Les infrastructures routières déjà fortement dégradées depuis plusieurs années n’ont pas été épargnées par les effets de la crise post-électorale qui a eu pour conséquence, la mise en veilleuse de plusieurs projets. Avec le retour à la normalité, le directeur général de l’Ageroute Bouaké Fofana qui fait l’état des lieux, estime que la voirie aura bientôt un nouveau visage.
La voirie était déjà tombée en lambeaux bien avant la crise post-électorale qui, malheureusement, a provoqué la destruction de nombreuses infrastructures. Quel a été l’impact sur les routes?
Oui, la crise a indirectement affecté la voirie dans la mesure où pendant cette période, on n’a pas pu faire de travaux d’entretien et tous les projets qui étaient en cours d’exécution, ont dû être arrêtés. Même les grands projets d’infrastructures comme l’autoroute, le pont de Jacqueville, la route Boundiali-Tingrela ont connu un arrêt. En ce qui concerne la voirie d’Abidjan, les projets du Puiur (Programme d’urgence d’infrastructures urbaines) ont dû également marquer le pas. De façon générale, tous les projets qui étaient cofinancés par des bailleurs de fonds internationaux ont été suspendus. Indirectement donc, la suspension de tous les projets qui étaient en cours, aussi bien en matière d’entretien que d’investissement, a eu un impact sur l’ensemble du réseau.
Un des problèmes qui saute aux yeux demeure l’état de délabrement de la voirie en zone portuaire d’Abidjan. Et cela perdure depuis plus de deux ans. Qui doit réparer ces routes?
C’est une question qui revient de façon récurrente. Il y a ce que j’appelle les principes ou la théorie d’une part, et la pratique souvent dictée par le contexte d’autre part. En effet, quand on regarde les textes régissant l’Ageroute, en tant que Maître d’ouvrage délégué, elle est en charge des seules routes dites d’intérêt national. Avec la décentralisation, d’autres maîtres d’ouvrage sont nés, et sont en charge d’une partie du réseau. Par exemple, les routes communales sont à la charge des mairies ; les routes à l’intérieur des départements sont à la charge des conseils généraux. Et, dans Abidjan et Yamoussoukro, il y a des routes qui relèvent des districts. Mais, pour que ce principe soit respecté sur le terrain, il faut que le gouvernement prenne une loi de reclassification du réseau. C’est une loi qui préciserait la partie du réseau gérée au niveau central par l’Ageroute, et celle qui est gérée par les autres maîtres d’ouvrage susmentionnés. Cette loi n’a pas encore été prise. Depuis 2004, à l’Ageroute, nous avons nous-mêmes pris l’initiative d’inviter tous les autres maîtres d’ouvrage à une table-ronde à l’assemblée nationale, pour nous mettre d’accord sur un projet de répartition à proposer au gouvernement. Le gouvernement n’a pas encore malheureusement traduit ce projet en loi. Or, une telle loi est essentielle pour clarifier les mandats de maître d’ouvrage, pour que chacun sache de quoi il est responsable.
Ceci dit, le vrai problème se situe au niveau du manque de ressources. Dans le schéma de la réforme, on a mis en place un Fonds d’entretien routier (Fer). C’est ce fonds qui devait mobiliser les ressources pour financer l’entretien du réseau. Malheureusement, lui-aussi n’a pas de ressources suffisantes. En ce qui concerne le boulevard du Port, sa réhabilitation est prévue dans le cadre du Puiur. Un marché avait été signé, mais son exécution a été suspendue en raison de la crise post-électorale.
Au regard de la densité du réseau ivoirien, vos besoins annuels sont estimés à combien aujourd’hui?
