Le sommet de l`Union Africaine qui vient de s`achever à Addis-Abeba a décidé de confier le règlement de la crise ivoirienne à un panel de cinq chefs d`Etats dont les conclusions et recommandations seront « contraignantes » pour toutes les parties.
En droit, l`on dirait que leurs décisions seront « sans recours » et « exécutoires ». Mais, en fait, les choses ne sont pas si simples.
Au regard de l`historique de la crise ivoirienne et des volte-face répétées de Laurent Gbagbo depuis bientôt onze ans, il est bon de se demander de quels éléments de contrainte disposera l`UA pour imposer aux protagonistes, en particulier à Laurent Gbagbo, un règlement pacifique de cette crise post-électorale !
La question devient même un préalable lorsque l`on examine l`histoire politique personnelle de Laurent Gbagbo depuis le début du multipartisme en Côte d`Ivoire, voilà vingt et un ans.
Pour Laurent Gbagbo en effet, l`objectif unique, affiché et clairement exprimé de tout temps, a toujours été de parvenir à la fonction suprême de l`Etat, d`y parvenir par tous les moyens. « La politique est un métier ! », a-t-il coutume de dire.
Depuis dix ans qu`il est au pouvoir, Laurent Gbagbo ne cesse de démontrer, justement, qu`il entend s`y maintenir par tous les moyens et quel qu`en soit le prix. « Mille morts à droite, mille morts à gauche, moi, j`avance ! » fut sa mise en garde dès après sa prise de pouvoir en l`an 2000. Ce faisant, tous les accords et compromis sont apparus pour lui comme de simples moyens au service de ses ambitions d`accession et de maintien au pouvoir.
Officiellement, les « coups de pied en vache » de Laurent Gbagbo commencent en 1990. A cette époque, il incarne le multipartisme en Côte d`Ivoire, et l`espoir d`une société démocratique. Il forme l`alliance de gauche avec Zadi Zaourou, Francis Wodié, Bamba Moriféré et d`autres. Cette même année, l`élection présidentielle s`organise avec Félix Houphouët-Boigny, le père de la nation.
L`alliance de gauche décide de la boycotter et de ne pas présenter de candidat pour dénoncer l`absence de transparence des élections. Mais, au dernier jour du dépôt des candidatures, Laurent Gbagbo fausse compagnie à ses amis de l`alliance de gauche et dépose sa propre candidature, en violation de leur décision commune de boycotter l`élection présidentielle. Il sera le seul candidat
face à Félix Houphouët-Boigny.
Au sortir de cette élection, l`alliance de gauche disparaîtra progressivement, et Laurent Gbagbo se présentera comme le chef de file de l`opposition ivoirienne.
Toujours en 1990, lorsque Félix Houphouët-Boigny fait appel à Alassane Dramane Ouattara, qu`il nommera plus tard Premier Ministre, pour lutter contre la grave crise économique qui frappe le pays, Laurent Gbagbo est le premier à dire de ce dernier qu`il est « étranger », et le premier aussi à appeler publiquement à « l`exclusion » des « étrangers » de la vie politique ivoirienne.
Cependant, quand Henri Konan Bédié succède à Houphouët-Boigny au décès de celui-ci en 1993, et que le Rassemblement Des Républicains (RDR) se crée avec Alassane Ouattara comme leader, Laurent Gbagbo se retourne pour former avec lui une alliance qu`ils vont dénommer le « Front Républicain ».
A toutes les tribunes, il affirme alors haut et fort qu`Alassane Ouattara est ivoirien, puis il dénonce et menace le pouvoir d`Henri Konan Bédié qui a repris à son compte la question de l`extranéité de Ouattara à travers le concept de l`ivoirité.
Cette situation dure jusqu`au 24 décembre 1999. A cette date, le Général Robert Guei renverse le pouvoir d`Henri Konan Bédié par un coup d`Etat.
Aussitôt, Laurent Gbagbo se démarque d`Alassane Ouattara et rompt leur alliance politique du Front Républicain. Il se rapproche du Général Guei et forme avec lui une nouvelle alliance, non écrite, puis, dans le même temps, il crée ouvertement avec Laurent Dona-Fologo et certains caciques du PDCI-RDA (le parti de feu Houphouët-Boigny qu`il a toujours combattu), le « Front
Patriotique ».
Le régime du Général Guei commet de graves violations des droits de l`homme et fonde ouvertement sa politique sur l`ivoirité et l`exclusion.
Laurent Gbagbo et son parti politique, le FPI, en sont les alliés les plus fidèles. Ils demeurent dans le gouvernement du Général Guei alors que le RDR d`Alassane Ouattara s`en retire.
En l`an 2000, la nouvelle Constitution de la Côte d`Ivoire est en cours d`élaboration. Laurent Gbagbo et le FPI forment une large coalition autour du Général Guei pour que l`ivoirité soit introduite dans cette Constitution à travers son article 35 qui définit les conditions d`éligibilité à la présidence de la
République.
Les populations sont partagées et majoritairement opposées à un tel projet.
Mais, à deux jours de la date du référendum qui doit adopter cette nouvelle Constitution, le Général Guei, avec la complicité de Laurent Gbagbo et du FPI, falsifient subrepticement l`article 35 du texte en y substituant la conjonction de coordination « ou » par la conjonction de coordination « et », en vue de pouvoir l`utiliser plus tard contre Alassane Ouattara en le déclarant inéligible.
Pour empêcher que leur forfaiture ne soit dénoncée à la nation, ils confisquent la télévision publique, la Radio Télévision Ivoirienne (RTI), et repassent en boucle les anciens messages enregistrés par Alassane Ouattara, avant la falsification de la Constitution, appelant les Ivoiriens à voter « oui ».
