« Que le gouvernement répare l’injustice»
Vous faites partie des étrangers nés avant 1972, vous avez entamé la procédure en vue de régulariser votre situation conformément à l’accord de Marcoussis. Où en êtes-vous ?
Nous sommes nés Ivoiriens. Certaines personnes dans notre situation sont même nées Françaises. Je suis né avant les indépendances, je suis devenu par la suite Ivoirien. Et à 12 ans, j’ai perdu ma nationalité ivoirienne. J’ai usurpé pendant des années, la nationalité burkinabé. Je suis redevenu ivoirien dernièrement après avoir épousé une ivoirienne. Je me suis enrôlé et j’ai eu ma carte nationale d’identité. Mais beaucoup de personnes n’ont pas eu la même chance que moi. Parce qu’avec l’accord de Marcoussis, il était question de la suppression de la carte de séjour, et ceux qui sont installés en Côte d’Ivoire avant l’indépendance devaient choisir entre la nationalité ivoirienne et la nationalité d’origine. L’ancien gouvernement a mis en application ces textes. Ils nous ont demandés un certain nombre de documents. Ces documents ont été fournis. Les postulants ont même payé 10.000 Fcfa. Et pourtant, ce n’était pas prévu par la loi.
Combien de personnes sont concernées par cette affaire ?
Je ne suis pas en mesure de vous le dire le nombre exact, mais je sais qu’il y a un grand nombre de personnes. Il y avait un délai court qui a été donnée. C’était deux mois. Le gouvernement n’a pas communiqué, c’était de bouche à oreille qu’on avait appris cela. Au niveau de la communauté burkinabé, j’ai essayé de communiquer sur une radio de proximité. J’ai fait ce que je pouvais pour faire passer le message. Mais beaucoup d’hommes n’ont pas pu faire comme moi. La communauté burkinabé ne se limite pas seulement à Abidjan.
Quelles étaient les pièces exigées à l’époque pour constituer le dossier ?
Il fallait l’extrait de naissance, ensuite montrer un document qui prouve que pendant des années vous avez vécu en Côte d’Ivoire. Dans mon cas, j’ai donné tout ce qu’on m’avait exigé.
Avez-vous mené des démarches pour savoir ce qui bloquait les dossiers ?
Je ne suis pas surpris parce que j’ai introduit ma demande de naturalisation en bonne et due forme en 1985. En 1998, ma demande a été traitée puis transmise au ministère de la Justice, ensuite au secrétariat général du gouvernement et Bédié était encore au pouvoir. Je suis resté à l’écoute jusqu’à ce que le président Bédié parte. Lorsque je suis y allé après on m’a dit que les dossiers ont été détruits du fait du coup d’Etat. J’ai tout fait pour sortir ma décision d’enquête mais malgré tout ça rien n’a bougé. On nous fait comprendre que les documents étaient à la résidence du président. D’autres personnes nous disent que des dossiers ont été retrouvés au ministère de la Jeunesse. Je pense que le cabinet du Garde des Sceaux peut mieux vous renseigner. Moi, par exemple, mon cas est résolu parce que j’ai épousé une ivoirienne comme l’indique les accords de Marcoussis. Mais là aussi, il y a un problème. La commune de Cocody, par exemple, refuse de délivrer un document important qu’on appelle, l’attestation de déclinaison. Un de mes cousins qui a épousé une Ivoirienne, a été frustré. Les mairies de Cocody et de Yopougon lui ont refusé le document. La loi est applicable à tous les maires, qu’ils soient, Fpi, Pdci ou Rdr. Ce sont des choses à éviter. Il faut que le ministre Hamed Bakayoko ouvre les yeux sur ce sujet.
Qu’attendez-vous particulièrement du ministre de la justice ?
