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Société Publié le mercredi 11 décembre 2013 | Nord-Sud

Bonne gouvernance, droits de l’Homme, sécurité… : La société civile tire la sonnette d’alarme

Lundi, lors de sa 4ème conférence publique trimestrielle, la Convention de la société civile ivoirienne qui regroupe 133 organisations de divers domaines a rendu public son rapport sur l’état des lieux des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire. Nous vous en proposons l’intégralité.



La journée mondiale des droits de l’Homme 2013 revêt une importance spéciale en ce qu’elle célèbre la vingtième année anniversaire de la création du mandat du Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme dont la mission est de promouvoir et protéger tous les droits de l’Homme.
Le Hcndh a retenu pour la célébration de cette année le thème : ‘’20 ans au travail pour vos droits’’.

‘’L’éducation aux droits de l’Homme est bien plus qu’un sujet de leçon ou que le thème d’une journée : c’est un processus qui vise à ce que chacun soit équipé pour vivre sa vie dans la sécurité et la dignité. En cette journée mondiale des droits de l’Hom­me, con­tinuons ensemble à faire le nécessaire pour que les générations futures aient une culture des droits de l’Hom­me et à promouvoir la liberté et la paix dans tous les pays’’, disait Kofi Annan…

La connaissance de la déclaration des droits de l’Homme participe de la cons­truction progressive de la citoyenneté et de l’acquisition d’une culture humaniste. Elle fait partie des connaissances définies par le socle commun de conn­aissances et de compétences, repère essentiel dans l’organisation des ensei­gne­ments de la scolarité obligatoire.
Malheureusement, la Déclaration des droits de l’Homme ne crée pas d’obligations juridiques de la part des pays mem­bres de l’Onu. Cela signifie que certains droits énoncés dans la déclaration peuvent être violés sans qu’aucun tribunal ne puisse punir ces injustices. D’ail­leurs, tous les humains ne jouissent pas du même respect de leurs droits fondamentaux partout sur la planète, car chaque jour, des gens sont privés de leurs droits dans plusieurs pays du mon­de y compris le nôtre.
En tant qu’êtres humains, il est de notre devoir de s’informer des injustices qui sont commises à travers notre pays et de sensibiliser notre entourage face à ces évènements.
Plusieurs organisations membres de la Csci cherchent jour après jour à rendre publics les cas de violation des droits de l’Homme et surtout à mobiliser la population pour que cessent ces abus.
L’état des lieux de la Csci se ferra selon deux axes : les constats et les recommandations :

Les droits civils et politiques

Les avancées
l la mise en place d’une Commission nationale des droits de l’Homme confor­me aux Principes de Paris.
l la déclaration par l’Etat de Côte d’Ivoire en vertu de l’article 34.6 du Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples permettant aux individus et aux ONG d’y avoir un accès direct. (7ème pays sur 54 à avoir fait cette déclaration).
l l’élaboration d’un projet de loi pour assurer la protection des défenseurs
des droits de l’Homme;
l la libération de certaines
personnalités de l’opposition ;
l l’adoption de la nouvelle loi sur
le mariage qui établit l’égalité entre l’homme et la femme ;
l le début de jugement de certains pro-Ouattara ;
la grâce présidentielle touchant 3000 détenus ;
l la mise en place du programme national de cohésion sociale ;
l’ouverture du champ politique qui a permis au Fpi d’exercer ses activités et de proposer les états généraux de la République sont des efforts à mettre dans la quête de la réconciliation.
l la Cdvr qui a rendu son rapport ;
la fin du cycle électoral qui consacre le
fonctionnement institutionnel
de la Côte d’Ivoire.

Les limites / les insuffisances

Au niveau de la sécurité,
l elle demeure une grande préoccupation pour les populations ;
l la Réforme du secteur de la sécurité(Rss) implique-t-elle toutes les parties prenantes ? (parlementaires, populations) ;
l le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants (60.  000 environ) sont loin d’être achevés et beaucoup d’armes circulent illégalement, ce qui serait à la base des récentes attaques perpétrées contre le commissariat du 16ème arrondissement ;
l au sujet de l’opération ‘’Téré’’, qui étaient les assaillants ? Quels en sont les résultats ?
l le phénomène des coupeurs de route est toujours d’actualité (P.R. 05 juillet 2013 nord ex-combattants), les dozos sont encore sur les routes et dans les villages avec des armes à feu au vu et au su des autorités administratives et militaires , on assiste au retour des barrages sur les routes (ex axe Abidjan-Bondoukou), des groupes d’enfants connus aujourd’hui sous le nom de « virus » et de « microbes » sévissent à Abidjan, ….
l des résidences, des sièges de partis politiques sont encore occupés par des Frci et des maisons détruites ou endommagées n’ont pas encore été réhabilitées (résidence de Sidiki Konaté, Gossio, siège de l’Urd et du Fpi…)