Sans s`apercevoir de rien, le peuple adopte par référendum la Constitution falsifiée et c`est cette Constitution que Laurent Gbagbo oppose à tout le monde à présent.
En l`an 2000, pour l`élection présidentielle organisée sous le Général Guei, la Cour Suprême, présidée par Tia Koné, utilise l`article 35 falsifié de la Constitution pour rejeter la candidature d`Alassane Ouattara pour « nationalité douteuse ».
La candidature de Henri Konan Bédié est également rejetée par la même Cour Suprême sur la base du même article 35 falsifié.
Comme il l`avait fait à ses alliés de gauche il y a dix ans, Laurent Gbagbo manœuvre pour être le seul candidat significatif en face du Général putschiste au cours de cette élection présidentielle de l`an 2000.
Il promet la victoire au Général Guéi et l`assure qu`il sera son Premier Ministre pour légitimer son pouvoir, selon les aveux de plusieurs témoins. Mais c`est un autre « coup de pied en vache » de Laurent Gbagbo. A l`issue du scrutin présidentiel, et avant l`annonce officielle des résultats par la Commission Nationale Electorale (CNE), Laurent Gbagbo et le Général Guei se déclarent
tous deux vainqueurs et Présidents élus.
Le Général Guei prête serment mais, Laurent Gbagbo, faisant appel à la rue et à l`armée dont il s`était attiré les faveurs, chasse le Général Guei du pouvoir et se fait déclarer « Président de la République».
Le jour de sa prestation de serment, on dénombre des dizaines de morts, dont un charnier de cinquante sept corps criblés de balles dans une forêt à Yopougon, en banlieue d`Abidjan.
Aux sympathisants et militants du RDR d`Alassane Ouattara qui manifestaient pacifiquement pour demander la reprise de l`élection présidentielle sur une base démocratique avec tous les candidats, Laurent Gbagbo a répondu par la violence et donné l`ordre aux forces de l`ordre de « les mater ».
En décembre de la même année 2000, sous la Présidence de Laurent Gbagbo, la candidature d`Alassane Ouattara est rejetée à nouveau pour « nationalité douteuse » par la même Cour Suprême, à l`occasion des élections législatives, sur la base du même article 35 falsifié de la Constitution.
Les sympathisants et partisans d`Alassane Ouattara qui tentent de manifester pour dénoncer cette autre injustice tombent sous les balles des militaires, policiers et gendarmes aux ordres de Laurent Gbagbo. On dénombre de nombreux morts et blessés. Les escadrons de la mort sèment la peur et la désolation dans les rangs de l`opposition, multipliant les enlèvements, les
disparitions et les assassinats.
Dans chacun des cas, aussi bien en ce qui concerne l`élection présidentielle que les élections législatives, Laurent Gbagbo reste sourd aux appels et condamnations de la communauté internationale, et aucune médiation ne parvient à le faire changer d`avis.
Les mois passent et, face à la capitulation de la communauté internationale d`un côté et à la répression sauvage qui empêche ses militants de manifester de l`autre, l`opposition politique du RDR et du PDCI finit par plier et se résigner à entrer dans un gouvernement d`union nationale où Laurent Gbagbo sera seul maître à bord, Chef Suprême des Armées, Chef de l`Administration et
seul détenteur du pouvoir de nommer (et de révoquer) aux emplois civils et militaires. Certains civils et militaires ne trouveront leur salut que dans l`exil.
C`est dans ce contexte que Laurent Gbagbo va engager la mise en œuvre pratique du concept d`ivoirité, à travers une loi sur l`identification des populations qui exige de chaque pétitionnaire qu`il indique son village d`origine en Côte d`Ivoire et qu`il y désigne deux parents susceptibles de témoigner de son appartenance à ce village.
La sélection des Ivoiriens de « race pure » et du corps électoral « sain et convenable », qui devait permettre à Laurent Gbagbo de s`assurer une présidence à vie, venait ainsi de commencer.
C`est ce projet qui sera contrarié brutalement et violemment par la tentative de coup d`Etat du 19 septembre 2002, qui se transformera en rébellion et entraînera la partition du pays en deux.
Puis, de Lomé à Linas-Marcoussis, d`Accra 1, 2 et 3 à Pretoria 1 et 2, suivis des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, les protagonistes du conflit ivoirien vont vainement rechercher la sortie de crise pour finalement se retrouver à Ouagadougou en 2007, dans le cadre du Dialogue Direct qui aboutira à l`Accord Politique de Ouagadougou (APO) complété par quatre
Accords complémentaires.
Les médiateurs n`auront pas plus de chance que les accords de paix. Y passeront : feu Gnassingbé Eyadema du Togo ; Pierre Mazeaud du Conseil Constitutionnel français, le Président John Kufuor du Ghana ; le Chef de l`Etat Sud-Africain de l`époque, M. Thabo Mbeki ; le Facilitateur, Mr Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso ; le Roi Mohamed VI du Maroc, Mr Olusegun
Obasanjo, alors Président du Nigéria, le Président Sénégalais Abdoulaye Wade, l`un des premiers à s`être impliqué dans le règlement de la crise ivoirienne, le Président Amadou Toumani Touré du Mali, les différents partis politiques ivoiriens, la Communauté Economique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO), l`Union Africaine, la France, l`Union européenne, la Francophonie, les Nations Unies... A ceux-là, il faut ajouter les missions officieuses de bons offices comme, par exemple, celles de la Communauté de Sant`Egidio.
Et le temps non plus ne sera pas compté pour ces négociations ! Bientôt neuf années se seront écoulées en cette année 2011, et onze années si l`on y ajoute les épisodes couvrant la période allant de l`an 2000 à 2002.
De report en confiscation du pouvoir, Laurent Gbagbo entame sa onzième année de « présidence » soit deux mandats de cinq ans dont l`un dépourvu de tout mandat électif.
