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Politique Publié le lundi 5 septembre 2011 | Le Patriote

Amélioration de la santé des populations, racket dans les hôpitaux, financement de la santé… Pr Thérèse N`dri-Yoman (ministre de la Santé et de la Lutte contre le sida) : “Ce que l`Etat a décidé de faire”

La santé des populations ivoiriennes préoccupe les autorités ivoiriennes. Au terme de la 61ème session de l'OMS pour l'Afrique, dont elle juge le bilan positif, le Pr Thérèse N'dri-Yoman, ministre de la Santé et de la Lutte contre le sida, a bien voulu, le temps d'un entretien, dévoiler les chantiers du gouvernement pour l'amélioration de la santé des populations.
Le Patriote : Quelles sont les dispositions prises par les ministres de la Santé lors du Rc 61 pour accélérer le financement de la santé dans les régions africaines membres de l'OMS ?
Pr N'dri-Yoman : Il est important de souligner la particularité de cette 61ème session du comité régional de l'OMS pour l'Afrique, c'est la participation des ministres de l'Economie et des Finances. Cette réunion conjointe a permis aux uns et aux autres de mieux cerner les difficultés des ministres de la Santé. Depuis 2001 à Abuja, les chefs d'Etat Africains ont pris la décision d'octroyer 15% du budget national à la santé. Mais 10 ans après, on se rend compte que très peu de pays ont pu réaliser cet engagement. En Côte d'Ivoire, nous sommes en moyenne autour de 5% du budget national. Certains pays ont atteint 9%, d'autres 12%. Même les pays qui ont eu un avancement dans l'octroi de ces fonds, sont en recul, étant donné la situation de crise économique que nous connaissons de par le monde. Devant ces ministres, il a été décidé de concert que nous analysions les problèmes de santé publique pour que nous agissions pour la même population. Autant on peut octroyer des montants importants pour d'autres activités gouvernementales, autant il faut penser à doter les ministères de la santé de moyens conséquents pour qu'on ait un impact réel sur l'Etat de santé des populations. On a souligné le fait qu'il y ait une interrelation entre nos différentes activités parce que vous devez savoir qu'en matière de santé il y a deux problèmes majeurs : l'accessibilité financière et l'accessibilité géographique. S'il n'y a pas de route, si les infrastructures sont très éloignées, c'est sûr qu'on n'aura pas de bons résultats. Si on donne un financement pour faire les routes, le ministère de la santé ne va pas se plaindre dans la mesure où il y aura une meilleure accessibilité géographique au niveau des centres de santé. Partant d'ici, nous avons dit que nous ne voulons plus de promesses non tenues. Il faudrait qu'une fois, arrivés dans nos pays, qu'il y ait des comités de réflexion et des comités interministériels pour pouvoir aborder les questions de santé.

L.P : Y a-t-il une particularité ivoirienne en termes de meilleure pratique dans le domaine du financement de la santé?
Pr N-Y : Nous sommes un nouveau gouvernement. Le président de la République a pris fonction seulement le 21 avril 2011 et le gouvernement a été mis en place dans sa totalité le 1er juin. Par rapport au financement, je crois que le président de la République, ainsi que le 1er ministre ont pris la santé comme un domaine prioritaire. C'est pourquoi, il y a un axe stratégique majeur qui a été défini au niveau de la Côte d'Ivoire. Il s'agit de la réorganisation du système de santé ivoirien, car vous savez que la Côte d'Ivoire a payé un lourd tribut de la crise et particulièrement dans le domaine de la santé. Nos infrastructures ont été pillées, les équipements ont été emportés, le personnel dispersé. On a un véritable problème au niveau du secteur de la santé. Le Président et le 1er ministre sont conscients de cela. C'est pourquoi dès le 16 avril déjà, nous avons opté de façon transitoire pour la gratuité totale des soins. Toutes les prestations sanitaires sont gratuites dans les hôpitaux publics, parapublics et communautaires conventionnés. C'est-à-dire consultations, analyses, interventions chirurgicales, hospitalisations…. sont toutes gratuites. Du coup, cela nous permet avec un peu d'aisance d'aborder l'OMD 5, à savoir la réduction de la mortalité maternelle avec la césarienne. Et les accouchements étant également gratuits, on a eu un fort taux de fréquentation des établissements sanitaires. Le Président n'a également pas hésité à faire décaisser des sommes importantes pour l'achat des médicaments. Puisque du fait de cette gratuité, il y a eu une surconsommation en soins mais aussi en médicaments et autres intrants stratégiques, tels que les réactifs et les films. Aujourd'hui, avec preuve à l'appui, l'Etat Ivoirien a décaissé 5,2 milliards pour l'achat des médicaments pour pouvoir supporter cette gratuité des soins. Il est important de noter cet effort pour un pays qui sort de crise. En ce qui concerne la santé en côte d'Ivoire, je sais que j'aurai l'appui du président de la République, pourvu que nous ayons une bonne gouvernance. Pour l'Afrique, et cela est valable pour la Côte d'Ivoire, il faut que nous oeuvrions pour des bonnes pratiques en matière de santé. Que nous évitions les rackets, les détournements de médicaments. Si nous ne nous départissions pas de ces mauvaises pratiques, nous aurons toujours de faibles interlocuteurs. Nous devons adopter de meilleures pratiques de gestion pour obtenir de meilleurs résultats.