Je lui demande de sortir ces dossiers du tiroir. Il ne sert à rien d’avoir peur. Il faut jeter un coup d’œil sur les pays qui entourent la Côte d’Ivoire. Le droit de sol est à la base de tous les problèmes que nous vivons en Côte d’Ivoire. Je prends le cas d’un pays comme le Ghana, vous verrez un Zongo qui est député à l’Assemblée nationale et ça ne gène personne. C’est pareil pour le Burkinabé Faso. Là bas, vous verrez des Diakité, des Ivoiriens dans le gouvernement. Au Burkina, c’est le droit du sol qui prévaut. Lorsque vous êtes né sur le territoire, à partir de 15 ans, vous allez au commissariat pour vous faire établir une carte d’identité sans certificat de nationalité. Il faut essayer de revoir ces choses. J’ai suivi une conférence sur la question. Et sur plusieurs pays de l’Afrique, la Côte d’Ivoire était classée dernière. Généralement ici, ce sont des Ivoiriens qui sont traités comme des étrangers.
Vous préconisez donc le retour au droit de sol pour régler les problèmes…
Avant même le retour du droit au sol, le président Ouattara est bien placé pour savoir ce que c’est que la contestation de la nationalité. Je n’ai rien à lui apprendre. En Côte d’Ivoire, c’est lui qui a le plus vécu cette expérience. Je demande seulement qu’il fasse ressortir les dossiers bloqués à la présidence avant la fin de l’année pour qu’on répare les injustices. Qu’il donne les papiers à ceux qui en ont droit. La Côte d’Ivoire a été bâtie avec la sueur de tout le monde. Nos parents sont morts. Tout le monde sait ce qui s’est passé. Vous verrez que dans la construction du troisième pont, il y aura tout le monde. On ne dira pas : « les Ivoiriens, venez poser le béton dans l’eau. » C’est tous les ouvriers, sans distinction d’origine, qui le feront. Celui qui a peur d’un étranger ne doit pas avoir un bébé chez lui. Car le bébé est un étranger dans la famille qu’on finit par adopter.
Interview réalisée par Traoré M. Ahmed
Vous faites partie des étrangers nés avant 1972, vous avez entamé la procédure en vue de régulariser votre situation conformément à l’accord de Marcoussis. Où en êtes-vous ?
Nous sommes nés Ivoiriens. Certaines personnes dans notre situation sont même nées Françaises. Je suis né avant les indépendances, je suis devenu par la suite Ivoirien. Et à 12 ans, j’ai perdu ma nationalité ivoirienne. J’ai usurpé pendant des années, la nationalité burkinabé. Je suis redevenu ivoirien dernièrement après avoir épousé une ivoirienne. Je me suis enrôlé et j’ai eu ma carte nationale d’identité. Mais beaucoup de personnes n’ont pas eu la même chance que moi. Parce qu’avec l’accord de Marcoussis, il était question de la suppression de la carte de séjour, et ceux qui sont installés en Côte d’Ivoire avant l’indépendance devaient choisir entre la nationalité ivoirienne et la nationalité d’origine. L’ancien gouvernement a mis en application ces textes. Ils nous ont demandés un certain nombre de documents. Ces documents ont été fournis. Les postulants ont même payé 10.000 Fcfa. Et pourtant, ce n’était pas prévu par la loi.
Combien de personnes sont concernées par cette affaire ?
Je ne suis pas en mesure de vous le dire le nombre exact, mais je sais qu’il y a un grand nombre de personnes. Il y avait un délai court qui a été donnée. C’était deux mois. Le gouvernement n’a pas communiqué, c’était de bouche à oreille qu’on avait appris cela. Au niveau de la communauté burkinabé, j’ai essayé de communiquer sur une radio de proximité. J’ai fait ce que je pouvais pour faire passer le message. Mais beaucoup d’hommes n’ont pas pu faire comme moi. La communauté burkinabé ne se limite pas seulement à Abidjan.
Quelles étaient les pièces exigées à l’époque pour constituer le dossier ?
