Le ministre de l’Agriculture envisage de réformer toutes les filières agricoles, en particulier, le café-cacao. «Le président Alassane Ouattara a déjà tracé les grandes lignes », assure Mamadou Sangafowa Coulibaly.
En ce moment, les produits agricoles ont la cote sur le marché. Est-ce une conjoncture favorable ou le résultat de votre politique personnelle ou si vous voulez celle du président Alassane Ouattara ?
Les deux à la fois. Pour mieux comprendre l’évolution des choses, il nous faut regarder un peu dans le rétroviseur. Par exemple, si mon prédécesseur, Amadou Gon Coulibaly, avec l’appui des partenaires au développement, n’avait pas injecté 85 milliards Fcfa dans la filière coton, elle aurait disparu. Les prix internationaux étaient tellement bas que, si nous voulions laisser le mécanisme du marché se jouer, les paysans ne tiendraient pas le coup. La stratégie a permis de maintenir la cadence qui a favorisé le redressement des cours internationaux. Grâce à cette politique, devrais-je dire, il y a eu une certaine embellie qui a été immédiatement répercutée sur le porte-monnaie des paysans. Par ailleurs, le coton étant une culture annuelle, notre souci a été de donner la possibilité au planteur d’avoir une bonne visibilité sur son compte d’exploitation. Notamment de savoir si ce compte sera déficitaire ou excédentaire. Ainsi, l’acheteur ne pouvait plus dire au paysan qu’il lui paie le coton à tel prix et qu’au jour de la livraison du produit, qu’on vienne lui annoncer que son engrais a coûté plus cher, entraînant un endettement contre son gré. Aujourd’hui, chaque paysan doit pouvoir se rendre au champ en connaissance de cause. Savoir le nombre d’hectares minimum qu’il lui faut pour pouvoir gagner sa vie. Depuis, nous avons demandé qu’on publie non seulement le prix du coton mais aussi le prix de cession des engrais. Les résultats sont-là.
Même si les anciens gestionnaires de la filière café-cacao sont en liberté provisoire, avez-vous le sentiment que quelque chose de louche s’est effectivement passé dans cette filière ?
Sous Alassane Ouattara, il n’est plus possible de commettre de malversations en toute impunité. Mais sur les détournements dont ils sont accusés, la procédure judiciaire suit son cours et, en tant que ministre, je ne voudrais pas m’étaler là-dessus. Surtout qu’il faut respecter la présomption d’innocence. Mais ma conviction, en tant qu’individu, est que des fonds ont disparu. Dans tous les cas, c’est à la justice de clarifier les choses et situer les responsabilités. Cela dit et tirant les leçons de ce passé sombre, il est évident que le président Ouattara va restructurer en profondeur la filière café-cacao. Il en a déjà tracé les grandes lignes. Nous envisageons de mettre en place un comité de réflexion après avoir consulté la Banque mondiale. Ce comité nous dira les modalités de mise en œuvre de la réforme que nous allons engager dans la filière.
Quelles sont les principes de base qui guideront cette réforme ?
Deux principes de base la guideront. Le premier, c’est d’établir que quelle que soit la situation, le paysan doit gagner au moins 50% du prix à l’exportation. Cela veut dire que la dégradation du prix Caf ne doit pas sacrifier les intérêts du seul paysan. Et s’il le faut, l’Etat se dessaisira d’une partie du Droit unique de sortie (DUS). Le deuxième principe est que le président considère que la typologie de notre agriculture, en ce qui concerne la filière café-cacao, est atomisée. Ce qui fait que les paysans, avec de petites parcelles, ne peuvent pas constituer des forces de négociations. Il faut regrouper les producteurs pour les rendre plus forts, les encadrer pour qu’ils fassent de la qualité. La principale garantie pour obtenir les meilleurs prix. Toute cette organisation permettra aussi de protéger un tant soit peu les paysans des fluctuations des prix des matières premières. Fluctuations qui sont fonction de l’environnement ambiant. C’est en cela que je salue le G20 qui, à l’initiative du président Nicolas Sarkozy, demande aux ministres de l’Agriculture de réfléchir sur des mécanismes permettant de lutter contre la volatilité des prix des différentes spéculations notamment le café-cacao.
Qu’en est-il des filières fruitières ?
Nous avons beaucoup à faire dans ce domaine parce que la productivité de la noix de cajou, par exemple, n’est pas encore ce que nous souhaitons. Les quantités produites par hectare sont insuffisantes. Nous allons mettre un programme en place pour avoir des plantes plus productives. Sur ce segment fruitier qui est aussi divers, nous allons prendre quelques cas. Certes, l’Organisation centrale des exportateurs d’ananas-banane (OCAB) qui est une structure bien organisée s’occupe de la banane et de la mangue, mais cette dernière a des problèmes spécifiques sur lesquels il me faut m’attarder un tout petit peu. Nous produisons au total 100 mille tonnes. Mais nous en exportons à peine 10 mille tonnes. Près de 90% des tonnages produits sont perdus. En tant que produit périssable, il faut une chaîne logistique et harmonieuse qui ne doit pas être interrompue. Cela implique qu’il est nécessaire d’améliorer les conditionnements ainsi que les autres circuits. Par ailleurs, la commercialisation de la mangue a été fortement ébranlée par les récents évènements. Les acheteurs ne pouvaient plus prendre de risque. Ce qui a fait perdre beaucoup d’argent aux paysans. Mais avec la réunification et la normalisation du pays, pour les prochaines campagnes, nous allons demander aux professionnels de la mangue de nous proposer un mécanisme pour déterminer les prix, comme on le voit dans les autres filières. Cela dit, que ce soit la papaye ou la banane, aucun secteur ne sera oublié.
