Certains articles de la constitution ivoirienne posent problème à tel point qu’ils ne devraient pas être épargnés par les modifications annoncées par le chef de l’Etat.
Des responsables de la société civile l’ont affirmé. Des leaders politiques l’ont confirmé : la constitution ivoirienne contient des articles à problème. Que d’aucuns ont qualifiés de « confligènes ». Pour certains, le texte fondamental a créé le lit de l’instabilité politico-sociale que connaissait le pays depuis 2000.
L’article le plus indexé est le 35 qui est relatif aux critères d’éligibilité. « Confligène » depuis la constitution de la première République, ledit article aurait dû être moins polémique lors du référendum de 2000 initié par le gal Guéi Robert. Hélas, pour la Côte d’Ivoire, les ambitions politiques de ce dernier prendront le-dessus sur la préservation de l’unité nationale. La valse grammaticale qui s’en est suivie entraîna les Ivoiriens dans un débat entre deux conjonctions de coordination : le ‘’et’’ et le ‘’ou’’. Finalement, le ‘’et’’ a été retenu pour donner à l’article 35 sa formulation actuelle : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible qu'une fois. Le candidat à l'élection présidentielle doit être âgé de 40 ans au moins et de 75 ans au plus. Il doit être Ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité (…) ». Pour des observateurs de la scène politique nationale, cet article vise une catégorie de personnes. Selon Me Affoussy Bamba, cet article « est un non-sens » dans la mesure où, signale-t-elle, notre nation qui est jeune, indépendante depuis seulement une cinquantaine d’années, est une ancienne colonie française. « Comment demander alors à une personne qui est elle-même née avant l’indépendance d’avoir des parents d’origine ivoirienne ? », s’interroge Me Affoussy.
Article 35 : la plus critiquée
L’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, avait d’ailleurs confessé qu’il vise son adversaire politique : « L’article 35 de la constitution a été fait pour régler le cas Ouattara ». En clair, la loi fondamentale qui est censée servir l’intérêt général, être impersonnel et un gage de la cohésion nationale ne l’était pas. Autre article à problème, le 132. Qui stipule qu’ « il est accordé l'immunité civile et pénale aux membres du Comité national de salut public (Cnsp) et à tous les auteurs des évènements ayant entraîné le changement de régime intervenu le 24 décembre 1999 ». Des spécialistes estiment que cet article ajouté à la constitution de 2000- sous le régime militaire - vise à mettre les membres du Cnsp à l’abri. « Une constitution ne doit pas contenir une telle disposition. C’est faire le lit de l’impunité. Cela empêche la Côte d’Ivoire de ratifier le Traité de Rome (créant la Cour pénale internationale, ndlr) », explique Joël N’Guessan, ancien ministre des droits de l’Homme. Il fait référence à une décision du Conseil constitutionnel dans laquelle cette haute juridiction soutient que des dispositions du statut de Rome sont contraires à la constitution nationale. Pour y remédier, comme le stipule l’article 86, le conseil constitutionnel a alors souligné qu’une révision du texte fondamental s’impose avant la ratification dudit traité.
Au-delà du volet politique, des articles liés à d’autres domaines sont incriminés. Les spécialistes soutiennent que la constitution doit être révisée afin que la séparation des pouvoirs soit réelle. Selon eux, des articles donnent des pouvoirs illimités au président de la République. Ce qui lui permet de contourner les autres pouvoirs en prenant des ordonnances. L’exemple de l’article 80 sur l’adoption du budget est éloquent. Alors que l’article 79 stipule que « l'Assemblée nationale vote le projet de loi de finances dans les conditions déterminées par la loi », le suivant indique : « si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée dans un délai de soixante-dix jours, le projet de loi peut être mis en vigueur par ordonnance ». Ce qui, dans une jeune démocratie comme la nôtre, pose problème. Autant dire que c’est le président de la République qui arrête le budget puisqu’il peut le faire sans le parlement.
La liste n’est certes pas exhaustive. Comme le conseille Me Affoussy Bamba, la constitution doit être passée au peigne fin afin d’en retirer « tous les articles qui posent problème. Ce doit être un travail rigoureux, scientifique sans aucune passion ».
Ce n’est pas Alassane Ouattara qui dira le contraire. Lui contre qui les adversaires politiques se sont longtemps prévalue du texte fondamental comme arme politique. « La loi a par nature vocation à servir l’intérêt général ; il est donc impérieux que la Constitution, notre loi fondamentale, soit le reflet de cette volonté de servir l’intérêt général. Notre Constitution actuelle par certaines de ses dispositions, ne peut remplir complètement cette mission », a fait remarquer le président de la République, le jeudi 4 août dernier, lors de la cérémonie de prestation de serment du président du Conseil constitutionnel. « J’entends lui apporter des modifications en vue de nous rassembler, de renforcer notre cohésion et de nous conduire sur le chemin d’un Etat démocratique, moderne et respectueux des droits de l’Homme », a-t-il annoncé à cette occasion.
