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Art et Culture Publié le samedi 8 juin 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton : Servir en brousse

Grand-Bassam. J’y étais la semaine dernière. C’était à l’occasion de la sortie des quarante troisième promotions des élèves instituteurs du Cafop. Cérémonie émouvante. Au moment du baptême de la promotion par le parrain, Djaha Jean, député-maire de Grand-Lahou, un flot d’émotion montait en moi. J’avais voulu devenir instituteur. En les voyant rejoindre leur poste, dans quelques semaines, je ne pouvais que les envier. La plupart sera affectée dans un village ! Quelle aubaine ! Quand je le dis souvent, lors de mes conférences, certains futurs instituteurs ou instituteurs se fâchent. J’ai eu à le constater, encore, lors de mes deux dernières conférences le mois dernier à Sassandra et à Grand-Bassam. Comme d’habitude, je sillonne les quartiers d’Abidjan et les villes de l’intérieur pour apporter la bonne nouvelle. Ma bonne nouvelle, c’est de dire que la lecture est une puissance et qu’il faut se mettre dans le vent du livre et de la lecture. J’ai vu des instituteurs dans les villes. J’en ai vu dans les campements et les villages. Mon constat est clair. Il est bon de commencer sa carrière dans un campement, dans un village. Surtout ne pas chercher, par tous les moyens, à rester dans une ville comme Abidjan. Ce serait le départ manqué avec la vie. Abidjan, comme toutes les grandes villes du monde, offre de multiples tentations qui conduisent le jeune fonctionnaire à végéter durant toute sa carrière dans la paupérisation. Quel avantage à voir, chaque jour des gratte ciels, des belles voitures, la lumière jaillissant à tous les coins de rues si c’est pour souffrir, se laisser habiter par la frustration et l’aigreur. Vivre à Abidjan c’est se livrer chaque matin à la pauvreté. On se compare forcement à ceux qui ont l’apparence de la réussite. Cela crée des ulcères. Entre son travail ou son école et son domicile, que de longue distance. Dans un transport en commun, et même dans sa propre voiture avec le go slow, que de perte d’énergie. Chaque fin de mois est une injure contre le pouvoir. L’argent suffit à peine à faire face aux besoins élémentaires tels que le loyer, l’électricité, la nourriture et la cohorte de parasites. Mais un chapitre budgétivore n’est jamais déclaré publiquement. C’est la conspiration du silence. Or, ce chapitre est à la base de toutes les pauvretés ici et ailleurs. C’est le chapitre appelé frais divers et qui couvre en fait les dépenses liées à la femme et au sexe. Aucun homme ne le reconnait et pourtant tout son argent passe dans la dilapidation des fonds aux femmes. Quel jour on pourra dénoncer, publiquement, ce travers de nos concitoyens qui les plonge dans la paupérisation. Pour un instituteur en début de carrière Abidjan et les grandes villes sont à éviter. Absolument. De nombreuses jeunes filles savent, sans avoir lu Freud, que leur avenir est dans la main d’un homme. Comme une entreprise qui trouve des moyens et des astuces pour conquérir la clientèle la jeune fille utilisera des artifices pour conquérir le cœur du nouveau fonctionnaire. Avant de parler de la cherté de la vie, il faut examiner sa propre vie et voir en quoi ses frais divers du mois ont servi. Le jeune instituteur, dans un village, échappe à la tentation de la grande ville. Dans un village, devant le dénuement des habitants, il apprend rapidement l’humilité. Il comprend qu’on peut bien vivre sans chercher absolument à effectuer des dépenses superflues. Même s’il tombe dans le piège d’une villageoise, il fera du sérieux. Ce n’est pas dans un village qu’il ira de femme en femme. Tout se voit. Tout se sait. Mais le grand avantage de commencer dans un village s’inscrit sur trois volets. Premièrement, soustrait des dépenses de prestige d’Abidjan, le jeune instituteur pourra faire une très bonne épargne. Il ne connaitra pas les frais divers. Le second volet sera le large temps disponible qu’il aura, à sa disposition, pour mener d’autres études par correspondance et sur internet. Adolescent, je voulais devenir instituteur dans un village afin de pouvoir lire abondamment. Dans une ville, comme Abidjan, difficile, sinon impossible, de s’adonner à la lecture des cinq genres. Or, la lecture est à la base de tout développement personnel. Et enfin, très grande possibilité d’avoir une terre pour pratiquer une culture rentable à ses heures libres. J’ai vu en province de nombreux instituteurs qui ont des plantations de palmier, d’hévéa, sans parler du maïs ou des patates. Réussir dans un village c’est refuser de croire qu’on a raté sa vie et qu’on n’aboutira à rien. Ne pas se laisser aller au découragement parce que d’autres amis de la promotion ont bénéficié de meilleurs affectations dans de grandes viles. La cigale et la fourmi n’est pas une fable des siècles passés mais un message pour les Africains d’aujourd’hui et de demain. Mais comme l’a proposé, Monsieur Djaha Jean, le député-maire de Grand-Lahou, il serait bon que l’Etat, donne un kit à tous les instituteurs affectés dans les villages et les campements. Ce serait, pour eux, une grande motivation et une bonne stimulation pour débuter leur carrière. Surtout que l’instituteur c’est la courroie de transmission des mots d’ordre du pouvoir à la vaillante et brave population. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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