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Société Publié le mardi 6 septembre 2011 | Nord-Sud

Recensement des fonctionnaires - Gnamien Konan (Ministre de la Fonction publique) : “Les faux fonctionnaires vont rembourser les salaires”

Dans cette interview, le ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative développe les enjeux de l’opération de recensement des fonctionnaires qu’il a initiée. Gnamien Konan parle également de la simplification des procédures administratives, la réforme des retraites, les concours, etc.

Vos services auraient récemment démasqué 7247 fonctionnaires fictifs. Combien coûtaient-ils à l’Etat et quel sera leur sort ?
Il n’y a jamais eu à ce stade de fonctionnaires fictifs. C’est en croisant le fichier de la fonction publique et celui de la solde que nous avons trouvé 7000 fonctionnaires ayant un matricule et qui étaient enregistrés dans le fichier de la fonction publique et non dans celui de la solde. Nous les avons retirés du fichier de la fonction publique. En fin de compte, parvenir à un fichier unique Solde-Fonction publique est l’un des objectifs que nous poursuivons. Au total, ils ne coûtaient rien encore à l’Etat, puisqu’ils n’étaient pas pris en compte par la solde.

Comment est-ce possible ? A partir du moment où leurs noms figuraient quelque part, ne devraient-ils pas être payés ?
Une chose est sûre, ils n’étaient pas payés par l’Etat. Ce sont des personnes qui ont été recrutés mais qui n’ont pas travaillé. Il faut un certificat de prise de service et un arrêté de nomination avant d’être payé par la solde. On ne sait pas qui les payait. Ils ne se sont pas plaints parce qu’ils ne travaillaient pas.

Qu’est-ce qui motive cette opération et quel est son coût ?
La maîtrise des effectifs et de la masse salariale d’une part, et d’autre part la mise en place d’une base de données fiable, permettront la mise en place d’une gestion automatisée des ressources humaines de l’Etat. Vous savez, les effectifs de la fonction publique ont connu une augmentation de 44% au cours de la dernière décennie, générant une augmentation de la masse salariale qui représente, à elle seule, aujourd’hui, plus de 40% de nos ressources budgétaires propres. Pénalisant ainsi les investissements. L’opération de contrôle des effectifs en cours est budgétisée à 250 millions de FCFA.

Le recensement de certains corps comme celui des enseignants a été reporté. Cela ne risque-t-il pas de porté préjudice au processus global ?
Nous sommes payés pour gérer les risques et les préjudices.

Que dites-vous aux fonctionnaires encore en exil qui risquent de ne pas se faire recenser ?
L’Etat de Côte d’Ivoire ne paye que les fonctionnaires qui travaillent. Le statut de fonctionnaire ne suffit pas pour être payé. Si vous êtes en exil, vous ne travaillez pas. Automatiquement, votre salaire ne sera plus payé.

Le retard enregistré dans le démarrage du recensement des fonctionnaires n’aura-t-il pas d’impact sur la suite de l’opération ?
Le retard a forcément un impact sur le délai de fin prévu. Nous avons voulu améliorer l’organisation en donnant la possibilité et le temps aux fonctionnaires de choisir leur lieu de recensement. Cela nous a coûté plus de trois semaines. Mais c’était important d’aménager un peu de confort pour les agents de l’Etat.

Quelle est la procédure pour se faire recenser ? Qui est concerné ?
Tous les fonctionnaires et agents de l’Etat régis par le statut général de la fonction publique sont appelés à se faire recenser. Ils doivent retirer une attestation établie à leur nom, la faire viser par leurs deux responsables hiérarchiques pour attester leur présence effective dans un service de l’Etat et la ramener au lieu de leur recensement.

A la fin de l’opération, doit-on s’attendre à des sanctions ?
La seule sanction, c’est de demander aux personnes qui ont indûment perçu des sommes sous forme de salaire de rembourser intégralement cet argent. Conformément à la loi.

Comment comptez-vous les retrouver ?
La justice va les rechercher et ils paieront ce qu’ils devront à l’Etat ou à la nation.

Selon vous, comment des personnes ont-elles pu se retrouver sur la liste des salariés de l’Etat sans avoir été régulièrement recrutées ?
S’il s’agit de fonctionnaires dits fictifs, pour une raison ou pour une autre, ils n’existent plus à la fonction publique. Soit ce sont des cas de décès, soit ce sont des personnes reconverties dans le privé.

