L’ambassadeur pour la Côte d’Ivoire du Centre international sur l’éthique des media (The Center for International Media Ethics-CIME), profite de la célébration de la journée mondiale sur la liberté de la presse, pour proposer une réflexion sur le processus de la liberté de la presse en Côte d’Ivoire.
Le Centre international sur l’éthique des media est une organisation indépendante internationale et à but non lucratif qui travaille directement avec les journalistes et les institutions de médias dans plusieurs pays à travers le monde. L’objectif du centre est de promouvoir des valeurs éthiques dans les medias à travers plusieurs activités (des forums annuels dédiés à l’éthique, des programmes de recherche pour un leadership éthique, des concours de films, le programme d’ambassadeur pays, le prix du meilleur article sur l’éthique dans un contexte culturel donné, des enquêtes internationales sur la perception des médias dans la société et plusieurs autres opportunités de formations de journalistes en ligne.
Le siège du Centre se trouve dans l’Illinois aux Etats-Unis, avec des bureaux à Londres et à Bruxelles. Depuis novembre 2011, le CIME a coopté Dr Célestin Gnonzion pour être son ambassadeur en Côte d’Ivoire.
BREF HISTORIQUE DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE
L’institution de la journée internationale de la liberté de la presse fait suite à un séminaire pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste, organisé du 29 avril au 3 mai 1991 à Windhoek, en Namibie, sous l’égide de l’Unesco.
Les participants à ce séminaire ont adopté la Déclaration de Windhoek qui stipule que « la création, le maintien et le renforcement d’une presse indépendante, pluraliste et libre sont indispensables au progrès et à la préservation de la démocratie dans un pays, ainsi qu’au développement économique ». Cette Déclaration a été approuvée par la 26ème session de la Conférence Générale de l’Unesco en 1991.
C’est à partir de la déclaration de Windhoek, que l’Assemblée Générale des Nations Unies du 20 décembre 1993 a pris la décision de proclamer le 3 mai comme Journée mondiale de la liberté de la presse.
C’est depuis cette date que l’UNESCO « mandatée pour défendre la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de la presse, l’UNESCO s’emploie à promouvoir ces droits fondamentaux dans toutes les régions du monde ». Cette année 2013 marque donc le 20e anniversaire de la journée mondiale de la liberté de la presse.
La journée est célébrée régulièrement en Côte d’Ivoire depuis 1995.
Le thème retenu cette année pour célébrer la liberté de la presse est «Parler sans crainte : assurer la liberté d’expression dans tous les médias». Ce thème permet de prendre conscience, qu’en 2013, il existe une variété de moyens de communication de masse à travers plusieurs supports. Il nous rappelle également que ce sont des femmes et des hommes, des humains, qui donnent vie aux médias.
Des thèmes annexes à ce thème principal abordent la question de la sécurité des journalistes, de la lutte contre l’impunité des crimes commis contre la liberté d’expression, et « de la nécessité d’assurer un Internet libre et ouvert comme condition préalable à la sécurité en ligne ».
MAIS POURQUOI FAIRE UN PLAIDOYER POUR DES MEDIAS ET DES JOURNALISTES LIBRES ?
La liberté de la presse se justifie par le droit du public à l’information.
Et ce droit trouve lui-même son fondement en « la démocratie qui vient du mot grec demos qui veut dire « peuple » et du mot kratos qui veut dire « pouvoir ».
