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Société Publié le vendredi 22 février 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Agnéro Akpa Ambroise, conservateur de Bibliothèque et cadre de Lopou : ‘‘Je ne peux pas dire que nous avons joué mystiquement le ballon pour gagner la Coupe d’Afrique en 1992 au Sénégal’’

Depuis le 22 décembre 2012, Agnéro Akpa Ambroise est devenu EB-EBU. Cette élévation au titre de patriarche lui confère un rôle de gouvernant dans la société traditionnelle Adjoukrou, peuple doté d’une culture démocratique. L’ancien directeur de la Bibliothèque nationale d’Abidjan parle de la démocratie en pays Adjoukrou.
Quelles sont les implications (droits et devoirs) d’un EB-EBU dans la société traditionnelle Adjoukrou ?
Un EB-EBU est une personne qui a atteint un niveau de responsabilités. Il est l’un des derniers, sinon le dernier rempart de la société Adjoukrou. Il est censé avoir un minimum de sagesse pour pouvoir gouverner, prodiguer des conseils et édicter des lois. Puisqu’il assume des fonctions exécutives (détenteur du pouvoir) et législatives (pouvoir de légiférer). Les pouvoirs législatifs et exécutifs sont concentrés entre ses mains. Au niveau des devoirs, il doit rassembler son peuple. Il doit faire en sorte que l’union existe entre toutes les filles et tous les fils du village dont il assume la responsabilité.

Quel rôle joue donc la culture dans la société Adjoukrou?
L’Adjoukrou est par essence culture parce que durant toute son existence, il est guidé par sa culture, depuis son jeune âge jusqu’à une certaine époque, où il assume la responsabilité totale du village. Cela est émaillé d’actes qui sanctionnent sa vie et qui constituent des écoles de formation de l’Adjoukrou. C’est par exemple, le ‘’Low’’ qui est une initiation qui lui permet de montrer qu’il est mature et nubile et qu’il peut assurer la sécurité et défendre son village contre des invasions. Il y a aussi l’organisation de la parole, la gestion du patrimoine du village, etc. C’est tout cela qui lui confère le pouvoir de devenir ‘‘EB-EBU’’.

Comment se manifeste la démocratie en pays Adjoukrou ?
Le pouvoir est d’abord divin. Il n’y a pas d’élection pour désigner les ‘‘EB-EBU’’. C’est Dieu qui donne la santé et qui permet à un individu d’avoir l’âge pour devenir un patriarche (EB-EBU). Ce pouvoir-là appartient à Dieu. Lorsque vous faites la fête d’investiture, le peuple vous accepte en tant que gouvernant du village. Il faut bien se comporter pour que Dieu vous bénisse afin que vous arriviez à accéder à ce pouvoir. Lorsque vous devenez homme du pouvoir, vous êtes accompagnés par un certain nombre de structures, notamment la sécurité, pour faire appliquer les lois que nous votons. Il y a des classes d’âge qui aident les patriarches (EB-EBU) à gérer l’ensemble des ressources du village. Celles-ci vous aident à accomplir votre mission de patriarche.

La démocratie Adjoukrou est-elle un modèle de démocratie universelle ou un modèle exclusivement africain ?
La démocratie Adjoukrou est un modèle issue de la société Adjoukrou. Pour qu’une démocratie devienne universelle, il faut avoir les moyens de dominer le monde. Cela demande la mobilisation de nombreuses ressources financières. Personne n’a approché le peuple Adjoukrou pour analyser ou même instituer ce modèle de démocratie. Le peuple Adjoukrou n’a rien à envier à la démocratie des Occidentaux. Nous avons déjà réglé certaines préoccupations liées au mandat, à la désignation, etc. Nous avons accordé huit (8) ans pour la gestion du pouvoir d’Etat. Les Etats-Unis font un mandat renouvelable une seule fois, donc, deux mandats. Notre démocratie ne peut pas être universelle, parce que nous n’avons pas la capacité militaire, économique et diplomatique pour faire en sorte que notre modèle de démocratie soit appliqué dans le monde entier.

