Le Président de l’Université de Bouaké-la-Neuve (Institution sinistrée délocalisée à Abidjan depuis octobre 2002) Pr Lazare Marcelin POAME, a animé le 6 juin 2011 une conférence de presse au siège de l’Institution aux 2 Plateaux 7ème Tranche. Nous vous proposons l’intégralité de cette rencontre.
PROPOS LIMINAIRES
Pour ne pas que les gens aient à épiloguer sur des rumeurs, en cette période particulièrement sensible et fragile, il n’est pas bon que se répandent sur un quelconque dossier des rumeurs, quelle qu’en soit la taille. Il faut donner aux concitoyens les informations justes. C’est pourquoi, nous avons réuni le mercredi 1er juin 2011, à l’issue d’une réunion que nous avons eue avec le cabinet, tous les Doyens, tous les chefs de services, les dirigeants syndicaux pour leur donner des informations précises sur la question du retour de l’Université de Bouaké à Bouaké. De la même façon, nous avons estimé qu’il fallait le faire pour la presse, qui est dans notre esprit et dans celui de Bouaké-la-Neuve, notre partenaire.
Ce que nous avons donné comme information à nos collaborateurs, c’est que la décision de retourner à Bouaké, cette année, en octobre 2011, est une décision gouvernementale à exécuter.
Quelle est notre part dans l’exécution de cette décision ? Notre partition à jouer va consister à faire en sorte que nous puissions identifier les structures d’accueil à Bouaké, identifier aussi les obstacles et les présenter au ministre de tutelle pour que ces difficultés soient surmontées ou amoindries, selon les moyens que le gouvernement voudra bien déployer.
Identifier les locaux. Pour le faire, une mission avait été prévue avec les membres du cabinet le 18 mai 2011. Cette mission n’a pas pu être effectuée, parce que le 18 mai, le budget n’était pas encore en place. Or, ce sont des charges que devrait assumer l’Université. Quand on n’a pas de budget, on ne peut pas mettre en route une activité quelconque nécessitant des dépenses budgétaires relativement importantes. Donc cette mission a été différée en attendant la mise en place du budget.
Mais vu les enjeux, vu l’importance de ce dossier, je dus préfinancer deux missions, mais en réduisant la délégation au service du patrimoine qui est allé à Bouaké pour prospecter. Ils sont allés voir tous les établissements qui peuvent nous abriter en attendant la construction de l’Université de Bouaké sur un site que nous avons déjà trouvé avec le concours du Préfet de région.
Les résultats de la prospection ont été présentés aux différents Doyens et Chefs de services de l’Université et ces résultats indiquent que nous avons pu obtenir, dans des établissements privés, des locaux, notamment à Mohamed V, qui est un établissement privé d’une capacité d’accueil de 1000 places. Nous avons obtenu également au Collège Poincaré des locaux d’une capacité d’accueil de 2000 places et puis à l’INFAS de Bouaké, on a pu obtenir des locaux d’une capacité d’accueil de 500 étudiants. En faisant les calculs, on est à 3500 et on a estimé qu’on pouvait aller jusqu’à 4000.
Mais, les 4000 places ne représentent que le quart de ce qu’il nous faut, parce que nous avons ici à Abidjan, entre 16 et 18000 étudiants. Il nous faut des espaces pour caser 18000 personnes. Etant donné que les résultats que nous avons exploités sont les premiers, il y a encore d’autres missions qui vont nous permettre de poursuivre les prospections et qui vont certainement nous donner d’autres résultats après la mise en place du budget. Si jusqu’à la fin de la semaine, le budget n’est pas mis en place, je serai obligé, une fois encore, vu l’importance du dossier, de préfinancer une autre mission. Celle-ci permettra de renforcer les capacités d’accueil à Bouaké, attendu que les 4000 places trouvées ne permettent pas à toute l’Université de s’installer à Bouaké. Les missions à Bouaké se poursuivront jusqu’à ce que nous puissions atteindre au moins 15000 places pour qu’en forçant un tout petit peu, l’on puisse faire partir tous les étudiants qui sont en ce moment ici à Abidjan.
Nous estimons qu’on peut être optimiste pour la quête des locaux, pour que toute l’Université se retrouve à Bouaké. Il y a des Lycées, des établissements privés qui n’avaient pas encore donné leur accord. Je peux déjà citer Bambi, Saint Viateur et bien d’autres. Je pense qu’en obtenant tous ces établissements, nous pouvons aller jusqu’à 15000 en termes de capacité d’accueil pour les infrastructures académiques.
En ce qui concerne les logements et plus précisément les cités d’étudiants, c’est le CROU (Centre régional des œuvres universitaires) qui va s’en charger.
Au-delà des locations de salles de cours, il faut consolider les infrastrures qui sont sur le Campus1, qui a encore des infrastructures à réhabiliter. S’il est réhabilité intégralement, ce Campus pourra offrir un supplément de 2000 à 3000 places. Le Campus2, lui a été détruit avec la guerre de septembre 2002. Il est irrécupérable. Il s’agira, pour cet espace, de construction et non de réhabilitation. Or, nous estimons que s’il faut construire, il ne faut pas émietter les constructions ; il faut les regrouper sur un seul espace et c’est cet espace que nous avons pu obtenir avec le concours du Préfet de Région, Préfet de Bouaké.
Vous savez bien qu’il faut des personnes pour faire fonctionner l’Université au-delà des infrastructures académiques. Il faut que ces personnes puissent se loger, loger leur famille. A ce jour, il y a au moins 800 familles à loger : enseignants-chercheurs, personnel administratif et technique de l’Université. Il faut donc trouver 800 logements potables à Bouaké.
De ce côté, les moyens étant maigres, la prospection n’a pas pu s’étendre pour produire les résultats escomptés. Le patrimoine s’est contenté des contacts avec le maire de Bouaké, qui a pu nous trouver 20 chambres climatisées dans un hôtel au tarif forfaitaire mensuel, oscillant entre 50 et 60.000 francs cfa. Donc, 20 chambres non pas pour des familles, mais pour des individus qui iront prendre une chambre d’hôtel, en attendant de trouver mieux, je pense que c’est supportable.
En regardant tout cela, nous estimons qu’en ce qui nous concerne, tout est mis en œuvre pour que cette décision gouvernementale puisse se traduire aisément dans les faits puisque les enseignants et le personnel administratif sont prêts à partir, malgré le fait qu’ils aient tout perdu à Bouaké en 2002 et ici encore, avec la bataille d’Abidjan, ils ont presque tout perdu. Ils vont recommencer leur vie et ils sont prêts à la recommencer à Bouaké, malgré les pertes subies. Ils attendent simplement que des locaux soient mis à leur disposition et cela est du devoir de l’administration de l’Université de leur trouver ces locaux, pour qu’ils aillent servir. Ils sont prêts à servir. Je sais qu’à chacune de nos réunions, ils rappellent toujours à dessein, qu’ils ont tout perdu à Bouaké en 2002 et ici à Abidjan en 2011. L’Université elle-même a perdu presque tous ses véhicules dans la grande vague de pillage qu’a connu le district d’Abidjan en avril 2011.
En dépit de cela, il y a une volonté manifeste de retourner à Bouaké et c’est cela qui est le plus important.
Personne ne conditionne le retour à Bouaké à la restitution des biens perdus. Tout le monde estime qu’il faut repartir à Bouaké en souhaitant que l’Etat ait les moyens de réhabiliter intégralement les locaux du Campus1 et de louer les locaux que nous avons identifiés à Bouaké. Voilà la situation qui prévaut aujourd’hui, la position qui est la nôtre par rapport à cette problématique du retour à Bouaké.
Voilà donc les grandes lignes de ce dossier. S’il y a des détails, s’il y a des questions particulières qui vous préoccupent, nous sommes tout ouïe pour vous répondre.
QUESTIONS ET REPONSES
Franck Souhoné (L’Inter) : Je salue la volonté du personnel de reprendre le service à Bouaké. Vous l’avez dit, il se pose un problème de logement. Quand on n’a pas de logement, on ne va pas éternellement rester dans les hôtels surtout qu’il y a seulement 20 chambres. Peut-on être efficace en ne sachant pas où dormir ?
Effectivement, le problème de logement va se poser, mais, comme on l’a dit, tout cela ne sera que provisoire. Ils seront à l’hôtel provisoirement le temps de se trouver un logement. Comme il y a un forfait mensuel de 50 à 60.000 francs cfa, je pense qu’au bout d’un mois, ils pourront effectivement trouver un logement. C’est vrai que pendant cette période à l’hôtel, ils ne seront pas performants, efficaces. Ils seront isolés, sans les membres de leur famille. Et puis les conditions d’un hôtel par rapport à un enseignant qui doit préparer ses cours, c’est vrai que l’hôtel n’est pas le lieu le mieux indiqué. Mais, c’est à titre provisoire. Je pense que la situation à Bouaké est telle qu’au bout d’un ou deux mois, ils pourront se trouver un logement.
Le problème qui a été posé par le personnel par rapport au logement, c’est que certains s’y sont déjà rendus, ils ont vu que la plupart des logements sont délabrés. Je leur ai proposé simplement qu’en l’espèce, on pourrait entrer en contact avec le propriétaire, avec un expert en bâtiment et évaluer la réhabilitation de son logement. On pourrait par exemple estimer à deux millions de francs CFA la réhabilitation de ce bâtiment et faire correspondre ce montant des mois de loyers à déduire sur les sommes dues au propriétaire pour travaux effectués. Je pense que cela devrait pouvoir constituer une solution viable et fiable parmi tant d’autres. Souvent à Abidjan, pour prendre une maison en location, on demande 3 à 6 mois de loyers, ce qui permet au propriétaire de réhabiliter la maison et d’en intégrer les coûts au loyer mensuel. Comme on le dit, à cœur vaillant, rien d’impossible. Les gens (enseignants, personnel administratif) sont déterminés et je pense que ces obstacles peuvent être aisément surmontés. Ils feront preuve d’imagination pour que les choses aillent pour le mieux.
L’Inter : Qui paye l’hôtel ?
Chacun paye sa note. Ce n’est pas l’Université qui paye, c’est comme si on vous trouvait un logement en attendant mieux. C’est vrai qu’ils auront deux loyers à payer pendant cette période, parce qu’il faut loger la famille qui sera toujours à Abidjan, pendant que les enseignants et les membres du personnel administratif et technique se cherchent un logement à Bouaké.
