Le pays d’Houphouet-Boigny sort de la prison diplomatique dans laquelle il avait été enfermé depuis plus d’une décennie. Un grand chantier pour le président Ouattara.
Après l’élection d’Alassane Ouattara, les Ivoiriens découvrent avec bonheur que leur pays est désormais respecté. Le chef de l’Etat s’est ainsi rendu à Dakar, à Ouagadougou, au sommet du G8 de Deauville en France, à Abuja, à Lomé. Comme pour dire que Yamoussoukro retrouve de la voix au plan international. Le pays retrouve ainsi la place de carrefour diplomatique que sa puissance économique et la carrure que son premier président lui a octroyées.
Ce retour en force sur la scène internationale va nécessairement s’appuyer sur une diplomatie forte. Malheureusement, à l’image de la quasi-totalité de l’administration ivoirienne, la machine diplomatique est en piteux état.
Il faut noter qu’au fil des ans, adossée à une politique de repli identitaire, voire de xénophobie, la diplomatie ivoirienne s’est progressivement rabougrie. Il n’est pas exagéré de la qualifier de naine au moment du deuxième tour de la présidentielle, le 28 novembre 2010. Sitôt proclamés les résultats de l’élection par la Commission électorale, le vainqueur a procédé à quelques aménagements. Il fallait prendre le contrôle de la voix du pays à l’Onu et au sein du Conseil de sécurité. Maintenant que le mauvais perdant du scrutin est parti, s’ouvre le chantier de la diplomatie. Les faits sont révoltants ! Ce qui choque les diplomates, c’est l’image de mauvais payeur que donne Yamoussoukro au reste du monde. La Côte d`Ivoire est membre de plus de 50 organisations internationales. Le pays enregistre, à ce jour, au titre de ses contributions obligatoires, plus de 17 milliards de Fcfa d’arriérés. Aujourd’hui, il a perdu son droit de vote dans certaines organisations, comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Autorité du Bassin du Niger (ABN). Il risque de perdre le siège de l’Adrao (Association ouest-africaine pour le développement du riz) pour seulement 45 millions d’arriérés. Quant au personnel diplomatique, il rase désormais les murs dans plusieurs capitales. En effet, des chancelleries accusant 4 à 5 mois d’arriérés de loyers sont tout simplement menacées d’expulsion. Les agents de Genève, Copenhague et Vienne ont, plusieurs fois, failli être vidés.
Selon un diplomate, la question des passifs est devenue chronique depuis plusieurs années. Et toutes les ambassades en souffrent.
A titre d’exemple, au titre de l`année 2010, les ambassades de Bamako, Mexico, Moscou, Alger, Copenhague et Brasilia, n’ont reçu respectivement que 35 %, 46 %, 30 %, 49,04 %, 49,26 %, et 43 % de leur budget de fonctionnement.
Une stratégie inexistante
L’appareil diplomatique dont hérite Alassane Ouattara n’existe que de nom. « Il n’y a pas de prospective, pas d’axes, ni de priorités, encore moins de ligne directrice », constate un diplomate. L’on note ainsi alors que, dans tous les pays sérieux, le ministère des Affaires étrangères a un porte-parole qui monte au créneau, chaque fois que nécessaire, c’est silence radio du côté du bloc ministériel. La presse ne peut jamais avoir la position de la Côte d’Ivoire sur des questions importantes. Très souvent, c’est le ministre qui fait office de porte-parole. C’est à se demander si le ministère a même un service Communication. En plus du fonctionnement du ministère, certains spécialistes recommandent une adaptation de l’appareil diplomatique aux réalités actuelles en tenant compte des défis du futur. Pour cela, il faut, par exemple, mettre fin à certaines incongruités en fermant certaines ambassades et en regroupant d’autres.
En Amérique latine, la Côte d’Ivoire dispose de deux ambassades (Brésil, Mexique). La chancellerie du Mexique est symptomatique de ce déploiement inutile. Ce pays réalise 80% de son commerce extérieur avec les Etats-Unis. Il n’héberge que 8 ambassades africaines. Seulement 41 Ivoiriens sont immatriculés à l’ambassade de ce pays. Pis, en route pour l’Afrique du Sud en 2010, le président mexicain a refusé de mettre à profit son escale à Abidjan pour saluer le président de la République et le Premier ministre.
En Afrique, il est aussi possible de réduire la voilure pour plus d’efficacité. L’Afrique centrale compte 6 ambassades dans des pays frontaliers les uns des autres. Cela pour des relations commerciales et économiques quasiment nulles (1% de la balance commerciale selon le Ministère du Commerce) et un nombre insignifiant d’Ivoiriens y réside. En Asie, la Côte d’Ivoire est absente de pays importants comme l’Indonésie, la Malaisie, Singapour qui sont distants de 7 heures de vol de Tokyo.
Il est aussi absent du Liban, de la Syrie, de la Turquie (1er partenaire de l’Algérie en Afrique), etc.
La question de la présence du pays dans diverses organisations est aussi posée. La Côte d’Ivoire n’est traversée ni par un affluent, ni par un confluent du fleuve Mano et du fleuve Niger. Il n’y a pas de désert. Pourtant, le pays est membre de la Communauté des Etats sahélo-sahéliens (CEN-SAD), de l’Union des Etats riverains du fleuve Mano, et de l’Autorité du Bassin du Niger. La Côte d’Ivoire doit aujourd’hui adapter son appareil diplomatique à ses ambitions et surtout à la mondialisation. L’économie doit donc prendre toute sa place dans la nouvelle stratégie diplomatique. De même que la culture, l’environnement. Ce qui implique de s’installer dans les pays émergents actuels et futurs.