Or, pour un peuple, avoir du pouvoir, c’est participer aux affaires de la nation. Et pour participer aux affaires de la nation, ce peuple doit être éclairé, il doit être informé. Il doit être informé des affaires de la nation» (Cardinal, 1996 : 39)
Ce droit du public à l’information a été affirmé pour la première fois par le Pape Jean XXIII dans sa lettre encyclique Pace in terris, sur la paix entre toutes les nations, fondée sur la vérité, la justice, la charité, la liberté : « tout être humain a droit au respect de sa personne, à sa bonne réputation, à la liberté dans la recherche de la vérité, dans l’expression et la diffusion de la pensée, dans la création artistique, les exigences de l’ordre moral et du bien commun étant sauvegardées ; il a droit également à une information objective ». (Cardinal, 1996 :39)
C’est donc le droit du public à l’information qui fonde le rôle des medias qu’il est possible de synthétiser comme suite :
Le rôle d’information de la presse ou the watchdog rôle de la presse,
Car « l’information en tant que matière première de la communication doit être considérée comme un bien social. Et comme les personnes ont besoin d’avoir des informations justes pour prendre des décisions responsables dans le débat public, celles-ci leurs doivent être accessibles au même niveau d’accessibilité que tout besoin social ». (Traber, 1986: 77).
Le rôle de combattant pour les libertés sociales
Pour jouer ce rôle, les medias doivent se réaliser librement et indépendamment des pouvoirs politiques et économiques. Ils doivent être la voix des sans voix et se situer du coté des plus faibles pour la promotion des Droits de l’Homme.
Le rôle d’orientation de l’opinion publique (rôle d’agenda setting) de la presse
L’opinion publique et la Société Civile sont des variables indispensables dans une société démocratique. Mais pour jouer bien leur rôle de participation au processus démocratique et constituer un contre-pouvoir, elles ont besoin d’être éclairées grâce aux informations des médias et de la presse.
Qu’en est-il de du processus de la liberté d’expression en Côte d’Ivoire ?
LE PROCESSUS DE LA LIBERTE DE LA PRESSE EN CÔTE D’IVOIRE
La liberté de la presse est un processus historique et universel. Elle est reconnue comme un droit fondamental par la Déclaration universelle des droits de l’homme en son article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
En Côte d’Ivoire, la loi N°200-513 du 1er août 2000 portant constitution de la République, dans son préambule, « proclame son adhésion aux droits et libertés tels que définis dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et dans la charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 ». Cette même loi constitutionnelle précise en son article 9 que « la liberté de pensée et d’expression, notamment la liberté de conscience, d’opinion religieuse ou philosophique sont garanties à tous, sous la réserve du respect de la loi, des droits d’autrui, de la sécurité nationale et de l’ordre public ».
Malgré toutes ces bases juridiques qui reconnaissent et garantissent la liberté d’expression, fondement de la liberté de la presse, l’évolution de cette dernière est liée, en Côte d’Ivoire (comme partout ailleurs) au contexte sociopolitique et plus particulièrement, au progrès du processus démocratique auquel elle est intrinsèquement liée.
Du régime du parti unique, au coup d’état militaire de 1999, en passant par le régime du Front Populaire Ivoirien (FPI), de la partition du pays suite à la rébellion armée en 2002, il a été donné de constater que la liberté de la presse a été d’abord ignorée, ensuite reconnue à travers des garanties juridiques et des discours politiques avant d’être bafouée dans le contexte de la crise militaro-politique initiée depuis 2002 qui a abouti à une crise postélectorale entre la fin de l’année 2010 et le premier trimestre 2011. On note par exemple, qu’entre 2002 et 2011, des journalistes ont perdu leur vie en Côte d’Ivoire.
L’année 2012 a été marquée en Côte d’Ivoire par des attaques ou des incendies de sièges de journaux. C’est le cas des locaux du quotidien « Nord Sud » dans lequel des individus armés ont pénétré avec effraction en emportant le matériel de travail d’un journaliste spécialiste des questions de sécurité. Le siège de la société « Cyclone » qui édite les journaux Le temps, LG Info et Prestige Magazine, a été, quant à lui victime d’un incendie.
Tout en condamnant ces violations nous lançons un appel aux ivoiriens et à toutes les personnes vivant en Côte d’Ivoire de s’abstenir de porter atteinte aux infrastructures, aux femmes et hommes d’institutions de médias.
Il est possible d’avoir des opinions contraires à celles affirmées à travers un type de media donné. Mais des voies mieux indiquées et citoyennes existent pour porter la contradiction, car la violence ne fait qu’exacerber les tensions et les conflits. La violence n’aboutit à rien de durable.