Didier Kei (Notre Voie) : L’année passée, vous aviez évoqué des problèmes financiers et vous aviez dit que l’Université ne pouvait pas recevoir de nouveaux bacheliers. Je me demande si ces problèmes sont résolus pour reprendre le chemin de l’école à Bouaké ?
Ensuite, je voudrais savoir vos rapports avec les FRCI ou ex-rébellion, qui sont basées à Bouaké, pour savoir le type de rapport qu’il pourrait avoir avec les étudiants afin que ces derniers soient confiants pour la reprise à Bouaké. Je prends appui sur ce qui s’est passé à Abidjan, où plusieurs étudiants ont été tués lors de la bataille d’Abidjan. Y a-t-il un climat de sécurité pour que ces étudiants repartent à Bouaké ? Aussi, c’est vous qui le dites : Le personnel administratif et technique est prêt à y retourner. Franchement, Monsieur le Président, est-ce que vous êtes certain que les conditions sont réunies présentement pour que les enseignants et le personnel technique partent à Bouaké pour reprendre le travail, vu les dégâts qu’ils ont subis en 2002 à Bouaké ?
En ce qui concerne les nouveaux bacheliers, c’est vrai l’année dernière, nous avions dit qu’il y avait un problème budgétaire qui se posait. Au-delà d’un certain nombre, il se pose un problème, lié aux heures complémentaires générées par les effectifs pléthoriques des nouveaux bacheliers. Il se trouve que depuis deux ans, les heures complémentaires ne sont payées. Est-ce qu’il faut accumuler les heures complémentaires qui vont susciter des mécontentements au niveau du corps enseignant, provoquer des grèves, qui sont à l’origine de tous les retards dans les programmations, à l’origine des bouleversements des années académiques ? Pour prévenir tout cela, on a estimé que l’Université devrait se borner à recevoir le nombre d’étudiants que peut absorber le budget. A ce jour, est-ce qu’on a la solution ? Pourquoi nous n’en parlons plus ? Nous en parlions à un moment où le budget était en train d’être confectionné pour 2011. A ce jour le budget 2011 n’est pas encore connu. Je ne peux donc rien en dire. En fonction de ce que nous allons recevoir comme budget, alors, on pourra statuer sur le nombre d’étudiants à accueillir en première année. Mais, je sais déjà à l’avance que s’il y a des problèmes cette année, vu le nouveau contexte, il nous sera demandé d’amener les enseignants à accepter de faire des heures complémentaires qui ne seront pas payées dans l’immédiat. Il va y avoir encore un cumul, mais je crois que pour la paix sociale, ces enseignants accepteront encore le cumul des heures complémentaires non payées pour que chacun apporte sa pierre aux efforts de consolidation de la paix en Côte d’Ivoire.
Sur la question des rapports avec les FRCI, vous posez le problème de la sécurité à Bouaké. Lors de notre premier voyage à Bouaké après notre élection en décembre 2009, nous sommes allés rencontrer les autorités de Bouaké, notamment les Forces nouvelles. C’était les Forces nouvelles à l’époque. Aujourd’hui, les FRCI à Bouaké ; lorsque notre responsable du patrimoine est allé à Bouaké, il a rencontré le Préfet, le Maire et le Secrétariat Général des Forces nouvelles, logé dans les locaux de l’INFAS. C’est même eux qui nous ont dit qu’ils étaient prêts à nous céder ces locaux, puisqu’ils estiment que le fonctionnement de l’Université est une priorité. Ils ont simplement demandé que le Préfet leur trouve un petit local pour qu’ils puissent poursuivre leurs activités.
En matière de sécurité notamment pour ces étudiants qui vont aller à Bouaké, une sécurité sera garantie dans les limites du comportement citoyen que ces étudiants vont adopter. S’ils partent à Bouaké et qu’ils adoptent un comportement citoyen, leur sécurité sera garantie comme pour tous les autres citoyens dans un Etat normal. Mais, s’ils y vont pour faire de la subversion, alors, nous ne serons pas en mesure de garantir leur sécurité, puisqu’ils y vont pour mener une activité autre qu’académique. S’ils vont à Bouaké pour étudier, ils étudieront puisque sur le campus, on veillera à ce que les franchises universitaires soient respectées. On veillera à ce qu’en dehors des campus, le minima de l’Etat de droit soit respecté pour quiconque agit conformément aux exigences de l’Etat de droit.
Sur les conditions qui doivent être réunies, pour un meilleur fonctionnement, je voudrais relever ici que ce sont ces conditions que nous recherchons ensemble. Lorsqu’on a fait la prospection, on a dit aux collègues ce qu’on a trouvé pour l’instant. Pour ce que nous avons trouvé, il y a des UFR qui peuvent partir dans l’immédiat, Médecine et autres UFR et les premières années. Maintenant, les conditions vont être remplies à partir de la dynamique de chaque entité, c’est-à-dire nous, administration centrale de l’Université, avons à identifier des locaux, trouver des logements, aider le personnel à se loger décemment. L’Etat, pour sa part, fera en sorte que les moyens financiers suivent pour réhabiliter ou louer les locaux, avoir des laboratoires. Une Université, ce n’est pas seulement des salles de cours, il faut trouver des laboratoires. Un laboratoire de parasitologie, d’anatomie, de Langue, de linguistique appliquée, un laboratoire des Sciences de la communication. Ce ne sont pas dans les Lycées qu’on va louer qu’on les trouvera. Il faut équiper des espaces qu’on appelle laboratoire avec un équipement spécifique. Une Université ne brille pas par ses enseignements. La qualité d’un enseignement dans une Université va de soi, principiellement parlant. Mais la recherche, c’est le champ où tout le monde entre véritablement en compétition. La qualité de la recherche ne va pas de soi. Et pour en garantir la qualité, il faut que les espaces que nous allons trouver et que nous avons déjà trouvé puissent être équipés de laboratoires, pour que nous soyons une Université et qu’on ne soit pas un grand Lycée qui fonctionne quelque part, c’est là que l’Etat aura sa partition à jouer, pour y mettre les moyens. L’Etat peut y mettre les moyens de deux façons. Soit en incluant ces moyens dans le budget ou en ayant une dotation spéciale pour que l’Université puisse fonctionner conformément aux normes internationales requises.
Chaque année, nous allons au CAMES, à l’Agrégation et il y a des normes. Il y a une Université publique en Afrique de l’Ouest francophone, qui est partie faire reconnaitre ses diplômes au CAMES et cette Université a échoué, simplement parce que toutes les conditions requises en la matière n’étaient pas réunies. Il faut donc bien être regardant dans le fonctionnement d’une Université. Lorsque nous allons nous retrouver à Bouaké, il ne faut pas que ce soit une Université rurale, indigène ; il faut qu’elle continue de garder le cap. Nous sommes l’une des rares Universités dans la sous-région à avoir fait reconnaitre presque tous ses diplômes au CAMES. Nous sommes la seule Université dans le monde francophone y compris la France, à avoir décroché la Chaire UNESCO de Bioéthique. Regardez nos résultats au CAMES, chaque année, lorsque vous prenez le concours d’Agrégation, vous prenez les CTS du CAMES, vous voyez que l’Université de Bouaké produit de très bon résultats. L’année dernière, au niveau de la titularisation, on a réalisé un taux de réussite qui était de 100%. Au niveau du concours d’Agrégation, on a également fait 100%. Voyez ces performances, il faut pouvoir les maintenir. Ce n’est pas parce que nous allons changer d’espace que nous allons tomber relativement bas. Il faut maintenir le cap et pour y arriver, nous allons solliciter l’Etat pour que les moyens soient mis à notre disposition, de façon à ce que cette Institution honore la Côte d’Ivoire, la sous-région, la Francophonie. Jusque-là, dans toute l’Afrique, la seule Chaire de Bioéthique était « anglophone » : la Chaire UNESCO de Bioéthique installée à Nairobi. Nous avons eu la chance de décrocher cette Chaire à travers l’Université de Bouaké. Ce sont des choses qu’il faut préserver. Pour les préserver, la seule volonté des enseignants ne suffit pas, il faut une volonté politique qui puisse nous accompagner en mettant à notre disposition, les moyens qu’il faut pour nous rendre mondialement compétitifs. La compétition en ce qui concerne l’Université de Bouaké, nous ne la menons pas nationalement, pas pour seulement la sous-région, nous voulons la mener mondialement. Il n’y a pas de raison qu’un enseignant-chercheur de l’Université de Bouaké ne puisse pas se comparer à son collègue du Canada, de la France ou des Etats-Unis ! Pourquoi voulez-vous que nous soyons toujours à nous comparer entre pays sous développés ? Nous avons de grandes ambitions. On veut rayonner internationalement. Que la communauté internationale sache que quelque part en Afrique, il y a une Université dénommée Université de Bouaké qui a des compétences qu’on peut exploiter mondialement, que l’Etat de Côte d’Ivoire peut exploiter pour conduire sa politique de développement. C’est cela l’état d’esprit des chercheurs qui sont à l’Université de Bouaké et de l’équipe dirigeante de cette Institution.
Les dégâts qui ont été causés ne nous détournent pas de nos ambitions. En 2002, on a tout perdu à Bouaké, notre matériel pédagogique, didactique, scientifuqe. Et nous sommes venus à Abidjan. Voilà qu’avec la bataille d’Abidjan, on a encore presque tout perdu. Au niveau de l’administration, on a perdu presque tous nos véhicules de service. Cela ne doit pas nous décourager. L’Etat aujourd’hui est dans une situation extrêmement complexe. Regardez l’Economie, elle s’est affaissée complètement, chacun a une petite part de sacrifice à faire pour relancer la machine. Les dégâts causés ne doivent pas nous décourager, bien au contraire, ils doivent nous amener à redoubler d’efforts, mais dans un élan de solidarité pour que nous puissions faire surface et rebâtir notre Economie, nos Institutions, qui ont le devoir d’être des Institutions fortes.
Ce n’est pas aisé de faire des estimations chiffrées des dégâts subis. Le samedi 4 juin, on croyait avoir bouclé le dossier des véhicules perdus lorsqu’on m’a appelé pour dire qu’il y avait des hommes en armes qui venaient d’emporter les deux cars de l’Université stationnés à la Faculté de Médecine de Cocody. Nous avons appelé les numéros utiles en notre possession et promptement, les FRCI ont rattrapé ces gens qui partaient avec les cars. Il est difficile de donner des chiffres, vu qu’à chaque fois, il faut les modifier. On a introduit deux dossiers au Ministère avec des chiffres différents. Une première fois, on avait arrêté la liste des véhicules emportés et trois jours plus tard, on apprend qu’un autre véhicule a été emporté. On espère que la série va s’arrêter pour que nous puissions déposer définitivement le dossier concernant l’estimation des pertes.