Vous avez également lancé l’informatisation de la notation et de l`évaluation des agents? En quoi va consister cette évaluation ? Sera-t-elle assortie de sanction ? Quel genre de sanction pour quelle faute ?
Elle vise d’abord à régler les problèmes de l’administration publique en Côte D’Ivoire. Il faut revenir à la notation et à l’évaluation périodique des agents. Si nous voulons les mêmes niveaux de performances que le privé, il nous faut faire les avancements et les promotions au mérite. Donc, il faut noter les fonctionnaires comme par le passé. L’informatique nous donnera la possibilité de le faire efficacement et de pouvoir exploiter les résultats de ces notes dans une transparence totale. Lorsque nous aurons un tel système en place, nous n’aurons plus besoin de faire ce recensement populaire. L’informatique détectera les fonctionnaires sans évaluation c’est-à-dire ceux qui n’ont pas travaillé. Les conséquences seront aussi immédiatement tirées.

Pouvez-vous déjà indiquer quelques critères de la notation ?
La discipline, le rendement, la tenue, l’esprit d’équipe, la ponctualité, etc.

Qu’est-ce qui est prévu pour les meilleurs fonctionnaires ?
Les meilleurs vont avancer normalement et auront de la promotion.

Un fonctionnaire risque-t-il le renvoi à l’issue de ces notations ? Peut-on avoir une idée du seuil intolérable c’est-à-dire la note qui peut valoir une radiation ?
Selon les cas, on peut aller jusqu’à les traduire devant le conseil de discipline pour radiation. Un zéro à la ponctualité vaut le renvoi. Cela suppose que le supérieur hiérarchique estime que le fonctionnaire n’a pas respecté les horaires de travail une année durant.

Pouvez-vous regarder aujourd’hui les Ivoiriens droit dans les yeux et leur garantir que jamais sous vous on ne sera recruté à la fonction publique parce qu’on a payé ou parce qu’on a un parent bien placé ?
Même vous qui êtes devant moi, je peux vous regardez droit dans les yeux et dire que sous Gnamien Konan, il n’y aura pas de concours payés. Que celui qui veut payer sache qu’il risque de payer pour rien. Il faut déjà être très bon avant d’être admis. Si vous n’êtes pas bon, vous ne pourrez pas réussir aux concours.

Peut-on dire que les recrutements directs sont de vieux souvenirs, même quand celui qui vous approche est une autorité du gouvernement ?
Pour être fonctionnaire, il faut passer par un concours ou bénéficier d’une décision exceptionnelle du président de la République. Pour des raisons qui lui appartiennent, un ministre peut décider de recruter des jeunes Ivoiriens sans que pour cela, ils ne deviennent des fonctionnaires. Il y a deux voies pour devenir fonctionnaire. Il y a le concours et la décision exceptionnelle du président de la république. Il n’y a pas d’autres moyens.

N’est-ce pas la porte ouverte aux dérives qu’on a connues dans le passé ?
Il n’y a pas de dérives. Un ministre, pour des raisons qui lui sont propres peut décider de recruter. Et le jour où il n’est plus ministre, ces gens vont arrêter de travailler. Les ministres aussi sont notés. S’ils décident de recruter uniquement ses parents pour faire son travail, alors il sera noté avec ses parents. Aujourd’hui, on évalue les ministres, je ne vois pas celui qui va engager des collaborateurs incompétents sous le seul prétexte que ce sont ses parents.

Parlons de la réforme des retraites. En quoi consiste cet autre projet ?
L’ambition du gouvernement est d’éviter le drame des fonctionnaires retraités sans ressources et quelque fois avec des scolarisés à charge. Ainsi, nous voulons faire en sorte que la première pension suive immédiatement le denier salaire, sans rupture.

Vous aviez annoncé que dès le mois de septembre, le fonctionnaire admis à la retraite au mois d’août percevrait illico sa première pension. Nous sommes en septembre, combien sont les premiers bénéficiaires de cette mesure ?
Vous ne pouvez pas être plus pressés que le gouvernement. L’opération tiroir a permis de traiter 11 556 dossiers dont 742 dossiers de pension. Nous sommes en train de simplifier les procédures, toutes les procédures.

Les admis à la retraite antérieurement à cette mesure et qui n’avaient jusqu’alors pas perçu leur première pension sont-ils pris en compte ? A quoi doivent-ils s’en tenir ?
C’est de ceux-là que je viens de parler. Leur liste sera bientôt disponible sur notre site internet.

