Il est minuit et trente minutes, ce vendredi-là. Abdoulaye Koné, cadre dans une entreprise, et sa famille sont aux aguets. Excepté le nouveau-né qui dort à poings fermés, le reste de la maisonnée est éveillée, attendant l’eau. On tend l’oreille. On se touche. Des bruits glauques sortent des robinets pour annoncer l’arrivée imminente de l’eau. Les visages s’illuminent. Le sourire est au coin des lèvres. 30 mn après, l’eau gicle des robinets ! «Attendez d’abord. Cette première eau est jaunâtre. Lorsqu’elle aura blanchi, nous pourrons la recueillir». Ces propos sont ceux du chef de famille, Abdoulaye Koné, qui a pris désormais le soin de faire cette remarque. Comme lui, Yao Bertin, entrepreneur en bâtiments et bien d’autres habitants du quartier qui utilisent aussi la même technique avant de recueillir l’eau du robinet. Il est 2h du matin et presque tout le quartier de Marcory Remblais est en mouvement. L’on entend le bruit de l’eau et celui des seaux et bassines. Tous les récipients sont utilisés car l’on ne sait pas exactement si la providence qui vient de toucher les habitants va durer longtemps. Au fur et à mesure que les heures s’égrènent, la pression de l’eau diminue de plus en plus. On s’active davantage. Il est même demandé de ne pas ouvrir, au même moment, tous les robinets de la maison. Une astuce qui s’avère payante puisque cela permet un tant soit peu de faire monter la pression de l’eau qui avait commencé à baisser. Abdoulaye Koné et sa famille, à l’instar des habitants de Marcory finissent de jouer les ‘‘ puisatiers’’ autour de 3h30mn-4h. C’est donc a cette heure-ci que les habitants de cette commune essaient de fermer les yeux, soulagés d’avoir fait des réserves d’eau mais handicapés par le sommeil qui, durant toute la journée, sera leur mauvais compagnon. « Avec cette pénurie d’eau où nous avons toujours le sommeil troublé, comment peut-on avoir un bon rendement au travail ! », se plaint Abdoulaye Koné. Cela est d’autant plus dramatique lorsque parmi les populations, se trouvent des ouvriers. « J’ai un de mes amis chefs d’entreprise dans une usine qui a vu le doigt d’un de ses journaliers, sectionné par une machine, alors qu’il somnolait. Lorsqu’on lui a demandé s’il n’avait pas dormi la nuit il a indiqué qu’il a passé le plus clair de son temps à recueillir l’eau qui était arrivée dans les robinets à 1h. », explique pour sa part, Yao Bertin, l’entrepreneur en bâtiments. L’eau ne coule quasiment plus dans les robinets, à Marcory. Depuis une dizaine de jours, pour obtenir cette denrée, il faut faire preuve de vigilance et se lever tard dans la nuit pour ceux qui dormaient, ou garder les yeux ouverts pour ceux qui ont le sommeil très lourd. En tout cas depuis quelques semaines, la commune de Marcory impose de nouvelles habitudes à ces habitants. L’eau, source de vie est devenue source à problèmes à cause l’irrégularité dans sa distribution. Et les cas sont légion. Que ce soit à Cocody-Angré, Yopougon, Riviera Palmeraie, Faya et autres, c’est le même spectacle. Il n’est donc pas rare de voir des personnes, cuvettes, bassines ou seaux d’eau sur la tête, comme si elles partaient au marigot, se diriger, à la queue-leu-leu, vers une oasis où il faut user de coudes et de biceps pour recueillir le précieux liquide.
Jean Eric ADINGRA
Jean Eric ADINGRA
