«Les grands pays doivent comprendre que l’on ne peut pas vivre éternellement à crédit et qu’ils doivent penser aux générations futures (…) Les dirigeants africains ont mis du temps à comprendre qu’il fallait gérer l’économie avec des critères très simples d’équilibre budgétaire, de maîtrise de l’inflation et de recherche de la compétitivité». L’auteur de ces propos tenus dans Le Figaro, à l’occasion de la remise du prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, est Alassane Ouattara. Entre ce qu’il dit et ce qu’il fait, il y a un véritable abysse. Car depuis qu’il a été installé par les armes à la tête de la Côte d’Ivoire par l’Onu et la France, le pays est inondé de dettes. Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, lui qui avait pourtant déclaré se promener avec un conteneur d’argent. Certains parlent de pluie de milliards, d’autres d’endettement intelligent. Mais, à l’évidence, il s’agit de pluie de crédits, voire d’ouragan de crédits qui, dans le contexte économique actuel, hypothèque gravement l’avenir de la Côte d’Ivoire.
A titre d’exemple, et pour ce qu’on sait, le portefeuille crédit de la Banque mondiale est de 300 milliards FCFA pour la période 2010-2013. Pour l’heure, l’institution financière a décaissé 75 milliards FCFA. La France a accordé un soutien de 267,630 milliards FCFA. Le Fmi a prêté 372 milliards FCFA. La Bad a octroyé 77 milliards FCFA. La Boad a donné 10 milliards FCFA. Et comme l’a fait remarquer la récente mission du Fmi, tous ces soutiens financiers sont exceptionnels. C’est-à-dire qu’ils n’obéissent pas à l’orthodoxie financière appliqués jusque-là en matière d’aide au développement. Ces prêts sont destinés, outre l’appui budgétaire, à financer les dépenses d’urgence pour les populations, au redémarrage des services publics essentiels, à l’apurement des arriérés vis-à-vis des institutions internationales. La communauté internationale le fait pour que Nicolas Sarkozy n’ait pas honte de voir son poulain en difficulté financière. Sinon comment comprendre que le Fmi-très pointilleux sur les détails au temps de Laurent Gbagbo -finance un gouvernement sans programme à court ou moyen terme ? Par la théorie de développement public, tout financement doit répondre impérativement à des besoins bien planifiés dans le temps.
De crédit en crédit…
Ce n’est pas tant la pluie de milliards qui pose problème. Un pays ne peut s’empêcher de s’endetter si nécessaire. Houphouët l’a dit, on ne met pas un pays en prison. L’intérêt, c’est au niveau de la cible : à qui profite cette pluie de milliards ? Alassane Ouattara est-il réellement un bon économiste ? Un petit étudiant en économie sait que l'endettement public ne se justifie pleinement que dans le financement des dépenses d'investissement destinées à relever le potentiel de croissance de l'économie. Il se justifie également pour des dépenses d'infrastructures génératrices d'externalités positives ou le financement de biens publics que la seule initiative privée ne peut assurer. Or tous ces prêts qu’il a contractés au nom des Ivoiriens (sans leur avis puisque le parlement n’existe pas) ne sont pas productifs. Les équipements collectifs au service de la population n'ont pas de valeur marchande même s’ils peuvent être utiles. Au contraire, ils engendrent des dépenses non productives. C’est là que les Ivoiriens doivent exprimer leurs inquiétudes au lieu de faire de la politique politicienne.
Qui pis est, nous ne percevons pas clairement quelles politiques Ouattara met en œuvre pour éviter d’accumuler une montagne de dettes qui apparaîtra inévitablement un jour insurmontable. Et c’est là que tout peut se dérégler. Car l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE (qui demeure son obsession), n’est pas une garantie de développement. L'allégement de la dette n'est en fait qu'une solution à court terme. Il faudra bien trouver de l’argent pour relancer l’économie.
Sur ce chapitre, la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire attend impatiemment les dédommagements pour que certaines entreprises reprennent leurs activités, et d’autres, améliorent leur niveau de production. Lors de la présentation du comité de consultation secteur privé-secteur public, le ministre de l’Industrie et de la Promotion du secteur privé, Dosso Moussa, toute honte bue, a envisagé le recours à la sous-région pour régler le problème des entreprises sinistrées. C’est-à-dire qu’en interne, le débat est clos tout simplement parce que l’Etat a mis la modique somme de 6 milliards FCFA à leur disposition pour régler les sinistres. C’est à juste titre que le président du patronat, Jean Kacou Diagou, a lancé à la figure du président du Conseil économique et social, Zadi Kessy, «C’est quand il s’agit d’impôt que l’Etat a besoin de nous».
Mais Alassane Ouattara n’en a que faire de cette remarque puisqu’il peut compter sur ses amis occidentaux pour le soutenir financièrement. Encore que là, comme le soulignait récemment Albert Bourgi, Ouattara doit implorer tous les dieux que Sarkozy soit encore longtemps au pouvoir et prier que la France retrouve son équilibre financier : dans ses dernières prévisions, l'endettement de la France atteindrait 88% en 2012. Alors que le traité de Maastricht interdit aux pays utilisant l'euro une dette supérieure au seuil de 60% de leur Pib.
