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Société Publié le mercredi 23 novembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Enseignement supérieur / Maintien de la fermeture des universités jusqu’en septembre 2012 : Lucarne sur les vrais dessous de la décision du Chef de l’Etat

© L’intelligent d’Abidjan Par PRISCA
Réhabilitation des établissements universitaires: sur le site de l`Université de Cocody - 6/10/2011
jeudi 06 octobre 2011. Cocody. Le Premier Ministre, Monsieur Soro Guillaume visite les locaux de l’Université de Cocody en plein chantier.
Les étudiants des universités d’Abobo-Adjamé et de Cocody devront attendre septembre 2012 pour avoir accès à l’espace universitaire et y faire cours. Et ce, relativement à la décision du Président de la République portant réouverture de ces temples du savoir à cette période de référence. Une décision, qui, dans l’opinion publique suscite polémiques et diverses appréciations. Certains n’hésitent pas à y voir un acte sacrifiant un contingent de bacheliers de quatre années scolaires (2009, 2010, 2011 et 2012). Mais, le Chef de l’Etat pouvait-il procéder autrement ? N’a-t-il pas été en réalité bien inspiré par les données fournies par le ministre de tutelle ? Diagnostic d’une décision controversée…

Les douloureux événements qui ont émaillé le départ de l’ex-Chef de l’Etat du pouvoir, suite au second tour de l’élection présidentielle de novembre 2010, ont conduit le Gouvernement à prendre, le 19 avril 2011, la décision de fermer, jusqu’à nouvel ordre, les universités d’Abobo-Adjamé et de Cocody, ainsi que le Centre Régional des Œuvres Universitaires d’Abidjan (CROU-A). Suite à cette décision, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, sous la houlette de son premier responsable Cissé Ibrahima Bacongo, a initié, le 1er juin 2011, soit le lendemain de la formation du premier Gouvernement Ouattara, diverses actions relatives à la gouvernance des universités publiques. Avant leur mise en œuvre, le ministre Cissé Bacongo qui avait présenté lesdites actions à la presse, confiait qu’elles visaient à créer, aux plans administratif, académique, socioculturel et sportif, un nouvel environnement, propice à une formation supérieure de qualité et en adéquation avec l’emploi. «Ces actions s’inscrivent dans le cadre de la préparation efficiente de la prochaine rentrée universitaire, qui doit marquer le retour à des années académiques régulières et conformes aux normes internationales», avait-il clarifié. Mais, plus de six mois après, la pression sociale de l’opinion publique, des parents d’étudiants et des acteurs (enseignants et étudiants), enfle. Cette réalité n’a pas échappé au Chef de l’Etat, qui, après s’être enquis du point de la situation par le ministre de tutelle, situe désormais les uns et les autres. Septembre 2012, voilà enfin connue la période de référence de la réouverture de l’université d’Abobo-Adjamé, celle de Cocody et du CROU-Abidjan. Une date diversement appréciée. Et les prises de position fusent de partout. Entre ceux qui partagent la pertinence d’une telle décision et ceux qui y voient un acte sacrifiant un contingent de bacheliers de quatre années scolaires à savoir 2009 (ceux qui n’ont pas achevé une année académique), 2010 (ceux qui se sont inscrits et qui n’ont pas commencé les cours), 2011 (ceux qui viennent d’avoir le bac) et 2012 (ceux qui auront le bac), le débat fait rage.