Pour 2002, le chiffre avait déjà été arrêté. Il y a eu deux niveaux de pertes. Il y a les pertes au niveau des effets du personnel administratif et technique (véhicules, tout ce que contenait les maisons), cela a été estimé autour de 3 milliards de francs cfa. Le matériel de l’administration, autour de 2 milliards de francs cfa. Sur les deux milliards de francs cfa, il faut compter 1 milliard de francs cfa de matériels lourds que les Espagnols avaient installés à la Faculté de Médecine. Avec la bataille d’Abidjan, on a fait des estimations, mais comme elles ne sont pas définitives, on ne peut pas les mettre à votre disposition. Dans une semaine ; on a été agréablement surpris par la rapidité avec laquelle les FRCI ont rattrapé ceux qui volaient les cars, nous estimons que progressivement la sécurité va être renforcée, et puis nous serons en mesure de vous donner des chiffres qui ne vont plus être modifiés.
Marcelline Gneproust (Fraternité Matin) : J’ai deux petites préoccupations. La première, vous avez dit tout à l’heure que les enseignants ont quitté Bouaké. Maintenant pour y retourner, des dispositions ont été prises telles que des chambres d’hôtels, à des prix forfaitaires. Y a-t-il un intéressement particulier pour eux ? Deuxième point, les étudiants. Vous avez pris des dispositions pour le personnel administratif et technique, mais 18000 étudiants, qui plaide pour leur cause ?
En ce qui concerne les enseignants, le moment viendra où on leur rendra un vibrant hommage pour les sacrifices consentis. Vous l’avez dit, c’est vrai, à Bouaké, ils ont perdu des choses. Ils sont venus à Abidjan, ils ont remis les choses en marche. Ici à Abidjan encore, ils ont perdu leurs biens et on leur demande de remettre la machine en marche cette fois à Bouaké. Est-ce qu’il y a un intéressement particulier pour eux ? Eux-mêmes,(je l’ai déjà vu parce qu’ils avaient produit un document à travers leur syndicat ) attendent de l’Etat qu’il leur offre en partant à Bouaké des kits (sommes forfaitaires).
Ce sera difficile pour l’Etat, quand vous regardez la situation économique d’accéder à cette demande. Lorsque parfois vous ne pouvez pas donner de l’argent à une personne, des paroles solennelles remplacent tout l’Or qu’on peut lui donner. Je l’ai expérimenté ici lorsque certains agents se sont montrés excellents et qu’à une réunion, ils ont été félicités publiquement. C’est parfois l’équivalent d’une somme d’argent qu’on aurait pu leur donner. Ces enseignants, nous ne manqueront pas de mots pour les féliciter et c’est cela qui leur donne le moral chaque fois qu’ils ont des sacrifices à consentir.
Pour l’instant, au vu de la situation économique désastreuse que connaît la Côte d’Ivoire, je pense qu’on se contentera de les encourager, de les féliciter à un plus haut niveau, pas seulement au niveau de l’Institution universitaire. Souvent, on donne des médailles, tout cela peut contribuer symboliquement à tenir lieu d’intéressement particulier pour ces enseignants. Il faut adapter les choses au contexte. Lorsque l’Etat sera plus fort, lorsque la relance économique sera faite, je pense que ces enseignants ne seront pas oubliés. Toute la nation voit que malgré tout ce qui s’est passé, l’Université de Bouaké a continué à fonctionner sans interruption véritable. En plus, quand ils vont sur la scène internationale, leurs résultats sont honorables. Le moment venu, la nation leur exprimera la reconnaissance qu’il faut.
Il y a des Universités qui, dès qu’il y a quelques coups de feu, décrètent une année blanche ou une année consommée, arrêtent de fonctionner toute une année. Or, l’Université de Bouaké, malgré la situation de 2002 et celle de 2011, elle continue de fonctionner. Tout cela par la dynamique des enseignants et du personnel administratif et technique, très dévoués. Le moment venu, la nation se souviendra des sacrifices consentis par ce personnel.
Qui doit plaider pour les étudiants ? La plaidoirie, le mot est peut-être un peu fort, mais, nous avons le devoir de former, encadrer les étudiants. Mais nous n’avons pas le devoir de les loger. Les enseignants sont prêts à former les étudiants. Leurs logements, leurs activités socioculturelles, cela relève d’un autre établissement public national (EPN) qu’on appelle le CROU. Connaissant la directrice du CROU, très dynamique, elle aussi à son niveau tentera de faire ce qu’il faut pour ces 18000 étudiants en fonction des moyens mis à sa disposition. Après cette rencontre, nous allons l’informer que tout ce contingent sera à Bouaké à partir de l’année prochaine. Il faudra peut-être insister pour voir ce qut reste encore à faire au niveau de la restauration, des logements… pour ces 18000 étudiants qui s’ajoutent au 3500 déjà présents à Bouaké. Nous ferons ce qu’il faut en faveur des étudiants dans les limites de notre statut (Université publique) et le reste sera confié aux œuvres universitaires pour ne pas que les étudiants aient le sentiment d’être des laissés pour compte à Bouaké.
Jean Roche Kouamé (L’Expression) : J’ai deux petites questions. La première, c’est à combien s’élève le budget de l’Université de Bouaké ? La deuxième, les heures complémentaires. Aujourd’hui, l’Etat doit combien aux enseignants ?
Vos questions sont précises, mais vous n’aurez pas de réponses précises. Si vous venez au lendemain des notifications budgétaires adressées aux EPN, tout de suite, on vous présentera notre budget. Ce ne sont pas des choses à cacher. Généralement lorsque le budget arrive, on fait des notifications pour que les Doyens reçoivent leurs dotations. En ce qui concerne le budget, on est obligé d’attendre qu’on nous communique notre budget pour vous dire exactement quel est le budget de l’Université de Bouaké.
Les heures complémentaires, c’est presque le même problème. Les années sont un peu alambiquées, mais à la faveur de la décision gouvernementale, on n’aura plus ce genre de gymnastique à faire. A partir d’octobre 2011, pour les heures complémentaires, tout le monde reprend à zéro. C’est une nouvelle année 2011-2012 pour tout le monde. Aujourd’hui, certaines UFR sont en 2008, d’autres en d’autres encore en 2010. On leur a demandé de faire le point, parce que quand le budget arrive, il faut pouvoir engager les états. Il y a eu des états qui sont arrivés et qu’on n’a pas pu engager. Le service financier ne les a pas pris en compte parce que la dotation budgétaire que nous avions ne permettait pas d’engager ces heures complémentaires. Ce qui explique le fait qu’il y a des sommes liées aux heures complémentaires qui sont encore dans les structures et qui n’ont pas pu être engagées parce que la dotation budgétaire était insuffisante pour supporter ces charges. Quand on aura le budget et qu’on aura su ce que le budget peut supporter, on va récapituler et engager toutes ces heures et on vous dira, voilà ce que nous avons comme montant des heures complémentaires. Je suis donc désolé de ne pas pouvoir vous le donner parce qu’il y a une éthique de l’exécution budgétaire qui fait que vous ne pouvez pas engager des choses au-delà de votre budget. Vous ne pouvez pas non plus prendre des engagements quand le budget n’est pas là. Vous ne pouvez pas non plus annoncer des choses qui ne seront peut-être pas prévues au budget. Il faut toujours attendre d’avoir votre budget avec vous, regarder ce qu’il contient avant d’avancer quoi que ce soit. Que ce soit le montant, que ce soit un autre type de dépenses à effectuer, cette éthique doit être observée. Tout cela nous contraint à attendre. Je pense que ça ne devrait pas pouvoir tarder.
Diarrasouba Sory (Le Nouveau Réveil) : Monsieur le Président, vous avez dit tout à l’heure que l’Université de Bouaké n’a jamais arrêté de fonctionner. Quelle est la situation académique ? Est-ce que toutes les UFR sont au même niveau ? Qui est en retard ? Qui est en avance ? Est-ce que les examens vont se dérouler dans la même période surtout pour les 3500 étudiants qui sont restés à Bouaké ?
Il faut le savoir, que ce soit à Abidjan ou à Bouaké, pour l’Université de Cocody et Abobo-Adjamé, vous remarquez qu’en Côte d’Ivoire, d’une façon générale dans les Universités, les UFR ne sont pas au même niveau. Pour l’Université de Bouaké à Abidjan, les UFR ne sont pas au même niveau. Il y a les UFR des Sciences Médicales qui sont très en avance, qui sont mêmes proches du cycle normal. Il suffit de leur donner un petit coup de pouce parce qu’il y a des vacations qui ne sont pas payées qui ont été assurées par les collègues de l’Université de Cocody et qui ne sont pas enthousiastes pour venir poursuivre les cours ou faire les examens et cela retarde l’UFR. Ce matin, j’ai demandé à Madame le Doyen de me donner la liste des vacataires dont elle a besoin, parce qu’il y a une bonne liste, mais ceux qui sont vraiment indispensables, pour les contenter un peu.
Après l’UFR des Sciences médicales, il y a l’UFR Communication, Milieu et société (CMS) qui est en réalité l’ancienne Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Eux, ils ne sont pas très loin de l’UFR Médecine, c’est environ 2 à 3 mois de retard sur l’UFR Médecine. Après, vient l’UFR des Sciences Economiques qui est à environ 9 mois de retard sur l’UFR des Sciences Médicales. Il y a par la suite l’UFR des Sciences Juridiques qui a environ une année de retard sur l’UFR des Sciences Médicales. Mais on ne peut pas globaliser les années de retard dans ces deux UFR parce que vous verrez que selon qu’on est en première année, deuxième année, en Licence ou en Maîtrise, il y a des avancées. Nous pensons que la décision prise par le ministère de faire commencer une année nouvelle en octobre 2011 est vraiment salutaire et elle va nous permettre d’éviter toutes les gymnastiques de ces UFR qui ne sont pas au même niveau et on s’y perd. Voyez l’UFR des Sciences Médicales, ils sont en avance d’un an sur les autres par exemple, et puis aucune heure complémentaire n’est payée ; cela peut les pousser au découragement parce qu’ils se rendent compte qu’il ne sert à rien de finir avant les autres. C’est pour cela qu’au moment où nos services compétents confectionnaient le budget, j’avais émis l’idée qu’on puisse récompenser les UFR qui auront à développer une dynamique qui permette d’avoir une année normale. On l’a intitulé ‘’Le Prix de la normalisation des années académiques’’. Nous n’avons pas encore vu la texture du budget de 2011, sinon il est prévu de récompenser l’UFR des Sciences Médicales pour que cela puisse stimuler aussi les autres et leur faire savoir qu’avoir une année normale permet de gagner quelque chose. Ce prix ayant été institué, même si le budget ne le prévoit pas, on va être obligé symboliquement de faire un geste en direction de l’UFR des Sciences Médicales pour que les autres puissent suivre. Il va y avoir une dynamique de telle sorte que nous allons retrouver le cycle normal. C’est gênant non seulement pour nos étudiants et pour nous-mêmes et même aussi, pour les parents. Les parents, à un moment donné, ne savent plus en quelle année se trouvent leurs enfants. Nous allons finir avec tout cela grâce à la décision gouvernementale et aussi grâce au prix que nous avons déjà institué.