UN MOT SUR LES ACTEURS POLITIQUES ET LA LIBERTE DE LA PRESSE
Nous profitons de la célébration de la journée mondiale sur la liberté de la presse pour saluer la volonté politique de l’actuel gouvernement d’agir afin de consolider quelques acquis juridiques en faveur de la liberté de la presse.
Pendant la présentation des vœux du nouvel an 2012, le président Alassane Ouattara à donné « l’assurance que la liberté de la presse sera respectée dans notre pays car elle est un droit fondamental pour un peuple libre ; elle est le fondement de la démocratie et je crois en la démocratie. En effet, il ne peut y avoir de démocratie digne de ce nom sans liberté de la presse ».
Tout en félicitant le président de la république de Côte d’Ivoire pour l’engagement pris en faveur de la liberté de la presse, nous souhaiterions que des cours de formations continues soient organisés, non seulement pour les acteurs des médias, mais aussi en direction des membres du corps de la magistrature, de la police et des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, afin de renforcer leurs capacités. Car des formations sur l’éthique sociale de la communication publique, sur l’importance des médias, de la liberté de presse et des institutions de la démocratie, peuvent aider à consolider dans le monde judiciaire et sécuritaire cette démocratie en laquelle croit fermement le président Ouattara. Et nous sommes prêts à proposer les compétences disponibles en la matière.
LES JOURNALISTES ET LA LIBERTE DE LA PRESSE
Si « un homme qui a faim n’est pas un homme libre », un journaliste qui a « faim » est un journaliste emprisonné. Emprisonné dans les compromissions, emprisonné dans les perdiemes et les « gombos », emprisonné dans des chapelles économiques et politiques. L’ambassadeur pour la Côte d’Ivoire du Centre International sur l’éthique dans les Médias salue la volonté des organes de régulation, notamment le CNP de vérifier comment les institutions de médias se comportent comme entreprises notamment, sa décision de septembre 2012 réaffirmée en 2013 demandant aux entreprises de presse de respecter les dispositions de la convention collective en la matière. Car, selon cet organe, « 34 % des entreprises déclarent leurs employés à la Cnps et encore avec des arriérées, 40% appliquent la convention collective ». Les institutions de médias doivent garantir le minimum qui permet à leurs collaborateurs que sont les journalistes d’exercer dignement et en toute responsabilité leur profession. Nous saluons en outre, les appuis du Fonds de soutien au développement de la presse (Fsdp) ; lesquels appuis à, la fois financier et matériels, participent, à n’en point douter, à une presse ivoirienne plus responsable dans le respect de l’éthique et de la déontologie. Malgré toutes les garanties juridiques et les volontés politiques, la liberté de la presse ne sera une réalité que lorsqu’elle sera accompagnée de la responsabilité des journalistes et des médias.
LA LIBERTE DE LA PRESSE COMME INSTRUMENT DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE AU SERVICE DES POUVOIRS PUBLICS
Contrairement aux idées reçues, les premiers bénéficiaires d’un bon état de la liberté de la presse dans un pays sont les pouvoirs publics. Car lorsque dans une société, on peut exprimer librement ses opinions, sans craindre de subir des exactions commanditées directement ou indirectement par le pouvoir, c’est le Président de la République qui est félicité par ses concitoyens et l’opinion nationale, et ensuite, par ses pairs et l’opinion internationale. Le constat de journalistes et medias libres, sert mieux les régimes politiques qu’un Etat de censure et d’autocensure, d’intimidations, d’emprisonnements et d’assassinats de journalistes.
Nous souhaitons une amélioration des conditions de travail des journalistes ivoiriens, l’approfondissement de la connaissance mutuelle et une meilleure collaboration entre le monde des médias et celui des institutions politiques, judiciaires, policières, et des FRCI, pour l’avènement d’une liberté de la presse, réelle et durable en Côte d’Ivoire.