Durant cette période, trois premiers ministres se seront succédé à la tête du Gouvernement, dont Guillaume Soro, le Chef politique de l`ex-rébellion, qui conduira le pays à l`élection présidentielle du 28 novembre 2010.
Cette élection sera organisée en vertu de la Constitution, de l`APO et de la Résolution 1765 (2007) adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies à la demande des acteurs politiques ivoiriens, pour la certification du processus électoral dans toutes ses phases.
Les principaux acteurs politiques ivoiriens, notamment Laurent Gbagbo, vont approuver cette résolution sur la certification et la traduire dans les textes législatifs et règlementaires ivoiriens relatifs au processus électoral en les modifiant, sous la signature du Président Gbagbo lui-même, pour les mettre en harmonie avec les nécessités de la certification et de la Facilitation (mise en
place par l`APO). Il s`agit :
1) De la loi électorale ivoirienne, notamment l`article 39 nouveau du code électoral,
2) Du décret n°2008-134 du 14 avril 2008 portant convocation du collège électoral de la République de Côte d`Ivoire pour l`élection présidentielle du 30 novembre 2008
3) Du décret n°2008-135 du 14 avril 2008 fixant les modalités de collaboration entre l`Institut National de la Statistique (INS) et la société Sagem Sécurité sous la responsabilité et l`autorité de la CEI
4) Du décret n°2008-136 du 14 avril 2008 fixant les modalités d`établissement de la nouvelle liste électorale
5) Du décret n°2008-252 du 14 septembre 2008 portant confection de la liste électorale
6) De L`ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustements au code électoral pour les élections de sortie de crise.
Du point de vue pratique et conformément à l`Accord Politique de Ouagadougou (APO), en accord avec Laurent Gbagbo pris en sa qualité de Chef Suprême des Armées, la sécurisation du scrutin présidentiel d`octobre et de novembre 2010 a été assurée sur toute l`étendue du territoire national
(y compris les zones tenues par les Forces Nouvelles) par le Centre de Commandement Intégré (CCI) composé suivant un principe de mixité des Forces de Défense et de Sécurité (FDS - fidèles à Laurent Gbagbo) d`une part, et, d`autre part, des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN - fidèles à Guillaume Soro), ces deux forces armées étant assistées par les forces
impartiales de l`ONUCI et de Licorne.
La supervision étatique du scrutin a été assurée sur l`ensemble du territoire national par les réfets et sous-préfets, tous nommés dans leurs fonctions par Laurent Gbagbo.
En application des dispositions du code électoral ivoirien, notamment l`Ordonnance signée en avril 2008 par Laurent Gbagbo, deux représentants de chacun des candidats en lice ont été affectés dans chacun des vingt mille soixante treize bureaux de vote du pays.
A la demande du gouvernement de Laurent Gbagbo, dirigé alors par Guillaume Soro en qualité de Premier ministre, l`observation électorale, placée sous les principes directeurs de l`ONU et de l`Union Européenne, a été ouverte à toutes les organisations nationales et internationales ayant sollicité leur accréditation.
A l`issue du scrutin, une copie des procès-verbaux de dépouillement des votes de chacun des vingt mille soixante treize bureaux de vote a été mise à la disposition des représentants des candidats en lice, ainsi que remise, comme l`exige le code électoral ivoirien (article 39 nouveau) :
1) au Conseil constitutionnel pour les besoins de l`examen des réclamations éventuelles,
2) au Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d`Ivoire pour les besoins de sa certification des résultats,
3) au Représentant Spécial du Facilitateur en Côte d`Ivoire pour le compte de la Communauté Economique Des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) pour les besoins de son arbitrage.
Et c`est à l`issue de tout ce parcours et de toutes ces précautions (non comprises les péripéties ayant marqué les différentes opérations d`audiences foraines, de reconstitution des registres de l`état-civil, de l`identification des populations et du recensement électoral, de la confection et de la publication des listes électorales provisoires et définitives, du contentieux de la liste électorale, de la confection et de la distribution des cartes nationales d`identité et des cartes d`électeurs, de la recomposition de la commission électorale indépendante etc...) que, le 2 décembre 2010, la Côte d`Ivoire aura un Président élu en la personne d`Alassane Ouattara avec 54,1 % des suffrages
exprimés contre 45,9 % à Laurent Gbagbo.
Et, contre toute attente, nouveau « coup de pied en vache » de Laurent Gbagbo ! Ce dernier récuse les résultats proclamés par la CEI et certifiés par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d`Ivoire, se fait désigner illégalement vainqueur de l`élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel entièrement acquis à sa cause, prête serment devant
le même Conseil Constitutionnel, obtient l`allégeance des forces armées, réprime dans le sang toutes les tentatives de contestation de sa confiscation du pouvoir, et s`oppose à la quasi-unanimité de la communauté internationale qui lui demande de reconnaitre sa défaite et de céder pacifiquement le pouvoir au Président élu. Les condamnations et les médiations reprennent, comme en l`an 2000 et comme à la suite des évènements de septembre 2002. Et elles échouent les unes après les autres ! Comme en 2000 et après 2002 ! Des fissures apparaissent de plus en plus au sein de la communauté internationale qui commence à présenter des signes de lassitude. Les soutiens à Laurent Gbagbo se font plus nombreux et plus ouvertement !
C`est dans ces conditions que les Chefs d`Etats et de Gouvernement de l`Union Africaine, après avoir étalé au grand jour leurs divergences sur le dossier ivoirien, décident de confier une autre médiation à un panel de cinq chefs d`Etats qui doivent proposer, dans un délai d`un mois, des solutions qui seront « contraignantes » pour toutes les parties.
A ce stade, l`on se demande de quel genre de contraintes parle l`Union Africaine ! La Côte d`Ivoire est déjà exclue de toutes les instances de l`UA.