Bamba K. Inza
Des responsables de la société civile l’ont affirmé. Des leaders politiques l’ont confirmé : la constitution ivoirienne contient des articles à problème. Que d’aucuns ont qualifiés de « confligènes ». Pour certains, le texte fondamental a créé le lit de l’instabilité politico-sociale que connaissait le pays depuis 2000.
L’article le plus indexé est le 35 qui est relatif aux critères d’éligibilité. « Confligène » depuis la constitution de la première République, ledit article aurait dû être moins polémique lors du référendum de 2000 initié par le gal Guéi Robert. Hélas, pour la Côte d’Ivoire, les ambitions politiques de ce dernier prendront le-dessus sur la préservation de l’unité nationale. La valse grammaticale qui s’en est suivie entraîna les Ivoiriens dans un débat entre deux conjonctions de coordination : le ‘’et’’ et le ‘’ou’’. Finalement, le ‘’et’’ a été retenu pour donner à l’article 35 sa formulation actuelle : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible qu'une fois. Le candidat à l'élection présidentielle doit être âgé de 40 ans au moins et de 75 ans au plus. Il doit être Ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité (…) ». Pour des observateurs de la scène politique nationale, cet article vise une catégorie de personnes. Selon Me Affoussy Bamba, cet article « est un non-sens » dans la mesure où, signale-t-elle, notre nation qui est jeune, indépendante depuis seulement une cinquantaine d’années, est une ancienne colonie française. « Comment demander alors à une personne qui est elle-même née avant l’indépendance d’avoir des parents d’origine ivoirienne ? », s’interroge Me Affoussy.
Article 35 : la plus critiquée
L’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, avait d’ailleurs confessé qu’il vise son adversaire politique : « L’article 35 de la constitution a été fait pour régler le cas Ouattara ». En clair, la loi fondamentale qui est censée servir l’intérêt général, être impersonnel et un gage de la cohésion nationale ne l’était pas. Autre article à problème, le 132. Qui stipule qu’ « il est accordé l'immunité civile et pénale aux membres du Comité national de salut public (Cnsp) et à tous les auteurs des évènements ayant entraîné le changement de régime intervenu le 24 décembre 1999 ». Des spécialistes estiment que cet article ajouté à la constitution de 2000- sous le régime militaire - vise à mettre les membres du Cnsp à l’abri. « Une constitution ne doit pas contenir une telle disposition. C’est faire le lit de l’impunité. Cela empêche la Côte d’Ivoire de ratifier le Traité de Rome (créant la Cour pénale internationale, ndlr) », explique Joël N’Guessan, ancien ministre des droits de l’Homme. Il fait référence à une décision du Conseil constitutionnel dans laquelle cette haute juridiction soutient que des dispositions du statut de Rome sont contraires à la constitution nationale. Pour y remédier, comme le stipule l’article 86, le conseil constitutionnel a alors souligné qu’une révision du texte fondamental s’impose avant la ratification dudit traité.
Au-delà du volet politique, des articles liés à d’autres domaines sont incriminés. Les spécialistes soutiennent que la constitution doit être révisée afin que la séparation des pouvoirs soit réelle. Selon eux, des articles donnent des pouvoirs illimités au président de la République. Ce qui lui permet de contourner les autres pouvoirs en prenant des ordonnances. L’exemple de l’article 80 sur l’adoption du budget est éloquent. Alors que l’article 79 stipule que « l'Assemblée nationale vote le projet de loi de finances dans les conditions déterminées par la loi », le suivant indique : « si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée dans un délai de soixante-dix jours, le projet de loi peut être mis en vigueur par ordonnance ». Ce qui, dans une jeune démocratie comme la nôtre, pose problème. Autant dire que c’est le président de la République qui arrête le budget puisqu’il peut le faire sans le parlement.
La liste n’est certes pas exhaustive. Comme le conseille Me Affoussy Bamba, la constitution doit être passée au peigne fin afin d’en retirer « tous les articles qui posent problème. Ce doit être un travail rigoureux, scientifique sans aucune passion ».
Ce n’est pas Alassane Ouattara qui dira le contraire. Lui contre qui les adversaires politiques se sont longtemps prévalue du texte fondamental comme arme politique. « La loi a par nature vocation à servir l’intérêt général ; il est donc impérieux que la Constitution, notre loi fondamentale, soit le reflet de cette volonté de servir l’intérêt général. Notre Constitution actuelle par certaines de ses dispositions, ne peut remplir complètement cette mission », a fait remarquer le président de la République, le jeudi 4 août dernier, lors de la cérémonie de prestation de serment du président du Conseil constitutionnel. « J’entends lui apporter des modifications en vue de nous rassembler, de renforcer notre cohésion et de nous conduire sur le chemin d’un Etat démocratique, moderne et respectueux des droits de l’Homme », a-t-il annoncé à cette occasion.
Bamba K. Inza