Il y a 5 ans, on les estimait à 80 milliards de Fcfa minimum. Et vu qu’il y a eu un déficit d’entretien pendant de longues années, on a estimé qu’il fallait dépenser pendant 10 années consécutives, 80 milliards chaque année pour rattraper le déficit d’entretien accumulé, afin d’arrêter, et d’inverser la tendance actuelle à la dégradation. Ce qui est paradoxal en Côte d’Ivoire, c’est que pendant que notre réseau vieillit, et qu’il a besoin de plus d’entretien, les ressources mobilisées pour l’entretien baissent. C’est ce qu’on a observé au cours des 10 dernières années. En 1985, on a fait une étude et la Côte d’Ivoire dépensait à peu près 350.000 Fcfa par km par an pour l’entretien du réseau bitumé. En 2005, c’est-à-dire 20 ans plus tard, on dépense moins alors que le réseau est devenu vétuste. En 1985, on avait environ 15% du réseau qui avait dépassé sa durée de vie. 20 ans après, les rapports se sont inversés. Il y a seulement 12% du réseau qui est en-dessous de sa durée de vie. Cela veut dire que 70% du réseau a dépassé sa durée de vie. Mécaniquement, toute chose restant égale par ailleurs, ce réseau ne peut que se dégrader. La structure de chaussée que nous avons retenue en Côte d’Ivoire nous donne des routes avec des durées de vie de 15 à 20 ans, à condition que l’entretien (courant et périodique) suive. Si vous prenez la voirie d’Abidjan, combien de routes ont moins de 15 ou 20 ans? Cela veut dire qu’on devrait refaire la quasi-totalité de la voirie d’Abidjan.
Le carrefour de l’Indénié est régulièrement englouti dans les eaux au grand dam des usagers. A quand la fin du calvaire?
La fin du calvaire est proche puisqu’avant même la crise, la Côte d’Ivoire avait obtenu des ressources de la Banque africaine de développement (Bad) et de la Banque mondiale (Bm) à travers le Puiur. Le problème de l’Indénié sera réglé dans le cadre de ce projet. On connaissait la solution technique, mais ce sont les ressources qui ont manqué. Il y a aussi des questions de cohérence dans la gestion des infrastructures et de l’assainissement. L’Ageroute avait commandé une étude en 2005 au Bnetd pour le Carrefour de l’Indénié et le Boulevard de la Corniche. Cette étude a bien identifié les solutions techniques. Nous avons obtenu des ressources pour la Corniche. Malheureusement, nous n’avons jamais obtenu les ressources pour l’Indénié. De façon générale, que ce soit chez nous ou à l’étranger, on constate qu’une partie significative des dégradations de voieries urbaines relève de questions d’assainissement, comme on le voit à l’Indénié. Sinon quand on regarde fondamentalement ce carrefour, au départ, il n’y avait pas de problème de route. C’est un problème d’assainissement. Comme à la Corniche, ce n’était pas un problème de route en amont. Mais, si le problème d’assainissement n’est pas réglé, avec le temps, il vient créer un problème de route, parce que l’eau va venir détruire la route.
Mais pourquoi les deux zones voisines (Corniche et Indénié) n’ont pas été traitées au même moment?
Le problème était plus simple à la Corniche, et coûtait moins cher. On a donc commencé par cette zone. Et là-aussi, la route était également coupée par les eaux. Il a fallu construire un barrage-écrêteur. Vous voyez bien que sur la Corniche, on n’a fait que 500 mètres de chaussée. Sinon l’essentiel, c’était des problèmes d’assainissement. En plus du barrage, on a construit un grand dalot, et près de 2 kilomètres de canalisations. A l’Indénié, le problème se pose de la même manière mais à une échelle plus grande. Parce que les eaux viennent de plusieurs endroits en amont (Abobo, Williamsville, Adjamé…). L’étude a montré que pour tout le bassin du Gourou qui part d’Abobo jusqu’à Cocody, il fallait construire plusieurs barrages-écrêteurs, contrairement à la Corniche où un seul suffisait. Il se pose également un problème de localisation de ces barrages. Avec le phénomène de l’urbanisation incontrôlée, des bassins d’orages et des réserves administratives destinées à accueillir des ouvrages de drainage et d’assainissement ont été lotis, vendus et construits.Grâce au financement attendu de la Banque Mondiale et de la Bad, le problème va être réglé.