Laurent Gbagbo, son gouvernement, ses épouses, les membres de sa famille et ses soutiens sont tous sous les sanctions de l`Union Européenne, des USA, des Nations Unies, du Canada etc...
Le Président Alassane Ouattara et son gouvernement, ainsi qu`une partie de ses soutiens, sont sous blocus à l`hôtel du Golf qu`ils ne peuvent pas quitter depuis bientôt trois mois. La population ivoirienne, toutes tendances confondues, est prise en otage entre les deux camps depuis bientôt trois mois également. Par ailleurs, l`UA, et notamment plusieurs de ses leaders, se sont
déjà prononcés ouvertement contre toute option militaire en Côte d`Ivoire.
Dans ces circonstances, de quel autre type de contraintes dispose l`UA pour «convaincre » Laurent Gbagbo de quitter pacifiquement le pouvoir ?
Quelle que soit l`ingéniosité de la solution de l`UA, si solution il y a, l`organe panafricain devra se souvenir que Laurent Gbagbo a fait du « coup de pied en vache » sa spécialité, et revendique fièrement le titre de « maître boulanger ».
Si, par contre, la formule du panel vise à desserrer l`étau autour de Laurent Gbagbo, l`UA devra s`attendre à assumer tôt ou tard, en son propre sein et en Côte d`Ivoire, une déflagration aux conséquences majeures qui ne serviront aucun de ceux qui poursuivent des intérêts autres que ceux de la démocratie dans ce pays.
En dehors d`une telle solution ou de celle qui le confortera dans sa confiscation du pouvoir, les antécédents de Laurent Gbagbo peuvent permettre à tout parieur de gager qu`il ne se pliera à aucune décision lui faisant injonction de céder pacifiquement le pouvoir à Alassane Ouattara.
Car Laurent Gbagbo sait qu`il n`a pas gagné l`élection présidentielle de novembre 2010. Mais il refuse frontalement de quitter le pouvoir afin de se prouver qu`il demeure le « maître boulanger » et refuser d`admettre qu`il s`est fait « enfariner » sur la ligne d`arrivée.
En effet, après toutes les accusations portées par lui et son clan contre le Burkina Faso, à la suite des évènements de septembre 2002, Laurent Gbagbo s`est « humilié » à accepter la médiation du Président de ce pays, dans l`espoir de convertir Blaise Compaoré à son dessein de confisquer le pouvoir à travers une parodie d`élection présidentielle.
Après toutes les infamies attribuées à Guillaume Soro et aux « rebelles venus du nord » par lui-même et son clan, suivies des tentatives avortées de mettre fin à sa vie, Laurent Gbagbo s`est tout aussi « humilié » pour faire du Chef de la rébellion son Premier Ministre, Chef du Gouvernement, maître d`ouvrage du processus de sortie de crise avec tous les privilèges et avantages qui s`y rattachent.
L`objectif visé : obtenir sa compromission pour usurper le pouvoir à la suite d`un processus électoral qui devait être tronqué et/ou travesti !
Enfin, malgré toutes ses accusations récurrentes et démagogiques contre l`Occident, de façon générale, et contre la France en particulier, Laurent Gbagbo s`est encore « humilié » en attribuant ou en préservant à ce pays tous les principaux contrats dans les domaines stratégiques de l`eau, l`électricité, le téléphone, le port, l`aéroport et même l`identification et le recensement
électoral des populations etc... Son objectif : s`assurer du silence « complice » de la France et de l`Occident, au moment de confisquer la volonté du Peuple et d`assassiner la démocratie en Côte d`Ivoire !
Autre élément du dispositif : Youssouf Bakayoko, le Président de la CEI nouvelle formule, plébiscité par les commissaires de La Majorité Présidentielle (LMP) sur ordre de Laurent Gbagbo, à l`occasion de son élection à cette fonction !
Sa mission : proclamer la victoire de Laurent Gbagbo ou s`abstenir de toute annonce de résultats et passer la main au Conseil Constitutionnel pour «légaliser » le hold-up électoral !
Avec cela, Lui, le Maître Boulanger tiendrait là sa consécration suprême ! Mais, hélas pour Lui, « l`ascenseur » attendu n`est pas arrivé. Youssouf Bakayoko annonce la victoire d`Alassane Ouattara.
Y. J. Choi, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d`Ivoire, qui avait pourtant été ménagé par le Clan, et même adulé en maintes occasions, rejette les résultats de Yao N`Dré et du Conseil Constitutionnel, à la grande surprise du Boulanger !
Au grand désarroi de Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, « le meilleur Premier Ministre qu`il ait jamais eu », reconnait la victoire d`Alassane Ouattara, lui remet sa démission et accepte sur-le-champ sa reconduction en tant que nouveau Premier Ministre, pour conduire le gouvernement du nouvel élu !
Et les félicitations arrivent de toutes parts au Président Ouattara ! De la France, des USA, de l`ONU, de l`Union Européenne, de l`Union Africaine, de la CEDEAO dont Blaise Compaoré est le représentant dans le processus électoral en Côte d`Ivoire, etc... !
Et, à Lui qui vient néanmoins de prêter serment devant « son » Conseil Constitutionnel dans une salle remplie d`illustres « patriotes » et désertée par les représentants des chancelleries étrangères, il ne vient que de la réprobation et des accusations d`usurpation !
Lui, le maître Boulanger, doit-il se résigner à accepter qu`il s`est fait « enfariner » sur la ligne d`arrivée ?
A ce jour, et peut-être jusqu`à « la solution contraignante » attendue de l`Union Africaine, la réponse de Laurent Gbagbo est et demeure : NON !
Au Panel de Chefs d`Etats de s`armer d`un Panel de mesures les unes plus contraignantes que les autres et, pourquoi pas, soutenues et mises en œuvre par... une force militaire !