Etudiants contraints à l’oisiveté

Pour les mécontents, cette décision frustre en premier lieu eu égard à la longue attente. «J’ai mes trois frères qui étaient en cité universitaire sous ma coupole à la maison à ne rien faire. Mes charges se sont accrues. La situation est difficile. Quand j’apprends que la réouverture n’est pas pour Janvier mais plutôt septembre 2012, je ne peux qu’être remonté», a réagi Henri Kouamé, parent d’étudiants. Etudiante à la faculté de Droit en deuxième année avant la fermeture, Mlle Estelle Bahi, se faisant l’avocate de ses pairs étudiants, abonde dans le même sens. A l’en croire, tout comme elle, ses camarades sont contraints à l’oisiveté depuis déjà six mois et leur calvaire va se poursuivre jusqu’en septembre 2012. Et ce, contrairement à leurs camarades inscrits dans les universités privées, qui eux, suivent les cours et progressent dans leurs projets académiques. «Nous avons déjà passé un an à la maison. Avec cette décision, nous allons passer près de deux ans à la maison à tourner nos pouces et à être livrés à l’oisiveté. Nous perdons ainsi des années à ne rien faire pendant que nos amis inscrits dans les universités privées progressent. Ce sont ainsi des projets personnels qui s’envolent», déplore-t-elle.

Une option transitoire avec des tentes et la délocalisation à l’intérieur, possible selon les mécontents

Puis de souligner que le Président de la République aurait pu s’y prendre autrement. «C’est vrai, on ne peut rouvrir maintenant les deux universités. L’argument est imparable mais, il existe des palliatifs. Ne me dites pas que notre Chef de l’Etat n’a pas de solutions pour nous les enfants de familles modestes. Il a des solutions pour tous les Ivoiriens, pour tous les étudiants et il aurait pu opter par exemple pour une solution transitoire avec l’installation de tentes sur les sites de cours des universités en réhabilitation. Ou encore, la délocalisation des deux universités fermées à l’intérieur ainsi que la réquisition de sites dans les quatre meilleures grandes écoles privées d’Abidjan. Les solutions ne manquent pas. Elles abondent plutôt», ajoute-t-elle. Mais, une option transitoire règle-t-elle le problème des universités et du CROU fermés ? Dans une Côte d’Ivoire où les solutions transitoires finissent par devenir définitives, le choix du Chef de l’Etat n’est-il pas celui de la raison?

Un environnement universitaire malsain qui légitime la fermeture

Interrogée sur la question, une source proche du ministère de l’Enseignement supérieur, accusée « d’avoir induit le Chef de l’Etat en erreur », renvoie les détracteurs au contexte ayant entraîné la fermeture des universités concernées. Sur ce point, de nos investigations, il ressort que jusqu’au dénouement de la crise postélectorale en avril 2011, les universités publiques de Côte d’Ivoire étaient toutes minées par plusieurs maux. Parmi ces dysfonctionnements, l’on relève en premier lieu l’insuffisance des capacités d’accueil, au regard d’effectifs pléthoriques, croissants d’année en année. A titre illustratif, l’Université de Cocody accueillait, selon les chiffres de la scolarité centrale, un effectif total de 55.850 étudiants en 2009, pour une capacité d’accueil de 15.000 étudiants. A ce tableau non reluisant, s’ajoute la succession d’années blanches, qui ne disent pas leur nom. Environ une dizaine d’année, les universités, dans leur fonctionnement, accusent trois ans de retard par rapport à l’année académique en cours. C’est le cas de l’Université de Bouaké délocalisée à Abidjan dont l’année académique 2008-2009 court jusqu’à présent. Idem pour l’Université d’Abobo-Adjamé et l’université de Cocody dont huit (8) UFR sur treize (13) ont une année académique 2009-2010 inachevée.

Rompre avec l’université d’étudiants clandestins, de mercenaires, de déperdition des recettes…

