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Art et Culture Publié le vendredi 29 novembre 2013 | Nord-Sud

Instrument d’acquisition du savoir : pourquoi le livre coûte cher en Côte d’Ivoire 

© Nord-Sud Par Marc Innocent
Culture: Cérémonie d`ouverture du Salon international du livre d`Abidjan édition (SILA 2013)
Mardi 12 novembre 2013. Abidjan. Palais des sports. Les ministres Maurice Bandama et Kandia Camara ont pris part à la cérémonie d`ouverture du Salon International du Livre d`Abidjan. M.Mohamed Amine Sbihi, ministre marocain de la culture étaient l`invité d`honneur de cette édition.
Malgré une émulation dans le secteur de l’édition, le livre reste relativement cher en Côte d’Ivoire. Une situation dénoncée par les professionnels de la filière qui réclament plus d’engagement de l’Etat.

Le Salon international du livre d’Abidjan (Sila), qui s’est tenu du 12 au 16 novembre 2013, au Palais des sports de Treichville, a eu pour pays invité d’honneur le Maroc. Au stand du royaume chérifien, le coût des livres variait de 1500 Fcfa à 6000 Fcfa, selon Yacine Retnani qui représentait dix éditeurs. « Les gens achètent beaucoup parce que nous n’avons pas changé nos prix. Ils sont marqués derrière les œuvres. Nous avons conservé les prix du Maroc», informe-t-il. ‘’Jazz et vin de palme’’ d’Emmanuel Dongala est à 1500 Fcfa. ‘’Trop de soleil tue l’amour’’ de Mongo Beti à 2500 Fcfa. Outre les prix très abordables, les bouquins sont de bonne qualité. La reliure est bien faite et la présentation est impeccable. A côté du box marocain, des éditeurs et libraires ivoiriens proposent, dans le cadre de cette foire, des coûts assez bas. Mais, la tarification commence à partir de 2000 F et les auteurs mis en exergue sont peu connus. Pour se procurer une œuvre d’un écrivain célèbre, il faut tirer de sa bourse au bas mot 3.000 Fcfa, selon le volume. Un prix qui reste relativement élevé en comparaison avec ce qui se pratique au Maroc ou en Tunisie, mais aussi par rapport au pouvoir d’achat des populations. Pourquoi le prix du livre n’est-il pas bas en Côte d’Ivoire ?

Une multitude d’arguments

Ce mercredi à la librairie Aleph au Plateau, on essaie d’accrocher plus d’acheteurs. La fête de Noël est utilisée comme prétexte pour que les parents offrent « de beaux cadeaux intelligents qui forment la personnalité des enfants » : des livres. M. Abdo, un des responsables de la librairie, a son idée sur les raisons de la cherté du livre. « Le client préfère toujours un prix plus bas. En Côte d’Ivoire, c’est le prix des intrants qui fait maintenir les coûts hauts. Sinon, il y a un barème international et les taux des diffuseurs et éditeurs sont connus. L’encre et l’impression sont hors de prix. Pour ce qu’on propose au plan de la qualité, on peut mieux faire. Encore qu’au même prix, la Tunisie ou le Maroc propose une meilleure qualité », explique-t-il. Il rappelle que plus un produit est cher, plus il devient inaccessible. Aussi, ajoute-t-il, on laisse la production des ouvrages aux seules structures privées. « Ce ne sont pas de grandes structures. Il y a une volonté. D’où l’émergence de nouvelles maisons d’édition. Mais elles sont trop petites pour subsister longtemps. Elles manquent d’expérience et parfois de compétence », déplore-t-il. Inès Kouakou, responsable communication de Cercles éditions, revient sur les conditions de fixation du prix de vente d’un bouquin. « Les coûts sont d’abord fixés par rapport aux frais d’impression, la paye des infographes, les frais des illustrateurs. Ensuite on prend en compte la marge du distributeur (30%) », fait-elle remarquer. Elle indique aussi qu’un livre vendu à 3000 Fcfa a eu un coût d’impression d’au moins 1200 F. « Au vu du fait que nous ne pouvons pas faire comme de grandes maisons d’édition qui vont au Liban ou à Doubaï, où l’impression est moins chère, nous nous en accommodons », observe-t-elle. Sur la question, Foua Ernest de Saint-Sauveur, auteur, ex-président de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (Aeci) est convaincu qu’aussi petites soient-elles, si ces structures sont subventionnées par l’Etat, elles s’en sortiront et proposeront des tarifs abordables. « L’édition dans certains pays est subventionnée. La fameuse loi qui date du temps du ministre Mel Théodore (Ndlr : alors ministre de la Culture) n’a jamais été adoptée. Elle préconisait la détaxation des intrants », soutient-il. Par contre, il croit qu’aller imprimer dans des pays considérés moins chers n’est pas une réponse au problème. « Après la fabrication, le livre est soumis aux mêmes taxes avant son entrée en Côte d’Ivoire », relève-t-il.

Cherté du livre, c’est selon

Michel Alex Kipré, auteur de ‘’Sang pansé’’, un recueil de poèmes et promoteur du Grand Prix Kaïlcédra, lui, assure que le prix du livre est bon. « Pour moi, le livre ne coûte pas cher en Côte d’Ivoire. Nous souffrons d’un problème de diffusion. Par exemple, au Salon du livre, c’était moins cher. On avait des bouquins à 2 000 Fcfa. Il faut, par exemple, pendant des périodes spécifiques de l’année, que les libraires fassent des packages de 4 à 5 livres à 7 000 Fcfa ou 8 000 Fcfa. Mais aussi, il faut inscrire l’achat du livre dans nos mœurs », propose-t-il. Selon la logique du journaliste-écrivain, c’est parce qu’on estime le coût du livre en fonction du prix du sac de riz ou de la facture d’eau, qu’on le trouve élevé. « Chez nous, on ne meurt pas de n’avoir pas lu », philosophe-t-il. Et de tancer : « des jeunes étudiants qui ne travaillent pas font des transferts d’unité de 5 000 Fcfa ou 3 000 Fcfa sur leurs téléphones portables pour bavarder avec leurs copains la nuit. Mais 5000 Fcfa ou 3 000 Fcfa, c’est le coût d’un livre ». Toutefois, les professionnels estiment que si certaines voies sont bien exploitées, il peut y avoir des améliorations.

Quelles solutions ?

Pour M. Abdo de la librairie Aleph, il faut « que les écrivains africains de renom éditent en Afrique. Même si pour des besoins de marché ils veulent le faire en Europe. Dans ce cas, qu’ils aient un droit d’édition africaine avec des éditeurs locaux. Quant à Inès Kouakou, elle ne voit d’horizon dégagé dans le domaine de l’édition en Côte d’Ivoire que si les différents ministères en charge de la question s’impliquent à fond. Un engagement qui permettra de faciliter l’achat de livres et leur vulgarisation.

Sanou A.
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