Dominique Fadegnon (Soir Info) : Monsieur le Président, vous avez dit tout à l’heure que le budget n’est pas encore prêt. Or c’est vous qui alliez payer les frais de locations dans les Etablissements privés que vous allez utiliser à Bouaké. Vous parlez du retour le 1er octobre 2011. Ne craignez-vous pas que ces frais noient votre budget ? En clair, si ce que vous allez engager comme frais dépasse le budget, est-ce que cela ne va pas freiner votre retour à Bouaké ? Quelles sont les UFR qui vont retourner en premier ?
En ce qui concerne les frais de location, l’Université va payer. Mais, comme nous fonctionnons par rapport au budget, c’est en fonction du budget que nous allons pouvoir engager les frais de location. Je crois que cette décision gouvernementale, dans son exécution, va tenir compte des situations exceptionnelles. Si on se rend compte que les frais de location ont un montant supérieur à ce qui est prévu au budget, naturellement, nous allons recourir à la tutelle qui à son tour, va compter sur la solidarité gouvernementale en approchant le Ministre de l’Economie et des Finances pour que ce problème soit surmonté. Nous ne disons pas que si les frais font défaut, il y a des UFR qui vont devoir rester à Abidjan. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas là. Nous sommes dans un contexte qui est tel que toutes les UFR doivent considérer qu’elles sont déjà à Bouaké. Mentalement d’abord. Maintenant, comment y être spatialement ? Spatialement aussi, elles doivent considérer qu’elles y sont principiellement. Dans le principe, toutes les UFR sont à Bouaké. Toute l’administration, dans le principe, est à Bouaké. Entre le principe et la réalité, il y a les moyens à fournir. Qui doit fournir les moyens ? C’est l’Etat. Or, l’Etat a pris une décision. Donc, l’Etat fera en sorte que sa décision soit traduite dans les faits. Nous, nous faisons confiance à l’Etat pour que les choses se traduisent dans les faits.
L’hypothèse d’une UFR qui partirait, d’une autre qui resterait par manque de moyens, nous, on ne la formule plus. A l’époque, il y a de cela un an, on avait formulé cette hypothèse qu’on avait appelé ‘’Le plan de retour progressif par Cycle’’. C’était l’hypothèse qui avait prévalu à l’époque. On dira par exemple, cette année, toutes les premières années s’en vont. Le Ministre de tutelle d’alors qui est fort heureusement revenu, le Ministre Cissé Ibrahim, avait pris la décision de faire partir toutes les premières années inscrites à Bouaké. Cette décision supposait qu’on puisse réhabiliter l’intégralité des infrastructures du Campus1. Il y a eu une budgétisation de cette opération, il y a eu une amorce de réhabilitation. Mais, il y a eu des élections et le champ de la priorité s’est déplacé ; ces réhabilitations n’ont pas pu être conduites jusqu’à leur terme et nous avons alors laissé une partie des étudiants ici à Abidjan et une autre à Bouaké. Aujourd’hui, les élections présidentielles qui ont été les plus coûteuses sont terminées. Les législatives ne vont pas nous coûter aussi cher au double sens du terme. On espère que cette décision ne va pas se heurter à des obstacles rédhibitoires. Ces obstacles seront très vite levés non seulement par la vigueur de la volonté politique au sommet de l’Etat, mais aussi par le fait que nos partenaires au développement sont prêts à nous accompagner dans le processus de reconstruction. Tout cela nous donne de l’espoir et nous estimons que les choses vont se passer comme le gouvernement le souhaite et comme nous-mêmes aussi, nous le souhaitons.
Cissé Anzouman (Le Patriote) : Monsieur le Président, en septembre 2010, le même problème de budget avait été posé au cours d’une conférence de presse. Il n’était pas sûr que les nouveaux bacheliers soient orientés à l’Université de Bouaké. Est-ce qu’en définitive, vous avez pu les accueillir ?
J’avais esquissé quelques éléments de réponse. La répétition est toujours bonne dans la mesure où elle permet d’approfondir certains aspects. En 2010, lorsque nous avons posé le problème, on a eu une réunion avec le Conseil de gestion, l’une des grandes instances qui décide de certaines orientations financières de l’Université. Le Conseil de gestion nous a dit : ‘’Monsieur le Président, nous comprenons le problème, mais, pour la paix sociale, on vous demande de vous débrouiller pour ne pas que ces étudiants se retrouvent dans la rue. Débrouillez-vous’’. On a dit qu’on va le faire, mais pour 2011, il faut que le budget en tienne compte. Là maintenant, nous attendons de voir le contenu du budget pour savoir si cette préoccupation a été prise en compte.
Ce que je tiens à dire, c’est que très souvent, quand on vous dit de vous débrouiller, c’est dangereux. Vous vous débrouillez comment ? Si vous regardez bien le fonctionnement de nos Universités, vous verrez que pendant près de 20 ans on a privilégié une débrouillardise académique et épistémique qui fait qu’aujourd’hui, avec même des enseignants hautement qualifiés, il y a parfois des doutes sur les diplômes des étudiants, sur leur niveau et leur compétence.
Il faut rompre avec les anciennes pratiques. On surcharge inutilement les Institutions, on n’y met pas les moyens et on leur dit de se débrouiller. Je pense que la Côte d’Ivoire nouvelle ne devrait plus permettre ce genre de débrouillardise. Il faut que les Universités fonctionnent, je ne dirai pas idéalement, le terme est peut-être un peu fort, mais correctement.
Nous n’avons pas abordé la question du LMD. Nous sommes en 2011. Où en sommes-nous ? Nous sommes toujours dans la débrouillardise avec l’ancien système où on ne se retrouve même pas. On n’a pas encore fait le bilan du système des UV, nous en parlerons le moment venu. Et voilà un nouveau système dans lequel nous sommes en train d’entrer et qui s’impose par la mondialisation des cursus, pour ne pas que demain nos étudiants se trouvent obligés d’aller au village avec leur diplôme puisque c’est seulement là-bas que ces diplômes démonétisés pourront servir. A partir de la rentrée 2012-2013, dans la sous-région, toutes les autres universités seront au LMD. Si vous sortez de la Côte d’Ivoire avec vos diplômes de l’ancien système, on vous demandera d’aller à la campagne avec.
La débrouillardise, il faut qu’on en finisse avec. Qu’on respecte les normes d’une Institution académique. D’où vient fondamentalement le problème ? Quel est le vrai problème ?
Quand vous regardez bien, c’est parce que nous souffrons encore de l’absence de généralisation dans le corps social et politique du statut véritable d’une Université. On nous reconnaît comme un EPN, mais l’Université n’est pas un EPN comme les autres. C’est ce qui doit être encrée dans les mentalités. L’Université est un EPN spécifique. Quelle est sa spécificité ? C’est un EPN à caractère scientifique. Qu’est-ce que ça peut vouloir dire encore ? Cela signifie que c’est un EPN qui doit fonctionner selon les exigences de la science qui est universelle. Ces exigences fondent l’Université en même temps qu’elles la fécondent. Or, pour qu’elles puissent féconder l’Université, il faut que l’Université elle-même soit perçue comme citadelle de la production du savoir transformateur. Et cela nous fait malheureusement cruellement défaut.
C’est pourquoi nos Universités sont encore dans cet état. Je pense, aujourd’hui avec ce que j’ai envie d’appeler la mise en route de la Côte d’Ivoire nouvelle, nous allons pouvoir nous doter d’Universités qui soient à la hauteur de cette vision nouvelle des Universités en Afrique que nous voulons donner à notre pays. C’est tout cela qui justifie notre présence à la tête de cette Institution, parce qu’en arrivant, cette nouvelle équipe est venue avec de grandes ambitions pour l’Université. On veut être une Université de renom. Lorsque nous serons installés confortablement à Bouaké, on vous donnera deux ans ; vous allez entendre parler de cette Institution sur l’échiquier mondial. On fera en sorte que nos parents qui avaient l’habitude d’envoyer leurs enfants en Europe, en Tunisie, au Maroc…qu’ils se rendent compte que ce que nous diffusons, nous produisons ici comme savoir, n’a rien à envier aux Universités européennes ou américaines. Je dis seulement deux ans, je ne dis pas dix ans. Nous avons les compétences. Parmi nous, il y a des compétences mondiales, des enseignants de renom. Mais comme nul n’est prophète chez soi. Nous ferons en sorte que les Ivoiriens n’aient pas à gaspiller tant d’argent pour envoyer leurs enfants en Europe, aux Etats-Unis. On va donner sur place ici en Côte d’Ivoire, les connaissances, le savoir mondialement compétitif qui fera à la fois la fierté de notre Institution, de notre pays et de ses dirigeants. Lorsqu’ils vont se retrouver dans des réunions internationales, ils seront fiers de nous. C’est cela notre préoccupation majeure en arrivant à la tête de cette Institution. Travailler pour que le monde entier reconnaisse notre valeur. Qu’on ne soit pas une Université d’un pays sous développé. Non et non. Qu’on soit une Université qui puisse entrer en compétition avec toutes les autres. Dans notre fonctionnement, que nous soyons une Université ouverte. Ouverte non seulement à nos partenaires des Universités, une Université ouverte à la presse parce que nous fonctionnons dans la transparence et dans la solidarité.
S’il y a des points passés sous silence, vous pouvez les soulever. Nous voulions vous dire en termes clairs ce qu’il faut faire prévaloir concernant notre retour définitif à Bouaké. La mise en œuvre d’une décision gouvernementale par rapport à laquelle, nous, nous avons à notre humble niveau, notre partition à jouer. Le reste sera entre les mains du gouvernement. Pour ce que nous avons à faire, nous vous l’avons dit en long et en large. Avec la mise en place du budget, nous pensons que les choses vont pouvoir s’accélérer tant à notre niveau qu’au niveau gouvernemental.