Au niveau des victimes de guerre,
l depuis 2002, elles ne font pas l’objet de définition légale et d’un programme de prise en charge (psychologique, matérielle, financière). On note une forme de discrimination sur la question entre les ex-combattants et les victimes de guerre. C’est dans ce contexte que le gouvernement veut fermer la Cellule spéciale d’enquête (Cse) qui représente pour les victimes de la crise, la seule volonté de lutter contre l’impunité et de leur rendre justice.

Au niveau de la Justice,
l les réformes annoncées n’ont pas encore connues un début de mise en œuvre. Les populations dans leur majorité n’ont pas confiance en leur justice ; les décisions de justice ne sont pas toujours exécutées par le ministère public (le cas de la Csci en est une parfaite illustration). Cette situation est de nature à provoquer l’injustice et le désordre ;
l en Côte d’Ivoire, la durée de la garde-à-vue en principe est de 48 heures. On note cependant qu’à la Dst, elle atteint quelquefois les 60 jours voire plus (la loi de N° 63-2 du 11/01/1963 sur la cour de sureté de l’Etat, loi abrogée depuis lors).
l à quoi répond la pratique de la détention au secret ? (bonne gouvernance, transparence) On s’interroge aussi sur le statut d’un certain nombre de prisonniers. Est-ce des prévenus ? Est-ce des détenus ? Quelle est la qualité des lieux où ils sont retenus ? (Exemple de Mme Simone Gbagbo, de M. Amadé Ourémi).
l la décision de l’Etat de construire 10 nouvelles prisons répondant aux standards internationaux bute sur le manque de financement ; ce qui place les organisations de droits de l’Homme entre le doute et l’espoir.
l dans le cadre des procès postcrise, 84 personnes ont étés renvoyées devant la Cour d’assise depuis le mois de juillet 2013, jusqu’à présent cette Cour ne s’est pas encore réunie ;

Au niveau du genre,
l des discriminations persistent  dans certains corps de la sécurité tels que la gendarmerie.
l la participation des femmes dans les instances décisionnelles reste encore faible : au Parlement (25 femmes élues sur 255 sièges, soit 9,80%), au Conseil régional (01 femme élue sur 58 présidents de Conseil, soit 1,72%), pour les maires (09 femmes sur 197, soit 4,56%), au gouvernement (nous avons 05 fem­mes sur 29 membres,
soit 17,24%).
l les violences basées sur le genre, particulièrement sexuelles demeurent une préoccupation faute d’une assistance juridique et judiciaire appropriée des victimes.

Au niveau de la réconciliation
nationale,
l la Cdvr a rendu son rapport mais la réconciliation reste préoccupante en Côte d’Ivoire. Son fonctionnement ainsi que sa méthodologie de travail, déjà dénoncés à sa création par la Csci, n’ont jamais rassuré les populations ivoiriennes. De surcroit, les ambitions politiques de son président n’ont pas été de nature à garantir l’impartialité, l’indépendance et la crédibilité de cette institution. Selon l’étude menée par l’Observatoire de la justice transitionnelle (composé de l’Apdh, Lidho, Midh), les activités de la Cdvr n’ont pas un réel impact sur les populations car elle n’est pas assez connue.

Au niveau des futures élections,
l il est nécessaire de démarrer impérativement la réforme du code électoral et de la Commission électorale indépendante, les élections de 2015 se préparent aujourd’hui.

Les recommandations

Garantir la sécurité pour tous en :
Accélérant le processus visant à prendre une loi sur la réforme du secteur de la sécurité ;
Dotant les différents corps de moyens conséquents afin d’améliorer la sécurité de l’Etat, des biens et des personnes ;
Renforçant le respect des règles de déontologie des différents corps de
défense et de sécurité ;
Mettant en place une chaîne de commandement sans équivoque et sans redondance occulte ;
Accélérant le processus de démobilisation, de réinsertion des ex-combattants ;
Luttant efficacement contre la prolifération des armes légères ;
Libérant toutes les propriétés privées encore occupées et en réhabilitant toutes celles qui ont subi des dommages.
Prenant toutes les mesures pour garantir le retour des réfugiés sur le territoire national (art 12 constitution ivoirienne)