Interview réalisée par Cheick Timité à Korhogo
En ce moment, les produits agricoles ont la cote sur le marché. Est-ce une conjoncture favorable ou le résultat de votre politique personnelle ou si vous voulez celle du président Alassane Ouattara ?
Les deux à la fois. Pour mieux comprendre l’évolution des choses, il nous faut regarder un peu dans le rétroviseur. Par exemple, si mon prédécesseur, Amadou Gon Coulibaly, avec l’appui des partenaires au développement, n’avait pas injecté 85 milliards Fcfa dans la filière coton, elle aurait disparu. Les prix internationaux étaient tellement bas que, si nous voulions laisser le mécanisme du marché se jouer, les paysans ne tiendraient pas le coup. La stratégie a permis de maintenir la cadence qui a favorisé le redressement des cours internationaux. Grâce à cette politique, devrais-je dire, il y a eu une certaine embellie qui a été immédiatement répercutée sur le porte-monnaie des paysans. Par ailleurs, le coton étant une culture annuelle, notre souci a été de donner la possibilité au planteur d’avoir une bonne visibilité sur son compte d’exploitation. Notamment de savoir si ce compte sera déficitaire ou excédentaire. Ainsi, l’acheteur ne pouvait plus dire au paysan qu’il lui paie le coton à tel prix et qu’au jour de la livraison du produit, qu’on vienne lui annoncer que son engrais a coûté plus cher, entraînant un endettement contre son gré. Aujourd’hui, chaque paysan doit pouvoir se rendre au champ en connaissance de cause. Savoir le nombre d’hectares minimum qu’il lui faut pour pouvoir gagner sa vie. Depuis, nous avons demandé qu’on publie non seulement le prix du coton mais aussi le prix de cession des engrais. Les résultats sont-là.
Même si les anciens gestionnaires de la filière café-cacao sont en liberté provisoire, avez-vous le sentiment que quelque chose de louche s’est effectivement passé dans cette filière ?
Sous Alassane Ouattara, il n’est plus possible de commettre de malversations en toute impunité. Mais sur les détournements dont ils sont accusés, la procédure judiciaire suit son cours et, en tant que ministre, je ne voudrais pas m’étaler là-dessus. Surtout qu’il faut respecter la présomption d’innocence. Mais ma conviction, en tant qu’individu, est que des fonds ont disparu. Dans tous les cas, c’est à la justice de clarifier les choses et situer les responsabilités. Cela dit et tirant les leçons de ce passé sombre, il est évident que le président Ouattara va restructurer en profondeur la filière café-cacao. Il en a déjà tracé les grandes lignes. Nous envisageons de mettre en place un comité de réflexion après avoir consulté la Banque mondiale. Ce comité nous dira les modalités de mise en œuvre de la réforme que nous allons engager dans la filière.
Quelles sont les principes de base qui guideront cette réforme ?
Deux principes de base la guideront. Le premier, c’est d’établir que quelle que soit la situation, le paysan doit gagner au moins 50% du prix à l’exportation. Cela veut dire que la dégradation du prix Caf ne doit pas sacrifier les intérêts du seul paysan. Et s’il le faut, l’Etat se dessaisira d’une partie du Droit unique de sortie (DUS). Le deuxième principe est que le président considère que la typologie de notre agriculture, en ce qui concerne la filière café-cacao, est atomisée. Ce qui fait que les paysans, avec de petites parcelles, ne peuvent pas constituer des forces de négociations. Il faut regrouper les producteurs pour les rendre plus forts, les encadrer pour qu’ils fassent de la qualité. La principale garantie pour obtenir les meilleurs prix. Toute cette organisation permettra aussi de protéger un tant soit peu les paysans des fluctuations des prix des matières premières. Fluctuations qui sont fonction de l’environnement ambiant. C’est en cela que je salue le G20 qui, à l’initiative du président Nicolas Sarkozy, demande aux ministres de l’Agriculture de réfléchir sur des mécanismes permettant de lutter contre la volatilité des prix des différentes spéculations notamment le café-cacao.
Qu’en est-il des filières fruitières ?
Nous avons beaucoup à faire dans ce domaine parce que la productivité de la noix de cajou, par exemple, n’est pas encore ce que nous souhaitons. Les quantités produites par hectare sont insuffisantes. Nous allons mettre un programme en place pour avoir des plantes plus productives. Sur ce segment fruitier qui est aussi divers, nous allons prendre quelques cas. Certes, l’Organisation centrale des exportateurs d’ananas-banane (OCAB) qui est une structure bien organisée s’occupe de la banane et de la mangue, mais cette dernière a des problèmes spécifiques sur lesquels il me faut m’attarder un tout petit peu. Nous produisons au total 100 mille tonnes. Mais nous en exportons à peine 10 mille tonnes. Près de 90% des tonnages produits sont perdus. En tant que produit périssable, il faut une chaîne logistique et harmonieuse qui ne doit pas être interrompue. Cela implique qu’il est nécessaire d’améliorer les conditionnements ainsi que les autres circuits. Par ailleurs, la commercialisation de la mangue a été fortement ébranlée par les récents évènements. Les acheteurs ne pouvaient plus prendre de risque. Ce qui a fait perdre beaucoup d’argent aux paysans. Mais avec la réunification et la normalisation du pays, pour les prochaines campagnes, nous allons demander aux professionnels de la mangue de nous proposer un mécanisme pour déterminer les prix, comme on le voit dans les autres filières. Cela dit, que ce soit la papaye ou la banane, aucun secteur ne sera oublié.
Interview réalisée par Cheick Timité à Korhogo