Me Fakhy KONATE
Avocat, Commissaire National des Droits de l`Homme- CNDH-CI
Abidjan
En droit, l`on dirait que leurs décisions seront « sans recours » et « exécutoires ». Mais, en fait, les choses ne sont pas si simples.
Au regard de l`historique de la crise ivoirienne et des volte-face répétées de Laurent Gbagbo depuis bientôt onze ans, il est bon de se demander de quels éléments de contrainte disposera l`UA pour imposer aux protagonistes, en particulier à Laurent Gbagbo, un règlement pacifique de cette crise post-électorale !
La question devient même un préalable lorsque l`on examine l`histoire politique personnelle de Laurent Gbagbo depuis le début du multipartisme en Côte d`Ivoire, voilà vingt et un ans.
Pour Laurent Gbagbo en effet, l`objectif unique, affiché et clairement exprimé de tout temps, a toujours été de parvenir à la fonction suprême de l`Etat, d`y parvenir par tous les moyens. « La politique est un métier ! », a-t-il coutume de dire.
Depuis dix ans qu`il est au pouvoir, Laurent Gbagbo ne cesse de démontrer, justement, qu`il entend s`y maintenir par tous les moyens et quel qu`en soit le prix. « Mille morts à droite, mille morts à gauche, moi, j`avance ! » fut sa mise en garde dès après sa prise de pouvoir en l`an 2000. Ce faisant, tous les accords et compromis sont apparus pour lui comme de simples moyens au service de ses ambitions d`accession et de maintien au pouvoir.
Officiellement, les « coups de pied en vache » de Laurent Gbagbo commencent en 1990. A cette époque, il incarne le multipartisme en Côte d`Ivoire, et l`espoir d`une société démocratique. Il forme l`alliance de gauche avec Zadi Zaourou, Francis Wodié, Bamba Moriféré et d`autres. Cette même année, l`élection présidentielle s`organise avec Félix Houphouët-Boigny, le père de la nation.
L`alliance de gauche décide de la boycotter et de ne pas présenter de candidat pour dénoncer l`absence de transparence des élections. Mais, au dernier jour du dépôt des candidatures, Laurent Gbagbo fausse compagnie à ses amis de l`alliance de gauche et dépose sa propre candidature, en violation de leur décision commune de boycotter l`élection présidentielle. Il sera le seul candidat
face à Félix Houphouët-Boigny.
Au sortir de cette élection, l`alliance de gauche disparaîtra progressivement, et Laurent Gbagbo se présentera comme le chef de file de l`opposition ivoirienne.
Toujours en 1990, lorsque Félix Houphouët-Boigny fait appel à Alassane Dramane Ouattara, qu`il nommera plus tard Premier Ministre, pour lutter contre la grave crise économique qui frappe le pays, Laurent Gbagbo est le premier à dire de ce dernier qu`il est « étranger », et le premier aussi à appeler publiquement à « l`exclusion » des « étrangers » de la vie politique ivoirienne.
Cependant, quand Henri Konan Bédié succède à Houphouët-Boigny au décès de celui-ci en 1993, et que le Rassemblement Des Républicains (RDR) se crée avec Alassane Ouattara comme leader, Laurent Gbagbo se retourne pour former avec lui une alliance qu`ils vont dénommer le « Front Républicain ».
A toutes les tribunes, il affirme alors haut et fort qu`Alassane Ouattara est ivoirien, puis il dénonce et menace le pouvoir d`Henri Konan Bédié qui a repris à son compte la question de l`extranéité de Ouattara à travers le concept de l`ivoirité.
Cette situation dure jusqu`au 24 décembre 1999. A cette date, le Général Robert Guei renverse le pouvoir d`Henri Konan Bédié par un coup d`Etat.
Aussitôt, Laurent Gbagbo se démarque d`Alassane Ouattara et rompt leur alliance politique du Front Républicain. Il se rapproche du Général Guei et forme avec lui une nouvelle alliance, non écrite, puis, dans le même temps, il crée ouvertement avec Laurent Dona-Fologo et certains caciques du PDCI-RDA (le parti de feu Houphouët-Boigny qu`il a toujours combattu), le « Front
Patriotique ».
Le régime du Général Guei commet de graves violations des droits de l`homme et fonde ouvertement sa politique sur l`ivoirité et l`exclusion.
Laurent Gbagbo et son parti politique, le FPI, en sont les alliés les plus fidèles. Ils demeurent dans le gouvernement du Général Guei alors que le RDR d`Alassane Ouattara s`en retire.
En l`an 2000, la nouvelle Constitution de la Côte d`Ivoire est en cours d`élaboration. Laurent Gbagbo et le FPI forment une large coalition autour du Général Guei pour que l`ivoirité soit introduite dans cette Constitution à travers son article 35 qui définit les conditions d`éligibilité à la présidence de la
République.
Les populations sont partagées et majoritairement opposées à un tel projet.
Mais, à deux jours de la date du référendum qui doit adopter cette nouvelle Constitution, le Général Guei, avec la complicité de Laurent Gbagbo et du FPI, falsifient subrepticement l`article 35 du texte en y substituant la conjonction de coordination « ou » par la conjonction de coordination « et », en vue de pouvoir l`utiliser plus tard contre Alassane Ouattara en le déclarant inéligible.
Pour empêcher que leur forfaiture ne soit dénoncée à la nation, ils confisquent la télévision publique, la Radio Télévision Ivoirienne (RTI), et repassent en boucle les anciens messages enregistrés par Alassane Ouattara, avant la falsification de la Constitution, appelant les Ivoiriens à voter « oui ».
Sans s`apercevoir de rien, le peuple adopte par référendum la Constitution falsifiée et c`est cette Constitution que Laurent Gbagbo oppose à tout le monde à présent.