Justice et l’équité pour tous en :
Prenant un texte qui définit ‘’la victime de guerre’’ en Côte d’Ivoire et pour une prise en charge de ces victimes de guer­re ;
Assurant l’accompagnement juridique et judiciaire des victimes ;
Rendant publique l’intégralité du rapport de l’enquête sur les violations des Dh et du Dih survenues dans la période du 31/10/10 au 15/05/ 2011 publié en juillet 2012 ;
Renouvelant le mandat et dotant de moyens conséquents la Cellule spéciale d’enquête sur la crise en Côte d’Ivoire,
Mettant en œuvre les réformes de la justice en vue de la rendre plus accessible et crédible ;
S’assurant que la garde-à-vue y compris dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire (Dst) ne dépasse pas le délai de 48 heures comme le dispose l’article 63 du Code de procédure pénale ;
Combattant l’impunité pour donner une chance à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale.

Engagements et réformes afin d’améliorer les droits civils et politiques :
ratifier le protocole sur les
disparitions forcées ;
définir et criminaliser la torture ;
mettre en place une nouvelle Cei qui dans sa forme actuelle tient du contexte de la crise ;
Mettre en place un Observatoire
national du genre ;
maintenir et réformer la Cdvr ;

Les droits économiques et sociaux et culturels (Desc)
Les avancées

L’adhésion de la Côte d’Ivoire à la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et à la convention des Nations unies contre la corruption ;
L’adoption de l’ordonnance n°2013-660 du 20 septembre 2013 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ;
La création d’une Haute autorité pour la bonne gouvernance ;
La suppression de la production, de l’importation, de la commercialisation, de la détention et de l’utilisation des sachets plastiques en Côte d’Ivoire ;
La loi sur le foncier rural ;
La publication des taux d’endettement par le gouvernement ivoirien.

Les limites / les insuffisances

Au niveau du droit au développement,
l le taux de pauvreté avoisine les 50% et le taux des sans-emplois, selon le Bureau international du travail (Bit) avoisine les sept (7) millions. L’absence de statistiques régulières sur l’emploi ne donne pas de visibilité sur cette question et renseigne mal sur la capacité du gouvernement à satisfaire ce droit.

Au niveau de la cherté de la vie,
l la croissance économique annoncée est en nette augmentation (le taux de croissance économique est passé de 8,1% en 2011 à 9,8 % en 2012), cependant les retombées sur les populations ne sont pas encore perceptibles. Malgré les efforts du gouvernement à baisser les prix des produits de 1ère nécessité tels que l’huile, l’essence,…l’impact sur le pouvoir d’achat des po­pulations reste faible.

Au niveau de la dette,

l une partie de la dette intérieure a fait l’objet de rejet par le gouvernement récemment alors qu’elle avait été contractée par l’administration précédente. Cela met à mal le principe de la continuité de l’administration ainsi que la confiance entre l’Etat et ses fournisseurs.

Au niveau de la corruption,
l le pourcentage de marchés conclus de gré à gré est en nette augmentation par rapport à la norme communautaire; cela fausse le jeu de la concurrence et contrarie la volonté affichée du gouvernement d’améliore la gouvernance. Une des con­séquences est la corruption qui est omniprésente dans tous les secteurs d’activités. Le classement 2013 de l’indice de perception de la corruption de Transparency international situe la Côte d’Ivoire au 136ème rang sur 176 pays. Elle a ainsi reculé de 6 places en l’espace d’un an. La Haute autorité de la bonne gouvernance (créée en lieu et place de la Haute autorité de lutte contre la corruption) doit être indépendante pour assurer pleinement son rôle de contrôle de tout citoyen ivoirien et de l’action publique. Or, cette institution est placée sous l’autorité du chef de l’Etat, ce qui ne garantit pas son indépendance et son impartialité.

Au niveau du foncier rural,
l de nombreux rapports et témoignages font état de nombreux conflits souvent intercommunautaires sur le foncier rural. Malgré la mesure législative visant à faire des aménagements de la loi de 1998 afin de résoudre cette question rien n’est encore effective.
l pour les femmes des inégalités existent dans le domaine de l’accès, de l’exploitation des terres et des ressources productives.

Au niveau de la sécurité sociale,
l seulement 10% des populations (PND2012-2015) ont une couverture sociale partielle ou totale. C’est une discrimination dès lors que le principe constitutionnel est «l’égalité des chan­ces » de tous les citoyens.