En second lieu, l’on relève les difficultés récurrentes de tous ordres (académique, administratif, financier, socioculturel), imputées à un problème manifeste de management. Cela s’apprécie sur le terrain par la présence à l’Université de Cocody de plus de 5.000 étudiants cumulant jusqu’à seize (16) ans d’inscription en continu et n’ayant pas encore obtenu la licence ; la grande disparité entre le nombre d’étudiants inscrits (inscription académique) dans les UFR et le nombre d’inscrits à la scolarité centrale. A l’UFR Langue, Littératures et Civilisations, par exemple, la direction du département annonce 16.000 étudiants inscrits alors que ce sont 13.000 étudiants qui sont connus dans les fichiers de la scolarité centrale. Soit un écart de 3000 étudiants clandestins ainsi démasqués. Cet environnement malsain des universités légitimant ainsi la fermeture se traduit également par des faits de détournement de fonds. Dont celui survenu dans les caisses de l’Université de Cocody, portant sur la somme de 518 millions F Cfa qui n’a jamais été élucidé et qui est finalement passé sous silence et par pertes et profits. Tout comme l’accroissement non maîtrisé des heures complémentaires, dont le coût total (4 milliards) représente 20% de la masse salariale (20 milliards F Cfa) ; l’occupation des résidences universitaires par des non étudiants dont des miliciens, des mercenaires, des travailleurs et opérateurs économiques tous extérieurs à l’Université, ainsi que le morcellement et la vente de lots du domaine des universités par des organisations d’étudiants et certaines autorités universitaires, aussi bien à Cocody qu’Abobo-Adjamé. Ce qui a débouché sur la création de villages ‘’sauvages’’ dans l’enceinte des universités qui ont été récemment démantelés par le ministre de tutelle Cissé Bacongo qui suivait lui-même au quotidien les travaux de déguerpissement en pleines vacances gouvernementales. «Cette situation, déjà préoccupante, a été aggravée par la crise postélectorale à la faveur de laquelle les infrastructures ont été toutes gravement endommagées. Et là où elles n’ont pas été totalement détruites, comme à Abobo-Adjamé, du fait d’actes de vandalisme, dont le mode d’exécution laisse penser qu’ils ont été planifiés, il est impossible d’y faire des cours. De même, les équipements des bâtiments académiques (enseignement et recherche), administratifs, techniques, socioculturels et sportifs ont été tous emportés dans des actes d’auto-pillage, pour l’essentiel. Dans le même temps, environ 28.000 bacheliers, dont 19.000 correspondant aux promotions de 2009 et 2010 et 9.000 issus de la session 2011 du baccalauréat, vont venir porter à 112.000 étudiants, au minimum, l’effectif total des universités publiques, pour une capacité d’accueil cumulée de 35.000 étudiants. Ce contexte général impose des défis majeurs auxquels le ministre Cissé Bacongo s’active à trouver les meilleures réponses avec l’appui du gouvernement et du Chef de l’Etat. La tâche est immense et on ne peut pas arriver avant juillet 2012 à une université nouvelle, clé de voûte du développement post-crise», a clarifié notre source.