En l`an 2000, pour l`élection présidentielle organisée sous le Général Guei, la Cour Suprême, présidée par Tia Koné, utilise l`article 35 falsifié de la Constitution pour rejeter la candidature d`Alassane Ouattara pour « nationalité douteuse ».
La candidature de Henri Konan Bédié est également rejetée par la même Cour Suprême sur la base du même article 35 falsifié.
Comme il l`avait fait à ses alliés de gauche il y a dix ans, Laurent Gbagbo manœuvre pour être le seul candidat significatif en face du Général putschiste au cours de cette élection présidentielle de l`an 2000.
Il promet la victoire au Général Guéi et l`assure qu`il sera son Premier Ministre pour légitimer son pouvoir, selon les aveux de plusieurs témoins. Mais c`est un autre « coup de pied en vache » de Laurent Gbagbo. A l`issue du scrutin présidentiel, et avant l`annonce officielle des résultats par la Commission Nationale Electorale (CNE), Laurent Gbagbo et le Général Guei se déclarent
tous deux vainqueurs et Présidents élus.
Le Général Guei prête serment mais, Laurent Gbagbo, faisant appel à la rue et à l`armée dont il s`était attiré les faveurs, chasse le Général Guei du pouvoir et se fait déclarer « Président de la République».
Le jour de sa prestation de serment, on dénombre des dizaines de morts, dont un charnier de cinquante sept corps criblés de balles dans une forêt à Yopougon, en banlieue d`Abidjan.
Aux sympathisants et militants du RDR d`Alassane Ouattara qui manifestaient pacifiquement pour demander la reprise de l`élection présidentielle sur une base démocratique avec tous les candidats, Laurent Gbagbo a répondu par la violence et donné l`ordre aux forces de l`ordre de « les mater ».
En décembre de la même année 2000, sous la Présidence de Laurent Gbagbo, la candidature d`Alassane Ouattara est rejetée à nouveau pour « nationalité douteuse » par la même Cour Suprême, à l`occasion des élections législatives, sur la base du même article 35 falsifié de la Constitution.
Les sympathisants et partisans d`Alassane Ouattara qui tentent de manifester pour dénoncer cette autre injustice tombent sous les balles des militaires, policiers et gendarmes aux ordres de Laurent Gbagbo. On dénombre de nombreux morts et blessés. Les escadrons de la mort sèment la peur et la désolation dans les rangs de l`opposition, multipliant les enlèvements, les
disparitions et les assassinats.
Dans chacun des cas, aussi bien en ce qui concerne l`élection présidentielle que les élections législatives, Laurent Gbagbo reste sourd aux appels et condamnations de la communauté internationale, et aucune médiation ne parvient à le faire changer d`avis.
Les mois passent et, face à la capitulation de la communauté internationale d`un côté et à la répression sauvage qui empêche ses militants de manifester de l`autre, l`opposition politique du RDR et du PDCI finit par plier et se résigner à entrer dans un gouvernement d`union nationale où Laurent Gbagbo sera seul maître à bord, Chef Suprême des Armées, Chef de l`Administration et
seul détenteur du pouvoir de nommer (et de révoquer) aux emplois civils et militaires. Certains civils et militaires ne trouveront leur salut que dans l`exil.
C`est dans ce contexte que Laurent Gbagbo va engager la mise en œuvre pratique du concept d`ivoirité, à travers une loi sur l`identification des populations qui exige de chaque pétitionnaire qu`il indique son village d`origine en Côte d`Ivoire et qu`il y désigne deux parents susceptibles de témoigner de son appartenance à ce village.
La sélection des Ivoiriens de « race pure » et du corps électoral « sain et convenable », qui devait permettre à Laurent Gbagbo de s`assurer une présidence à vie, venait ainsi de commencer.
C`est ce projet qui sera contrarié brutalement et violemment par la tentative de coup d`Etat du 19 septembre 2002, qui se transformera en rébellion et entraînera la partition du pays en deux.
Puis, de Lomé à Linas-Marcoussis, d`Accra 1, 2 et 3 à Pretoria 1 et 2, suivis des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, les protagonistes du conflit ivoirien vont vainement rechercher la sortie de crise pour finalement se retrouver à Ouagadougou en 2007, dans le cadre du Dialogue Direct qui aboutira à l`Accord Politique de Ouagadougou (APO) complété par quatre
Accords complémentaires.
Les médiateurs n`auront pas plus de chance que les accords de paix. Y passeront : feu Gnassingbé Eyadema du Togo ; Pierre Mazeaud du Conseil Constitutionnel français, le Président John Kufuor du Ghana ; le Chef de l`Etat Sud-Africain de l`époque, M. Thabo Mbeki ; le Facilitateur, Mr Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso ; le Roi Mohamed VI du Maroc, Mr Olusegun
Obasanjo, alors Président du Nigéria, le Président Sénégalais Abdoulaye Wade, l`un des premiers à s`être impliqué dans le règlement de la crise ivoirienne, le Président Amadou Toumani Touré du Mali, les différents partis politiques ivoiriens, la Communauté Economique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO), l`Union Africaine, la France, l`Union européenne, la Francophonie, les Nations Unies... A ceux-là, il faut ajouter les missions officieuses de bons offices comme, par exemple, celles de la Communauté de Sant`Egidio.
Et le temps non plus ne sera pas compté pour ces négociations ! Bientôt neuf années se seront écoulées en cette année 2011, et onze années si l`on y ajoute les épisodes couvrant la période allant de l`an 2000 à 2002.
De report en confiscation du pouvoir, Laurent Gbagbo entame sa onzième année de « présidence » soit deux mandats de cinq ans dont l`un dépourvu de tout mandat électif.
Durant cette période, trois premiers ministres se seront succédé à la tête du Gouvernement, dont Guillaume Soro, le Chef politique de l`ex-rébellion, qui conduira le pays à l`élection présidentielle du 28 novembre 2010.