Ouattara et ses vieilles théories
La France a payé les salaires de mars ( ?) et d’avril. Le Premier ministre français François Fillon l’a dit sans se gêner à la face d’Alassane Ouattara. C’est ce qu’on sait. Rien ne dit que Sarkozy ne continue pas de payer les salaires des fonctionnaires. Car il est révélé que les recettes intérieures sont insuffisantes, voire quasi-nulles - pour faire face aux charges de l’Etat. Or tout bon économiste sait qu’il n'est pas bon qu’un État finance par endettement des dépenses de fonctionnement car la charge de financement de ces dépenses est reportée sur les générations à venir, alors même que leur bien-être n'en est pas garanti pour autant.
Alassane Ouattara a de sérieux soucis qu’il veut cacher : le secteur privé étant sinistré, l’économie ivoirienne roulant au ralenti, l’économiste-banquier a sa petite idée de faire payer la note par les Ivoiriens. Dans le même entretien accordé au Figaro, il a ressorti ses théories périmées de gestion économique : «En 1990, quand j’étais Premier ministre, j’avais proposé au Président Houphouët-Boigny d’inscrire la règle d’or dans la Constitution et de limiter le taux d’imposition à un tiers des revenus des citoyens». Oui, Ouattara veut que ce soit nous qui payions ce qu’il prend à crédit par une hausse des impôts. La solution de facilité ! Or là encore, un petit étudiant en économie sait que des impôts élevés faussent l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail et pèsent plus lourdement sur les jeunes générations.
Pauvre Côte d’Ivoire de Ouattara qui va de crédit en crédit. L'exemple tragique de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie, et de l'Irlande doit nous faire réfléchir : à trop s’endetter, on court à la ruine et on perd son indépendance (même si la Côte d’Ivoire de Ouattara appartient à la France). C’est une loi balzacienne qui guette le pays.
C’est ce qu’a compris Laurent Gbagbo, historien-chercheur, en mettant en œuvre le budget sécurisé qui a permis à la Côte d’Ivoire de se maintenir hors des pressions occidentales et de vivre décemment malgré la rébellion et la partition du pays. Y a-t-il comparaison entre un pays divisé en deux qui paye ses fonctionnaires régulièrement et à temps, et un pays entier qui reçoit des appuis exceptionnels mais qui réduit les salaires de ses fonctionnaires ? La vérité est là. Toute nue. Belle.
Au demeurant, vous avez dit pluie de milliards ? On en a déjà connue qui a ruisselé de Daoukro à Koukourandoumi, en passant devant la délégation de l’Union européenne pour s’arrêter devant la clôture du Cnsp, un certain 24 décembre 1999. Pluie de milliards ne rime pas forcément avec bonheur.
J-S Lia
A titre d’exemple, et pour ce qu’on sait, le portefeuille crédit de la Banque mondiale est de 300 milliards FCFA pour la période 2010-2013. Pour l’heure, l’institution financière a décaissé 75 milliards FCFA. La France a accordé un soutien de 267,630 milliards FCFA. Le Fmi a prêté 372 milliards FCFA. La Bad a octroyé 77 milliards FCFA. La Boad a donné 10 milliards FCFA. Et comme l’a fait remarquer la récente mission du Fmi, tous ces soutiens financiers sont exceptionnels. C’est-à-dire qu’ils n’obéissent pas à l’orthodoxie financière appliqués jusque-là en matière d’aide au développement. Ces prêts sont destinés, outre l’appui budgétaire, à financer les dépenses d’urgence pour les populations, au redémarrage des services publics essentiels, à l’apurement des arriérés vis-à-vis des institutions internationales. La communauté internationale le fait pour que Nicolas Sarkozy n’ait pas honte de voir son poulain en difficulté financière. Sinon comment comprendre que le Fmi-très pointilleux sur les détails au temps de Laurent Gbagbo -finance un gouvernement sans programme à court ou moyen terme ? Par la théorie de développement public, tout financement doit répondre impérativement à des besoins bien planifiés dans le temps.
De crédit en crédit…
Ce n’est pas tant la pluie de milliards qui pose problème. Un pays ne peut s’empêcher de s’endetter si nécessaire. Houphouët l’a dit, on ne met pas un pays en prison. L’intérêt, c’est au niveau de la cible : à qui profite cette pluie de milliards ? Alassane Ouattara est-il réellement un bon économiste ? Un petit étudiant en économie sait que l'endettement public ne se justifie pleinement que dans le financement des dépenses d'investissement destinées à relever le potentiel de croissance de l'économie. Il se justifie également pour des dépenses d'infrastructures génératrices d'externalités positives ou le financement de biens publics que la seule initiative privée ne peut assurer. Or tous ces prêts qu’il a contractés au nom des Ivoiriens (sans leur avis puisque le parlement n’existe pas) ne sont pas productifs. Les équipements collectifs au service de la population n'ont pas de valeur marchande même s’ils peuvent être utiles. Au contraire, ils engendrent des dépenses non productives. C’est là que les Ivoiriens doivent exprimer leurs inquiétudes au lieu de faire de la politique politicienne.