Est-ce que l’Indénié sera fermé à la circulation pendant ces travaux?
Non, pas pendant les travaux d’assainissement. Le carrefour pourrait être fermé partiellement lors des travaux de chaussée. Le port de San-Pedro est en train de devenir un pôle économique très important mais cet élan risque d’être compromis par la route de la côtière qui tend à disparaître… Les études techniques ont montré que sur certaines sections du tracé de la côtière, il y avait des problèmes de stabilité des sols.
Certaines dégradations observées étaient donc prévisibles et même prévues. Il fallait donc procéder à des interventions périodiques de reconstitution des couches de chaussées sur ces sections, en moyenne tous les 5 à 6 ans. Un renforcement de cette route s’impose donc, après 20 ans, avec le trafic lourd. Une étude existe. Nous avons bon espoir que le renforcement des sections les plus dégradées pourra se faire dans le cadre des programmes de reconstruction du gouvernement. Au niveau du pont de la Joconde à la Riviera 2, c’était un ouvrage provisoire qui avait été construit mais qui est malheureusement délabré… C’est un ouvrage provisoire, en attendant les travaux du troisième pont qui n’arrêtent pas de démarrer depuis 1999. Les désordres auxquels vous faites allusions ont été créés par les pluies diluviennes de juin 2008. Les buses ont été obstruées par les déchets solides entraînés par les eaux de pluies, et les parties protégées des remblais ont été endommagées également par des solides particuliers (carcasses de véhicules, de réfrigérateurs, gros troncs d’arbres). L’ouvrage définitif prévu à cet endroit sera construit dans le cadre des projets de construction de l’échangeur de la Riviera 2, et du troisième pont.
Au sujet du Puiur, qu’est-ce qui reste à faire maintenant?
Les travaux ont été suspendus en raison de la crise. En plus de la route du zoo à terminer, on peut citer le Carrefour de l’Indénié, le pont piéton de Williamsville, l’échangeur de la Riviera 2, le pont de la 7ème tranche.
Un autre constat c’est qu’il n’y a plus de feux tricolores à Abidjan. Qu’est-ce qui se passe?
C’est le même problème que sur les routes. Le parc des feux tricolores à Abidjan est complètement obsolète. Si on veut être rationnel, il faut changer l’ensemble du parc. Parce que dans le domaine de l’électronique, quand vous utilisez un matériel obsolète, son entretien revient coûteux. Or, quand vous regardez le parc à Abidjan, il date de 30 ans, 35 ans, voire 40 ans. Il faudrait normalement tout changer. Donc nous espérons que dans le cadre de la reconstruction, on pourra renouveler complètement le parc. Il y a aussi le fait qu’on n’arrive pas à payer les opérateurs. Nous sommes en 2011, et nous trainons encore des arriérés de paiement des prestations de l’année 2008.
Cela n’a-t-il pas compromis certains travaux? Et à combien sont évalués ces arriérés ?
Forcément, puisque quand ils n’ont pas d’argent, ils ne peuvent s’approvisionner en pièces détachées et ce sont des pièces qui sont importées. Donc, même quand un carrefour est en panne et qu’ils n’ont pas la pièce, ils ne peuvent pas le réparer. A un moment, on était obligé de cannibaliser certains carrefours pour réparer des carrefours plus importants. Concernant les arriérés, on était à 4 milliards de Fcfa avant la crise. Enfin, comme tout a été arrêté pendant près de 5 mois, la reprise ne peut pas être automatique, car il faut du temps aux opérateurs, même quand ils reçoivent des paiements, pour passer des commandes de pièces de rechange.
Comment avancent les travaux de prolongement de l’autoroute du Nord?
Les travaux avançaient relativement bien. Mais, là-aussi, on a eu beaucoup d’arriérés de paiement. On était à près de 10 milliards de Fcfa d’arriérés de la part ivoirienne. Et puis pendant la crise, le chantier a été pillé. Les pertes sont estimées à plus de 3 milliards de Fcfa. Nous avons fait et soumis aux autorités un point des actions à engager pour permettre le redémarrage du chantier de l’autoroute du nord et des autres grands projets qui ont subi aussi des pertes, notamment, le pont de Jacqueville, la route Boundiali-Tingrela.