Kesy B. Jacob
Après l’élection d’Alassane Ouattara, les Ivoiriens découvrent avec bonheur que leur pays est désormais respecté. Le chef de l’Etat s’est ainsi rendu à Dakar, à Ouagadougou, au sommet du G8 de Deauville en France, à Abuja, à Lomé. Comme pour dire que Yamoussoukro retrouve de la voix au plan international. Le pays retrouve ainsi la place de carrefour diplomatique que sa puissance économique et la carrure que son premier président lui a octroyées.
Ce retour en force sur la scène internationale va nécessairement s’appuyer sur une diplomatie forte. Malheureusement, à l’image de la quasi-totalité de l’administration ivoirienne, la machine diplomatique est en piteux état.
Il faut noter qu’au fil des ans, adossée à une politique de repli identitaire, voire de xénophobie, la diplomatie ivoirienne s’est progressivement rabougrie. Il n’est pas exagéré de la qualifier de naine au moment du deuxième tour de la présidentielle, le 28 novembre 2010. Sitôt proclamés les résultats de l’élection par la Commission électorale, le vainqueur a procédé à quelques aménagements. Il fallait prendre le contrôle de la voix du pays à l’Onu et au sein du Conseil de sécurité. Maintenant que le mauvais perdant du scrutin est parti, s’ouvre le chantier de la diplomatie. Les faits sont révoltants ! Ce qui choque les diplomates, c’est l’image de mauvais payeur que donne Yamoussoukro au reste du monde. La Côte d`Ivoire est membre de plus de 50 organisations internationales. Le pays enregistre, à ce jour, au titre de ses contributions obligatoires, plus de 17 milliards de Fcfa d’arriérés. Aujourd’hui, il a perdu son droit de vote dans certaines organisations, comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Autorité du Bassin du Niger (ABN). Il risque de perdre le siège de l’Adrao (Association ouest-africaine pour le développement du riz) pour seulement 45 millions d’arriérés. Quant au personnel diplomatique, il rase désormais les murs dans plusieurs capitales. En effet, des chancelleries accusant 4 à 5 mois d’arriérés de loyers sont tout simplement menacées d’expulsion. Les agents de Genève, Copenhague et Vienne ont, plusieurs fois, failli être vidés.
Selon un diplomate, la question des passifs est devenue chronique depuis plusieurs années. Et toutes les ambassades en souffrent.
A titre d’exemple, au titre de l`année 2010, les ambassades de Bamako, Mexico, Moscou, Alger, Copenhague et Brasilia, n’ont reçu respectivement que 35 %, 46 %, 30 %, 49,04 %, 49,26 %, et 43 % de leur budget de fonctionnement.
Une stratégie inexistante
L’appareil diplomatique dont hérite Alassane Ouattara n’existe que de nom. « Il n’y a pas de prospective, pas d’axes, ni de priorités, encore moins de ligne directrice », constate un diplomate. L’on note ainsi alors que, dans tous les pays sérieux, le ministère des Affaires étrangères a un porte-parole qui monte au créneau, chaque fois que nécessaire, c’est silence radio du côté du bloc ministériel. La presse ne peut jamais avoir la position de la Côte d’Ivoire sur des questions importantes. Très souvent, c’est le ministre qui fait office de porte-parole. C’est à se demander si le ministère a même un service Communication. En plus du fonctionnement du ministère, certains spécialistes recommandent une adaptation de l’appareil diplomatique aux réalités actuelles en tenant compte des défis du futur. Pour cela, il faut, par exemple, mettre fin à certaines incongruités en fermant certaines ambassades et en regroupant d’autres.
En Amérique latine, la Côte d’Ivoire dispose de deux ambassades (Brésil, Mexique). La chancellerie du Mexique est symptomatique de ce déploiement inutile. Ce pays réalise 80% de son commerce extérieur avec les Etats-Unis. Il n’héberge que 8 ambassades africaines. Seulement 41 Ivoiriens sont immatriculés à l’ambassade de ce pays. Pis, en route pour l’Afrique du Sud en 2010, le président mexicain a refusé de mettre à profit son escale à Abidjan pour saluer le président de la République et le Premier ministre.
En Afrique, il est aussi possible de réduire la voilure pour plus d’efficacité. L’Afrique centrale compte 6 ambassades dans des pays frontaliers les uns des autres. Cela pour des relations commerciales et économiques quasiment nulles (1% de la balance commerciale selon le Ministère du Commerce) et un nombre insignifiant d’Ivoiriens y réside. En Asie, la Côte d’Ivoire est absente de pays importants comme l’Indonésie, la Malaisie, Singapour qui sont distants de 7 heures de vol de Tokyo.
Il est aussi absent du Liban, de la Syrie, de la Turquie (1er partenaire de l’Algérie en Afrique), etc.
La question de la présence du pays dans diverses organisations est aussi posée. La Côte d’Ivoire n’est traversée ni par un affluent, ni par un confluent du fleuve Mano et du fleuve Niger. Il n’y a pas de désert. Pourtant, le pays est membre de la Communauté des Etats sahélo-sahéliens (CEN-SAD), de l’Union des Etats riverains du fleuve Mano, et de l’Autorité du Bassin du Niger. La Côte d’Ivoire doit aujourd’hui adapter son appareil diplomatique à ses ambitions et surtout à la mondialisation. L’économie doit donc prendre toute sa place dans la nouvelle stratégie diplomatique. De même que la culture, l’environnement. Ce qui implique de s’installer dans les pays émergents actuels et futurs.
Kesy B. Jacob