Je vous remercie.
L’Attaché de Presse
PROPOS LIMINAIRES
Pour ne pas que les gens aient à épiloguer sur des rumeurs, en cette période particulièrement sensible et fragile, il n’est pas bon que se répandent sur un quelconque dossier des rumeurs, quelle qu’en soit la taille. Il faut donner aux concitoyens les informations justes. C’est pourquoi, nous avons réuni le mercredi 1er juin 2011, à l’issue d’une réunion que nous avons eue avec le cabinet, tous les Doyens, tous les chefs de services, les dirigeants syndicaux pour leur donner des informations précises sur la question du retour de l’Université de Bouaké à Bouaké. De la même façon, nous avons estimé qu’il fallait le faire pour la presse, qui est dans notre esprit et dans celui de Bouaké-la-Neuve, notre partenaire.
Ce que nous avons donné comme information à nos collaborateurs, c’est que la décision de retourner à Bouaké, cette année, en octobre 2011, est une décision gouvernementale à exécuter.
Quelle est notre part dans l’exécution de cette décision ? Notre partition à jouer va consister à faire en sorte que nous puissions identifier les structures d’accueil à Bouaké, identifier aussi les obstacles et les présenter au ministre de tutelle pour que ces difficultés soient surmontées ou amoindries, selon les moyens que le gouvernement voudra bien déployer.
Identifier les locaux. Pour le faire, une mission avait été prévue avec les membres du cabinet le 18 mai 2011. Cette mission n’a pas pu être effectuée, parce que le 18 mai, le budget n’était pas encore en place. Or, ce sont des charges que devrait assumer l’Université. Quand on n’a pas de budget, on ne peut pas mettre en route une activité quelconque nécessitant des dépenses budgétaires relativement importantes. Donc cette mission a été différée en attendant la mise en place du budget.
Mais vu les enjeux, vu l’importance de ce dossier, je dus préfinancer deux missions, mais en réduisant la délégation au service du patrimoine qui est allé à Bouaké pour prospecter. Ils sont allés voir tous les établissements qui peuvent nous abriter en attendant la construction de l’Université de Bouaké sur un site que nous avons déjà trouvé avec le concours du Préfet de région.
Les résultats de la prospection ont été présentés aux différents Doyens et Chefs de services de l’Université et ces résultats indiquent que nous avons pu obtenir, dans des établissements privés, des locaux, notamment à Mohamed V, qui est un établissement privé d’une capacité d’accueil de 1000 places. Nous avons obtenu également au Collège Poincaré des locaux d’une capacité d’accueil de 2000 places et puis à l’INFAS de Bouaké, on a pu obtenir des locaux d’une capacité d’accueil de 500 étudiants. En faisant les calculs, on est à 3500 et on a estimé qu’on pouvait aller jusqu’à 4000.
Mais, les 4000 places ne représentent que le quart de ce qu’il nous faut, parce que nous avons ici à Abidjan, entre 16 et 18000 étudiants. Il nous faut des espaces pour caser 18000 personnes. Etant donné que les résultats que nous avons exploités sont les premiers, il y a encore d’autres missions qui vont nous permettre de poursuivre les prospections et qui vont certainement nous donner d’autres résultats après la mise en place du budget. Si jusqu’à la fin de la semaine, le budget n’est pas mis en place, je serai obligé, une fois encore, vu l’importance du dossier, de préfinancer une autre mission. Celle-ci permettra de renforcer les capacités d’accueil à Bouaké, attendu que les 4000 places trouvées ne permettent pas à toute l’Université de s’installer à Bouaké. Les missions à Bouaké se poursuivront jusqu’à ce que nous puissions atteindre au moins 15000 places pour qu’en forçant un tout petit peu, l’on puisse faire partir tous les étudiants qui sont en ce moment ici à Abidjan.
Nous estimons qu’on peut être optimiste pour la quête des locaux, pour que toute l’Université se retrouve à Bouaké. Il y a des Lycées, des établissements privés qui n’avaient pas encore donné leur accord. Je peux déjà citer Bambi, Saint Viateur et bien d’autres. Je pense qu’en obtenant tous ces établissements, nous pouvons aller jusqu’à 15000 en termes de capacité d’accueil pour les infrastructures académiques.
En ce qui concerne les logements et plus précisément les cités d’étudiants, c’est le CROU (Centre régional des œuvres universitaires) qui va s’en charger.
Au-delà des locations de salles de cours, il faut consolider les infrastrures qui sont sur le Campus1, qui a encore des infrastructures à réhabiliter. S’il est réhabilité intégralement, ce Campus pourra offrir un supplément de 2000 à 3000 places. Le Campus2, lui a été détruit avec la guerre de septembre 2002. Il est irrécupérable. Il s’agira, pour cet espace, de construction et non de réhabilitation. Or, nous estimons que s’il faut construire, il ne faut pas émietter les constructions ; il faut les regrouper sur un seul espace et c’est cet espace que nous avons pu obtenir avec le concours du Préfet de Région, Préfet de Bouaké.
Vous savez bien qu’il faut des personnes pour faire fonctionner l’Université au-delà des infrastructures académiques. Il faut que ces personnes puissent se loger, loger leur famille. A ce jour, il y a au moins 800 familles à loger : enseignants-chercheurs, personnel administratif et technique de l’Université. Il faut donc trouver 800 logements potables à Bouaké.
De ce côté, les moyens étant maigres, la prospection n’a pas pu s’étendre pour produire les résultats escomptés. Le patrimoine s’est contenté des contacts avec le maire de Bouaké, qui a pu nous trouver 20 chambres climatisées dans un hôtel au tarif forfaitaire mensuel, oscillant entre 50 et 60.000 francs cfa. Donc, 20 chambres non pas pour des familles, mais pour des individus qui iront prendre une chambre d’hôtel, en attendant de trouver mieux, je pense que c’est supportable.
En regardant tout cela, nous estimons qu’en ce qui nous concerne, tout est mis en œuvre pour que cette décision gouvernementale puisse se traduire aisément dans les faits puisque les enseignants et le personnel administratif sont prêts à partir, malgré le fait qu’ils aient tout perdu à Bouaké en 2002 et ici encore, avec la bataille d’Abidjan, ils ont presque tout perdu. Ils vont recommencer leur vie et ils sont prêts à la recommencer à Bouaké, malgré les pertes subies. Ils attendent simplement que des locaux soient mis à leur disposition et cela est du devoir de l’administration de l’Université de leur trouver ces locaux, pour qu’ils aillent servir. Ils sont prêts à servir. Je sais qu’à chacune de nos réunions, ils rappellent toujours à dessein, qu’ils ont tout perdu à Bouaké en 2002 et ici à Abidjan en 2011. L’Université elle-même a perdu presque tous ses véhicules dans la grande vague de pillage qu’a connu le district d’Abidjan en avril 2011.
En dépit de cela, il y a une volonté manifeste de retourner à Bouaké et c’est cela qui est le plus important.
Personne ne conditionne le retour à Bouaké à la restitution des biens perdus. Tout le monde estime qu’il faut repartir à Bouaké en souhaitant que l’Etat ait les moyens de réhabiliter intégralement les locaux du Campus1 et de louer les locaux que nous avons identifiés à Bouaké. Voilà la situation qui prévaut aujourd’hui, la position qui est la nôtre par rapport à cette problématique du retour à Bouaké.
Voilà donc les grandes lignes de ce dossier. S’il y a des détails, s’il y a des questions particulières qui vous préoccupent, nous sommes tout ouïe pour vous répondre.
QUESTIONS ET REPONSES
Franck Souhoné (L’Inter) : Je salue la volonté du personnel de reprendre le service à Bouaké. Vous l’avez dit, il se pose un problème de logement. Quand on n’a pas de logement, on ne va pas éternellement rester dans les hôtels surtout qu’il y a seulement 20 chambres. Peut-on être efficace en ne sachant pas où dormir ?
Effectivement, le problème de logement va se poser, mais, comme on l’a dit, tout cela ne sera que provisoire. Ils seront à l’hôtel provisoirement le temps de se trouver un logement. Comme il y a un forfait mensuel de 50 à 60.000 francs cfa, je pense qu’au bout d’un mois, ils pourront effectivement trouver un logement. C’est vrai que pendant cette période à l’hôtel, ils ne seront pas performants, efficaces. Ils seront isolés, sans les membres de leur famille. Et puis les conditions d’un hôtel par rapport à un enseignant qui doit préparer ses cours, c’est vrai que l’hôtel n’est pas le lieu le mieux indiqué. Mais, c’est à titre provisoire. Je pense que la situation à Bouaké est telle qu’au bout d’un ou deux mois, ils pourront se trouver un logement.
Le problème qui a été posé par le personnel par rapport au logement, c’est que certains s’y sont déjà rendus, ils ont vu que la plupart des logements sont délabrés. Je leur ai proposé simplement qu’en l’espèce, on pourrait entrer en contact avec le propriétaire, avec un expert en bâtiment et évaluer la réhabilitation de son logement. On pourrait par exemple estimer à deux millions de francs CFA la réhabilitation de ce bâtiment et faire correspondre ce montant des mois de loyers à déduire sur les sommes dues au propriétaire pour travaux effectués. Je pense que cela devrait pouvoir constituer une solution viable et fiable parmi tant d’autres. Souvent à Abidjan, pour prendre une maison en location, on demande 3 à 6 mois de loyers, ce qui permet au propriétaire de réhabiliter la maison et d’en intégrer les coûts au loyer mensuel. Comme on le dit, à cœur vaillant, rien d’impossible. Les gens (enseignants, personnel administratif) sont déterminés et je pense que ces obstacles peuvent être aisément surmontés. Ils feront preuve d’imagination pour que les choses aillent pour le mieux.
L’Inter : Qui paye l’hôtel ?
Chacun paye sa note. Ce n’est pas l’Université qui paye, c’est comme si on vous trouvait un logement en attendant mieux. C’est vrai qu’ils auront deux loyers à payer pendant cette période, parce qu’il faut loger la famille qui sera toujours à Abidjan, pendant que les enseignants et les membres du personnel administratif et technique se cherchent un logement à Bouaké.
Didier Kei (Notre Voie) : L’année passée, vous aviez évoqué des problèmes financiers et vous aviez dit que l’Université ne pouvait pas recevoir de nouveaux bacheliers. Je me demande si ces problèmes sont résolus pour reprendre le chemin de l’école à Bouaké ?