Quels sont les types d’actes les plus sollicités, à ce jour, au sortir de l’opération «tiroir »?
Vous avez les actes de nomination, de promotion, de premier mandatement, de reclassement, de titularisation, de changement de nom, de retour ou de mise en disponibilité, de liquidation de pension, de décès en activité, etc.

A quand la disparition totale des «margouillats» autour des bâtiments administratifs ?
Quand le processus d’informatisation atteindra un niveau significatif, c’est-à-dire vers la fin du premier trimestre 2012, tous les dysfonctionnements, les abus, les escroqueries s’en iront avec leurs auteurs et leurs complices.

Aujourd’hui, quel est le délai de rigueur pour la délivrance d’un acte administratif ? En cas de non-respect du délai par les services commis à cette tâche, le fonctionnaire a-t-il un recours ?
Notre ambition est le traitement des dossiers en 48h dans un service. Mais il faut attendre que certaines réformes se cristallisent. La semaine prochaine, nous installerons à la fonction publique, un guichet pour les recours et les réclamations. Dans quelques semaines, nous installerons l’OSEP, l’Observatoire des Services Publics qui aura pour mission de recevoir les plaintes des usagers victimes de dysfonctionnements des services publics.

L’assainissement de l’accès à la fonction publique est l’une de vos ambitions. Qu’est-ce qui est mis en place depuis votre présence au gouvernement pour lutter contre la fraude aux concours ? En quoi est-ce que ces mesures sont-elles efficiences ?
Vous ne pouvez pas épurer l’aval si vous n’épurez pas l’amont. Vous ne pouvez vraiment assainir l’administration publique si vous n’en assainissez pas l’accès. Nous avons déjà écrit aux différents ministères pour que les différents services nous indiquent avec le maximum de précisions leurs besoins en personnel. C’est-à-dire les compétences dont ils ont effectivement besoin. Nous recruterons donc les meilleurs pour les services demandeurs. La Côte d’Ivoire a évolué. Là où il y a trente ans, on avait trente maîtrisards ; aujourd’hui, nous avons trois cent DEA ou niveau équivalent. L’administration peut, elle aussi, à présent, s’offrir le luxe de ne prendre que les meilleurs.

Comment se dérouleront désormais les concours de manière pratique ? Par exemple, on a constaté que précédemment, à cause de l’insuffisance des salles, plusieurs candidats occupaient le même banc, ce qui était propice à la tricherie…Qu’en sera-t-il de l’usage des téléphones portables, les permissions pour aller aux toilettes, etc.?
Si vous voulez recruter les meilleurs, il faut améliorer les conditions d’organisation des concours.

Qui peut être désormais candidat au concours d’entrée à l’Ena ? Les conditions d’admissibilité vont-elles changer ? Si oui, quel est l’élément nouveau ?
Tous ceux dont le profil correspond aux besoins des services pourront concourir. Il n’y aura pas plus d’admis que le budget ne le permette.

Vous souhaitez aussi que l’accès à la fonction publique réponde aux besoins des administrations. Doit-on s’attendre à un nettoyage dans les jours à venir, allant dans ce sens ? Autrement dit, comptez-vous décompresser les administrations inutilement pléthoriques ? La programmation des concours va-t-elle tenir compte de cette exigence ?
C’est un vrai problème. On a recruté ces dernières années sans tenir compte des besoins réels des services. C’est pourquoi les secteurs sociaux que sont la santé et l’éducation sont toujours déficitaires, malgré une augmentation de plus de 40% de l’effectif en 10 ans. Et, quand l’administration aura atteint un niveau suffisant d’informatisation, ce problème va s’exacerber. Il faut le traiter maintenant. C’est indispensable que les concours futurs en tiennent compte.

Dès votre prise de fonction, plusieurs résultats de concours ont été annulés pour des raisons liées à la crise post-électorale. Si votre démarche semble justifiée, il n’en demeure pas moins que des milliers d’Ivoiriens sont à la rue de ce fait. Des admis ont même imploré votre clémence à travers la presse, arguant qu’ils ne sont pas responsables de cette crise politique. Mais rien n’a été fait pour les soulager. Aujourd’hui, avec un peu de recul, n’avez-vous pas des regrets ?
Des concours ont été organisés par un gouvernement illégitime. Une ordonnance présidentielle est venue annuler tous les actes pris par ce gouvernement. Il n’y a plus de débat à ce niveau. Concernant les concours organisés avant le 04 décembre 2010, les résultats tenant compte du budget de l’Etat et des besoins réels des services seront bientôt connus. Quant aux nombreux jeunes sans emplois, j’éprouve naturellement beaucoup de tristesse pour eux. Mais le travail du gouvernement consiste à mettre en place les meilleures conditions et une administration publique efficace pour que le secteur privé puisse créer des emplois.

