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Politique Publié le mercredi 11 avril 2012 | Le Patriote

Souffrance, vous avez dit souffrance ?

Les souvenirs restent encore vivaces dans les esprits. Un an après la crise postélectorale, les Ivoiriens, dans leur écrasante majorité, n’ont pas oublié le calvaire qu’ils ont vécu, précisément à Abidjan. « Il n’y avait plus rien à manger. On vivotait. On se nourrissait une fois pas jour avec de l’attiéké et huile rouge, pour certains, pour d’autres avec de la noix de coco », se remémore, Oumar Fofana, chauffeur de voiture, qui résidait à Yopougon Toits-Rouges, non loin du Carrefour des Sapeurs.

A Yopougon, comme dans toutes les autres communes du District d’Abidjan, les populations ont terriblement souffert durant la crise postélectorale. Même si la souffrance a été plus pénible dans d’autres endroits.

A Abobo, épicentre de la crise postélectorale, le chemin de croix a commencé pour les habitants après la marche avortée du RHDP sur la RTI, le jeudi 16 décembre dernier. Une manifestation durablement réprimée par les forces pro-Gbagbo. Laquelle répression a fait une centaine de morts.

Depuis ce jour-là, l’angoisse et l’anxiété se sont installées à Abobo et ses sous-quartiers. Et chaque nuit, des hommes encagoulés faisaient dès la nuit tombée une descente musclée dans cette cité, enlevaient des individus qu’on retrouvait morts le lendemain ou quelques jours après. « On ne fermait plus l’œil et on se réfugiait chez moi dans la prière implorant le Tout-Puissant afin que ces tueurs ne frappent pas à nos portes », témoigne Mamadou Koné, mécanicien, qui vit à PK18. Dans certains quartiers, comme PK18 et Sagbé et bien autres, les habitants avaient fini par trouver une idée aussi géniale qu’insolite : l’opération casseroles. « On érigeait des barrages sur les ruelles qui donnent dans nos quartiers et nous les jeunes montions la garde. Dès qu’on apercevait, un véhicule suspect, on tapait dans des casseroles pour alerter les gens et tout le monde se réveillait aussitôt », raconte, Ghislain Mian, étudiant.

Avec l’avènement du commando invisible au début de l’année 2011, Abobo sera coupée du reste d’Abidjan. Pire, pour l’ancien pouvoir, cette cité sera déclarée zone de guerre. On va assister à un exode sans précédent des populations. Sacs en mains, pour certains, baluchons, sur la tête pour d’autres, plusieurs milliers d’Abobolais vont fuir la commune. Ceux qui vont rester, vont affronter durant plus de trois mois l’adversité. Et pas n’importe laquelle : des jets d’obus, des combats à l’arme lourde… Et comme si cela ne suffisait pas, ils vont aussi faire une autre bataille, celle contre la faim. « A un moment donné, il n’y avait plus rien à manger, les marchés étaient déserts, on partait déterrer du manioc qu’on mettait au feu pour manger. C’était vraiment dur », raconte Mariam, commerçante.
Quand débute la bataille d’Abidjan, le 30 mars 2011, c’est toute la capitale économique qui est paralysée. La vie devient un enfer pour les Abidjanais : manque de denrée de première nécessité, rupture de la fourniture en eau et même d’électricité dans certains quartiers… Tous les commerces sont quasi-fermés, s’ils n’ont pas simplement été pillés. Dans les maisons, les provisions sont épuisées.

Entre-temps, sur le marché, les prix flambent. A Koumassi, par exemple, la baguette de pain est arrachée, au prix d’une bataille féroce, dans une boulangerie, à 250 voire 300 ou même 500 FCFA selon les endroits. La boule d’attiéké, qui coûtait 100 FCFA, est désormais vendue à 400 FCFA. « C’était une période infernale, tu as de l’argent et tu ne peux pas t’offrir de quoi à manger », note Marcel Koffi, enseignant. Face à cette souffrance généralisée va naître une solidarité agissante. Dans certains endroits d’Abidjan, des gens échangeaient avec leurs voisins, de la viande contre un bol de riz, ou encore du poisson contre de l’igname. Pour se doucher et même faire la cuisine, certains Abidjanais avaient recours aux puits…comme au village ! Pour la survie, aucun sacrifice n’était fort.

Yacouba Sangaré
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