Ensuite, je voudrais savoir vos rapports avec les FRCI ou ex-rébellion, qui sont basées à Bouaké, pour savoir le type de rapport qu’il pourrait avoir avec les étudiants afin que ces derniers soient confiants pour la reprise à Bouaké. Je prends appui sur ce qui s’est passé à Abidjan, où plusieurs étudiants ont été tués lors de la bataille d’Abidjan. Y a-t-il un climat de sécurité pour que ces étudiants repartent à Bouaké ? Aussi, c’est vous qui le dites : Le personnel administratif et technique est prêt à y retourner. Franchement, Monsieur le Président, est-ce que vous êtes certain que les conditions sont réunies présentement pour que les enseignants et le personnel technique partent à Bouaké pour reprendre le travail, vu les dégâts qu’ils ont subis en 2002 à Bouaké ?
En ce qui concerne les nouveaux bacheliers, c’est vrai l’année dernière, nous avions dit qu’il y avait un problème budgétaire qui se posait. Au-delà d’un certain nombre, il se pose un problème, lié aux heures complémentaires générées par les effectifs pléthoriques des nouveaux bacheliers. Il se trouve que depuis deux ans, les heures complémentaires ne sont payées. Est-ce qu’il faut accumuler les heures complémentaires qui vont susciter des mécontentements au niveau du corps enseignant, provoquer des grèves, qui sont à l’origine de tous les retards dans les programmations, à l’origine des bouleversements des années académiques ? Pour prévenir tout cela, on a estimé que l’Université devrait se borner à recevoir le nombre d’étudiants que peut absorber le budget. A ce jour, est-ce qu’on a la solution ? Pourquoi nous n’en parlons plus ? Nous en parlions à un moment où le budget était en train d’être confectionné pour 2011. A ce jour le budget 2011 n’est pas encore connu. Je ne peux donc rien en dire. En fonction de ce que nous allons recevoir comme budget, alors, on pourra statuer sur le nombre d’étudiants à accueillir en première année. Mais, je sais déjà à l’avance que s’il y a des problèmes cette année, vu le nouveau contexte, il nous sera demandé d’amener les enseignants à accepter de faire des heures complémentaires qui ne seront pas payées dans l’immédiat. Il va y avoir encore un cumul, mais je crois que pour la paix sociale, ces enseignants accepteront encore le cumul des heures complémentaires non payées pour que chacun apporte sa pierre aux efforts de consolidation de la paix en Côte d’Ivoire.
Sur la question des rapports avec les FRCI, vous posez le problème de la sécurité à Bouaké. Lors de notre premier voyage à Bouaké après notre élection en décembre 2009, nous sommes allés rencontrer les autorités de Bouaké, notamment les Forces nouvelles. C’était les Forces nouvelles à l’époque. Aujourd’hui, les FRCI à Bouaké ; lorsque notre responsable du patrimoine est allé à Bouaké, il a rencontré le Préfet, le Maire et le Secrétariat Général des Forces nouvelles, logé dans les locaux de l’INFAS. C’est même eux qui nous ont dit qu’ils étaient prêts à nous céder ces locaux, puisqu’ils estiment que le fonctionnement de l’Université est une priorité. Ils ont simplement demandé que le Préfet leur trouve un petit local pour qu’ils puissent poursuivre leurs activités.
En matière de sécurité notamment pour ces étudiants qui vont aller à Bouaké, une sécurité sera garantie dans les limites du comportement citoyen que ces étudiants vont adopter. S’ils partent à Bouaké et qu’ils adoptent un comportement citoyen, leur sécurité sera garantie comme pour tous les autres citoyens dans un Etat normal. Mais, s’ils y vont pour faire de la subversion, alors, nous ne serons pas en mesure de garantir leur sécurité, puisqu’ils y vont pour mener une activité autre qu’académique. S’ils vont à Bouaké pour étudier, ils étudieront puisque sur le campus, on veillera à ce que les franchises universitaires soient respectées. On veillera à ce qu’en dehors des campus, le minima de l’Etat de droit soit respecté pour quiconque agit conformément aux exigences de l’Etat de droit.
Sur les conditions qui doivent être réunies, pour un meilleur fonctionnement, je voudrais relever ici que ce sont ces conditions que nous recherchons ensemble. Lorsqu’on a fait la prospection, on a dit aux collègues ce qu’on a trouvé pour l’instant. Pour ce que nous avons trouvé, il y a des UFR qui peuvent partir dans l’immédiat, Médecine et autres UFR et les premières années. Maintenant, les conditions vont être remplies à partir de la dynamique de chaque entité, c’est-à-dire nous, administration centrale de l’Université, avons à identifier des locaux, trouver des logements, aider le personnel à se loger décemment. L’Etat, pour sa part, fera en sorte que les moyens financiers suivent pour réhabiliter ou louer les locaux, avoir des laboratoires. Une Université, ce n’est pas seulement des salles de cours, il faut trouver des laboratoires. Un laboratoire de parasitologie, d’anatomie, de Langue, de linguistique appliquée, un laboratoire des Sciences de la communication. Ce ne sont pas dans les Lycées qu’on va louer qu’on les trouvera. Il faut équiper des espaces qu’on appelle laboratoire avec un équipement spécifique. Une Université ne brille pas par ses enseignements. La qualité d’un enseignement dans une Université va de soi, principiellement parlant. Mais la recherche, c’est le champ où tout le monde entre véritablement en compétition. La qualité de la recherche ne va pas de soi. Et pour en garantir la qualité, il faut que les espaces que nous allons trouver et que nous avons déjà trouvé puissent être équipés de laboratoires, pour que nous soyons une Université et qu’on ne soit pas un grand Lycée qui fonctionne quelque part, c’est là que l’Etat aura sa partition à jouer, pour y mettre les moyens. L’Etat peut y mettre les moyens de deux façons. Soit en incluant ces moyens dans le budget ou en ayant une dotation spéciale pour que l’Université puisse fonctionner conformément aux normes internationales requises.
Chaque année, nous allons au CAMES, à l’Agrégation et il y a des normes. Il y a une Université publique en Afrique de l’Ouest francophone, qui est partie faire reconnaitre ses diplômes au CAMES et cette Université a échoué, simplement parce que toutes les conditions requises en la matière n’étaient pas réunies. Il faut donc bien être regardant dans le fonctionnement d’une Université. Lorsque nous allons nous retrouver à Bouaké, il ne faut pas que ce soit une Université rurale, indigène ; il faut qu’elle continue de garder le cap. Nous sommes l’une des rares Universités dans la sous-région à avoir fait reconnaitre presque tous ses diplômes au CAMES. Nous sommes la seule Université dans le monde francophone y compris la France, à avoir décroché la Chaire UNESCO de Bioéthique. Regardez nos résultats au CAMES, chaque année, lorsque vous prenez le concours d’Agrégation, vous prenez les CTS du CAMES, vous voyez que l’Université de Bouaké produit de très bon résultats. L’année dernière, au niveau de la titularisation, on a réalisé un taux de réussite qui était de 100%. Au niveau du concours d’Agrégation, on a également fait 100%. Voyez ces performances, il faut pouvoir les maintenir. Ce n’est pas parce que nous allons changer d’espace que nous allons tomber relativement bas. Il faut maintenir le cap et pour y arriver, nous allons solliciter l’Etat pour que les moyens soient mis à notre disposition, de façon à ce que cette Institution honore la Côte d’Ivoire, la sous-région, la Francophonie. Jusque-là, dans toute l’Afrique, la seule Chaire de Bioéthique était « anglophone » : la Chaire UNESCO de Bioéthique installée à Nairobi. Nous avons eu la chance de décrocher cette Chaire à travers l’Université de Bouaké. Ce sont des choses qu’il faut préserver. Pour les préserver, la seule volonté des enseignants ne suffit pas, il faut une volonté politique qui puisse nous accompagner en mettant à notre disposition, les moyens qu’il faut pour nous rendre mondialement compétitifs. La compétition en ce qui concerne l’Université de Bouaké, nous ne la menons pas nationalement, pas pour seulement la sous-région, nous voulons la mener mondialement. Il n’y a pas de raison qu’un enseignant-chercheur de l’Université de Bouaké ne puisse pas se comparer à son collègue du Canada, de la France ou des Etats-Unis ! Pourquoi voulez-vous que nous soyons toujours à nous comparer entre pays sous développés ? Nous avons de grandes ambitions. On veut rayonner internationalement. Que la communauté internationale sache que quelque part en Afrique, il y a une Université dénommée Université de Bouaké qui a des compétences qu’on peut exploiter mondialement, que l’Etat de Côte d’Ivoire peut exploiter pour conduire sa politique de développement. C’est cela l’état d’esprit des chercheurs qui sont à l’Université de Bouaké et de l’équipe dirigeante de cette Institution.
Les dégâts qui ont été causés ne nous détournent pas de nos ambitions. En 2002, on a tout perdu à Bouaké, notre matériel pédagogique, didactique, scientifuqe. Et nous sommes venus à Abidjan. Voilà qu’avec la bataille d’Abidjan, on a encore presque tout perdu. Au niveau de l’administration, on a perdu presque tous nos véhicules de service. Cela ne doit pas nous décourager. L’Etat aujourd’hui est dans une situation extrêmement complexe. Regardez l’Economie, elle s’est affaissée complètement, chacun a une petite part de sacrifice à faire pour relancer la machine. Les dégâts causés ne doivent pas nous décourager, bien au contraire, ils doivent nous amener à redoubler d’efforts, mais dans un élan de solidarité pour que nous puissions faire surface et rebâtir notre Economie, nos Institutions, qui ont le devoir d’être des Institutions fortes.
Ce n’est pas aisé de faire des estimations chiffrées des dégâts subis. Le samedi 4 juin, on croyait avoir bouclé le dossier des véhicules perdus lorsqu’on m’a appelé pour dire qu’il y avait des hommes en armes qui venaient d’emporter les deux cars de l’Université stationnés à la Faculté de Médecine de Cocody. Nous avons appelé les numéros utiles en notre possession et promptement, les FRCI ont rattrapé ces gens qui partaient avec les cars. Il est difficile de donner des chiffres, vu qu’à chaque fois, il faut les modifier. On a introduit deux dossiers au Ministère avec des chiffres différents. Une première fois, on avait arrêté la liste des véhicules emportés et trois jours plus tard, on apprend qu’un autre véhicule a été emporté. On espère que la série va s’arrêter pour que nous puissions déposer définitivement le dossier concernant l’estimation des pertes.