L.P : Vous avez été élue présidente de la session. Quel sera votre rôle pendant votre mandat ?
Pr N-Y : Concernant mes nouvelles fonctions, pendant un an, je m'attelerai à suivre la mise en œuvre des décisions arrêtées lors de cette session. Notamment la question de la poliomyélite qui est devenue un problème africain avec la résurgence du poliovirus sauvage. Il faudrait que cette maladie soit éradiquée. Dans l'ensemble, je vais m'atteler à ce qu'il y ait un suivi des différentes résolutions prises.

L.P : Quelles dispositions comptez-vous mettre en place pour mettre fin aux rackets, détournements de malades et vols des médicaments dans les hôpitaux ivoiriens ?
Pr N-Y : Je suis du milieu, je suis médecin et professeur de médecine. Cela veut dire que je connais le milieu médical mais aussi les praticiens. Lorsque je suis arrivée, la première chose que j'ai faite, ce sont des visites de terrain. Les journalistes ont trouvé que ce n'était pas des activités, mais pour nous c'était important de nous rendre sur le terrain pour sensibiliser les agents de santé. Nous n'allons pas seulement pour regarder les bâtiments et l'état des lieux, mais pour voir comment les agents travaillent et leur porter un message. C'était la phase de désensibilisation au cours de laquelle nous dénoncions tous les manquements que sont les détournements, le racket et autres. Et, il n'y a pas très longtemps, après deux ou trois visites, j'ai dit aux agents de santé de Divo que la phase de sensibilisation était terminée et que nous passons maintenant à la phase de sanction. Et, heureusement, que je l'ai dit publiquement. Deux semaines après, nous apprenons que pour un problème de racket de 150 000 Fcfa pour une césarienne, il y a eu deux décès, la maman et le fœtus. Quand on est médecin, il y a des situations pour lesquelles la césarienne est obligatoire, où il ne faut pas tergiverser. Et c'est quand la femme a déjà eu au moins deux césariennes. Et cette dame qui était à sa 7ème grossesse avait déjà eu deux césariennes. En plus, il y avait une disproportion fœto-pelvienne et elle ne pouvait pas accoucher par voie basse. Devant une telle situation, même un généraliste n'hésite pas à poser une indication de césarienne et à faire la césarienne d'emblée. Ils ont hésité parce qu'elle ne pouvait pas payer 150 000 Fcfa et ils ont proposé 50 000Fcfa par la suite, qu'elle ne pouvait pas payer. Elle est allée accoucher à la maison et les décès s'en sont suivis. Les médecins et tous ceux qui étaient impliqués dans l'affaire ont été sanctionnés. Ils sont suspendus, ils vont passer en conseil de discipline. Ils ont été d'abord mis en garde à vue par le préfet, et je ne suis pas intervenue parce que cela est considéré comme un homicide involontaire. J'envoyais des inspections sur le terrain chaque fois qu'on nous disait qu'il y avait des ventes de médicaments au sein de l'hôpital. Ce n'est pas normal. On peut remettre une ordonnance à un patient lorsque le médicament n'est pas disponible sur le terrain pour qu'il aille l'acheter en officine, mais pas au sein de l'hôpital. Au sein de l'hôpital, il y a une pharmacie et un médecin n'est pas un pharmacien, un infirmier n'est pas un pharmacien. S'il a des médicaments c'est qu'il les a détournés. Nous allons mettre en place un numéro vert. Je pense qu'à partir du mardi, on aura le numéro vert. On a fait des démarches pour cela auprès du ministère des Ntic et de l'Atci, où chaque fois qu'il y aura des manquements, que ce soit immédiatement répercuté et que des inspections aillent aussitôt constater les faits. Ce sera une réaction très rapide. On ne va pas attendre des dénonciations pour agir. Chaque fois qu'on nous appelle, on se rend sur place, si le cas est vérifié, on prend la sanction qui s'impose. C'est par cette mesure qu'on arrivera à mettre fin à ces mauvaises pratiques.

L.P : Vous avez été nommée ministre de la Santé, il y a quelques mois, quelles seront vos priorités pour permettre au secteur de la santé fragilisé, de reprendre sa vitesse de croisière ?
Pr N-Y : Aujourd'hui, vous savez qu'il y a beaucoup à faire au niveau des infrastructures. Mais, dans un premier temps, notre priorité, c'est d'œuvrer pour la réduction de la mortalité maternelle. Parce que nous avons constaté que trop de femmes meurent en couche. Ensuite, on passera à la phase de réhabilitation des infrastructures sanitaires. Nous allons également réhabiliter les urgences médicales et toutes les maternités. Toutes ces actions auront pour objectif d'apporter une certaine commodité et permettre aux mamans de rester au moins 48 hà l'hôpital après l'accouchement. Pour qu'elles restent au moins 48 h, il faut de l'eau chaude, des toilettes, il faut qu'elles aient aussi la possibilité de se nourrir. Ce seront nos activités prioritaires.
Réalisée par Anzoumana Cissé
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