Dr Célestin Gnonzion
Ambassadeur du Centre International sur l’Ethique des Médias
http://www.cimethics.org/home/
Président du Réseau Ivoirien pour la Promotion de l’Ethique dans la Société (RIPES)
Email : gnonzion@yahoo.fr
Le Centre international sur l’éthique des media est une organisation indépendante internationale et à but non lucratif qui travaille directement avec les journalistes et les institutions de médias dans plusieurs pays à travers le monde. L’objectif du centre est de promouvoir des valeurs éthiques dans les medias à travers plusieurs activités (des forums annuels dédiés à l’éthique, des programmes de recherche pour un leadership éthique, des concours de films, le programme d’ambassadeur pays, le prix du meilleur article sur l’éthique dans un contexte culturel donné, des enquêtes internationales sur la perception des médias dans la société et plusieurs autres opportunités de formations de journalistes en ligne.
Le siège du Centre se trouve dans l’Illinois aux Etats-Unis, avec des bureaux à Londres et à Bruxelles. Depuis novembre 2011, le CIME a coopté Dr Célestin Gnonzion pour être son ambassadeur en Côte d’Ivoire.
BREF HISTORIQUE DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE
L’institution de la journée internationale de la liberté de la presse fait suite à un séminaire pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste, organisé du 29 avril au 3 mai 1991 à Windhoek, en Namibie, sous l’égide de l’Unesco.
Les participants à ce séminaire ont adopté la Déclaration de Windhoek qui stipule que « la création, le maintien et le renforcement d’une presse indépendante, pluraliste et libre sont indispensables au progrès et à la préservation de la démocratie dans un pays, ainsi qu’au développement économique ». Cette Déclaration a été approuvée par la 26ème session de la Conférence Générale de l’Unesco en 1991.
C’est à partir de la déclaration de Windhoek, que l’Assemblée Générale des Nations Unies du 20 décembre 1993 a pris la décision de proclamer le 3 mai comme Journée mondiale de la liberté de la presse.
C’est depuis cette date que l’UNESCO « mandatée pour défendre la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de la presse, l’UNESCO s’emploie à promouvoir ces droits fondamentaux dans toutes les régions du monde ». Cette année 2013 marque donc le 20e anniversaire de la journée mondiale de la liberté de la presse.
La journée est célébrée régulièrement en Côte d’Ivoire depuis 1995.
Le thème retenu cette année pour célébrer la liberté de la presse est «Parler sans crainte : assurer la liberté d’expression dans tous les médias». Ce thème permet de prendre conscience, qu’en 2013, il existe une variété de moyens de communication de masse à travers plusieurs supports. Il nous rappelle également que ce sont des femmes et des hommes, des humains, qui donnent vie aux médias.
Des thèmes annexes à ce thème principal abordent la question de la sécurité des journalistes, de la lutte contre l’impunité des crimes commis contre la liberté d’expression, et « de la nécessité d’assurer un Internet libre et ouvert comme condition préalable à la sécurité en ligne ».
MAIS POURQUOI FAIRE UN PLAIDOYER POUR DES MEDIAS ET DES JOURNALISTES LIBRES ?
La liberté de la presse se justifie par le droit du public à l’information.
Et ce droit trouve lui-même son fondement en « la démocratie qui vient du mot grec demos qui veut dire « peuple » et du mot kratos qui veut dire « pouvoir ».
Or, pour un peuple, avoir du pouvoir, c’est participer aux affaires de la nation. Et pour participer aux affaires de la nation, ce peuple doit être éclairé, il doit être informé. Il doit être informé des affaires de la nation» (Cardinal, 1996 : 39)
Ce droit du public à l’information a été affirmé pour la première fois par le Pape Jean XXIII dans sa lettre encyclique Pace in terris, sur la paix entre toutes les nations, fondée sur la vérité, la justice, la charité, la liberté : « tout être humain a droit au respect de sa personne, à sa bonne réputation, à la liberté dans la recherche de la vérité, dans l’expression et la diffusion de la pensée, dans la création artistique, les exigences de l’ordre moral et du bien commun étant sauvegardées ; il a droit également à une information objective ». (Cardinal, 1996 :39)
C’est donc le droit du public à l’information qui fonde le rôle des medias qu’il est possible de synthétiser comme suite :
Le rôle d’information de la presse ou the watchdog rôle de la presse,
Car « l’information en tant que matière première de la communication doit être considérée comme un bien social. Et comme les personnes ont besoin d’avoir des informations justes pour prendre des décisions responsables dans le débat public, celles-ci leurs doivent être accessibles au même niveau d’accessibilité que tout besoin social ». (Traber, 1986: 77).
