Josué Guébo a été élu, samedi, 5ème président de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (Aeci). Dans cette interview, il dit son ambition pour les Lettres ivoiriennes.
Quels sentiments vous animent après votre élection à la tête de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire ?
Aujourd’hui, l’heure n’est plus à toute forme d’effusion lyrique. Il s’agit pour nous de reprendre sans délai le dialogue entre les écrivains parce que manifestement, la démobilisation a gagné nos rangs. Nous ne voulons pas donner dans l’émotion, nous voulons rapidement reprendre le travail. Au moment où le 5ème congrès me confie les rênes de l’Aeci, mes pensées vont vers les cinq 1ers présidents de l’association. Il s’agit de Paul Ahizi, Tanella Boni, Abondio Josette et Foua Ernest de Saint Sauveur. Ils ont créé l’Aeci, ils l’ont accompagnée quelquefois dans un contexte difficile et je tenais à les saluer.
Qu’est-ce qui a motivé votre candidature à la présidence de l’Aeci ?
Il faut noter que le mandat de Foua Ernest de Saint Sauveur était terminé. Les textes nous donnent donc la légitimité de concourir. Ensuite, nous avons constaté que dans les Lettres ivoiriennes, il y a ce que nous avons appelé une fracture générationnelle. La Côte d’Ivoire a connu une tradition de grands auteurs et l’on s’est rendu compte que depuis un moment, une fracture s’est produite. Nous avons pensé que l’Association pouvait permettre aux Lettres ivoiriennes de renouer avec la tradition de grandeur instaurée par les figures emblématiques comme Bernard Dadié, Aké Loba, Ahmadou Kourouma…Tous ces auteurs ont amorcé un cheminement qui s’est quelque peu estompé. Nous avions pensé que par le biais de l’Aeci, nous pouvions renouer avec cette tradition de grandeur.
Le congrès de samedi a enregistré une faible participation des écrivains ivoiriens. Comment expliquez-vous cela ?
Il faut faire la distinction entre la participation et la présence physique. Nous savons qu’il y a une forte effervescence et un intérêt particulier des écrivains vis-à-vis de leur association. Le congrès a été suivi de très près. Mais il faut aussi retenir que les écrivains sont des passeurs d’énergie et de grands voyageurs. Un nombre important de participants n’étaient pas là, mais le débat était suivi de très près.
Quelles actions prioritaires allez-vous mener pour redynamiser l’Aeci ?
Nous allons axer notre action sur l’Association elle-même. Nous allons rapidement reprendre langue avec l’ensemble des écrivains pour aplanir d’éventuels malentendus afin qu’ils travaillent en cohésion, en synergie pour que nous puissions prendre nos responsabilités devant l’histoire. Les Lettes en Côte d’Ivoire ne sont pas le secteur le plus effervescent. Il s’agit pour nous de recréer une forte effervescence autour du livre, d’optimiser les acquis engrangés par nos prédécesseurs. Cette optimisation passe par le fait d’assurer la chaîne des générations afin que nous soyons unis pour faire du livre un produit de 1ère consommation.
Dans votre programme, vous envisagez la création d’un atelier mensuel d’écriture, ce qui suppose des moyens. En avez-vous suffisamment ?
Je dirai sans ambages que nous avons les moyens. Les 1ers moyens pour réaliser une école, ce ne sont pas les moyens économiques, ce sont les moyens humains. Les compétences ne manquent pas. L’Aeci a dans ses environs et en son sein même, des figures emblématiques, des pédagogues chevronnés, des personnes capables d’assurer un parcours didactique. Au niveau des moyens financiers, l’Aeci a ses cotisations. Nous avons des partenaires avec lesquels nous sommes en discussions très avancées qui devraient à terme, nous permettre de réaliser ces ateliers mensuels d’écriture qui ne sont qu’un pan de notre action. Une chose est certaine, les mécènes qui nous accompagnent ont promis très clairement de nous aider.
Il se dit que les Ivoiriens ne s’intéressent pas au livre. Quelle gloire tirez-vous à être président de l’Aeci quand ceux pour qui vous écrivez se détournent de vos productions ?