Qui pis est, nous ne percevons pas clairement quelles politiques Ouattara met en œuvre pour éviter d’accumuler une montagne de dettes qui apparaîtra inévitablement un jour insurmontable. Et c’est là que tout peut se dérégler. Car l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE (qui demeure son obsession), n’est pas une garantie de développement. L'allégement de la dette n'est en fait qu'une solution à court terme. Il faudra bien trouver de l’argent pour relancer l’économie.
Sur ce chapitre, la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire attend impatiemment les dédommagements pour que certaines entreprises reprennent leurs activités, et d’autres, améliorent leur niveau de production. Lors de la présentation du comité de consultation secteur privé-secteur public, le ministre de l’Industrie et de la Promotion du secteur privé, Dosso Moussa, toute honte bue, a envisagé le recours à la sous-région pour régler le problème des entreprises sinistrées. C’est-à-dire qu’en interne, le débat est clos tout simplement parce que l’Etat a mis la modique somme de 6 milliards FCFA à leur disposition pour régler les sinistres. C’est à juste titre que le président du patronat, Jean Kacou Diagou, a lancé à la figure du président du Conseil économique et social, Zadi Kessy, «C’est quand il s’agit d’impôt que l’Etat a besoin de nous».
Mais Alassane Ouattara n’en a que faire de cette remarque puisqu’il peut compter sur ses amis occidentaux pour le soutenir financièrement. Encore que là, comme le soulignait récemment Albert Bourgi, Ouattara doit implorer tous les dieux que Sarkozy soit encore longtemps au pouvoir et prier que la France retrouve son équilibre financier : dans ses dernières prévisions, l'endettement de la France atteindrait 88% en 2012. Alors que le traité de Maastricht interdit aux pays utilisant l'euro une dette supérieure au seuil de 60% de leur Pib.
Ouattara et ses vieilles théories
La France a payé les salaires de mars ( ?) et d’avril. Le Premier ministre français François Fillon l’a dit sans se gêner à la face d’Alassane Ouattara. C’est ce qu’on sait. Rien ne dit que Sarkozy ne continue pas de payer les salaires des fonctionnaires. Car il est révélé que les recettes intérieures sont insuffisantes, voire quasi-nulles - pour faire face aux charges de l’Etat. Or tout bon économiste sait qu’il n'est pas bon qu’un État finance par endettement des dépenses de fonctionnement car la charge de financement de ces dépenses est reportée sur les générations à venir, alors même que leur bien-être n'en est pas garanti pour autant.
Alassane Ouattara a de sérieux soucis qu’il veut cacher : le secteur privé étant sinistré, l’économie ivoirienne roulant au ralenti, l’économiste-banquier a sa petite idée de faire payer la note par les Ivoiriens. Dans le même entretien accordé au Figaro, il a ressorti ses théories périmées de gestion économique : «En 1990, quand j’étais Premier ministre, j’avais proposé au Président Houphouët-Boigny d’inscrire la règle d’or dans la Constitution et de limiter le taux d’imposition à un tiers des revenus des citoyens». Oui, Ouattara veut que ce soit nous qui payions ce qu’il prend à crédit par une hausse des impôts. La solution de facilité ! Or là encore, un petit étudiant en économie sait que des impôts élevés faussent l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail et pèsent plus lourdement sur les jeunes générations.
Pauvre Côte d’Ivoire de Ouattara qui va de crédit en crédit. L'exemple tragique de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie, et de l'Irlande doit nous faire réfléchir : à trop s’endetter, on court à la ruine et on perd son indépendance (même si la Côte d’Ivoire de Ouattara appartient à la France). C’est une loi balzacienne qui guette le pays.
C’est ce qu’a compris Laurent Gbagbo, historien-chercheur, en mettant en œuvre le budget sécurisé qui a permis à la Côte d’Ivoire de se maintenir hors des pressions occidentales et de vivre décemment malgré la rébellion et la partition du pays. Y a-t-il comparaison entre un pays divisé en deux qui paye ses fonctionnaires régulièrement et à temps, et un pays entier qui reçoit des appuis exceptionnels mais qui réduit les salaires de ses fonctionnaires ? La vérité est là. Toute nue. Belle.
Au demeurant, vous avez dit pluie de milliards ? On en a déjà connue qui a ruisselé de Daoukro à Koukourandoumi, en passant devant la délégation de l’Union européenne pour s’arrêter devant la clôture du Cnsp, un certain 24 décembre 1999. Pluie de milliards ne rime pas forcément avec bonheur.
J-S Lia