Le rôle de combattant pour les libertés sociales
Pour jouer ce rôle, les medias doivent se réaliser librement et indépendamment des pouvoirs politiques et économiques. Ils doivent être la voix des sans voix et se situer du coté des plus faibles pour la promotion des Droits de l’Homme.
Le rôle d’orientation de l’opinion publique (rôle d’agenda setting) de la presse
L’opinion publique et la Société Civile sont des variables indispensables dans une société démocratique. Mais pour jouer bien leur rôle de participation au processus démocratique et constituer un contre-pouvoir, elles ont besoin d’être éclairées grâce aux informations des médias et de la presse.
Qu’en est-il de du processus de la liberté d’expression en Côte d’Ivoire ?
LE PROCESSUS DE LA LIBERTE DE LA PRESSE EN CÔTE D’IVOIRE
La liberté de la presse est un processus historique et universel. Elle est reconnue comme un droit fondamental par la Déclaration universelle des droits de l’homme en son article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
En Côte d’Ivoire, la loi N°200-513 du 1er août 2000 portant constitution de la République, dans son préambule, « proclame son adhésion aux droits et libertés tels que définis dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et dans la charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 ». Cette même loi constitutionnelle précise en son article 9 que « la liberté de pensée et d’expression, notamment la liberté de conscience, d’opinion religieuse ou philosophique sont garanties à tous, sous la réserve du respect de la loi, des droits d’autrui, de la sécurité nationale et de l’ordre public ».
Malgré toutes ces bases juridiques qui reconnaissent et garantissent la liberté d’expression, fondement de la liberté de la presse, l’évolution de cette dernière est liée, en Côte d’Ivoire (comme partout ailleurs) au contexte sociopolitique et plus particulièrement, au progrès du processus démocratique auquel elle est intrinsèquement liée.
Du régime du parti unique, au coup d’état militaire de 1999, en passant par le régime du Front Populaire Ivoirien (FPI), de la partition du pays suite à la rébellion armée en 2002, il a été donné de constater que la liberté de la presse a été d’abord ignorée, ensuite reconnue à travers des garanties juridiques et des discours politiques avant d’être bafouée dans le contexte de la crise militaro-politique initiée depuis 2002 qui a abouti à une crise postélectorale entre la fin de l’année 2010 et le premier trimestre 2011. On note par exemple, qu’entre 2002 et 2011, des journalistes ont perdu leur vie en Côte d’Ivoire.
L’année 2012 a été marquée en Côte d’Ivoire par des attaques ou des incendies de sièges de journaux. C’est le cas des locaux du quotidien « Nord Sud » dans lequel des individus armés ont pénétré avec effraction en emportant le matériel de travail d’un journaliste spécialiste des questions de sécurité. Le siège de la société « Cyclone » qui édite les journaux Le temps, LG Info et Prestige Magazine, a été, quant à lui victime d’un incendie.
Tout en condamnant ces violations nous lançons un appel aux ivoiriens et à toutes les personnes vivant en Côte d’Ivoire de s’abstenir de porter atteinte aux infrastructures, aux femmes et hommes d’institutions de médias.
Il est possible d’avoir des opinions contraires à celles affirmées à travers un type de media donné. Mais des voies mieux indiquées et citoyennes existent pour porter la contradiction, car la violence ne fait qu’exacerber les tensions et les conflits. La violence n’aboutit à rien de durable.
