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Art et Culture Publié le samedi 26 octobre 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedi de Biton : La fin du livre ?

Nous étions, certainement, nombreux, les larmes dans les yeux, en écoutant le Président de l’Association des libraires de Côte d’Ivoire. C’était, à la télévision, il y a quelques semaines. Pendant une trentaine de minutes il nous a fait comprendre que si rien n’est fait sa corporation va disparaitre tôt ou tard dans notre pays. De quoi s’agit-il ? De la gratuité du livre scolaire. C’est une politique à saluer. Elle se fait dans presque tous les pays africains. Et pour tous les politiques africains c’est une véritable prime pour une élection aisée. Donner ou distribuer des livres aux élèves du pays. Comme à l’époque coloniale ou au début de nos indépendances. Etant dans un établissement confessionnel au primaire je n’en avais pas bénéficié. Mais au collège mes parents n’ont pas eu à m’acheter des ouvrages. On nous les distribuait en début d’année et on les reprenait en fin d’année scolaire. Qui peut s’opposer à la distribution gratuite du livre scolaire dans un pays où le slogan préféré des parents d’élèves reste depuis près de vingt ans : « le livre est cher » ? Mais où le bat blesse, c’est que partout où la distribution gratuite du livre a été mise en pratique ,on a assisté à la disparition progressive des librairies. Certains pays de la sous-région n’en ont même plus. C’est par le livre scolaire que les citoyens viennent dans une librairie. Et voilà que ces livres sautent l’étape de la librairie pour aller directement dans la direction régionale ou dans l’établissement. Les parents ne viennent plus donc dans les librairies. Et comme la littérature générale (romans, poésie, contes, essai, biographie, etc.…) ne peut pas apporter la rentabilité, le libraire se voit contraint de fermer. Le Président de l’Association des libraires demande une seule chose : que leur corporation participe aussi à cette distribution. Afin de bénéficier d’une petite partie de la manne financière. Qu’au lieu que tout parte de l’éditeur à l’école, qu’une partie transite dans leurs locaux. C’est par la remise fournie par l’éditeur que le libraire vit toute l’année. Et cette remise disparait avec le saut voulu par l’Etat. Si les libraires disparaissent où seront vendus les écrits des auteurs? Le métier d’écrivain est en péril. L’éditeur lui encore peut exécuter les commandes du gouvernement et s’en sortir. Mais l’écrivain ? Déjà qu’il ne fait pas partie des chouchous du gouvernement, qui préfère les journalistes et les footballeurs, il n’aura plus que ses yeux pour pleurer. Dans notre société, l’écrivain n’a aucune importance. Nous ne sommes pas en France ou aux Etats-Unis où l’auteur à succès a plus d’importance qu’un ministre. Il est bardé de toutes les récompenses. Notre contient continue de subir les conséquences de ce saut de l’oralité à l’image en ne vivant pas les siècles du livre et de la lecture. Voilà tout notre drame. Tous les plans de développement sont voués à l’échec tant qu’on ne mettra pas le livre au début de toute action matérielle ou financière. Ce n’est pas aussi compliqué pour l’Etat de construire une bibliothèque et de la fournir en livre dans son programme. On s’étonne de voir les citoyens s’adonner aux fausses rumeurs, aux actes dangereux et aux différentes contestations. Comme la fin du live s’approche on aura de plus en plus de contestation. A moins que par un sursaut d’orgueil on privilégie dans la nation les cinq genres de lecture dont je parle dans mon livre « La puissance de la lecture. » Un livre que j’ai écrit pour défier la Banque mondiale. En prenant un pari avec elle. Pour devancer la fermeture inéluctable de nos librairies, certains nous recommandent de vendre nos livres en ligne. Sans doute c’est l’avenir. Une méthode qui marche très fort en Amérique et monte progressivement en Europe. Mais le lecteur africain est encore loin de cette nouvelle technologie. L’écrivain qui voit son maigre droit d’auteur annuel amputé d’impôt que lui prend l’Etat, sans pitié, n’a pas la possibilité de se mettre en grève. Ce n’est pas un médecin, même si on dit qu’il est le médecin de l’âme. Le libraire n’est pas l’enseignant pour qu’on prenne au sérieux son sit-in, s’il doit le faire, On n’écoute que ceux qui se mettent en grève. Mais un groupuscule comme les libraires, les écrivains ne fera que susciter le fou rire. L’URSS dans sa politique du livre prenait en charge, totalement, les écrivains qui avaient un certain nombre de livres publiés à leur actif. Ils avaient leur datcha, leur voiture, leur prime. Adolescent, rêvant d’écrire des livres, je croyais que je serais pris un jour en charge par l’Etat, comme les écrivains du grand pays socialiste. J’avais oublié la réalité africaine. J’aurais dû devenir footballeur afin de bénéficier d’une prime mensuelle donnée par le gouvernement aux anciens internationaux. Je crois qu’il est important pour les libraires de continuer à plaider leur cause mais il serait mieux pour eux de trouver des voies pour compenser la perte de cette manne financière qui leur échappe. C’est une question d’imagination. Ils auront le soutien des auteurs. A tout problème on trouve une solution. J’espère qu’il est encore possible de monter une bibliothèque à Sakassou avant la visite présidentielle. Avec le Programme Présidentiel d’Urgence. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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