Pour 2002, le chiffre avait déjà été arrêté. Il y a eu deux niveaux de pertes. Il y a les pertes au niveau des effets du personnel administratif et technique (véhicules, tout ce que contenait les maisons), cela a été estimé autour de 3 milliards de francs cfa. Le matériel de l’administration, autour de 2 milliards de francs cfa. Sur les deux milliards de francs cfa, il faut compter 1 milliard de francs cfa de matériels lourds que les Espagnols avaient installés à la Faculté de Médecine. Avec la bataille d’Abidjan, on a fait des estimations, mais comme elles ne sont pas définitives, on ne peut pas les mettre à votre disposition. Dans une semaine ; on a été agréablement surpris par la rapidité avec laquelle les FRCI ont rattrapé ceux qui volaient les cars, nous estimons que progressivement la sécurité va être renforcée, et puis nous serons en mesure de vous donner des chiffres qui ne vont plus être modifiés.
Marcelline Gneproust (Fraternité Matin) : J’ai deux petites préoccupations. La première, vous avez dit tout à l’heure que les enseignants ont quitté Bouaké. Maintenant pour y retourner, des dispositions ont été prises telles que des chambres d’hôtels, à des prix forfaitaires. Y a-t-il un intéressement particulier pour eux ? Deuxième point, les étudiants. Vous avez pris des dispositions pour le personnel administratif et technique, mais 18000 étudiants, qui plaide pour leur cause ?
En ce qui concerne les enseignants, le moment viendra où on leur rendra un vibrant hommage pour les sacrifices consentis. Vous l’avez dit, c’est vrai, à Bouaké, ils ont perdu des choses. Ils sont venus à Abidjan, ils ont remis les choses en marche. Ici à Abidjan encore, ils ont perdu leurs biens et on leur demande de remettre la machine en marche cette fois à Bouaké. Est-ce qu’il y a un intéressement particulier pour eux ? Eux-mêmes,(je l’ai déjà vu parce qu’ils avaient produit un document à travers leur syndicat ) attendent de l’Etat qu’il leur offre en partant à Bouaké des kits (sommes forfaitaires).
Ce sera difficile pour l’Etat, quand vous regardez la situation économique d’accéder à cette demande. Lorsque parfois vous ne pouvez pas donner de l’argent à une personne, des paroles solennelles remplacent tout l’Or qu’on peut lui donner. Je l’ai expérimenté ici lorsque certains agents se sont montrés excellents et qu’à une réunion, ils ont été félicités publiquement. C’est parfois l’équivalent d’une somme d’argent qu’on aurait pu leur donner. Ces enseignants, nous ne manqueront pas de mots pour les féliciter et c’est cela qui leur donne le moral chaque fois qu’ils ont des sacrifices à consentir.
Pour l’instant, au vu de la situation économique désastreuse que connaît la Côte d’Ivoire, je pense qu’on se contentera de les encourager, de les féliciter à un plus haut niveau, pas seulement au niveau de l’Institution universitaire. Souvent, on donne des médailles, tout cela peut contribuer symboliquement à tenir lieu d’intéressement particulier pour ces enseignants. Il faut adapter les choses au contexte. Lorsque l’Etat sera plus fort, lorsque la relance économique sera faite, je pense que ces enseignants ne seront pas oubliés. Toute la nation voit que malgré tout ce qui s’est passé, l’Université de Bouaké a continué à fonctionner sans interruption véritable. En plus, quand ils vont sur la scène internationale, leurs résultats sont honorables. Le moment venu, la nation leur exprimera la reconnaissance qu’il faut.
Il y a des Universités qui, dès qu’il y a quelques coups de feu, décrètent une année blanche ou une année consommée, arrêtent de fonctionner toute une année. Or, l’Université de Bouaké, malgré la situation de 2002 et celle de 2011, elle continue de fonctionner. Tout cela par la dynamique des enseignants et du personnel administratif et technique, très dévoués. Le moment venu, la nation se souviendra des sacrifices consentis par ce personnel.
Qui doit plaider pour les étudiants ? La plaidoirie, le mot est peut-être un peu fort, mais, nous avons le devoir de former, encadrer les étudiants. Mais nous n’avons pas le devoir de les loger. Les enseignants sont prêts à former les étudiants. Leurs logements, leurs activités socioculturelles, cela relève d’un autre établissement public national (EPN) qu’on appelle le CROU. Connaissant la directrice du CROU, très dynamique, elle aussi à son niveau tentera de faire ce qu’il faut pour ces 18000 étudiants en fonction des moyens mis à sa disposition. Après cette rencontre, nous allons l’informer que tout ce contingent sera à Bouaké à partir de l’année prochaine. Il faudra peut-être insister pour voir ce qut reste encore à faire au niveau de la restauration, des logements… pour ces 18000 étudiants qui s’ajoutent au 3500 déjà présents à Bouaké. Nous ferons ce qu’il faut en faveur des étudiants dans les limites de notre statut (Université publique) et le reste sera confié aux œuvres universitaires pour ne pas que les étudiants aient le sentiment d’être des laissés pour compte à Bouaké.
Jean Roche Kouamé (L’Expression) : J’ai deux petites questions. La première, c’est à combien s’élève le budget de l’Université de Bouaké ? La deuxième, les heures complémentaires. Aujourd’hui, l’Etat doit combien aux enseignants ?
Vos questions sont précises, mais vous n’aurez pas de réponses précises. Si vous venez au lendemain des notifications budgétaires adressées aux EPN, tout de suite, on vous présentera notre budget. Ce ne sont pas des choses à cacher. Généralement lorsque le budget arrive, on fait des notifications pour que les Doyens reçoivent leurs dotations. En ce qui concerne le budget, on est obligé d’attendre qu’on nous communique notre budget pour vous dire exactement quel est le budget de l’Université de Bouaké.
Les heures complémentaires, c’est presque le même problème. Les années sont un peu alambiquées, mais à la faveur de la décision gouvernementale, on n’aura plus ce genre de gymnastique à faire. A partir d’octobre 2011, pour les heures complémentaires, tout le monde reprend à zéro. C’est une nouvelle année 2011-2012 pour tout le monde. Aujourd’hui, certaines UFR sont en 2008, d’autres en d’autres encore en 2010. On leur a demandé de faire le point, parce que quand le budget arrive, il faut pouvoir engager les états. Il y a eu des états qui sont arrivés et qu’on n’a pas pu engager. Le service financier ne les a pas pris en compte parce que la dotation budgétaire que nous avions ne permettait pas d’engager ces heures complémentaires. Ce qui explique le fait qu’il y a des sommes liées aux heures complémentaires qui sont encore dans les structures et qui n’ont pas pu être engagées parce que la dotation budgétaire était insuffisante pour supporter ces charges. Quand on aura le budget et qu’on aura su ce que le budget peut supporter, on va récapituler et engager toutes ces heures et on vous dira, voilà ce que nous avons comme montant des heures complémentaires. Je suis donc désolé de ne pas pouvoir vous le donner parce qu’il y a une éthique de l’exécution budgétaire qui fait que vous ne pouvez pas engager des choses au-delà de votre budget. Vous ne pouvez pas non plus prendre des engagements quand le budget n’est pas là. Vous ne pouvez pas non plus annoncer des choses qui ne seront peut-être pas prévues au budget. Il faut toujours attendre d’avoir votre budget avec vous, regarder ce qu’il contient avant d’avancer quoi que ce soit. Que ce soit le montant, que ce soit un autre type de dépenses à effectuer, cette éthique doit être observée. Tout cela nous contraint à attendre. Je pense que ça ne devrait pas pouvoir tarder.
Diarrasouba Sory (Le Nouveau Réveil) : Monsieur le Président, vous avez dit tout à l’heure que l’Université de Bouaké n’a jamais arrêté de fonctionner. Quelle est la situation académique ? Est-ce que toutes les UFR sont au même niveau ? Qui est en retard ? Qui est en avance ? Est-ce que les examens vont se dérouler dans la même période surtout pour les 3500 étudiants qui sont restés à Bouaké ?
Il faut le savoir, que ce soit à Abidjan ou à Bouaké, pour l’Université de Cocody et Abobo-Adjamé, vous remarquez qu’en Côte d’Ivoire, d’une façon générale dans les Universités, les UFR ne sont pas au même niveau. Pour l’Université de Bouaké à Abidjan, les UFR ne sont pas au même niveau. Il y a les UFR des Sciences Médicales qui sont très en avance, qui sont mêmes proches du cycle normal. Il suffit de leur donner un petit coup de pouce parce qu’il y a des vacations qui ne sont pas payées qui ont été assurées par les collègues de l’Université de Cocody et qui ne sont pas enthousiastes pour venir poursuivre les cours ou faire les examens et cela retarde l’UFR. Ce matin, j’ai demandé à Madame le Doyen de me donner la liste des vacataires dont elle a besoin, parce qu’il y a une bonne liste, mais ceux qui sont vraiment indispensables, pour les contenter un peu.
Après l’UFR des Sciences médicales, il y a l’UFR Communication, Milieu et société (CMS) qui est en réalité l’ancienne Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Eux, ils ne sont pas très loin de l’UFR Médecine, c’est environ 2 à 3 mois de retard sur l’UFR Médecine. Après, vient l’UFR des Sciences Economiques qui est à environ 9 mois de retard sur l’UFR des Sciences Médicales. Il y a par la suite l’UFR des Sciences Juridiques qui a environ une année de retard sur l’UFR des Sciences Médicales. Mais on ne peut pas globaliser les années de retard dans ces deux UFR parce que vous verrez que selon qu’on est en première année, deuxième année, en Licence ou en Maîtrise, il y a des avancées. Nous pensons que la décision prise par le ministère de faire commencer une année nouvelle en octobre 2011 est vraiment salutaire et elle va nous permettre d’éviter toutes les gymnastiques de ces UFR qui ne sont pas au même niveau et on s’y perd. Voyez l’UFR des Sciences Médicales, ils sont en avance d’un an sur les autres par exemple, et puis aucune heure complémentaire n’est payée ; cela peut les pousser au découragement parce qu’ils se rendent compte qu’il ne sert à rien de finir avant les autres. C’est pour cela qu’au moment où nos services compétents confectionnaient le budget, j’avais émis l’idée qu’on puisse récompenser les UFR qui auront à développer une dynamique qui permette d’avoir une année normale. On l’a intitulé ‘’Le Prix de la normalisation des années académiques’’. Nous n’avons pas encore vu la texture du budget de 2011, sinon il est prévu de récompenser l’UFR des Sciences Médicales pour que cela puisse stimuler aussi les autres et leur faire savoir qu’avoir une année normale permet de gagner quelque chose. Ce prix ayant été institué, même si le budget ne le prévoit pas, on va être obligé symboliquement de faire un geste en direction de l’UFR des Sciences Médicales pour que les autres puissent suivre. Il va y avoir une dynamique de telle sorte que nous allons retrouver le cycle normal. C’est gênant non seulement pour nos étudiants et pour nous-mêmes et même aussi, pour les parents. Les parents, à un moment donné, ne savent plus en quelle année se trouvent leurs enfants. Nous allons finir avec tout cela grâce à la décision gouvernementale et aussi grâce au prix que nous avons déjà institué.