UN MOT SUR LES ACTEURS POLITIQUES ET LA LIBERTE DE LA PRESSE
Nous profitons de la célébration de la journée mondiale sur la liberté de la presse pour saluer la volonté politique de l’actuel gouvernement d’agir afin de consolider quelques acquis juridiques en faveur de la liberté de la presse.
Pendant la présentation des vœux du nouvel an 2012, le président Alassane Ouattara à donné « l’assurance que la liberté de la presse sera respectée dans notre pays car elle est un droit fondamental pour un peuple libre ; elle est le fondement de la démocratie et je crois en la démocratie. En effet, il ne peut y avoir de démocratie digne de ce nom sans liberté de la presse ».
Tout en félicitant le président de la république de Côte d’Ivoire pour l’engagement pris en faveur de la liberté de la presse, nous souhaiterions que des cours de formations continues soient organisés, non seulement pour les acteurs des médias, mais aussi en direction des membres du corps de la magistrature, de la police et des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, afin de renforcer leurs capacités. Car des formations sur l’éthique sociale de la communication publique, sur l’importance des médias, de la liberté de presse et des institutions de la démocratie, peuvent aider à consolider dans le monde judiciaire et sécuritaire cette démocratie en laquelle croit fermement le président Ouattara. Et nous sommes prêts à proposer les compétences disponibles en la matière.
LES JOURNALISTES ET LA LIBERTE DE LA PRESSE
Si « un homme qui a faim n’est pas un homme libre », un journaliste qui a « faim » est un journaliste emprisonné. Emprisonné dans les compromissions, emprisonné dans les perdiemes et les « gombos », emprisonné dans des chapelles économiques et politiques. L’ambassadeur pour la Côte d’Ivoire du Centre International sur l’éthique dans les Médias salue la volonté des organes de régulation, notamment le CNP de vérifier comment les institutions de médias se comportent comme entreprises notamment, sa décision de septembre 2012 réaffirmée en 2013 demandant aux entreprises de presse de respecter les dispositions de la convention collective en la matière. Car, selon cet organe, « 34 % des entreprises déclarent leurs employés à la Cnps et encore avec des arriérées, 40% appliquent la convention collective ». Les institutions de médias doivent garantir le minimum qui permet à leurs collaborateurs que sont les journalistes d’exercer dignement et en toute responsabilité leur profession. Nous saluons en outre, les appuis du Fonds de soutien au développement de la presse (Fsdp) ; lesquels appuis à, la fois financier et matériels, participent, à n’en point douter, à une presse ivoirienne plus responsable dans le respect de l’éthique et de la déontologie. Malgré toutes les garanties juridiques et les volontés politiques, la liberté de la presse ne sera une réalité que lorsqu’elle sera accompagnée de la responsabilité des journalistes et des médias.
LA LIBERTE DE LA PRESSE COMME INSTRUMENT DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE AU SERVICE DES POUVOIRS PUBLICS
Contrairement aux idées reçues, les premiers bénéficiaires d’un bon état de la liberté de la presse dans un pays sont les pouvoirs publics. Car lorsque dans une société, on peut exprimer librement ses opinions, sans craindre de subir des exactions commanditées directement ou indirectement par le pouvoir, c’est le Président de la République qui est félicité par ses concitoyens et l’opinion nationale, et ensuite, par ses pairs et l’opinion internationale. Le constat de journalistes et medias libres, sert mieux les régimes politiques qu’un Etat de censure et d’autocensure, d’intimidations, d’emprisonnements et d’assassinats de journalistes.
Nous souhaitons une amélioration des conditions de travail des journalistes ivoiriens, l’approfondissement de la connaissance mutuelle et une meilleure collaboration entre le monde des médias et celui des institutions politiques, judiciaires, policières, et des FRCI, pour l’avènement d’une liberté de la presse, réelle et durable en Côte d’Ivoire.
Dr Célestin Gnonzion
Ambassadeur du Centre International sur l’Ethique des Médias
http://www.cimethics.org/home/
Président du Réseau Ivoirien pour la Promotion de l’Ethique dans la Société (RIPES)
Email : gnonzion@yahoo.fr