Au niveau du droit à la santé,
l la situation des centres de santé communautaires est préoccupante depuis la gratuité et maintenant la gratuité ciblée. Alors que cette expérience encouragée par la Banque mondiale introduisait l’implication de la société civile dans la gestion de ces unités de base, la tendance du gouvernement actuel est de mettre fin à cette belle expérience. Le personnel a des arriérés de salaire, les centres de santé ont des dettes sur l’Etat et n’arrivent plus à retrouver leur équilibre financière.
Les plateaux techniques de notre système de santé ne remplissent pas les critères des standards internationaux en la matière.

Au niveau du droit à l’éducation ;
l depuis 2003, les sessions de remplacement des examens à grand tirage ont été suspendues à titre exceptionnel. Cela fait 10 ans que l’exceptionnel est de mise. Cette décision administrative est aujourd’hui illégale.
Alors que la Côte d’Ivoire a opté pour la gratuité de l’école, des frais d’inscription existent dans le secondaire et dans le supérieur. En tant que conditions d’accès, ils constituent un frein au droit à l’éducation. Pire, le ministère de l’Education nationale et de l’enseignement technique a fait une répartition et s’attribue une partie de ses frais déposés sur des comptes autres que ceux du Trésor public ivoirien.
L’école de base, préscolaire et primaire n’est jusque-là pas obligatoire afin de donner la chance à tous les enfants d’aller à l’école, jusqu’au moins à l’âge de 14 ans malgré les engagements internationaux de l’Etat de Côte d’Ivoire.
- si l’introduction du système Lmd est progressive dans l’enseignement supérieur, les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies.

Les recommandations

Lutter contre la pauvreté par :

la poursuite de l’objectif de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent en 2020 ;
tout en évitant une croissance sans développement ;
payer au plus vite la dette intérieure afin de permettre aux opérateurs économi­ques de poursuivre et consolider le tissu économique ivoirien.

œuvrer au relèvement des indicateurs de performances de la Côte d’Ivoire en matière de gouvernance et de con­trôle de la corruption.

Rendre indépendante la Haute autorité à la bonne gouvernance.
Prendre une loi spécifique sur l’enrichissement illicite (conformément aux accords de Linas-Marcoussis) pour com-­ plé­ter le dispositif institutionnel de la lutte contre la corruption.

Résoudre la question
du foncier rural par :
La vulgarisation de la loi et l’implication de toutes les parties prenantes (administration, populations, géomètres-experts, notaires),

Donner une réalité
à la sécurité sociale ;
Accélérer la réforme de la Couverture santé universelle et la mettre à la portée de tous les citoyens conformément au principe de l’égalité des chances,
Doter les inspections du travail de mo­yens conséquents afin d’éviter le travail au noir,
Mettre spécialement l’accent sur la déclaration des gens de maison (servante, chauffeur, cuisinier …) et les travailleurs dans les maquis, les restaurants, boîtes de nuit….

Garantir le droit à la santé pour tous,
Mettre un numéro vert à la disposition des inspections du travail et de la Cnps pour recenser toutes les plaintes sur les violations des droits des travailleurs.

Donner au droit au travail
une réalité concrète,
Renforcer la législation sur le droit a
u travail ;
Renforcer l’encadrement professionnel des jeunes ;
Réhabiliter les structures de formation professionnelle détruites par la guerre et accroître leur implantation sur le territoire national ;
Amener les banques à accompagner financièrement la formation des jeunes avec des plans de remboursement adaptés ;
Amener les structures décentralisées à présenter un plan à l’emploi-jeune ;
Donner un statut aux travailleurs des structures décentralisées ;
Publier régulièrement les statistiques sur le chômage et les sans-emploi ;

Garantir le droit à l’éducation,

Rendre effective la gratuité de l’école et obligatoire l’éducation de base ;
Supprimer toute cotisation devant participer au fonctionnement du ministère de l’Education nationale qui reçoit un budget annuel à cet effet ;
Reprendre à partir de cette année les sessions de remplacement des examens à grand tirage pour permettre à tous ceux qui pendant la période des examens de juin et juillet sont victimes de situations inattendues d’avoir les mêmes chances que les autres.
Créer un comité national de suivi du Lmd avec tous les partenaires du monde éducatif afin de lui donner toutes les chances de réussite.
Doter la Côte d’Ivoire d’un Observatoire du droit à l’éducation afin d’évaluer l’évolution du droit à l’éducation en Côte d’Ivoire.
Fait à Abidjan, le 09/12/2013
Pour la Csci,
Le coordonnateur national
Dr Christophe Kouamé

NB : La titraille est de la Rédaction.
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