Le gouvernement d’alors a initié, l’année dernière, les états généraux de la route. Que deviennent les résolutions qui prévoyaient plusieurs milliards d’investissement?
Effectivement, on a dit ce qu’il fallait pour remettre le réseau à niveau. Ce sont des principes qu’on a arrêtés mais il n’y a pas eu de suite pour l’instant.
Aujourd’hui, combien coûte un kilomètre de bitume ? L’Etat ne peut-il pas vulgariser les géo-pavés pour les routes à faible trafic en vue d’amoindrir les charges?
Il n’y a pas une réponse unique à cette question, car cela dépend de la configuration du terrain. Mais, en moyenne cela peut coûter entre 150 et 300 millions de Fcfa voire 400 millions de Fcfa en fonction des zones. En matière autoroutière, cela peut aller de 500 millions jusqu’à 1,5 milliard y compris les ouvrages.
En ce qui concerne les géo-pavés, contrairement à ce qu’on pense, ce matériau n’est pas nécessairement moins cher que le bitume. Ce qui coûte cher dans la route, ce n’est pas le revêtement, mais ce sont les fondations et tous les travaux de terrassements. Entre le géo-pavé et le bitume, il n’y a pas une grande différence en termes de coût. L’avantage du géo-pavé, c’est la facilité de remplacement des pavés, tant qu’on ne touche pas aux terrassements inférieurs. Sur des routes où le trafic est important, le géo-pavé semble ne pas convenir. Il est vrai que du point de vue de l’économie locale, l’utilisation des pavés peut offrir du travail à des PME. C’est pourquoi nous envisageons ce type de solutions dans le cadre de nos travaux à haute intensité de main d’œuvre. D’ailleurs, nous avons fait une étude qui nous a conduits à Cotonou où ils ont utilisé beaucoup de pavés dans la voirie urbaine. En termes de coût, il n’ y a pas d’avantage particulier. Par contre, on sent que cela ne convient pas à des zones de trafic lourd ou intense.
Interview réalisé par Cissé Cheick Ely
La voirie était déjà tombée en lambeaux bien avant la crise post-électorale qui, malheureusement, a provoqué la destruction de nombreuses infrastructures. Quel a été l’impact sur les routes?
Oui, la crise a indirectement affecté la voirie dans la mesure où pendant cette période, on n’a pas pu faire de travaux d’entretien et tous les projets qui étaient en cours d’exécution, ont dû être arrêtés. Même les grands projets d’infrastructures comme l’autoroute, le pont de Jacqueville, la route Boundiali-Tingrela ont connu un arrêt. En ce qui concerne la voirie d’Abidjan, les projets du Puiur (Programme d’urgence d’infrastructures urbaines) ont dû également marquer le pas. De façon générale, tous les projets qui étaient cofinancés par des bailleurs de fonds internationaux ont été suspendus. Indirectement donc, la suspension de tous les projets qui étaient en cours, aussi bien en matière d’entretien que d’investissement, a eu un impact sur l’ensemble du réseau.
Un des problèmes qui saute aux yeux demeure l’état de délabrement de la voirie en zone portuaire d’Abidjan. Et cela perdure depuis plus de deux ans. Qui doit réparer ces routes?