Cette élection sera organisée en vertu de la Constitution, de l`APO et de la Résolution 1765 (2007) adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies à la demande des acteurs politiques ivoiriens, pour la certification du processus électoral dans toutes ses phases.
Les principaux acteurs politiques ivoiriens, notamment Laurent Gbagbo, vont approuver cette résolution sur la certification et la traduire dans les textes législatifs et règlementaires ivoiriens relatifs au processus électoral en les modifiant, sous la signature du Président Gbagbo lui-même, pour les mettre en harmonie avec les nécessités de la certification et de la Facilitation (mise en
place par l`APO). Il s`agit :
1) De la loi électorale ivoirienne, notamment l`article 39 nouveau du code électoral,
2) Du décret n°2008-134 du 14 avril 2008 portant convocation du collège électoral de la République de Côte d`Ivoire pour l`élection présidentielle du 30 novembre 2008
3) Du décret n°2008-135 du 14 avril 2008 fixant les modalités de collaboration entre l`Institut National de la Statistique (INS) et la société Sagem Sécurité sous la responsabilité et l`autorité de la CEI
4) Du décret n°2008-136 du 14 avril 2008 fixant les modalités d`établissement de la nouvelle liste électorale
5) Du décret n°2008-252 du 14 septembre 2008 portant confection de la liste électorale
6) De L`ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustements au code électoral pour les élections de sortie de crise.
Du point de vue pratique et conformément à l`Accord Politique de Ouagadougou (APO), en accord avec Laurent Gbagbo pris en sa qualité de Chef Suprême des Armées, la sécurisation du scrutin présidentiel d`octobre et de novembre 2010 a été assurée sur toute l`étendue du territoire national
(y compris les zones tenues par les Forces Nouvelles) par le Centre de Commandement Intégré (CCI) composé suivant un principe de mixité des Forces de Défense et de Sécurité (FDS - fidèles à Laurent Gbagbo) d`une part, et, d`autre part, des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN - fidèles à Guillaume Soro), ces deux forces armées étant assistées par les forces
impartiales de l`ONUCI et de Licorne.
La supervision étatique du scrutin a été assurée sur l`ensemble du territoire national par les réfets et sous-préfets, tous nommés dans leurs fonctions par Laurent Gbagbo.
En application des dispositions du code électoral ivoirien, notamment l`Ordonnance signée en avril 2008 par Laurent Gbagbo, deux représentants de chacun des candidats en lice ont été affectés dans chacun des vingt mille soixante treize bureaux de vote du pays.
A la demande du gouvernement de Laurent Gbagbo, dirigé alors par Guillaume Soro en qualité de Premier ministre, l`observation électorale, placée sous les principes directeurs de l`ONU et de l`Union Européenne, a été ouverte à toutes les organisations nationales et internationales ayant sollicité leur accréditation.
A l`issue du scrutin, une copie des procès-verbaux de dépouillement des votes de chacun des vingt mille soixante treize bureaux de vote a été mise à la disposition des représentants des candidats en lice, ainsi que remise, comme l`exige le code électoral ivoirien (article 39 nouveau) :
1) au Conseil constitutionnel pour les besoins de l`examen des réclamations éventuelles,
2) au Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d`Ivoire pour les besoins de sa certification des résultats,
3) au Représentant Spécial du Facilitateur en Côte d`Ivoire pour le compte de la Communauté Economique Des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) pour les besoins de son arbitrage.
Et c`est à l`issue de tout ce parcours et de toutes ces précautions (non comprises les péripéties ayant marqué les différentes opérations d`audiences foraines, de reconstitution des registres de l`état-civil, de l`identification des populations et du recensement électoral, de la confection et de la publication des listes électorales provisoires et définitives, du contentieux de la liste électorale, de la confection et de la distribution des cartes nationales d`identité et des cartes d`électeurs, de la recomposition de la commission électorale indépendante etc...) que, le 2 décembre 2010, la Côte d`Ivoire aura un Président élu en la personne d`Alassane Ouattara avec 54,1 % des suffrages
exprimés contre 45,9 % à Laurent Gbagbo.
Et, contre toute attente, nouveau « coup de pied en vache » de Laurent Gbagbo ! Ce dernier récuse les résultats proclamés par la CEI et certifiés par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d`Ivoire, se fait désigner illégalement vainqueur de l`élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel entièrement acquis à sa cause, prête serment devant
le même Conseil Constitutionnel, obtient l`allégeance des forces armées, réprime dans le sang toutes les tentatives de contestation de sa confiscation du pouvoir, et s`oppose à la quasi-unanimité de la communauté internationale qui lui demande de reconnaitre sa défaite et de céder pacifiquement le pouvoir au Président élu. Les condamnations et les médiations reprennent, comme en l`an 2000 et comme à la suite des évènements de septembre 2002. Et elles échouent les unes après les autres ! Comme en 2000 et après 2002 ! Des fissures apparaissent de plus en plus au sein de la communauté internationale qui commence à présenter des signes de lassitude. Les soutiens à Laurent Gbagbo se font plus nombreux et plus ouvertement !
C`est dans ces conditions que les Chefs d`Etats et de Gouvernement de l`Union Africaine, après avoir étalé au grand jour leurs divergences sur le dossier ivoirien, décident de confier une autre médiation à un panel de cinq chefs d`Etats qui doivent proposer, dans un délai d`un mois, des solutions qui seront « contraignantes » pour toutes les parties.
A ce stade, l`on se demande de quel genre de contraintes parle l`Union Africaine ! La Côte d`Ivoire est déjà exclue de toutes les instances de l`UA.
Laurent Gbagbo, son gouvernement, ses épouses, les membres de sa famille et ses soutiens sont tous sous les sanctions de l`Union Européenne, des USA, des Nations Unies, du Canada etc...