La révision des textes régissant la carrière du fonctionnaire va-t-elle toucher les conditions de la reconversion professionnelle ? Si oui à quel niveau ?
Les nouveaux emplois, l’avancement, les sanctions, la rémunération, les primes et indemnités, il y a de nombreuses choses à toucher ou à retoucher.

Qu’est ce qui sera fait pour limiter les reconversions ?
Il faut améliorer les conditions de travail, revoir la rémunération et harmoniser les primes et les indemnités.

On constate par exemple que beaucoup d’enseignants ont abandonné les classes pour d’autres administrations. Beaucoup d’autres fonctionnaires sont partis de leur domaine pour d’autre. Doit-on s’attendre au retour de ces agents de l’Etat à leurs secteurs d’origine ?
Je crois qu’il faut être réaliste. Ce qu’on doit faire c’est empêcher que ce phénomène continue. Un professeur qui a eu une formation de juriste ou de fiscaliste à l’Ecole nationale d’administration (Ena) et qui est devenu fiscaliste, on ne peut pas le faire revenir. Il n’aurait jamais dû partir puisque ce sont des secteurs qui sont déficitaires contrairement aux autres. Les secteurs sociaux comme la santé et l’éducation sont déficitaires. On n’aurait jamais dû permettre cela. Ceux qui sont partis, il faut être réaliste, on ne va pas les rappeler.
Le pré-forum social de Grand-Bassam avait planché sur l’harmonisation des grilles salariales pour mettre fin aux disparités. Il a recommandé entre autres le relèvement de la grille salariale de 150 points d’indice pour tous les fonctionnaires qui n’en ont pas déjà bénéficié dans le cadre de réforme sectorielle. Allez-vous tenir compte de ces résolutions. Sinon, comment comptez-vous pallier à l’injustice des diplômes égaux-salaires différents dénoncée par certains fonctionnaires ?
Le président a promis aux Ivoiriens de rétablir la justice et l’équité. Je pense que ce n’est pas une déclaration gratuite. Il faut mettre cela en application. En ce qui me concerne, je ferai tout pour qu’il y ait une forme de justice dans la fonction publique. Pour les résolutions du pré-forum, il faut attendre le point d’achèvement de l’initiative Ppte. Je ne sais comment on peut faire autrement. Puisque déjà, la masse salariale telle que inscrite au budget actuel est insoutenable.

La promesse sera-elle tenue ?
Le moment venu, cette promesse sera tenue.

En d’autres termes, faut-il s’attendre au déblocage des salaires à l’issue de l’opération de recensement ?
L’opération de recensement n’a pas pour vocation de débloquer les salaires. Nous voulons savoir le nombre de fonctionnaires dans l’administration ivoirienne.

L’opération de recensement vous permettra certainement de mieux maîtriser la masse salariale et de réaliser des économies. Ce gain ne peut-il être reversé ailleurs ?
Nous découvrons plusieurs milliers de fonctionnaires qui sont recrutés qui sont en poste et qui n’ont pas de salaires. Il va falloir régulariser la situation de ces personnes. On retrouvera autant de fonctionnaires fictifs que ceux dont la situation est à régulariser.

Les personnels de santé, les enseignants du primaire au supérieur et bien d’autres corps de métiers attendent l’entrée en vigueur des effets financiers de leurs profils de carrière ou de leurs statuts particuliers. Avez-vous déjà échangé avec les syndicats concernés ? Etes-vous sûrs qu’ils laisseront suffisamment de temps pour répondre à leurs attentes avant d’entamer des protestations comme des grèves ?
Ce n’est pas une question de temps, c’est une question de moyens. C’est une question de budget quelles que soient les protestations qu’ils vont faire. Tant que le budget ne permet pas d’y faire, face ces protestations seront vaines. On leur a demandé d’attendre le point s’achèvement de l’initiative Ppte. Eux comme moi sommes dans la même attente.

Interview réalisée par Nesmon De Laure et Cissé Sindou
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