C’est une question qui revient de façon récurrente. Il y a ce que j’appelle les principes ou la théorie d’une part, et la pratique souvent dictée par le contexte d’autre part. En effet, quand on regarde les textes régissant l’Ageroute, en tant que Maître d’ouvrage délégué, elle est en charge des seules routes dites d’intérêt national. Avec la décentralisation, d’autres maîtres d’ouvrage sont nés, et sont en charge d’une partie du réseau. Par exemple, les routes communales sont à la charge des mairies ; les routes à l’intérieur des départements sont à la charge des conseils généraux. Et, dans Abidjan et Yamoussoukro, il y a des routes qui relèvent des districts. Mais, pour que ce principe soit respecté sur le terrain, il faut que le gouvernement prenne une loi de reclassification du réseau. C’est une loi qui préciserait la partie du réseau gérée au niveau central par l’Ageroute, et celle qui est gérée par les autres maîtres d’ouvrage susmentionnés. Cette loi n’a pas encore été prise. Depuis 2004, à l’Ageroute, nous avons nous-mêmes pris l’initiative d’inviter tous les autres maîtres d’ouvrage à une table-ronde à l’assemblée nationale, pour nous mettre d’accord sur un projet de répartition à proposer au gouvernement. Le gouvernement n’a pas encore malheureusement traduit ce projet en loi. Or, une telle loi est essentielle pour clarifier les mandats de maître d’ouvrage, pour que chacun sache de quoi il est responsable.
Ceci dit, le vrai problème se situe au niveau du manque de ressources. Dans le schéma de la réforme, on a mis en place un Fonds d’entretien routier (Fer). C’est ce fonds qui devait mobiliser les ressources pour financer l’entretien du réseau. Malheureusement, lui-aussi n’a pas de ressources suffisantes. En ce qui concerne le boulevard du Port, sa réhabilitation est prévue dans le cadre du Puiur. Un marché avait été signé, mais son exécution a été suspendue en raison de la crise post-électorale.
Au regard de la densité du réseau ivoirien, vos besoins annuels sont estimés à combien aujourd’hui?
Il y a 5 ans, on les estimait à 80 milliards de Fcfa minimum. Et vu qu’il y a eu un déficit d’entretien pendant de longues années, on a estimé qu’il fallait dépenser pendant 10 années consécutives, 80 milliards chaque année pour rattraper le déficit d’entretien accumulé, afin d’arrêter, et d’inverser la tendance actuelle à la dégradation. Ce qui est paradoxal en Côte d’Ivoire, c’est que pendant que notre réseau vieillit, et qu’il a besoin de plus d’entretien, les ressources mobilisées pour l’entretien baissent. C’est ce qu’on a observé au cours des 10 dernières années. En 1985, on a fait une étude et la Côte d’Ivoire dépensait à peu près 350.000 Fcfa par km par an pour l’entretien du réseau bitumé. En 2005, c’est-à-dire 20 ans plus tard, on dépense moins alors que le réseau est devenu vétuste. En 1985, on avait environ 15% du réseau qui avait dépassé sa durée de vie. 20 ans après, les rapports se sont inversés. Il y a seulement 12% du réseau qui est en-dessous de sa durée de vie. Cela veut dire que 70% du réseau a dépassé sa durée de vie. Mécaniquement, toute chose restant égale par ailleurs, ce réseau ne peut que se dégrader. La structure de chaussée que nous avons retenue en Côte d’Ivoire nous donne des routes avec des durées de vie de 15 à 20 ans, à condition que l’entretien (courant et périodique) suive. Si vous prenez la voirie d’Abidjan, combien de routes ont moins de 15 ou 20 ans? Cela veut dire qu’on devrait refaire la quasi-totalité de la voirie d’Abidjan.
Le carrefour de l’Indénié est régulièrement englouti dans les eaux au grand dam des usagers. A quand la fin du calvaire?
La fin du calvaire est proche puisqu’avant même la crise, la Côte d’Ivoire avait obtenu des ressources de la Banque africaine de développement (Bad) et de la Banque mondiale (Bm) à travers le Puiur. Le problème de l’Indénié sera réglé dans le cadre de ce projet. On connaissait la solution technique, mais ce sont les ressources qui ont manqué. Il y a aussi des questions de cohérence dans la gestion des infrastructures et de l’assainissement. L’Ageroute avait commandé une étude en 2005 au Bnetd pour le Carrefour de l’Indénié et le Boulevard de la Corniche. Cette étude a bien identifié les solutions techniques. Nous avons obtenu des ressources pour la Corniche. Malheureusement, nous n’avons jamais obtenu les ressources pour l’Indénié. De façon générale, que ce soit chez nous ou à l’étranger, on constate qu’une partie significative des dégradations de voieries urbaines relève de questions d’assainissement, comme on le voit à l’Indénié. Sinon quand on regarde fondamentalement ce carrefour, au départ, il n’y avait pas de problème de route. C’est un problème d’assainissement. Comme à la Corniche, ce n’était pas un problème de route en amont. Mais, si le problème d’assainissement n’est pas réglé, avec le temps, il vient créer un problème de route, parce que l’eau va venir détruire la route.