Le Président Alassane Ouattara et son gouvernement, ainsi qu`une partie de ses soutiens, sont sous blocus à l`hôtel du Golf qu`ils ne peuvent pas quitter depuis bientôt trois mois. La population ivoirienne, toutes tendances confondues, est prise en otage entre les deux camps depuis bientôt trois mois également. Par ailleurs, l`UA, et notamment plusieurs de ses leaders, se sont
déjà prononcés ouvertement contre toute option militaire en Côte d`Ivoire.
Dans ces circonstances, de quel autre type de contraintes dispose l`UA pour «convaincre » Laurent Gbagbo de quitter pacifiquement le pouvoir ?
Quelle que soit l`ingéniosité de la solution de l`UA, si solution il y a, l`organe panafricain devra se souvenir que Laurent Gbagbo a fait du « coup de pied en vache » sa spécialité, et revendique fièrement le titre de « maître boulanger ».
Si, par contre, la formule du panel vise à desserrer l`étau autour de Laurent Gbagbo, l`UA devra s`attendre à assumer tôt ou tard, en son propre sein et en Côte d`Ivoire, une déflagration aux conséquences majeures qui ne serviront aucun de ceux qui poursuivent des intérêts autres que ceux de la démocratie dans ce pays.
En dehors d`une telle solution ou de celle qui le confortera dans sa confiscation du pouvoir, les antécédents de Laurent Gbagbo peuvent permettre à tout parieur de gager qu`il ne se pliera à aucune décision lui faisant injonction de céder pacifiquement le pouvoir à Alassane Ouattara.
Car Laurent Gbagbo sait qu`il n`a pas gagné l`élection présidentielle de novembre 2010. Mais il refuse frontalement de quitter le pouvoir afin de se prouver qu`il demeure le « maître boulanger » et refuser d`admettre qu`il s`est fait « enfariner » sur la ligne d`arrivée.
En effet, après toutes les accusations portées par lui et son clan contre le Burkina Faso, à la suite des évènements de septembre 2002, Laurent Gbagbo s`est « humilié » à accepter la médiation du Président de ce pays, dans l`espoir de convertir Blaise Compaoré à son dessein de confisquer le pouvoir à travers une parodie d`élection présidentielle.
Après toutes les infamies attribuées à Guillaume Soro et aux « rebelles venus du nord » par lui-même et son clan, suivies des tentatives avortées de mettre fin à sa vie, Laurent Gbagbo s`est tout aussi « humilié » pour faire du Chef de la rébellion son Premier Ministre, Chef du Gouvernement, maître d`ouvrage du processus de sortie de crise avec tous les privilèges et avantages qui s`y rattachent.
L`objectif visé : obtenir sa compromission pour usurper le pouvoir à la suite d`un processus électoral qui devait être tronqué et/ou travesti !
Enfin, malgré toutes ses accusations récurrentes et démagogiques contre l`Occident, de façon générale, et contre la France en particulier, Laurent Gbagbo s`est encore « humilié » en attribuant ou en préservant à ce pays tous les principaux contrats dans les domaines stratégiques de l`eau, l`électricité, le téléphone, le port, l`aéroport et même l`identification et le recensement
électoral des populations etc... Son objectif : s`assurer du silence « complice » de la France et de l`Occident, au moment de confisquer la volonté du Peuple et d`assassiner la démocratie en Côte d`Ivoire !
Autre élément du dispositif : Youssouf Bakayoko, le Président de la CEI nouvelle formule, plébiscité par les commissaires de La Majorité Présidentielle (LMP) sur ordre de Laurent Gbagbo, à l`occasion de son élection à cette fonction !
Sa mission : proclamer la victoire de Laurent Gbagbo ou s`abstenir de toute annonce de résultats et passer la main au Conseil Constitutionnel pour «légaliser » le hold-up électoral !
Avec cela, Lui, le Maître Boulanger tiendrait là sa consécration suprême ! Mais, hélas pour Lui, « l`ascenseur » attendu n`est pas arrivé. Youssouf Bakayoko annonce la victoire d`Alassane Ouattara.
Y. J. Choi, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d`Ivoire, qui avait pourtant été ménagé par le Clan, et même adulé en maintes occasions, rejette les résultats de Yao N`Dré et du Conseil Constitutionnel, à la grande surprise du Boulanger !
Au grand désarroi de Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, « le meilleur Premier Ministre qu`il ait jamais eu », reconnait la victoire d`Alassane Ouattara, lui remet sa démission et accepte sur-le-champ sa reconduction en tant que nouveau Premier Ministre, pour conduire le gouvernement du nouvel élu !
Et les félicitations arrivent de toutes parts au Président Ouattara ! De la France, des USA, de l`ONU, de l`Union Européenne, de l`Union Africaine, de la CEDEAO dont Blaise Compaoré est le représentant dans le processus électoral en Côte d`Ivoire, etc... !
Et, à Lui qui vient néanmoins de prêter serment devant « son » Conseil Constitutionnel dans une salle remplie d`illustres « patriotes » et désertée par les représentants des chancelleries étrangères, il ne vient que de la réprobation et des accusations d`usurpation !
Lui, le maître Boulanger, doit-il se résigner à accepter qu`il s`est fait « enfariner » sur la ligne d`arrivée ?
A ce jour, et peut-être jusqu`à « la solution contraignante » attendue de l`Union Africaine, la réponse de Laurent Gbagbo est et demeure : NON !
Au Panel de Chefs d`Etats de s`armer d`un Panel de mesures les unes plus contraignantes que les autres et, pourquoi pas, soutenues et mises en œuvre par... une force militaire !
Me Fakhy KONATE
Avocat, Commissaire National des Droits de l`Homme- CNDH-CI
Abidjan