La raison est double. Elle est radicalisée. Quand les gens ne s’intéressent pas au livre, on est président non seulement pour diriger l’association, mais principalement pour créer l’intérêt pour le livre. Il aurait été tout à fait superfétatoire de militer pour le livre s’il était déjà admis. Notre devoir se trouve radicalisé dans un contexte hostile au livre. Nous sommes doublement convoqués sur le terrain des responsabilités. Il est dit que les Ivoiriens n’aiment pas lire. C’est peut-être une question qui tient à l’histoire. Les modèles valorisés pendant longtemps en Côte d’Ivoire étaient et demeurent encore des modèles économiques. Pour ceux de ma génération, il n’y a qu’à voir les programmes scolaires. Les coefficients les plus élevés avant la classe de 3ème étaient ceux des matières scientifiques. Notre système éducatif a été aiguillonné pour valoriser la science au détriment de la littérature. Si on instaure une hiérarchie qui fait de la littérature un élément secondaire, il y a fort à parier qu’on forme des citoyens relativement distants du livre. Il s’agit pour nous de résorber cette fracture. Et nous avons les moyens de le faire. Il s’agit, avec l’Aeci, de promouvoir la littérature enfantine qui constitue un levier essentiel d’initiation à l’amour de la lecture. Nous allons optimiser ce qui existe déjà, de faire du livre, le compagnon significatif de l’enfant. A côté de cela aussi, il y a la littérature féminine qu’il faut radicaliser. En valorisant la place de la femme dans la littérature, nous touchons significativement la société. La valorisation de la littérature enfantine et la littérature féminine sont deux leviers que nous comptons actionner pour traduire dans le tissu ivoirien l’amour de la lecture. Nous comptons, avec le système scolaire, recréer l’effervescence des clubs littéraires. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a une certaine léthargie par rapport à ce militantisme en faveur de la lecture.
Comment expliquez-vous que l’Aeci soit méconnue de la plupart des Ivoiriens ?
Les responsabilités, s’il y en a, sont partagées. Parce que la visibilité est assurée par le locuteur mais aussi par les médias. Si l’Aeci paraît ne pas être très connue, cela me semble être dû à la relative distance que le citoyen moyen ivoirien accorde au livre. Cela me semble aussi dû au relatif intérêt que la presse culturelle accorde au livre. C’est peut-être une explication, mais il s’agit pour nous aujourd’hui de reprendre le fil du dialogue.
Un ancien président de l’Aeci, Maurice Bandaman, est aujourd’hui ministre de la Culture et de la Francophonie. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
L’Aeci aura l’occasion d’aller le saluer. Nous allons sans délai lui présenter le bureau et le fêter. C’est un de nos pairs et nous sommes heureux de l’avoir à ce poste significatif. Nous pensons que c’est une chose très positive et que cela permettra d’être mieux entendus.
Interview réalisée par M’Bah Aboubakar
Quels sentiments vous animent après votre élection à la tête de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire ?
Aujourd’hui, l’heure n’est plus à toute forme d’effusion lyrique. Il s’agit pour nous de reprendre sans délai le dialogue entre les écrivains parce que manifestement, la démobilisation a gagné nos rangs. Nous ne voulons pas donner dans l’émotion, nous voulons rapidement reprendre le travail. Au moment où le 5ème congrès me confie les rênes de l’Aeci, mes pensées vont vers les cinq 1ers présidents de l’association. Il s’agit de Paul Ahizi, Tanella Boni, Abondio Josette et Foua Ernest de Saint Sauveur. Ils ont créé l’Aeci, ils l’ont accompagnée quelquefois dans un contexte difficile et je tenais à les saluer.
Qu’est-ce qui a motivé votre candidature à la présidence de l’Aeci ?
Il faut noter que le mandat de Foua Ernest de Saint Sauveur était terminé. Les textes nous donnent donc la légitimité de concourir. Ensuite, nous avons constaté que dans les Lettres ivoiriennes, il y a ce que nous avons appelé une fracture générationnelle. La Côte d’Ivoire a connu une tradition de grands auteurs et l’on s’est rendu compte que depuis un moment, une fracture s’est produite. Nous avons pensé que l’Association pouvait permettre aux Lettres ivoiriennes de renouer avec la tradition de grandeur instaurée par les figures emblématiques comme Bernard Dadié, Aké Loba, Ahmadou Kourouma…Tous ces auteurs ont amorcé un cheminement qui s’est quelque peu estompé. Nous avions pensé que par le biais de l’Aeci, nous pouvions renouer avec cette tradition de grandeur.
Le congrès de samedi a enregistré une faible participation des écrivains ivoiriens. Comment expliquez-vous cela ?
Il faut faire la distinction entre la participation et la présence physique. Nous savons qu’il y a une forte effervescence et un intérêt particulier des écrivains vis-à-vis de leur association. Le congrès a été suivi de très près. Mais il faut aussi retenir que les écrivains sont des passeurs d’énergie et de grands voyageurs. Un nombre important de participants n’étaient pas là, mais le débat était suivi de très près.
Quelles actions prioritaires allez-vous mener pour redynamiser l’Aeci ?