Mais pourquoi les deux zones voisines (Corniche et Indénié) n’ont pas été traitées au même moment?
Le problème était plus simple à la Corniche, et coûtait moins cher. On a donc commencé par cette zone. Et là-aussi, la route était également coupée par les eaux. Il a fallu construire un barrage-écrêteur. Vous voyez bien que sur la Corniche, on n’a fait que 500 mètres de chaussée. Sinon l’essentiel, c’était des problèmes d’assainissement. En plus du barrage, on a construit un grand dalot, et près de 2 kilomètres de canalisations. A l’Indénié, le problème se pose de la même manière mais à une échelle plus grande. Parce que les eaux viennent de plusieurs endroits en amont (Abobo, Williamsville, Adjamé…). L’étude a montré que pour tout le bassin du Gourou qui part d’Abobo jusqu’à Cocody, il fallait construire plusieurs barrages-écrêteurs, contrairement à la Corniche où un seul suffisait. Il se pose également un problème de localisation de ces barrages. Avec le phénomène de l’urbanisation incontrôlée, des bassins d’orages et des réserves administratives destinées à accueillir des ouvrages de drainage et d’assainissement ont été lotis, vendus et construits.Grâce au financement attendu de la Banque Mondiale et de la Bad, le problème va être réglé.
Est-ce que l’Indénié sera fermé à la circulation pendant ces travaux?
Non, pas pendant les travaux d’assainissement. Le carrefour pourrait être fermé partiellement lors des travaux de chaussée. Le port de San-Pedro est en train de devenir un pôle économique très important mais cet élan risque d’être compromis par la route de la côtière qui tend à disparaître… Les études techniques ont montré que sur certaines sections du tracé de la côtière, il y avait des problèmes de stabilité des sols.
Certaines dégradations observées étaient donc prévisibles et même prévues. Il fallait donc procéder à des interventions périodiques de reconstitution des couches de chaussées sur ces sections, en moyenne tous les 5 à 6 ans. Un renforcement de cette route s’impose donc, après 20 ans, avec le trafic lourd. Une étude existe. Nous avons bon espoir que le renforcement des sections les plus dégradées pourra se faire dans le cadre des programmes de reconstruction du gouvernement. Au niveau du pont de la Joconde à la Riviera 2, c’était un ouvrage provisoire qui avait été construit mais qui est malheureusement délabré… C’est un ouvrage provisoire, en attendant les travaux du troisième pont qui n’arrêtent pas de démarrer depuis 1999. Les désordres auxquels vous faites allusions ont été créés par les pluies diluviennes de juin 2008. Les buses ont été obstruées par les déchets solides entraînés par les eaux de pluies, et les parties protégées des remblais ont été endommagées également par des solides particuliers (carcasses de véhicules, de réfrigérateurs, gros troncs d’arbres). L’ouvrage définitif prévu à cet endroit sera construit dans le cadre des projets de construction de l’échangeur de la Riviera 2, et du troisième pont.
Au sujet du Puiur, qu’est-ce qui reste à faire maintenant?
Les travaux ont été suspendus en raison de la crise. En plus de la route du zoo à terminer, on peut citer le Carrefour de l’Indénié, le pont piéton de Williamsville, l’échangeur de la Riviera 2, le pont de la 7ème tranche.
Un autre constat c’est qu’il n’y a plus de feux tricolores à Abidjan. Qu’est-ce qui se passe?