Dominique Fadegnon (Soir Info) : Monsieur le Président, vous avez dit tout à l’heure que le budget n’est pas encore prêt. Or c’est vous qui alliez payer les frais de locations dans les Etablissements privés que vous allez utiliser à Bouaké. Vous parlez du retour le 1er octobre 2011. Ne craignez-vous pas que ces frais noient votre budget ? En clair, si ce que vous allez engager comme frais dépasse le budget, est-ce que cela ne va pas freiner votre retour à Bouaké ? Quelles sont les UFR qui vont retourner en premier ?
En ce qui concerne les frais de location, l’Université va payer. Mais, comme nous fonctionnons par rapport au budget, c’est en fonction du budget que nous allons pouvoir engager les frais de location. Je crois que cette décision gouvernementale, dans son exécution, va tenir compte des situations exceptionnelles. Si on se rend compte que les frais de location ont un montant supérieur à ce qui est prévu au budget, naturellement, nous allons recourir à la tutelle qui à son tour, va compter sur la solidarité gouvernementale en approchant le Ministre de l’Economie et des Finances pour que ce problème soit surmonté. Nous ne disons pas que si les frais font défaut, il y a des UFR qui vont devoir rester à Abidjan. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas là. Nous sommes dans un contexte qui est tel que toutes les UFR doivent considérer qu’elles sont déjà à Bouaké. Mentalement d’abord. Maintenant, comment y être spatialement ? Spatialement aussi, elles doivent considérer qu’elles y sont principiellement. Dans le principe, toutes les UFR sont à Bouaké. Toute l’administration, dans le principe, est à Bouaké. Entre le principe et la réalité, il y a les moyens à fournir. Qui doit fournir les moyens ? C’est l’Etat. Or, l’Etat a pris une décision. Donc, l’Etat fera en sorte que sa décision soit traduite dans les faits. Nous, nous faisons confiance à l’Etat pour que les choses se traduisent dans les faits.
L’hypothèse d’une UFR qui partirait, d’une autre qui resterait par manque de moyens, nous, on ne la formule plus. A l’époque, il y a de cela un an, on avait formulé cette hypothèse qu’on avait appelé ‘’Le plan de retour progressif par Cycle’’. C’était l’hypothèse qui avait prévalu à l’époque. On dira par exemple, cette année, toutes les premières années s’en vont. Le Ministre de tutelle d’alors qui est fort heureusement revenu, le Ministre Cissé Ibrahim, avait pris la décision de faire partir toutes les premières années inscrites à Bouaké. Cette décision supposait qu’on puisse réhabiliter l’intégralité des infrastructures du Campus1. Il y a eu une budgétisation de cette opération, il y a eu une amorce de réhabilitation. Mais, il y a eu des élections et le champ de la priorité s’est déplacé ; ces réhabilitations n’ont pas pu être conduites jusqu’à leur terme et nous avons alors laissé une partie des étudiants ici à Abidjan et une autre à Bouaké. Aujourd’hui, les élections présidentielles qui ont été les plus coûteuses sont terminées. Les législatives ne vont pas nous coûter aussi cher au double sens du terme. On espère que cette décision ne va pas se heurter à des obstacles rédhibitoires. Ces obstacles seront très vite levés non seulement par la vigueur de la volonté politique au sommet de l’Etat, mais aussi par le fait que nos partenaires au développement sont prêts à nous accompagner dans le processus de reconstruction. Tout cela nous donne de l’espoir et nous estimons que les choses vont se passer comme le gouvernement le souhaite et comme nous-mêmes aussi, nous le souhaitons.
Cissé Anzouman (Le Patriote) : Monsieur le Président, en septembre 2010, le même problème de budget avait été posé au cours d’une conférence de presse. Il n’était pas sûr que les nouveaux bacheliers soient orientés à l’Université de Bouaké. Est-ce qu’en définitive, vous avez pu les accueillir ?
J’avais esquissé quelques éléments de réponse. La répétition est toujours bonne dans la mesure où elle permet d’approfondir certains aspects. En 2010, lorsque nous avons posé le problème, on a eu une réunion avec le Conseil de gestion, l’une des grandes instances qui décide de certaines orientations financières de l’Université. Le Conseil de gestion nous a dit : ‘’Monsieur le Président, nous comprenons le problème, mais, pour la paix sociale, on vous demande de vous débrouiller pour ne pas que ces étudiants se retrouvent dans la rue. Débrouillez-vous’’. On a dit qu’on va le faire, mais pour 2011, il faut que le budget en tienne compte. Là maintenant, nous attendons de voir le contenu du budget pour savoir si cette préoccupation a été prise en compte.
Ce que je tiens à dire, c’est que très souvent, quand on vous dit de vous débrouiller, c’est dangereux. Vous vous débrouillez comment ? Si vous regardez bien le fonctionnement de nos Universités, vous verrez que pendant près de 20 ans on a privilégié une débrouillardise académique et épistémique qui fait qu’aujourd’hui, avec même des enseignants hautement qualifiés, il y a parfois des doutes sur les diplômes des étudiants, sur leur niveau et leur compétence.
Il faut rompre avec les anciennes pratiques. On surcharge inutilement les Institutions, on n’y met pas les moyens et on leur dit de se débrouiller. Je pense que la Côte d’Ivoire nouvelle ne devrait plus permettre ce genre de débrouillardise. Il faut que les Universités fonctionnent, je ne dirai pas idéalement, le terme est peut-être un peu fort, mais correctement.
Nous n’avons pas abordé la question du LMD. Nous sommes en 2011. Où en sommes-nous ? Nous sommes toujours dans la débrouillardise avec l’ancien système où on ne se retrouve même pas. On n’a pas encore fait le bilan du système des UV, nous en parlerons le moment venu. Et voilà un nouveau système dans lequel nous sommes en train d’entrer et qui s’impose par la mondialisation des cursus, pour ne pas que demain nos étudiants se trouvent obligés d’aller au village avec leur diplôme puisque c’est seulement là-bas que ces diplômes démonétisés pourront servir. A partir de la rentrée 2012-2013, dans la sous-région, toutes les autres universités seront au LMD. Si vous sortez de la Côte d’Ivoire avec vos diplômes de l’ancien système, on vous demandera d’aller à la campagne avec.
La débrouillardise, il faut qu’on en finisse avec. Qu’on respecte les normes d’une Institution académique. D’où vient fondamentalement le problème ? Quel est le vrai problème ?
Quand vous regardez bien, c’est parce que nous souffrons encore de l’absence de généralisation dans le corps social et politique du statut véritable d’une Université. On nous reconnaît comme un EPN, mais l’Université n’est pas un EPN comme les autres. C’est ce qui doit être encrée dans les mentalités. L’Université est un EPN spécifique. Quelle est sa spécificité ? C’est un EPN à caractère scientifique. Qu’est-ce que ça peut vouloir dire encore ? Cela signifie que c’est un EPN qui doit fonctionner selon les exigences de la science qui est universelle. Ces exigences fondent l’Université en même temps qu’elles la fécondent. Or, pour qu’elles puissent féconder l’Université, il faut que l’Université elle-même soit perçue comme citadelle de la production du savoir transformateur. Et cela nous fait malheureusement cruellement défaut.
C’est pourquoi nos Universités sont encore dans cet état. Je pense, aujourd’hui avec ce que j’ai envie d’appeler la mise en route de la Côte d’Ivoire nouvelle, nous allons pouvoir nous doter d’Universités qui soient à la hauteur de cette vision nouvelle des Universités en Afrique que nous voulons donner à notre pays. C’est tout cela qui justifie notre présence à la tête de cette Institution, parce qu’en arrivant, cette nouvelle équipe est venue avec de grandes ambitions pour l’Université. On veut être une Université de renom. Lorsque nous serons installés confortablement à Bouaké, on vous donnera deux ans ; vous allez entendre parler de cette Institution sur l’échiquier mondial. On fera en sorte que nos parents qui avaient l’habitude d’envoyer leurs enfants en Europe, en Tunisie, au Maroc…qu’ils se rendent compte que ce que nous diffusons, nous produisons ici comme savoir, n’a rien à envier aux Universités européennes ou américaines. Je dis seulement deux ans, je ne dis pas dix ans. Nous avons les compétences. Parmi nous, il y a des compétences mondiales, des enseignants de renom. Mais comme nul n’est prophète chez soi. Nous ferons en sorte que les Ivoiriens n’aient pas à gaspiller tant d’argent pour envoyer leurs enfants en Europe, aux Etats-Unis. On va donner sur place ici en Côte d’Ivoire, les connaissances, le savoir mondialement compétitif qui fera à la fois la fierté de notre Institution, de notre pays et de ses dirigeants. Lorsqu’ils vont se retrouver dans des réunions internationales, ils seront fiers de nous. C’est cela notre préoccupation majeure en arrivant à la tête de cette Institution. Travailler pour que le monde entier reconnaisse notre valeur. Qu’on ne soit pas une Université d’un pays sous développé. Non et non. Qu’on soit une Université qui puisse entrer en compétition avec toutes les autres. Dans notre fonctionnement, que nous soyons une Université ouverte. Ouverte non seulement à nos partenaires des Universités, une Université ouverte à la presse parce que nous fonctionnons dans la transparence et dans la solidarité.
S’il y a des points passés sous silence, vous pouvez les soulever. Nous voulions vous dire en termes clairs ce qu’il faut faire prévaloir concernant notre retour définitif à Bouaké. La mise en œuvre d’une décision gouvernementale par rapport à laquelle, nous, nous avons à notre humble niveau, notre partition à jouer. Le reste sera entre les mains du gouvernement. Pour ce que nous avons à faire, nous vous l’avons dit en long et en large. Avec la mise en place du budget, nous pensons que les choses vont pouvoir s’accélérer tant à notre niveau qu’au niveau gouvernemental.
Je vous remercie.
L’Attaché de Presse