Il fallait l’extrait de naissance, ensuite montrer un document qui prouve que pendant des années vous avez vécu en Côte d’Ivoire. Dans mon cas, j’ai donné tout ce qu’on m’avait exigé.
Avez-vous mené des démarches pour savoir ce qui bloquait les dossiers ?
Je ne suis pas surpris parce que j’ai introduit ma demande de naturalisation en bonne et due forme en 1985. En 1998, ma demande a été traitée puis transmise au ministère de la Justice, ensuite au secrétariat général du gouvernement et Bédié était encore au pouvoir. Je suis resté à l’écoute jusqu’à ce que le président Bédié parte. Lorsque je suis y allé après on m’a dit que les dossiers ont été détruits du fait du coup d’Etat. J’ai tout fait pour sortir ma décision d’enquête mais malgré tout ça rien n’a bougé. On nous fait comprendre que les documents étaient à la résidence du président. D’autres personnes nous disent que des dossiers ont été retrouvés au ministère de la Jeunesse. Je pense que le cabinet du Garde des Sceaux peut mieux vous renseigner. Moi, par exemple, mon cas est résolu parce que j’ai épousé une ivoirienne comme l’indique les accords de Marcoussis. Mais là aussi, il y a un problème. La commune de Cocody, par exemple, refuse de délivrer un document important qu’on appelle, l’attestation de déclinaison. Un de mes cousins qui a épousé une Ivoirienne, a été frustré. Les mairies de Cocody et de Yopougon lui ont refusé le document. La loi est applicable à tous les maires, qu’ils soient, Fpi, Pdci ou Rdr. Ce sont des choses à éviter. Il faut que le ministre Hamed Bakayoko ouvre les yeux sur ce sujet.
Qu’attendez-vous particulièrement du ministre de la justice ?
Je lui demande de sortir ces dossiers du tiroir. Il ne sert à rien d’avoir peur. Il faut jeter un coup d’œil sur les pays qui entourent la Côte d’Ivoire. Le droit de sol est à la base de tous les problèmes que nous vivons en Côte d’Ivoire. Je prends le cas d’un pays comme le Ghana, vous verrez un Zongo qui est député à l’Assemblée nationale et ça ne gène personne. C’est pareil pour le Burkinabé Faso. Là bas, vous verrez des Diakité, des Ivoiriens dans le gouvernement. Au Burkina, c’est le droit du sol qui prévaut. Lorsque vous êtes né sur le territoire, à partir de 15 ans, vous allez au commissariat pour vous faire établir une carte d’identité sans certificat de nationalité. Il faut essayer de revoir ces choses. J’ai suivi une conférence sur la question. Et sur plusieurs pays de l’Afrique, la Côte d’Ivoire était classée dernière. Généralement ici, ce sont des Ivoiriens qui sont traités comme des étrangers.
Vous préconisez donc le retour au droit de sol pour régler les problèmes…
Avant même le retour du droit au sol, le président Ouattara est bien placé pour savoir ce que c’est que la contestation de la nationalité. Je n’ai rien à lui apprendre. En Côte d’Ivoire, c’est lui qui a le plus vécu cette expérience. Je demande seulement qu’il fasse ressortir les dossiers bloqués à la présidence avant la fin de l’année pour qu’on répare les injustices. Qu’il donne les papiers à ceux qui en ont droit. La Côte d’Ivoire a été bâtie avec la sueur de tout le monde. Nos parents sont morts. Tout le monde sait ce qui s’est passé. Vous verrez que dans la construction du troisième pont, il y aura tout le monde. On ne dira pas : « les Ivoiriens, venez poser le béton dans l’eau. » C’est tous les ouvriers, sans distinction d’origine, qui le feront. Celui qui a peur d’un étranger ne doit pas avoir un bébé chez lui. Car le bébé est un étranger dans la famille qu’on finit par adopter.
Interview réalisée par Traoré M. Ahmed