Quelle est la place de la jeunesse dans la démocratie Adjoukrou ?
La jeunesse occupe une place importante dans la gestion de la parole, la défense, la sécurité du village, etc. Tout cela, c’est la jeunesse qui assume. Elle est présente à toutes les étapes. Les autres classes d’âge – les plus anciennes - la forment pour devenir patriarche. Déjà à 21 ans, le jeune homme est pris en compte au niveau de la gestion de la société Adjoukrou jusqu’à 60 ans avant de devenir patriarche.

Qu’en est-il de la situation de la femme ?
La société Adjoukrou fait une place à la femme. Les femmes ont une place semblable entre elles. Mais, lorsque nous arrivons au stade des gouvernants, les femmes qui ont le même âge que les hommes (classe d’âge des patriarches) prennent aussi des décisions pour la gestion de la société Adjoukrou.

Y a-t-il des situations où cette démocratie a été mise à rude épreuve ?
Je ne connaîs pas tous les exemples dans tous les villages. Pour ce qui est du village de Lopou, la démocratie traditionnellement connue n’a pas rencontré de difficultés. Ce qui peut être révélé, c’est l’incident qui s’est produit le samedi 22 décembre dernier, lors de la fête des ‘‘EB-EBU’’. Deux classes d’âge, à savoir les ‘’Abroman’’ et les ‘’Ndjroman’’ ne se sont pas entendues. Nous avons cherché à comprendre. Depuis quelques semaines, le problème a été résolu. En fait, il y avait de la surenchère. Des gens voulaient prendre de l’argent alors qu’eux n’avaient pas donné de l’argent pour pouvoir détenir la machette. On a réglé ce problème. Dans nos passations de charges, l’argent n’intervient pas. Mais, on peut réclamer la boisson. Comme il y a une classe d’âge qui est plus âgée que l’autre, nous avons exigé à la classe cadette de demander pardon avec de la boisson. Parce que cela fait partie de notre démocratie. Une cérémonie a été faite et le village a retrouvé son harmonie.

D’où sont originaires les Adjoukrou ?
Il faut diligenter encore des recherches pour trouver l’origine des Adjoukrou. Mais, au stade actuel des travaux, nous avons deux groupes : un groupe Krou et un groupe Akan. Ceux-ci se sont confondus pour devenir le peuple Adjoukrou. Des gens qui ont voyagé, disent avoir retrouvé une origine des Adjoukrou en Ethiopie. Il y a des noms qui sont similaires. Par exemple, le nom ‘’Meless’’ est un nom Adjoukrou. Je pense qu’il faut pousser les recherches pour savoir si nous ne sommes pas originaires d’Ethiopie. Le groupe Krou est présent en majorité dans un grand nombre de villages, tandis que le groupe Akan ne possède que deux villages. Si vous vous référez au livre produit par le Pr. Harris Memel Fotê, les deux villages qui viennent de l’Est sont des Akan. Ce sont Akradjo et Viel Aklodj.

Vous projetez de créer un festival à Lopou. Où en êtes-vous avec ce projet ?
Le festival de Lopou est un projet. J’estime que le peuple Adjoukrou possède des éléments culturels à montrer aux autres peuples. J’espère que cela va constituer pour les mairies, les Conseils régionaux et les Districts, une préoccupation pour la valorisation de la culture Adjoukrou. Cela va générer des ressources puisque cela va constituer un volet touristique pour le département de Dabou. Le festival comprendra tout ce que le peuple Adjoukrou a comme fêtes de réjouissance et initiatiques. Telles que la fête de ‘’Low’’, la fête de ‘’EB-EB’’, la fête de ‘’Liliab’’ (pour les femmes), la fête de ‘’Agbandji’’. Je pense qu’il faut l’organiser en termes de calendrier. Il existe des éléments pour que ce festival devienne un grand festival.

Est-ce que les Adjoukrou étaient pour quelque chose dans la victoire de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire ?
C’est un Adjoukrou qui était ministre des Sports à cette époque. Maintenant, le reste est mystique ! Je ne peux pas répondre. S’il y a eu quelque chose qui a été fait pour prendre la coupe, je ne peux pas répondre. Je ne suis pas sorcier donc je ne peux pas répondre. Moi, je ne peux pas dire que nous sommes allés mystiquement jouer au ballon, et on a gagné ! Il y a des personnes qui le disent, mais moi, je ne peux pas le dire.

Patrick Krou
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