C’est le même problème que sur les routes. Le parc des feux tricolores à Abidjan est complètement obsolète. Si on veut être rationnel, il faut changer l’ensemble du parc. Parce que dans le domaine de l’électronique, quand vous utilisez un matériel obsolète, son entretien revient coûteux. Or, quand vous regardez le parc à Abidjan, il date de 30 ans, 35 ans, voire 40 ans. Il faudrait normalement tout changer. Donc nous espérons que dans le cadre de la reconstruction, on pourra renouveler complètement le parc. Il y a aussi le fait qu’on n’arrive pas à payer les opérateurs. Nous sommes en 2011, et nous trainons encore des arriérés de paiement des prestations de l’année 2008.
Cela n’a-t-il pas compromis certains travaux? Et à combien sont évalués ces arriérés ?
Forcément, puisque quand ils n’ont pas d’argent, ils ne peuvent s’approvisionner en pièces détachées et ce sont des pièces qui sont importées. Donc, même quand un carrefour est en panne et qu’ils n’ont pas la pièce, ils ne peuvent pas le réparer. A un moment, on était obligé de cannibaliser certains carrefours pour réparer des carrefours plus importants. Concernant les arriérés, on était à 4 milliards de Fcfa avant la crise. Enfin, comme tout a été arrêté pendant près de 5 mois, la reprise ne peut pas être automatique, car il faut du temps aux opérateurs, même quand ils reçoivent des paiements, pour passer des commandes de pièces de rechange.
Comment avancent les travaux de prolongement de l’autoroute du Nord?
Les travaux avançaient relativement bien. Mais, là-aussi, on a eu beaucoup d’arriérés de paiement. On était à près de 10 milliards de Fcfa d’arriérés de la part ivoirienne. Et puis pendant la crise, le chantier a été pillé. Les pertes sont estimées à plus de 3 milliards de Fcfa. Nous avons fait et soumis aux autorités un point des actions à engager pour permettre le redémarrage du chantier de l’autoroute du nord et des autres grands projets qui ont subi aussi des pertes, notamment, le pont de Jacqueville, la route Boundiali-Tingrela.
Le gouvernement d’alors a initié, l’année dernière, les états généraux de la route. Que deviennent les résolutions qui prévoyaient plusieurs milliards d’investissement?
Effectivement, on a dit ce qu’il fallait pour remettre le réseau à niveau. Ce sont des principes qu’on a arrêtés mais il n’y a pas eu de suite pour l’instant.
Aujourd’hui, combien coûte un kilomètre de bitume ? L’Etat ne peut-il pas vulgariser les géo-pavés pour les routes à faible trafic en vue d’amoindrir les charges?
Il n’y a pas une réponse unique à cette question, car cela dépend de la configuration du terrain. Mais, en moyenne cela peut coûter entre 150 et 300 millions de Fcfa voire 400 millions de Fcfa en fonction des zones. En matière autoroutière, cela peut aller de 500 millions jusqu’à 1,5 milliard y compris les ouvrages.
En ce qui concerne les géo-pavés, contrairement à ce qu’on pense, ce matériau n’est pas nécessairement moins cher que le bitume. Ce qui coûte cher dans la route, ce n’est pas le revêtement, mais ce sont les fondations et tous les travaux de terrassements. Entre le géo-pavé et le bitume, il n’y a pas une grande différence en termes de coût. L’avantage du géo-pavé, c’est la facilité de remplacement des pavés, tant qu’on ne touche pas aux terrassements inférieurs. Sur des routes où le trafic est important, le géo-pavé semble ne pas convenir. Il est vrai que du point de vue de l’économie locale, l’utilisation des pavés peut offrir du travail à des PME. C’est pourquoi nous envisageons ce type de solutions dans le cadre de nos travaux à haute intensité de main d’œuvre. D’ailleurs, nous avons fait une étude qui nous a conduits à Cotonou où ils ont utilisé beaucoup de pavés dans la voirie urbaine. En termes de coût, il n’ y a pas d’avantage particulier. Par contre, on sent que cela ne convient pas à des zones de trafic lourd ou intense.
Interview réalisé par Cissé Cheick Ely