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Société Publié le mardi 21 juin 2011 | Nord-Sud

Après la fermeture des cités universitaires : Bidonvilles, les nouveaux fiefs des étudiants

Depuis la fermeture des universités et cités universitaires d’Abidjan par arrêté du Premier ministre Guillaume Soro, des étudiants, pour la plupart, se sont retrouvés dans les bidonvilles de la capitale économique. Reportage !

Une dispute éclate, ce jeudi à 8 heures, dans une cour commune d’Anono, précisément au quartier ‘’Trois antennes’’. Elle oppose Nadine, étudian­te à l’université de Cocody, à la sœur ainée de son fiancé, lui aussi étudiant dans la même université. La belle de Nadine l’accuse de lui avoir volé de l’argent. Elle menace de mettre ses affaires dehors. Les voisins tentent de l’en dissuader. «Nous irons de ta maison. Nous attendons juste d’avoir de quoi louer une piaule », peste Nadine. Ce genre de scène est courant dans leur maison depuis que le couple d’étudiants, suite à la fermeture des cités universitaires le 19 avril, est venu chercher refuge dans ce village de la commune de Cocody. Ils résidaient à la cité universitaire de la Riviera II. Toujours à Anono, habite, derrière une excavation naturelle, Alex, étudiant en sciences économiques et gestion à l’université de Cocody qui vit lui aussi avec sa partenaire et d’autres étudiants. Leur porte est la troisième, à droite.

De la cité universitaire au quartier précaire

Devant le portail de la cour, seaux et cuvettes sont alignés certainement par ordre d’arrivée.

Ce qui démontre les difficultés qu’ont les habitants du quartier à s’approvisionner en eau potable. A la porte, une dizaine de paires de sandales. Cinq couples d’étudiants cohabitent dans la minuscule chambre avec leurs effets divers. Cartons, tables et sacs sont superposés par-ci, bouteilles de gaz, réfrigérateurs, congélateurs et ustensiles de cuisine sont entassés par-là. Des postes téléviseurs et des écrans d’ordinateurs sont assemblés plus loin. Il ne reste qu’un espace restreint où les dix jeunes hommes et jeunes dames sont allongés sur des matelas disposés sur l’espace inoccupé. C’est vraiment la promiscuité. «Nous vivions dans la même cité. Etant tous des amis, nous nous sommes cotisés pour payer la caution de cette maison qui s’élevait à 150 000 Fcfa. Le loyer mensuel s’élève à 30.000 F, l’eau et l’électricité y compris », a expliqué Alex, notre interlocuteur. La cohabitation n’est pas vraiment aisée. «Vous sa­vez que partout où il y a des Hom­mes, il y a des palabres. Mais nous nous efforçons pour ne pas en faire notre quotidien », confesse le groupe. Lorsque le chapitre alimentation est abordé, les jeunes gens, dont l’âge varie entre 25 et 30 ans, éclatent de rire. « Laisse ça, on gère », répondent-il. Ils ne veulent pas donner de détails. A voir le cadre restreint, ces étudiants ne cuisinent pas. Puisque la terrasse qui devrait servir de cuisine est occupée par le couple qui ne veut pas dormir dans la chambre.

Juste pour des moments d’intimité, comme nous explique Alex.

Cap est mis sur le Wassa, un quartier précaire en lisière de l’université de Cocody. Maxime s’y est refugié avec son frère cadet après leur départ forcé de la cité universitaire. N’ayant pas de parents à Abidjan, ces deux jeunes étudiants respectivement en licence d’anglais et en Deug I de Lettres modernes ont pu louer une chambre, avec l’appui de leurs géniteurs qui sont cultivateurs à Agboville. « Ils nous ont apporté 50.000 Fcfa pour nous permettre de nous abriter quelque part, en attendant qu’ils trouvent plus de moyens afin que nous aménagions dans une demeure plus saine », se console le plus âgé. Leur chambre est plus aérée que la première visitée à Anono. Ils dorment sur deux nattes, à même le sol. De petites casseroles, des ignames, une bouteille de gaz, un fourneau et un sac de riz sont disposés par terre, à l’entrée du petit local. Des cartons de livres, des fascicules et un cahier sont rangés sur une table, au fond de la chambre. « Chaque fin de mois, nos parents nous envoient 10 000 Fcfa pour l’achat de nos cartes de bus. Pour le reste, nous nous débrouillons », raconte Maxime. En effet, les deux frères sont gérants de cabines téléphoniques.

Tous les moyens sont bons

L’aîné est ambulant au Plateau, et le cadet est installé devant le Centre hospitalier universitaire (Chu) de Cocody. Ce dernier squatte la place d’un de ses amis qui, lui, s’est refugié au village, compte tenu de son appartenance à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci). Après la chute du régime qui soutenait ce syndicat, il craignait des représailles. « Avec l’argent que nous gagnons, nous survenons à nos besoins. Le plus important demeure le loyer qui nous revient à 15.000 Fcfa le mois. Vivement que les résidences universitaires ouvrent leurs portes », souhaite le plus jeune.

Nous apprenons que d’autres étudiants ont trouvé refuge à Gonzagueville, un faubourg de Port-Bouët. Cet­te commune abritait trois cités universitaires. Amy, Raïssa et Géraldine séjournent non loin du centre Espoir. Et ce, depuis la fermeture de la cité ‘’Port-Bouët II’’.

Elles sont réticentes à aborder le sujet, mais finissent par accepter de se confier. C’était samedi dernier autour de midi. La causerie commence sur les conditions difficiles de leur déménagement « Ce 15 avril, il fallait dans l’urgence trouver un endroit, où mettre valises, sacs et autres effets. Puis obtenir de l’argent pour trouver un logis moins cher, en association avec des amies », se souvient Raïssa. Vu la forte demande, les propriétaires de maisons doublaient les prix de loyer et les cautions. « Nous avons pu réunir 150.000 Fcfa et occupé cette pièce», poursuit Raïssa, apparemment plus bavarde que les deux autres qui semblaient avoir la tête ailleurs. Elles ont toutes des proches à Abidjan, mais pour vivre plus librement, elles préfèrent rester dans leur ‘’entrer-coucher’’. Une cham­bre, dans laquelle trois matelas, une dizaine de valises et de sacs, deux réfrigérateurs et trois postes téléviseurs se disputent l’espace. De quoi vivent-elles ? Là, Géraldine, jusqu’ici silencieuse, prend la parole pour nous renvoyer la question : «Où trouviez-vous l’argent pour vous habiller et subvenir à vos besoins lorsque vous étiez étudiante ? Vous savez bien que lorsque les jeunes filles atteignent l’université, généralement, les parents nous disent de nous débrouiller. Et c’est ce que nous faisons. Nous touchons à tout ce qui peut rapporter de l’argent.» Pas plus.


Adélaïde Konin
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