Nous allons axer notre action sur l’Association elle-même. Nous allons rapidement reprendre langue avec l’ensemble des écrivains pour aplanir d’éventuels malentendus afin qu’ils travaillent en cohésion, en synergie pour que nous puissions prendre nos responsabilités devant l’histoire. Les Lettes en Côte d’Ivoire ne sont pas le secteur le plus effervescent. Il s’agit pour nous de recréer une forte effervescence autour du livre, d’optimiser les acquis engrangés par nos prédécesseurs. Cette optimisation passe par le fait d’assurer la chaîne des générations afin que nous soyons unis pour faire du livre un produit de 1ère consommation.
Dans votre programme, vous envisagez la création d’un atelier mensuel d’écriture, ce qui suppose des moyens. En avez-vous suffisamment ?
Je dirai sans ambages que nous avons les moyens. Les 1ers moyens pour réaliser une école, ce ne sont pas les moyens économiques, ce sont les moyens humains. Les compétences ne manquent pas. L’Aeci a dans ses environs et en son sein même, des figures emblématiques, des pédagogues chevronnés, des personnes capables d’assurer un parcours didactique. Au niveau des moyens financiers, l’Aeci a ses cotisations. Nous avons des partenaires avec lesquels nous sommes en discussions très avancées qui devraient à terme, nous permettre de réaliser ces ateliers mensuels d’écriture qui ne sont qu’un pan de notre action. Une chose est certaine, les mécènes qui nous accompagnent ont promis très clairement de nous aider.
Il se dit que les Ivoiriens ne s’intéressent pas au livre. Quelle gloire tirez-vous à être président de l’Aeci quand ceux pour qui vous écrivez se détournent de vos productions ?
La raison est double. Elle est radicalisée. Quand les gens ne s’intéressent pas au livre, on est président non seulement pour diriger l’association, mais principalement pour créer l’intérêt pour le livre. Il aurait été tout à fait superfétatoire de militer pour le livre s’il était déjà admis. Notre devoir se trouve radicalisé dans un contexte hostile au livre. Nous sommes doublement convoqués sur le terrain des responsabilités. Il est dit que les Ivoiriens n’aiment pas lire. C’est peut-être une question qui tient à l’histoire. Les modèles valorisés pendant longtemps en Côte d’Ivoire étaient et demeurent encore des modèles économiques. Pour ceux de ma génération, il n’y a qu’à voir les programmes scolaires. Les coefficients les plus élevés avant la classe de 3ème étaient ceux des matières scientifiques. Notre système éducatif a été aiguillonné pour valoriser la science au détriment de la littérature. Si on instaure une hiérarchie qui fait de la littérature un élément secondaire, il y a fort à parier qu’on forme des citoyens relativement distants du livre. Il s’agit pour nous de résorber cette fracture. Et nous avons les moyens de le faire. Il s’agit, avec l’Aeci, de promouvoir la littérature enfantine qui constitue un levier essentiel d’initiation à l’amour de la lecture. Nous allons optimiser ce qui existe déjà, de faire du livre, le compagnon significatif de l’enfant. A côté de cela aussi, il y a la littérature féminine qu’il faut radicaliser. En valorisant la place de la femme dans la littérature, nous touchons significativement la société. La valorisation de la littérature enfantine et la littérature féminine sont deux leviers que nous comptons actionner pour traduire dans le tissu ivoirien l’amour de la lecture. Nous comptons, avec le système scolaire, recréer l’effervescence des clubs littéraires. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a une certaine léthargie par rapport à ce militantisme en faveur de la lecture.
Comment expliquez-vous que l’Aeci soit méconnue de la plupart des Ivoiriens ?
Les responsabilités, s’il y en a, sont partagées. Parce que la visibilité est assurée par le locuteur mais aussi par les médias. Si l’Aeci paraît ne pas être très connue, cela me semble être dû à la relative distance que le citoyen moyen ivoirien accorde au livre. Cela me semble aussi dû au relatif intérêt que la presse culturelle accorde au livre. C’est peut-être une explication, mais il s’agit pour nous aujourd’hui de reprendre le fil du dialogue.
Un ancien président de l’Aeci, Maurice Bandaman, est aujourd’hui ministre de la Culture et de la Francophonie. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
L’Aeci aura l’occasion d’aller le saluer. Nous allons sans délai lui présenter le bureau et le fêter. C’est un de nos pairs et nous sommes heureux de l’avoir à ce poste significatif. Nous pensons que c’est une chose très positive et que cela permettra d’être mieux entendus.
Interview réalisée par M’Bah Aboubakar