. Il n’y a pas eu de blocages dans aucune des instances, aussi bien au CPS qu’à la Conférence des chefs d’Etat. Le consensus a été dégagé. D’où les décisions qui ont été annoncées. Cependant, les présidents de la CEDEAO ont tout de même exprimé leur colère à Jacob Zuma qui brise, ainsi, une manière de faire non écrite certes, mais qui a toujours réussi en Afrique. C’est-à-dire que les crises sont d’abord résolues au plan régional et les pays d’autres régions se gardent bien de s’en mêler. Si Thabo Mbeki et Denis Sassou N’Guesso ont été médiateurs dans la crise ivoirienne, c’est parce qu’ils ont été désignés par l’Union Africaine. Ils n’y sont pas venus au nom de leur pays. La CEDEAO a fait comprendre à la diplomatie sud-africaine qu’aucun pays de l’Afrique de l’Ouest ne s’est immiscé dans les problèmes de la SADC pour régler les problèmes à Madagascar et au Zimbabwe. En tout cas, le Président Goodluck s’est fait entendre et comprendre.

L.P. : Qu’en est-il alors de la suite du Groupe de Haut niveau si ses décisions ne sont pas appliquées ?

C.S. : Il y aura certainement des sanctions dures. En tout cas, la pression n’est pas du côté du Président Ouattara. Il a déjà montré à tous les médiateurs venus le voir, qu’il est prêt à consentir beaucoup d’efforts pour une sortie honorable à son prédécesseur. Laurent Gbagbo a là, à mon avis, une occasion en or et des arguments pour convaincre les ultras de son camp. C’est sa dernière chance, je crois. S’il refuse de partir, Jean Ping l’a dit, l’UA va reconsidérer sa position. Cela veut dire, que l’usage de la force légitime n’est pas exclu. C’est vrai, les chefs d’Etat de la SADC ont exposé les drames vécus en RDC, avec implication d’armées étrangères. Mais là-bas, des pays se sont levés, sans coordination régionale, pour s’immiscer dans une guerre qui n’était pas la leur. Ici, la situation en Côte d’Ivoire menace la stabilité régionale et la CEDEAO est bien fondée, selon ses textes, à agir comme elle l’a fait en Sierra-Leone et au Liberia. En cas d’échec de la médiation du Groupe de haut niveau, l’utilisation de la force pourrait être endossée par l’Union Africaine. Mais, nous n’en sommes pas là. Gbagbo doit saisir la perche que le Conseil de paix et de Sécurité lui a tendue.

Réalisée par Y. Sangaré
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