…Mais aussi et surtout de l’à-peu-près pour des années académiques harmonisées

Avant de préciser que la nouvelle université ivoirienne qui gagne le défi d’une formation de qualité sans discontinuité doit rompre avec l’à-peu-près. Et de l’avis de cet expert, cela implique des dispositions à prendre qui se résument essentiellement en deux points majeurs. A savoir premièrement, le décongestionnement de l’Université de Cocody, par la réhabilitation, d’une part, de l’ex-Ecole Supérieure Inter-africaine d’Electricité (ESIE) de Bingerville à dédier, notamment, à une ou plusieurs UFR scientifiques (notamment les Maths et/ou la Physique), et, d’autre part, de l’Institut d’Histoire, d’Art et d’Archéologie Africains (IHAAA) de Treichville, susceptible d’être affecté aux 3èmes cycles d’Histoire et de Géographie. Et en second point, à la construction, à court et moyen terme, de nouvelles infrastructures académiques dotées des équipements nécessaires, à Cocody, Abobo-Adjamé, Bouaké, Daloa et Korhogo. « Il fallait éviter au Chef de l’Etat le risque d’ouvrir l’université pour se faire reprocher plus tard de l’avoir maintenue dans l’à-peu-près et la médiocrité. C’est à cette tâche que s’est attelé le ministre Cissé Bacongo pour ne pas tomber dans le piège des tentes que des experts lui avaient conseillées. La décision a été bien mûrie et ne relève aucunement pas d’un coup de tête. La preuve est qu’à l’horizon de septembre 2012, nos universités et CROU auront un accroissement des capacités d’accueil. Il y aura une grande capacité de l’Etat à affecter les ressources financières nécessaires aux travaux de réhabilitation, une grande possibilité d’absorption des flux de bacheliers, une meilleure maîtrise des effectifs d’étudiants proches des standards internationaux, une bonne préparation de l’Etat à faire face à certaines revendications sociales mais aussi et surtout une bonne organisation des universités pour des années académiques harmonisées et pour sortir définitivement du cercle vicieux des années en dents de scie. C’est vrai qu’à l’horizon de septembre 2012, nous avons comme inconvénients la longue attente, la pression sociale de l’opinion publique et des parents et le contingent de bacheliers sur quatre années scolaires, mais c’est le meilleur choix», a-t-il précisé. «Nous sommes conscients des critiques et des inconvénients de la décision. Et je vous renvoie à un bout de mon adresse à la clôture de la session du Cames en ma qualité de président du comité d’organisation. A savoir : pour utiliser une métaphore, la dissonance est inséparable de l’harmonie. En d’autres termes, il n’y a pas d’harmonie sans dissonance», a souligné de son côté le Directeur adjoint de cabinet, le Pr Abou Karamoko. Premier dans sa catégorie, le tout nouveau Professeur agrégé de Droit public lors de la 15ème session du Cames, Pr Gadji Abraham partage cet avis. Pour lui, la décision a certainement été prise dans la douleur mais au bout, la moisson se fera dans l’allégresse puisque tous les problèmes surtout ceux relatifs aux libertés d’opinion et d’expression sur le campus auront été appréhendés et traités. «Quand l’université est fermée, nous les enseignants ne nous sentons pas bien dans notre peau. C’est pourquoi, nous nous attendions à une réouverture rapide qui allait permettre de désamorcer temporairement la pression sociale. Mais, l’inconvénient est que nous allions retomber dans la résurgence des problèmes liés aux effectifs pléthoriques et au problème de la liberté d’opinion et d’expression sur le campus. Vous savez, la liberté d’expression est capitale pour nous. Il faut que cela soit restauré. Nous y tenons et nous estimons qu’une réouverture maintenant ne nous rassure pas que ce point sera au nombre des acquis. C’est pourquoi nous adhérons à cette décision somme toute juste et raisonnable », apprécie le nouvel enseignant du supérieur de rang A. Le maintien jusqu’en fin août 2012 de la fermeture des universités se justifie eu égard aux arguments présentés ci-dessus. Le Chef de l’Etat attend que l’université de son pays assume et joue son rôle de clé de voûte du développement post-crise. Dans cette perspective, les dispositions sont prises par le ministre Cissé Bacongo, au plan administratif, académique et technique. Des rentrées se feront dans les grandes écoles et autres instituts pour le plus grand nombre. Avec pour objectif ultime que la prochaine rentrée universitaire soit, pour le dispositif d’Enseignement Supérieur et de Recherche Scientifique ivoirien, un nouveau départ, qui garantit une formation supérieure de qualité, dispensée dans un environnement assaini et apaisé, au terme d’années académiques régulières et conformes aux normes internationales, gage d’un développement durable de la Côte d’Ivoire post-crise. La période d’attente ne sera pas repoussée. Cissé Bacongo lancera une grande concertation avec tous les partenaires. Cette concertation sera suivie d’une grande campagne de communication et de sensibilisation sur le suivi et le déroulement des travaux de réhabilitation. La cerise sur le gâteau sera une mission à l’université de Sacramento, en Californie, avec une dizaine d’étudiants dont la FESCI.

Réalisé par M Tié Traoré
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